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23/08/2021
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Commission d'appel francophone, 23/08/2021


Jurisprudence - Le droit de plainte des détenus (II)

J.L.M.B. 21/429
Prisons - Mesure de sécurité particulière (M.S.P.) - Internés - Assistance d'un avocat - Audition préalable .
L'appelant soutient que l'article 167, paragraphe 4, de la loi de principes contient une liste exhaustive des procédures dans le cadre desquelles une personne internée est obligatoirement assistée d'un avocat et, par conséquent, qu'une personne internée ne doit pas nécessairement être assistée d'un avocat lors d'une audition relative à une mesure de sécurité particulière, l'article 167, paragraphe 4, ne mentionnant pas ce cas de figure.
La Commission d'appel rappelle que le droit à l'assistance d'un avocat constitue un principe général de droit, indépendamment de toute disposition légale y relative.
Lorsque la loi de principes prévoit l'audition d'un détenu avant l'adoption d'une mesure de sécurité particulière, c'est justement pour permettre au détenu d'exposer ses moyens de défense quant à la mesure envisagée. Dans ce cadre-là, le détenu dispose du droit d'être assisté d'un avocat, si bien que la possibilité d'exercer ce droit doit lui être offerte.
Une personne internée se trouve précisément dans une position de vulnérabilité justifiant l'assistance d'un avocat lors de chaque audition, dès lors que son absence de discernement est établie et a été constatée dans une décision judiciaire.
De manière générale, l'assistance d'un avocat est prévue lorsqu'il est question de procédures relatives à des personnes internées ou à l'égard desquelles est formulée une demande d'internement. Ainsi, dans la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, dès qu'il est question de la personne internée, il est fait mention de son avocat, rappelant que toute procédure se déroule avec l'assistance de celui-ci.
Sans l'assistance d'un avocat, la personne internée ne peut valablement exercer ses droits de la défense.
L'article 167 de la loi de principes est une disposition transitoire, prise dans l'attente d'une législation relative au statut juridique interne des personnes internées - législation qui n'a, d'ailleurs, toujours pas été adoptée.
Bien que les auditions préalables à l'adoption d'une mesure de sécurité particulière ou au placemesnt ou renouvellement d'un régime de sécurité particulier individuel n'ont pas été expressément reprises à l'article 167 de la loi de principes, il est indéniable qu'une personne internée entendue dans ce contexte doit être assistée d'un avocat.

(Chef d'établissement coordinateur de la prison de Saint-Gilles / Théodore )


N° CA/21-0109
A. Étapes de la procédure et objet du recours
1. Le 16 juillet 2021, la Commission d'appel a accusé réception d'un recours de l'appelant susmentionné. Le recours est dirigé contre la décision datée du 8 juillet 2021 de la Commission des plaintes de Saint-Gilles (...).
Le 18 juillet 2021, le conseil de l'intimé a communiqué ses moyens de défense à la Commission d'appel, qui les a transmis le lendemain à l'appelant.
2. La Commission d'appel a pris connaissance du recours de l'appelant, de la défense de l'intimé et des observations, informations et pièces contenues dans le dossier administratif.
Tous les points soulevés et exposés par écrit sont repris dans la présente décision, en substance et sauf indication contraire.
B. Antécédents de la procédure
3. Le 16 avril 2021, un rapport au directeur est rédigé concernant l'intimé :

Ce jour, lors de la surveillance préau via le système de caméras, j'ai vu Théodore empoigner Léon. Le premier coup a été porté par le détenu Théodore. S'en est suivi un échange de coups entre les deux détenus. Certains détenus ont essayé de séparer les deux hommes. Léon a été conduit à l'infirmerie pour y recevoir les soins nécessaires et Théodore remis en cellule.

