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14/12/2021
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Tribunal civil Brabant wallon (réf.), 14/12/2021


Jurisprudence - Droit judiciaire

J.L.M.B. 22/5
Astreinte - Révision - Conditions .
Le juge qui a prononcé l'astreinte est seul compétent pour la réviser. Pour ce faire, il ne peut avoir égard qu'aux causes d'impossibilité qui n'étaient pas connues lors du prononcé de cette astreinte, soit qu'elles ne sont apparues qu'après le prononcé de la décision ordonnant l'astreinte, soit, lorsqu'elles étaient préexistantes, que le condamné n'en avait pas fait état au juge avant le prononcé de la condamnation principale et de l'astreinte.

(Jérôme / S.A. M., Amaury et Erika )


(...)
II. Exposé des faits et antécédents de la procédure
2.1. Les faits peuvent-être utilement synthétisés comme suit :
  • Amaury expose qu'en date du 24 août 2021, il a déposé plainte avec constitution de partie civile entre les mains du juge d'instruction du tribunal de première instance du Brabant wallon, pour :
    • Abus de confiance.
    • Vol de deux téléphones portables.
    • Infractions contre la confidentialité, l'intégrité et l'indisponibilité des systèmes informatiques et des données qui sont stockées, traitées ou transmises par ces systèmes (article 550bis du Code pénal).
  • Le 27 août 2021, la S.A. M., Amaury et Erika signifient à Jérôme une citation à comparaître devant le tribunal de référé de Nivelles.
  • Par une ordonnance de référé du 9 septembre 2021, le requérant est notamment condamné à restituer deux G.S.M. appartenant à Amaury et Erika, dans les huit jours à dater de la signification de l'ordonnance. La condamnation est assortie d'une astreinte de 100 euros par jour de retard, avec un maximum de 40.000 euros (la décision comporte une modalité précisant que l'astreinte ne sera plus due à partir du moment où le juge d'instruction saisi par les demandeurs ordonnerait la saisie du matériel téléphonique).
  • À cette occasion, le tribunal a constaté que l'urgence était uniquement motivée pour le vol allégué des deux G.S.M. privés de marque Samsung qu'Erika et Amaury imputaient au défendeur. Il ressort de l'exposé des faits que Jérôme a expressément contesté à l'audience avoir volé les téléphones Samsung d'Amaury et Erika.
  • Statuant dans les limites du référé, le tribunal a estimé - en dépit des contestations de Jérôme - que l'existence d'une apparence de droit était suffisante pour ordonner une mesure conservatoire de restitution des G.S.M. sous peine d'astreinte.
  • Dans le cadre de l'appréciation sommaire réalisée sur la base des éléments contradictoirement déposés et de l'article 8.1, 7°, du nouveau Code civil, le tribunal a tenu compte de la pièce 17 versée au dossier d'Erika et Amaury, à savoir la reproduction du S.M.S. suivant attribué à Jérôme :

« Ouais, j'ai les 2 Samsung (...) Les photos de toi et ta femme, ils les verront tous ».

