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27/01/2021
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Cour d'appel Liège (3e chambre C), 27/01/2021


Jurisprudence - Droit des assurances

J.L.M.B. 21/287
Assurances - R.C. auto - Protection des usagers faibles - Notion d'accident de la circulation - Véhicule-outil - Participation à la circulation (non) - Dommages caractéristiques (non) .
Si, lorsqu'en se déplaçant sur la voie publique, un engin qui n'est pas conçu pour le transport de personnes ou de choses sur les routes mais pour servir d'engin destiné à réaliser des opérations autres que pareil transport, cause des dommages d'une manière qui est caractéristique des dommages provoqués par des véhicules automoteurs dans la circulation, il doit être considéré que ces dommages sont causés dans la circulation, sauf si les déplacements du véhicule automoteur ne peuvent raisonnablement être envisagés que comme une partie des manoeuvres liées à l'utilisation du véhicule automoteur en tant qu'« engin ».
L'excavateur qui n'est pas utilisé pour transporter une personne ou une chose d'un lieu à un autre mais qui cause un accident à l'occasion de manoeuvres sur un chantier protégé par des barrières le séparant de la chaussée, ne peut être considéré comme participant à la circulation routière. La victime qui se baisse pour ramasser une corde posée par terre dans l'exécution de travaux de poses de câble électriques ne participe pas davantage à la circulation routière.
Les lésions subies par la victime sont compatibles avec des blessures subies par un piéton renversé par un véhicule sans être pour autant caractéristiques des dommages provoqués par les véhicules automoteurs dans la circulation, dès lors qu'elles peuvent survenir en d'autres circonstances, notamment à l'occasion d'une chute dans un cadre domestique ou sportif.

(Angelo / Fédérale Assurance S.C. )