Le même jour, une mesure provisoire de consignation dans sa propre cellule est prise à l'égard de l'intimé pour « atteinte volontaire grave à la sécurité interne », à la suite de faits de « bagarre au préau ». Il est informé de l'ouverture d'une procédure disciplinaire à son encontre.
Le 19 avril 2021, l'audition disciplinaire se tient en présence de l'intimé et de son conseil. Le dossier ne comporte pas de rapport d'audition disciplinaire mais uniquement un rapport d'audition « M.S.P. ».
Le même jour à 15 heures 10, la direction prend une mesure de sécurité particulière (« M.S.P. ») à l'égard de l'intimé sur la base des articles 110, 112 et 113 de la loi de principes. La décision est rédigée comme suit :

• Vu les articles 110, 112 et 113 de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus ;

• Vu les éléments suivants propres au détenu, qui lui ont été exposés à l'occasion de son audition par le directeur le 19 avril 2021 ;

• Vu la nécessité de l'observer et de limiter les interactions pour assurer l'ordre et la sécurité le temps nécessaire ;

• Vu le parcours difficile sur une période longue de plusieurs mois et assez récente (nombreux incidents, agressivité, sanctions disciplinaires multiples, mesures de sécurité, mesures médicales) une M.S.P. nous semble nécessaire afin d'éviter des actes problématiques de l'intéressé et de minimiser les risques auto ou hétéro-agressifs en vue d'assurer son intégrité physique et celle des autres ;

• Vu que d'après les observations quotidiennes du personnel, l'intéressé adopte une attitude de meneur vis-à-vis d'un groupe de détenus et d'influence en général. Son comportement vis-à-vis des autres est problématique et qu'il crée un climat délétère ;

• Vu que ces éléments constituent des indices sérieux que l'ordre et la sécurité sont menacés ;

• Vu que le détenu a fait l'objet de la mesure provisoire suivante : Mesure provisoire d'solement en espace de séjour à partir du 16 avril 2021. La mesure de sécurité particulière décrite ci-après s'applique au détenu, pour une durée de sept jours, prenant cours le 19 avril 2021 et s'achevant le 25 avril 2021.

- Retrait ou la privation des objets suivants :

Afin de préserver la sécurité de l'établissement, de lui-même et des tiers, il y a lieu de lui retirer tout objet dangereux ou coupant permettant de porter atteinte à l'intégrité physique de qui que ce soit ou de quoi que ce soit. Les objets qui lui sont nécessaires pourront lui être donnés à la demande et récupérés immédiatement après usage.

- Exclusion des activités communes ou individuelles suivantes :

Il y a lieu de limiter les contacts avec les autres détenus et les tierces personnes afin de protéger le personnel, la population carcérale et les autres personnes présentes en prison.

- Exclusion de toutes activités communes :

•Il se rendra seul à la douche (ou bénéficiera d'une bassine d'eau chaude en cellule si la mise à la douche est impossible).

• L'exercice du culte se fera de façon individuelle.

• Aucune activité commune : pas de travail, ni de formation.

•Le préau se fera de manière individuelle.

Observation durant la journée et la nuit, tout en respectant au maximum le repos nocturne.

- Séjour obligatoire dans l'espace de séjour qui lui est attribué :

Il y a lieu de placer l'intéresser dans une cellule solo désignée par la direction afin que son comportement soit observé au mieux et qu'il n'y ait aucun objet pouvant mettre en danger des biens meubles et des tierces personnes.

(...)

Le 23 avril 2021, l'intimé est entendu dans le cadre de la prolongation de la M.S.P. Le rapport d'audition est rédigé comme suit :

Le directeur informe le détenu qu'il est entendu dans le cadre de l'application de l'article 110 de la loi du 12 janvier 2005 de principes concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus en vue de l'imposition d'une mesure de sécurité particulière.

Il fait état des éléments propres au détenu entendu dont il considère qu'ils constituent une menace pour l'ordre ou la sécurité.

Directeur : « Nous sommes là pour vous informer du renouvellement de la mesure de sécurité établie la semaine dernière, pour les raisons qui vous ont été exposées oralement et par écrit par ma collègue, Madame M. ».

Il donne la parole au détenu :

Détenu : « C'est-à-dire ? »

Directeur : « Vous restez en mesure de sécurité, selon les mêmes conditions que celles de la semaine écoulées ».

Détenu : « Pourquoi ? »

Directeur : « Pour les mêmes raisons que celles exposées la semaine dernière, notamment votre comportement général pendant les préaux ».

Détenu : « Je ne suis pas d'accord avec ça, on m'avait dit une semaine, je vais en parler avec mon avocate ».

Le directeur informe le détenu que la décision sera portée à sa connaissance par écrit.