  • Le tribunal rappelle en outre dans le corps de l'ordonnance que « (...) le juge du fond, éventuellement saisi, ne sera pas lié par notre décision et restera libre de se départir de notre analyse des droits des parties ».
  • À défaut d'avoir procédé à la restitution des G.S.M., l'ordonnance est signifiée à Jérôme le dix septembre 2021 par Amaury et Erika.
  • Jérôme introduit - tardivement - une requête d'appel le 15 octobre 2021, visant à mettre à néant l'ordonnance de référé du 9 septembre 2021 (« (...) le requérant a essayé de se défendre seul devant le premier juge, mais sans succès. Raison pour laquelle le requérant a interjeté appel »). Il y développe une argumentation essentiellement articulée autour du fait qu'il conteste être en possession matérielle des G.S.M. (excès de compétence du juge des référés ; violation de l'article 4 du titre préliminaire du C.I.Cr. ; absence d'urgence vu l'absence de vol ; défaut de preuve d'images susceptibles de porter atteinte à Amaury et Erika ; absence de prise en considération du contexte ; défaut de crédibilité de la preuve et absence de commencement de preuve par écrit puisque Jérôme conteste être l'auteur d'un message S.M.S. suspect eu égard aux relations entre les parties).
  • À l'audience du 30 novembre 2021, le conseil de Jérôme confirme qu'il s'est désisté de ce cette procédure avant l'audience d'introduction devant la cour d'appel.
  • Le 24 novembre, Jérôme introduit la présente procédure.
III. Objet des demandes
3.1. La partie requérante, Jérôme, formule les demandes suivantes :
a. À titre principal :
  • Supprimer l'astreinte liée à la restitution des G.S.M. Samsung (...) et ce, depuis l'ordonnance du 9 septembre 2021.
b. À titre subsidiaire :
  • Suspendre l'astreinte du 9 septembre 2021 jusqu'à la fin de la procédure pénale.
c. En tout état de cause :
  • Condamner la partie citée aux entiers dépens de l'instance, en ce compris, l'indemnité de procédure.
  • Sous toutes réserves généralement quelconques et sans aucune reconnaissance préjudiciable et sous réserve d'augmentation ou de diminution en cours d'instance.
3.2. Les parties défenderesses, la S.A. M., Amaury et Erika, formulent les demandes suivantes :
  • Prendre l'affaire en débats succincts.
  • Déclarer le recours irrecevable ou à tout le moins non fondé.
  • Condamner la partie requérante aux frais et dépens, en ce compris l'indemnité de procédure fixée à son montant maximum de 13.000 euros.
IV. Discussion
A. Examen de la recevabilité
4.1 Les parties défenderesses soulèvent les moyens d'irrecevabilité suivants qu'il s'impose de rencontrer en priorité :
  • Le requérant n'allègue pas l'urgence et ne remplit pas la première condition de la procédure en référé.
  • Les défendeurs sont domiciliés à K. et le juge saisi est territorialement incompétent (article 624, 1°, du Code judiciaire).
  • Le juge des référés est matériellement incompétent dès lors que la citation a pour objet à titre principal la suppression de l'astreinte et que la contestation aurait dû être portée devant le juge des saisies.
  • Le juge des référés ne peut remettre en cause l'autorité et la force de chose jugée d'une décision rendue sur le fond des droits des parties. En l'espèce, l'ordonnance a été rendue le 9 septembre 2021 et signifiée le 10 septembre. Elle n'est plus susceptible de recours. Or, la partie requérante entend précisément remettre en cause les éléments tranchés dans l'ordonnance précitée par le biais du présent recours.
4.2. La doctrine a souvent eu l'occasion de rappeler que, émanant d'un instrument international propre au Benelux [1], « le système de l'astreinte mis en place dans notre pays présente logiquement une certaine autonomie par rapport à nos concepts belges du droit civil ou du droit judiciaire » (O. Mignolet, « La révision de l'astreinte : une impossible équation ? », note sous Cass., 14 octobre 2004, R.C.J.B., 2005/4, p. 784, n° 64).
Il n'est pas douteux que le requérant fonde sa demande sur l'application de l'article 1385quinquies du Code judiciaire - transposant l'article 4.1 de la loi uniforme - lequel dispose que :

« le juge qui a ordonné l'astreinte peut en prononcer la suppression, en suspendre le cours durant le délai qu'il indique ou la réduire, à la demande du condamné, si celui-ci est dans l'impossibilité définitive ou temporaire, totale ou partielle de satisfaire à la condamnation principale ».