(...) Vu le jugement prononcé le 10 octobre 2019 par le tribunal de première instance de Liège, division de Liège, statuant comme juge d'appel qui, en application de l'article 643 du Code judiciaire, renvoie la cause devant le juge d'appel compétent, soit la cour d'appel de Liège.
(...)
Antécédents de la procédure
1. Le 17 septembre 2015 vers 15 heures 45, (...) à Liège, les préposés de la société W. travaillent sur le trottoir bordant la chaussée. Ils ouvrent le trottoir pour y placer des câbles électriques. Le périmètre du chantier est matérialisé par des barrières.
Angelo, terrassier travaillant sur ce chantier pour compte de son employeur, la société W. précitée, est renversé par un excavateur sur chenilles en caoutchouc de marque K. piloté par un collègue de travail, également préposé de la firme W. Il est blessé au pied gauche et au genou droit.
Le sinistre est déclaré à la Caisse commune Fédérale Assurance qui est l'assureur-loi de l'entreprise W. et qui reconnaît l'existence d'un accident de travail. Le préjudice subi par Angelo est donc indemnisé en loi sur la base de la loi du 10 avril 1971.
Angelo souhaite en outre que Fédérale Assurance, en sa qualité d'assureur R.C. de la société W., l'indemnise selon les règles du droit commun de la responsabilité pour les postes du préjudice non couverts par l'assureur-loi.
(...)
Par lettre du 15 juin 2017, Fédérale Assurance refuse de procéder à l'indemnisation d'Angelo en droit commun au motif qu'il ne s'agit pas d'un accident de la circulation, la pelleteuse en cause étant un véhicule-outil qui n'est pas immatriculé.
(...)
Discussion
(...)
II. Quant au fond - Notion d'accident de la circulation
1. La notion d'accident de la circulation est au coeur du litige puisqu'elle conditionne l'application des dispositions légales sur lesquelles Angelo fonde sa demande.
En effet, la demande d'indemnisation formulée par Angelo se base sur :
  • L'article 46, paragraphe 1er, 6°, de la loi du 10 avril 1971 qui prévoit un cas de levée de l'immunité dont bénéficie l'employeur lorsque : « l'accident est un accident de roulage. Par accident de roulage, on entend tout accident de la circulation routière impliquant un ou plusieurs véhicules automoteurs ou non, et lié à la circulation sur la voie publique ».
  • L'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs qui dispose que : « en cas d'accident de la circulation impliquant un ou plusieurs véhicules aux endroits visés à l'article 2, paragraphe 1er, (...) tous les dommages subis par les victimes et leurs ayants droit (...) sont réparés solidairement par les assureurs qui, conformément à la présente loi, couvrent la responsabilité du propriétaire, du conducteur ou du détenteur des véhicules automoteurs ».
Un accident de la circulation est défini comme tout accident de la circulation routière dans lequel sont impliqués des moyens de transport, des piétons ou des animaux visés par le Code de la route du 1er décembre 1975 et qui est relatif aux risques de la circulation routière. La seule circonstance qu'il y a un contact entre un véhicule en stationnement sur la voie publique et la victime ne suffit pas pour qu'il soit question d'un accident de la circulation [1].
La participation à la circulation routière s'entend de l'usage par un véhicule d'une voie de communication en vue de transporter une personne ou une chose d'un lieu à un autre [2].
Dans un arrêt prononcé le 19 mars 2012 [3], la Cour de cassation précise que l'accident de la circulation est celui qui est visé par les articles 2, paragraphe 1er, et 3, paragraphe 1er, de la loi du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire des véhicules automoteurs et que la portée de ces dispositions doit être déterminée conformément à l'interprétation donnée par la Cour de justice Benelux dans un arrêt prononcé le 23 octobre 1984 des articles 2, paragraphe 1er, et 3, paragraphe 1er, au contenu similaire, des dispositions communes annexées à la Convention Benelux du 24 mai 1966 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité civile en matière de véhicules automoteurs, et qui dit pour droit que :
  • La responsabilité de dommages résultant des manoeuvres d'un véhicule automoteur, sans qu'il y ait de la part de celui-ci participation à la circulation, ne constitue pas une responsabilité qui doit être couverte en vertu de l'article 3, paragraphe 1er, précité.
  • La circonstance que les dommages sont causés par un véhicule automoteur qui n'est pas conçu, ou ne l'est pas uniquement, pour le transport de personnes ou de choses sur des routes ou des terrains, mais pour servir, exclusivement ou non, d'engin destiné à réaliser des opérations autres que pareil transport, et que ces dommages sont causés alors que le véhicule automoteur est utilisé ainsi en tant qu'engin, n'empêche pas de considérer que le véhicule automoteur participait à la circulation.
  • En particulier, lorsqu'en se déplaçant sur une voie publique ou un terrain au sens de l'article 2, paragraphe 1er, desdites dispositions communes, le véhicule automoteur cause des dommages d'une manière qui est caractéristique des dommages provoqués par les véhicules automoteurs dans la circulation, le fait de l'utilisation concomitante du véhicule automoteur comme engin, au sens précité, ne saurait empêcher de considérer que les dommages ont été causés dans la circulation.
  • Cependant, il n'y a pas lieu de décider que tel est le cas lorsque les déplacements du véhicule automoteur ne peuvent raisonnablement être envisagés que comme une partie des manoeuvres liées à l'utilisation du véhicule automoteur en tant qu'« engin » et que les dommages n'ont pas été causés d'une manière qui, pour le reste, est caractéristique des dommages provoqués par les véhicules automoteurs dans la circulation.
Par conséquent, si, lorsqu'en se déplaçant sur la voie publique ou un terrain au sens de l'article 2, paragraphe 1er, un engin qui n'est pas conçu pour le transport de personnes ou de choses sur des routes ou des terrains mais pour servir d'engin destiné à réaliser des opérations autres que pareil transport, cause des dommages d'une manière qui est caractéristique des dommages provoqués par des véhicules automoteurs dans la circulation, il doit être considéré que ces dommages sont causés dans la circulation, sauf si les déplacements du véhicule automoteur ne peuvent être raisonnablement envisagés que comme une partie des manoeuvres liées à l'utilisation du véhicule automoteur en tant qu'« engin ».
Deux critères sont donc pris en considération :
  • la nature des déplacements effectués par le véhicule automoteur : effectue-t-il des déplacements envisagés comme des manoeuvres liées à l'utilisation du véhicule comme véhicule « engin », ou le déplacement du véhicule constitue-t-il une participation à la circulation routière ?
  • la nature des dommages causés par le véhicule automoteur : sont-ils ou non causés d'une manière qui est caractéristique des dommages provoqués par les véhicules automoteurs dans la circulation ?
2. En l'espèce, il n'est pas contesté que l'excavateur sur chenilles en caoutchouc de marque K. qui a renversé Angelo est un engin de chantier, soit un véhicule automoteur qui n'est pas conçu pour le transport de personnes ou de choses sur des routes ou terrains, mais pour servir d'engin destiné à réaliser des opérations autres que pareil transport.
Fédérale Assurance soutient que l'accident litigieux est survenu au sein de la zone de chantier dûment délimitée par des barrières dont l'accès est interdit aux tiers alors qu'Angelo et le machiniste conduisant l'engin sont en train de travailler. L'intimée produit des photos des lieux permettant de constater que les travaux sont réalisés sur le trottoir longeant la chaussée et que des barrières entourent ce chantier, ce que constate du reste le verbalisant P. qui s'est rendu sur place le jour de l'accident :

« Ce jour à 17 heures 10, nous arrivons rue (...). Nous constatons la présence d'un chantier de réfection des trottoirs dans la rue... ».