Fait le 23 avril 2021, à 14 heures 06

Le même jour, la direction prend une décision de prolongation de la M.S.P. pour une durée de sept jours. Le contenu et la motivation de la décision de prolongation sont identiques à la décision du 19 avril 2021.
L'intimé introduit ensuite une plainte auprès de la Commission des plaintes en sollicitant l'annulation de la mesure provisoire du 16 avril 2021, la suspension et l'annulation de la M.S.P. du 19 avril 2021 et de la décision de prolongation de la M.S.P. du 23 avril 2021.
Le 28 avril 2021, la présidente de la Commission des plaintes a décidé de ne pas suspendre la M.S.P.
Le 29 avril 2021, les parties ont été entendues à l'audience de la Commission des plaintes.
Par décision du 8 juillet 2021, la Commission des plaintes a confirmé la mesure provisoire du 16 avril 2021 et a annulé la M.S.P. du 19 avril 2021 et la décision de prolongation de la M.S.P. du 23 avril 2021. Elle a en outre ordonné la suppression totale des décisions annulées du dossier disciplinaire de l'intimé.
Le 15 juillet 2021, l'appelant a fait appel de la décision susmentionnée.
L'appel porte uniquement sur le fait que la Commission des plaintes a estimé que la présence d'un avocat était légalement requise lorsqu'un interné fait l'objet d'une audition tenue préalablement à l'imposition d'une M.S.P. (article 110 de la loi de principes).
C. Position des parties
Position de l'appelant :
4. L'appelant demande à la Commission d'appel de réformer la décision querellée en ce qu'elle a estimé que la présence d'un avocat était légalement requise lorsqu'un interné faisait l'objet d'une audition tenue préalablement à l'imposition d'une M.S.P.
Il estime que la Commission des plaintes a fait une interprétation erronée de l'article 167 de la loi de principes, dont la rédaction démontre que le législateur était bien conscient de la nécessité d'avoir des règles adaptées pour les personnes internées. Le fait que le législateur ait prévu l'assistance d'un avocat pour la procédure disciplinaire mais pas pour l'audition préalable à la prise d'une M.S.P. ne peut être perçu comme une lacune du législateur mais bien comme un choix conscient de celui-ci. L'énumération figurant à l'article 167 (procédure disciplinaire, de plainte et d'appel) est limitative, si bien que la Commission des plaintes va au-delà de son rôle de contrôle de la légalité des décisions prises par le directeur en se plaçant à un niveau politique et en décidant de l'assistance de l'avocat lors d'une procédure M.S.P. Rajouter un élément à cette énumération est une prérogative du législateur et non de la Commission des plaintes.
En outre, il ne s'agissait pas d'une audition relative à une procédure disciplinaire mais de mesures relatives à l'ordre et à la sécurité (les M.S.P. étant des mesures d'ordre spécifiques). À suivre le raisonnement de la Commission des plaintes, il faudrait qu'un interné soit assisté d'un avocat pour toute mesure d'ordre prise à son égard (retrait d'emploi, visite à carreau, etc.), ce qui ne correspond pas à ce que le législateur a prévu et ne serait pas réalisable d'un point de vue pratique.
Enfin, outre le fait que les différentes règles internationales citées par la Commission des plaintes ne visent pas les personnes internées en tant que telles, elles ne sont pas directement applicables dans l'ordre juridique interne. En l'espèce, elles ne constituent, au mieux, que des recommandations.
Position de l'intimé :
5. L'intimé soulève en premier lieu l'absence d'intérêt de l'appelant à interjeter appel, justifiant que le recours de l'appelant soit déclaré irrecevable. Le recours de l'appelant porte uniquement sur la question de l'assistance d'un avocat lors d'une audition M.S.P., qui n'est qu'un motif surabondant de la décision litigieuse, dès lors que les motifs retenus pour justifier l'annulation des décisions de placement sous M.S.P. ne sont pas liés à l'assistance d'un avocat lors de la procédure préalable à l'adoption d'une M.S.P.
Ensuite, il renvoie au raisonnement développé par la Commission des plaintes dans la décision querellée, notamment sur l'inadéquation de la législation applicable aux internés en matière de statut juridique interne. Il rappelle qu'en vertu du principe d'égalité et de non-discrimination, toute situation qui appelle un traitement différencié doit se voir appliquer des règles distinctes. Ainsi, une personne internée, en raison de sa vulnérabilité, doit être considérée comme appartenant à une catégorie de détenus distincte, qui appelle un traitement spécifique - ce que reconnaît implicitement le législateur à l'article 167, paragraphe 1er, précité. Vu l'absence de régime spécifique légalement organisé, il y a lieu de faire une application de la loi qui soit respectueuse du principe d'égalité et de non-discrimination et ainsi adapter les règles à la situation des internés.
D. Examen de la recevabilité
6. Vu la date de la décision querellée (8 juillet 2021),
Vu la date à laquelle l'appelant en a pris connaissance (9 juillet 2021),
Vu la date de la requête d'appel (15 juillet 2021),
Vu la forme de la requête d'appel,
Le recours est recevable au regard des articles 150 et 159 de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus (ci-après « loi de principes »).
Le fait que le recours de l'appelant porte sur un motif qui n'a pas été déterminant pour l'annulation de la décision initialement querellée est sans incidence sur la recevabilité de celui-ci.
Le recours de l'appelant est recevable, même si celui-ci vise un obiter dictum.
E. Examen du fondement
7. L'article 110, paragraphe 2, de la loi de principes prévoit que le détenu est entendu avant que le directeur ne prenne une décision quant à l'imposition d'une mesure de sécurité particulière.
L'article 167 de la loi de principes dispose ce qui suit :