4.3. Selon le prescrit de l'article 1385quinquies du Code judiciaire (comme de l'article 4 de la Convention Benelux portant la loi uniforme sur l'astreinte), le juge qui a prononcé l'astreinte est le seul à être compétent pour la réviser (cette compétence exclusive tient en échec la compétence du juge des saisies ; sur ce point voir également G. De Leval et J. Van Compernolle, « L'astreinte », Rép. not., Larcier, 3e éd., p. 88, n° 124).
Le tribunal de première instance du Brabant wallon, siégeant en référé, est dès lors seul à justifier de la compétence (territoriale et matérielle) requise, à l'exclusion de tous les autres, puisqu'il a rendu l'ordonnance comminant l'astreinte.
En conséquence, il apparaît que les exceptions d'irrecevabilité soulevées par les parties défenderesses sont dénuées de pertinence et doivent être rejetées.
B. Quant à la demande
4.4. Le régime des astreintes prévoit deux modes de révision : un mode qu'on peut qualifier d'automatique (relatif à l'était de faillite ou de décès du débiteur), et un autre soumis à une appréciation préalable du juge, lorsqu'est alléguée l'impossibilité de satisfaire à la condamnation principale.
Il est certain que les hypothèses d'impossibilité effective au sens de l'article 1385quinquies du Code judiciaire incluent celles qui ont trait à une impossibilité d'ordre matériel. À cet égard, une impossibilité préexistante au titre qui commine l'astreinte doit logiquement être prise en considération par le juge auquel la demande de révision est adressée.
Il convient cependant d'avoir à l'esprit que le juge « (...) ne peut toutefois avoir égard qu'aux causes d'impossibilité qui n'étaient pas connues lors du prononcé de l'astreinte [2], soit qu'elles ne sont apparues qu'après le prononcé de la décision ordonnant l'astreinte, soit, lorsqu'elles sont préexistantes, que le condamné n'en ait pas fait état au juge qui a prononcé la condamnation principale et l'astreinte, avant qu'il ordonne celles-ci » (O. Mignolet, « L'astreinte, chronique de jurisprudence 2007-2011 », J.T., 2012, n° 6502, p. 859, n° 27 ; sur ce point, voir également O. Mignolet, « La révision de l'astreinte : une impossible équation ? », R.C.J.B., 2005/4, p. 740, n° 15 et les références citées).
En effet, le principe de la faculté de révision prévue à l'article 1385quinquies du Code judiciaire doit se concilier avec les autres principes fondamentaux de notre droit judiciaire et, dès lors, être strictement circonscrit par les exigences inhérentes à l'autorité de la chose jugée.
4.5. Dans le cas d'espèce, il est patent que le requérant poursuit en réalité - après avoir tardivement introduit une procédure d'appel à l'encontre de l'ordonnance précitée du 9 septembre 2021 - très exactement la même discussion que devant le juge qui a prononcé l'astreinte. Or, la procédure visée à l'article 1385quinquies du Code judiciaire répond à des exigences propres et n'est pas un substitut procédural à la négligence des parties.
La cause de l'impossibilité matérielle alléguée réside précisément dans la circonstance que Jérôme prétend ne pas détenir les G.S.M. litigieux. Or, il a été rappelé que ce point a été expressément soulevé par le requérant à l'audience du 31 août 2021. La motivation de l'ordonnance témoigne que le juge des référés a pris en considération les éléments de faits et de droit qui fondent sa décision provisoire sur ce point.
Partant, le requérant n'établit pas l'existence d'une cause de modification de l'astreinte au sens de l'article 1385quinquies et il ne se justifie pas de faire droit à sa demande sur la base de l'impossibilité postulée de restituer les G.S.M.
La demande doit être déclarée non fondée.
C. Quant aux dépens
4.6. Pour ce qui concerne les dépens de la présente procédure, il convient de condamner la partie requérante aux frais et dépens, en ce compris l'indemnité de procédure. Rien ne justifie cependant que le montant maximum de 13.000 euros soit préféré au montant de base de l'indemnité de procédure, qui sera seul retenu.
4.7. En application des articles 2 et 29 de la loi du 14 octobre 2018 « modifiant le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe en vue de réformer les droits de greffe », l'article 2691 du même code prévoit qu'un droit de 165 euros est dû pour chaque cause inscrite ou réinscrite depuis le 1er février 2019 au rôle général dans les tribunaux de première instance.
4.8. Dans la mesure où le demandeur succombe, les frais de citation qu'il a exposés lui sont délaissés, les dépens comprennent les 20 euros de contribution forfaitaire au fonds d'aide juridique.
En conséquence :
Écartant tout autre moyen devenu sans pertinence en raison de sa décision, statuant contradictoirement et en référé.
(...)
  • Déclarons la demande de révision de l'astreinte non fondée.
  • Délaissons à Jérôme les frais de citation qu'il a exposés et le condamnons à payer à la S.A. M., Amaury et Erika l'indemnité de procédure de 1.560 euros.
(...)
Siég. :  M. S. Vanommeslaeghe.
Greffier : M. S. Leblicq.
Plaid. : MesJ. De Cartier D'Yves et V. Hendrikx.

 


[1] Voir la loi du 31 janvier 1980 approuvant la Convention Benelux portant loi uniforme relative à l'astreinte et son annexe, signée à La Haye le 26 novembre 1973.
[2] Le tribunal met en évidence.


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Le juge qui a prononcé l'astreinte est seul compétent pour la réviser. Pour ce faire, il ne peut avoir égard qu'aux causes d'impossibilité qui n'étaient pas connues lors du prononcé de cette astreinte, soit qu'elles ne sont apparues qu'après le prononcé de la décision ordonnant l'astreinte, soit, lorsqu'elles étaient préexistantes, que le condamné n'en avait pas fait état au juge avant le prononcé de la condamnation principale et de l'astreinte.

Mots-clés

Astreinte - Révision - Conditions

Date(s)

  • Date de publication : 14/01/2022
  • Date de prononcé : 14/12/2021

Référence

Tribunal civil Brabant wallon (réf.), 14/12/2021, J.L.M.B., 2022/2, p. 89-93.

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Procédures particulières (affaires civiles) > Astreinte > Suppression, réduction

Éditeur

Larcier

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