Selon la déclaration d'accident de travail, ce chantier consistait dans des travaux de pose de câbles pour compte d'ORES.
Angelo a déclaré le 24 novembre 2015 au dossier répressif :

« ...Ce jour-là vers 15 heures 30 on travaillait sur le chantier d'un trottoir. Nous devions ouvrir pour placer des câbles électriques. À un certain moment, je me suis baissé pour prendre une corde posée par terre. Près de moi, il y avait une petite décapeuse de cinq tonnes et demie conduite par un de mes collègues. Soudain, je me suis senti traîner par le pied gauche. La chenille en caoutchouc de la décapeuse avait écrasé le pied gauche en me faisant perdre l'équilibre et, après la jambe droite. J'ai hurlé et mon collègue a arrêté la décapeuse. Il était très effrayé. Ensuite, on m'a expliqué que l'on ne m'avait pas vu car je me trouvais « dans l'angle mort ». D'autres collègues sont arrivés et mon collègue a déplacé la décapeuse pour me libérer. L'ambulance est arrivée peu après. Le collègue qui était aux commandes de la décapeuse est très préoccupé et effrayé. Une fois l'ambulance arrivée, je ne me souviens plus de rien car on m'avait administré un anesthésique... Je confirme que mon collègue ne m'a pas vu ce jour-là... ».

Dans un rapport d'analyse de l'accident daté du 22 septembre 2015, il est précisé que la victime s'est déplacée vers la mini pelle pour y déposer quelque chose dans le bac de la machine. La victime se trouvait dans l'angle mort du machiniste et ce dernier lui a roulé sur les jambes.
Angelo a subi une fracture ouverte de la cheville gauche et une luxation du genou droit (avec complications au niveau [de] l'artère poplitée) ayant nécessité une intervention chirurgicale.
3. Il résulte des éléments qui précèdent que l'accident est survenu lors de manoeuvres liées à l'utilisation du véhicule automoteur de marque K. en tant qu'« engin ». Cet engin était utilisé sur un chantier situé sur un trottoir qu'il fallait ouvrir pour placer des câbles électriques. Ce chantier était protégé par des barrières le séparant de la chaussée.
La mini pelle n'était pas utilisée lors de l'accident pour transporter une personne ou une chose d'un lieu à un autre et elle ne participait pas à la circulation routière [4].
L'appelant se réfère à l'arrêt précité prononcé par la Cour de cassation le 19 mars 2012. Il sera relevé que le jugement attaqué faisant l'objet du pourvoi a considéré que le dommage résultant de l'accident constituait bien un dommage caractéristique pouvant être provoqué par des véhicules automoteurs dans la circulation (point 6 de l'arrêt) et que le déplacement du tracteur ne constituait pas une manoeuvre de manutention mais un mouvement de circulation (point 7 de l'arrêt), de sorte que cet arrêt n'est pas transposable aux faits de la présente cause où l'accident est survenu lors de manoeuvres liées à l'utilisation de la mini pelle en tant que véhicule « engin ».
La victime, Angelo, ne participait pas davantage à la circulation routière, il ne circulait pas d'un point à un autre comme le ferait un piéton qui circule sur la voie publique. En effet et ainsi qu'il l'a lui-même déclaré, Angelo s'est baissé pour ramasser une corde posée par terre dans l'exécution des mêmes travaux (pose de câbles électriques sur un trottoir dans le cadre d'un chantier réalisé par son employeur, la société W.).
Par conséquent, ni Angelo, ni le conducteur de l'engin ne participaient à la circulation routière.
L'appelant soutient qu'il a subi des dommages caractéristiques des dommages provoqués par les véhicules automoteurs dans la circulation. Fédérale Assurance le conteste et considère qu'il ne s'agit pas de lésions généralement présentées par un piéton renversé par un véhicule, mais bien de blessures spécifiques subies par une personne happée ou écrasée par un engin de chantier lourd.
La nature des dommages subis par Angelo suite à l'accident consiste en une fracture bimalléolaire ouverte de la cheville gauche, une entorse du genou droit (luxation) avec lésion artérielle poplitée et une fracture de tibia et péroné. Ces lésions ont nécessité une réduction fermée de luxation du genou droit et une réduction fermée de fracture avec fixation interne de la cheville gauche. Ces lésions peuvent être compatibles avec des blessures subies par un piéton renversé par un véhicule, sans être pour autant « caractéristiques des dommages provoqués par les véhicules automoteurs dans la circulation » dès lors qu'elles peuvent survenir en d'autres circonstances, notamment à l'occasion d'une chute dans un cadre domestique ou sportif.
Il suit de l'ensemble des éléments et considérations qui précèdent qu'Angelo n'a pas été victime d'un accident de la circulation au sens de l'article 29bis de la loi du 21 novembre 1989, ni d'un accident de roulage au sens de l'article 46, paragraphe 1er, 6°, de la loi du 10 avril 1971, soit d'un « accident de la circulation routière impliquant un ou plusieurs véhicules automoteurs ou non, et lié à la circulation sur la voie publique ».
(...)