Paragraphe 1er. Sauf dispositions contraires, les dispositions de la présente loi sont applicables aux personnes internées sur la base des articles 7 et 21 de la loi du 9 avril 1930 de défense sociale contre les anormaux, les délinquants d'habitude et les auteurs de certains délits sexuels, en attendant qu'une loi détermine le statut juridique applicable à ces personnes.

Paragraphe 2. Les articles 17, 18 et 163 à 166 inclus relatifs au placement et au transfèrement ne sont pas applicables aux personnes visées au paragraphe 1er.

Paragraphe 3. Vis-à-vis des personnes visées au paragraphe 1er, le plan de détention individuel visé à l'article 38 doit être établi en tenant compte de leurs besoins spécifiques.

Paragraphe 4. Dans le cadre d'une procédure disciplinaire, d'une procédure de plainte et d'une procédure d'appel contre une décision de la Commission des plaintes, la personne visée au paragraphe 1er est toujours assistée par un avocat. Si l'intéressé ne choisit pas d'avocat, le directeur en fait part au bâtonnier de l'arrondissement judiciaire où se situe la prison, en vue de la commission d'office d'un avocat.

L'appelant soutient que l'article 167, paragraphe 4, de la loi de principes contient une liste exhaustive des procédures dans le cadre desquelles une personne internée est obligatoirement assistée d'un avocat et, par conséquent, qu'une personne internée ne doit pas nécessairement être assistée d'un avocat lors d'une audition relative à une mesure de sécurité particulière, l'article 167, paragraphe 4, ne mentionnant pas ce cas de figure.
La Commission d'appel rappelle que le droit à l'assistance d'un avocat constitue un principe général de droit, indépendamment de toute disposition légale y relative.
Chaque personne a le droit d'être assistée d'un avocat lorsqu'elle est entendue, en quelque qualité que ce soit, et a fortiori lorsqu'elle est amenée à devoir se défendre.
Lorsque la loi de principes prévoit l'audition d'un détenu avant l'adoption d'une mesure de sécurité particulière, c'est justement pour permettre au détenu d'exposer ses moyens de défense quant à la mesure envisagée.
Dans ce cadre-là, le détenu dispose du droit d'être assisté d'un avocat, si bien que la possibilité d'exercer ce droit doit lui être offerte.
8. L'assistance d'un avocat s'impose d'autant plus lorsque la comparution d'un justiciable sans avocat mettrait en péril les intérêts de celui-ci de manière démesurée.
C'est notamment pour ces motifs que plusieurs dispositions légales prévoient l'assistance d'un avocat dans des circonstances bien précises, notamment lorsqu'un tribunal estime que la passion ou l'inexpérience du justiciable l'empêche de défendre utilement sa cause ou que la procédure concerne un mineur (voy. notamment l'article 758, alinéa 2, du Code judiciaire et l'article 54bis de la loi du 8 avril 1965 relative à la protection de la jeunesse, à la prise en charge des mineurs ayant commis un fait qualifié infraction et à la réparation du dommage causé par ce fait).
Une personne internée se trouve précisément dans une position de vulnérabilité justifiant l'assistance d'un avocat lors de chaque audition, dès lors que son absence de discernement est établie et a été constatée dans une décision judiciaire.
Sans l'assistance d'un avocat, la personne internée risque de ne pas pouvoir se défendre de manière cohérente, ce qui mettrait nécessairement en péril ses intérêts de manière démesurée.
De manière générale, l'assistance d'un avocat est prévue lorsqu'il est question de procédures relatives à des personnes internées ou à l'égard desquelles est formulée une demande d'internement. Ainsi, dans la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, dès qu'il est question de la personne internée, il est fait mention de son avocat, rappelant que toute procédure se déroule avec l'assistance de celui-ci.
Sans l'assistance d'un avocat, la personne internée ne peut valablement exercer ses droits de la défense.
9. La direction prétend que, à suivre le raisonnement de la Commission des plaintes, la personne internée devrait être assistée d'un avocat lors de l'adoption de la moindre mesure d'ordre, telle que le licenciement d'un travail ou la décision d'interdire les visites à table.
Ce raisonnement ne peut être suivi dans la mesure où une audition n'est pas prévue pour l'adoption de ce type de mesure d'ordre.
Les seules hypothèses dans lesquelles la loi de principes prévoit l'audition obligatoire du détenu sont les auditions disciplinaires, les auditions préalables à l'adoption d'une mesure de sécurité particulière (M.S.P.) et les auditions préalables à la proposition de placement ou de renouvellement d'un régime de sécurité particulier individuel (R.S.P.I.). En dehors de ces hypothèses, la loi de principe n'impose pas l'audition du détenu.
Dans ces trois situations, les droits de la défense des détenus doivent être garantis, en ce compris le droit à l'assistance d'un avocat.
Il en va évidemment de même pour les personnes internées.
10. Sur le caractère exhaustif ou non de la liste de procédures reprises à l'article 167 de la loi de principes, la Commission d'appel rappelle que la loi de principes n'avait initialement pas vocation à s'appliquer aux personnes internées.
Le rapport final de la Commission « loi de principes concernant l'administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus » du 2 février 2001 fait au nom de la Commission de la Justice indiquait expressément que la position juridique des personnes internées incarcérées n'était pas réglée par le projet de loi et qu'elles étaient, par conséquent, exclues du champ d'application de l'avant-projet de loi. En outre, le rapport précisait que « il n'entrait pas dans les tâches de la Commission de réglementer la position juridique des catégories de personnes précisées. Au cas où le législateur élargirait le champ d'application du présent avant-projet, il conviendra de toute façon de tenir compte de la problématique spécifique présentée par des catégories de personnes citées » [1].
C'est seulement en bout de course que la question de la situation particulière des personnes internées a été abordée, lorsque le législateur s'est rendu compte du vide législatif en la matière, du risque que cette situation perdure et de la nécessité de fournir une solution provisoire.
L'article 167 de la loi de principes est une disposition transitoire, prise dans l'attente d'une législation relative au statut juridique interne des personnes internées - législation qui n'a, d'ailleurs, toujours pas été adoptée.
L'article 167 résulte d'un amendement proposé par le gouvernement (amendement n° 179 qui insérait initialement un nouvel article 174bis), qui justifiait sa proposition comme suit :

« Bien que le gouvernement soit d'avis qu'une réglementation globale distincte doit être élaborée pour les personnes internées, il estime que dans l'attente de cette réglementation, les internés ne peuvent rester privés d'un statut juridique interne. Il n'est pas défendable, ni à l'égard des internés, ni à l'égard du personnel, qu'au sein d'établissements qui hébergent à la fois des détenus et des internés, la première catégorie de personnes soit effectivement protégée par un statut juridique alors que celui-ci serait refusé aux internés, qui constituent déjà le groupe le plus vulnérable de la prison. (...) Étant donné que les internés sont déclarés irresponsables, le gouvernement estime indispensable que dans le cadre d'une procédure disciplinaire ou de plainte, ils soient obligatoirement assistés par un avocat » [2].