Par ces motifs,
(...)
Dit l'appel non fondé,
Déboute Angelo de l'action en indemnisation sur la base du droit commun de la responsabilité qu'il a dirigée contre la S.C. Fédérale Assurance,
(...)
Siég. :  Mme M. Burton.
Greffier : Mme P. Lee.
Plaid. : MesJ. Bailly et Th. Dubuisson (loco N. Simar).

 


[1] Cass., 6 février 2009, n° C.07.0341.N.
[2] Cass., 6 janvier 2012, n° C.10.0343.F.
[3] Cass., 19 mars 2012, n° C.09.0313.F.
[4] Dans son arrêt prononcé le 15 novembre 2012 auquel se réfère l'appelant, la cour rappelle que la responsabilité de dommages résultant de manoeuvres d'un véhicule, sans qu'il n'y ait de la part de celui-ci participation à la circulation, ne constitue pas une responsabilité qui doit être couverte en vertu de la Convention Benelux du 24 mai 1996, et donc de la loi belge du 21 novembre 1989 dont le contenu est similaire. En l'espèce, l'engin de chantier K. ne participait pas à la circulation routière.


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Si, lorsqu'en se déplaçant sur la voie publique, un engin qui n'est pas conçu pour le transport de personnes ou de choses sur les routes mais pour servir d'engin destiné à réaliser des opérations autres que pareil transport, cause des dommages d'une manière qui est caractéristique des dommages provoqués par des véhicules automoteurs dans la circulation, il doit être considéré que ces dommages sont causés dans la circulation, sauf si les déplacements du véhicule automoteur ne peuvent raisonnablement être envisagés que comme une partie des manœuvres liées à l'utilisation du véhicule automoteur en tant qu'« engin ».

L'excavateur qui n'est pas utilisé pour transporter une personne ou une chose d'un lieu à un autre mais qui cause un accident à l'occasion de manœuvres sur un chantier protégé par des barrières le séparant de la chaussée, ne peut être considéré comme participant à la circulation routière. La victime qui se baisse pour ramasser une corde posée par terre dans l'exécution de travaux de poses de câble électriques ne participe pas davantage à la circulation routière.

Les lésions subies par la victime sont compatibles avec des blessures subies par un piéton renversé par un véhicule sans être pour autant caractéristiques des dommages provoqués par les véhicules automoteurs dans la circulation, dès lors qu'elles peuvent survenir en d'autres circonstances, notamment à l'occasion d'une chute dans un cadre domestique ou sportif.

Mots-clés

Assurances - R.C. auto - Protection des usagers faibles - Notion d'accident de la circulation - Véhicule-outil - Participation à la circulation (non) - Dommages caractéristiques (non)

Date(s)

  • Date de publication : 24/12/2021
  • Date de prononcé : 27/01/2021

Référence

Cour d'appel Liège (3e chambre C), 27/01/2021, J.L.M.B., 2021/42, p. 1918-1922.

Branches du droit

  • Droit économique, commercial et financier > Assurances > Assurance véhicules automoteurs > Indemnisation de l'usager faible
  • Droit social > Sécurité sociale-généralités > Accident du travail > Responsabilité civile

Éditeur

Larcier

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