La Commission d'appel constate que cet amendement a été adopté à l'unanimité sans qu'il ne soit fait mention dans les travaux préparatoires d'un débat plus poussé, ni d'un examen plus minutieux de l'amendement proposé.
Ainsi, et pour les raisons développées ci-dessus, la Commission d'appel est d'avis que l'énumération de l'article 167 de la loi de principes doit être complétée par d'autres cas de figure que le législateur a omis de mentionner.
Bien que les auditions préalables à l'adoption d'une mesure de sécurité particulière ou au placement ou renouvellement d'un régime de sécurité particulier individuel n'ont pas été expressément reprises à l'article 167 de la loi de principes, il est indéniable qu'une personne internée entendue dans ce contexte doit être assistée d'un avocat.
Par ces motifs
(...)
Déclare le recours recevable mais non fondé. Confirme la décision querellée.
Siég. :  M. J.-L. Evrard, Mmes L. Kerzmann et M. Michel.
Plaid. : MeA. De Brouwer.

 


[1] Rapport final de la Commission « loi de principes concernant l'administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus » fait au nom de la Commission de la Justice par MM. Vincent Decroly et Tony Van Parys, Doc. parl., Chambre, 2000-2001, n° 0231/015, pp. 202-203.
[2] Proposition de loi de principes concernant l'administration pénitentiaire et le statut juridique des détenus - Amendements, Doc. parl., Chambre, 2003-2004, n° 0231/010, pp. 3-4.


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Sommaire

L'appelant soutient que l'article 167, § 4, de la loi de principes du 12 janvier 2005 concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus contient une liste exhaustive des procédures dans le cadre desquelles une personne internée est obligatoirement assistée d'un avocat et, par conséquent, qu'une personne internée ne doit pas nécessairement être assistée d'un avocat lors d'une audition relative à une mesure de sécurité particulière, l'article 167, § 4, ne mentionnant pas ce cas de figure.
 
La Commission d'appel rappelle que le droit à l'assistance d'un avocat constitue un principe général de droit, indépendamment de toute disposition légale y relative.
 
Lorsque la loi de principes prévoit l'audition d'un détenu avant l'adoption d'une mesure de sécurité particulière, c'est justement pour permettre au détenu d'exposer ses moyens de défense quant à la mesure envisagée. Dans ce cadre-là, le détenu dispose du droit d'être assisté d'un avocat, si bien que la possibilité d'exercer ce droit doit lui être offerte.
 
Une personne internée se trouve précisément dans une position de vulnérabilité justifiant l'assistance d'un avocat lors de chaque audition, dès lors que son absence de discernement est établie et a été constatée dans une décision judiciaire. De manière générale, l'assistance d'un avocat est prévue lorsqu'il est question de procédures relatives à des personnes internées ou à l'égard desquelles est formulée une demande d'internement. Ainsi, dans la loi du 5 mai 2014 relative à l'internement, dès qu'il est question de la personne internée, il est fait mention de son avocat, rappelant que toute procédure se déroule avec l'assistance de celui-ci. Sans l'assistance d'un avocat, la personne internée ne peut valablement exercer ses droits de la défense. L'article 167 de la loi de principes est une disposition transitoire, prise dans l'attente d'une législation relative au statut juridique interne des personnes internées, législation qui n'a, d'ailleurs, toujours pas été adoptée. Bien que les auditions préalables à l'adoption d'une mesure de sécurité particulière ou au placement ou renouvellement d'un régime de sécurité particulier individuel n'ont pas été expressément reprises à l'article 167, il est indéniable qu'une personne internée entendue dans ce contexte doit être assistée d'un avocat.

Mots-clés

Prisons - Mesure de sécurité particulière (M.S.P.) - Internés - Assistance d'un avocat - Audition préalable

Date(s)

  • Date de publication : 10/12/2021
  • Date de prononcé : 23/08/2021

Numéro de rôle

CA/21-0109

Référence

Commission d'appel francophone, 23/08/2021, J.L.M.B., 2021/40, p. 1823-1830.

Branches du droit

  • Droit pénal > Droit pénal - Principes généraux > Droit de la défense > Assistance d'un avocat
  • Droit pénal > Trouble mental > Décision d'internement
  • Droit pénal > Droit pénal - Principes généraux > Droit de la défense > Droit d'être entendu
  • Droit pénal > Exécution des peines > Statut juridique interne des personnes condamnées > Régime des détenus

Éditeur

Larcier

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