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Libertés publiques - Généralités - Liberté d'expression - Discrimination - Sexisme - Constitution de partie civile - Établissement d'utilité publique - Recevabilité (non) - Termes « À poil » . |
Si l'article 35 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes dispose que tout établissement d'utilité publique et toute personne morale se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'homme ou de combattre la discrimination peut ester en justice dans les litiges auxquels donne lieu l'application de cette loi, le fait que la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public ait modifié la loi de 2007 ne suffit pas à conclure que le législateur aurait rendu l'article 35 précité applicable aux infractions visées à l'article 3 de la loi du 22 mai 2014.
Au vu des éléments du dossier répressif et des déclarations du prévenu, qui affirme qu'il aurait tenu des propos du même type si la présentation qu'il entendait moquer avait été le fait d'un homme, l'utilisation des termes « à poil », pour inélégante qu'elle soit, ne rend plausible ni le caractère infractionnel légalement qualifié crime ou délit du fait incriminé, ni le préjudice que la partie civile aurait subi suite à ce fait.
(M.P. et A.S.B.L. Conseil des femmes francophones de Belgique / Hector )
Le procureur du Roi poursuit le prévenu, comme auteur ou coauteur dans le sens de l'
article 66 du Code pénal, pour les faits suivants :
en violation des articles 2 et 3 de la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l'acte de discrimination, avoir posé un geste ou adopté un comportement qui, dans les circonstances visées à l'
article 444 du Code pénal, a manifestement pour objet d'exprimer un mépris à l'égard d'une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer, pour la même raison, comme inférieure ou comme réduite essentiellement à sa dimension sexuelle et qui entraîne une atteinte grave à sa dignité,
(articles 2 et 3 de la loi du 22 mai 2014)
à Bruxelles, le 4 février 2017
en l'espèce pour avoir tenu publiquement les propos « c'est nul ! À poil ! » à l'adresse d'Amélie.
(...)
Le prévenu est poursuivi du chef d'infraction aux articles 2 et 3 de la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l'acte de discrimination.
Le 26 décembre 2017, le Conseil des femmes francophone de Belgique se constitue partie civile devant le juge d'instruction de Bruxelles contre le prévenu du chef de sexisme. La partie civile indique, dans sa note, que les faits se sont déroulés lors de la septième édition des « Magritte du cinéma », le 4 février 2017, un article ayant été publié, le lendemain, sur le site du journal Le Soir duquel il ressort que, lors de la soirée, le prévenu se serait écrié, dans la salle de presse, soit en présence « d'une cinquantaine de journalistes de la presse belge et étrangère », « C'est nul ! À poil ! » durant le discours d'introduction de la cérémonie prononcé par l'actrice et comédienne Amélie. Celle-ci aurait déclaré, un mois, plus tard, dans un article du journal Le Vif que sa prestation tout au long de la cérémonie (présentation, danse, projection...) était le fruit de quatre mois de travail avec toute une équipe et que cet incident l'avait blessée d'autant plus qu'il émanait d'un critique de cinéma belge.
Le 28 mai 2018, Sabine déclare être la nouvelle présidente de la partie civile et confirme la plainte déposée en son nom.
Le 14 août 2018, Amélie adresse un mail à l'inspecteur Sébastien pour lui expliquer qu'elle a reçu son invitation à être entendue mais qu'elle n'en comprend pas la raison dès lors qu'elle a signalé à la partie civile qu'elle ne souhaitait pas participer à leur démarche, n'ayant pas été présente lors de « l'attitude déplorable d'Hector » à son égard et ne pouvant « témoigner d'un fait sans y avoir assisté ».
L'inspecteur Sébastien indique dans un procès-verbal du 21 août 2018 avoir pris contact, par téléphone, avec Amélie suite à ce mail et que cette dernière lui a confirmé le contenu de son mail et a ajouté qu'elle ne se sentait pas victime dans cette affaire.
À nouveau entendue le 22 octobre 2018, Sabine déclare que la partie civile a obtenu l'accord écrit d'Amélie pour déposer une plainte mais à condition que ce ne soit pas fait « en son nom propre ». Elle maintient dès lors la plainte, l'objectif de la partie civile étant de signaler à la R.T.B.F. et au prévenu que « de tels comportements ne sont pas acceptables et ont un impact négatif sur la perception des femmes dans la société et dans le monde de la culture en particulier ». Elle considère également que « le sexisme généralisé dans les milieux du cinéma et de la culture a été dévoilé au grand jour » depuis la cérémonie des Magritte. Elle joint enfin un échange de mails datés du 25 avril 2017 entre elle et Amélie dans lequel elle demande à cette dernière de ne pas s'opposer à ce que le Conseil des femmes puisse déposer plainte afin de faire en sorte que ce soit le nom du prévenu qui soit cité et non plus le sien et que la situation des femmes qui ne font que subir (selon la rédactrice du mail) change, ce qui nécessite de prendre des positions publiques et d'agir, ce à quoi son interlocutrice répond qu'elle peut écrire « un truc du genre » « Si les femmes et le Conseil des femmes s'est senti insulté par l'attitude d'Hector, je ne peux m'opposer à leur démarche. Donc, s'ils veulent porter plainte en leur nom c'est leur droit » mais qu'elle souhaite que son nom soit le moins souvent cité, qu'elle ne veut pas se présenter en personne et qu'elle veut laisser cela « une bonne fois pour toute » derrière elle.
Le 12 novembre 2018, la juge d'instruction communique son dossier en mentionnant qu'il apparaît, à la lecture de la plainte avec constitution de partie civile et des informations transmises par Amélie, que les éléments constitutifs de l'infraction de racisme dénoncée par la plaignante n'apparaissent pas réunis en l'espèce.
Le 18 avril 2019, le procureur du Roi prend un réquisitoire de non-lieu, les faits ne constituant ni crime, ni délit, ni contravention.
Le 13 octobre 2020, la chambre du Conseil de Bruxelles, statuant par défaut à l'égard du prévenu, ordonne son renvoi devant le tribunal.
Entendu le 9 février 2021, le prévenu déclare qu'alors qu'il se trouvait dans la salle de presse, lors de la soirée des Magritte, en compagnie de plusieurs consoeurs, il s'est mis à regarder le début du show et a vu l'entrée en scène de la maîtresse de cérémonie, Amélie, dans un numéro chorégraphié. Il a trouvé qu'elle semblait pétrie de trac, que son micro était mal réglé, qu'il la faisait « zozoter » et que son texte n'arrivait pas à dérider le public de la grande salle. Il a alors lâché le commentaire suivant « Ouille, si ça continue, on va finir par faire comme au BIFF et crier "à poil !" » en faisant référence au festival du film fantastique de Bruxelles. Il estime qu'il s'agissait d'un « commentaire teinté d'ironie et de second degré » qui a déclenché les rires de certains de ses confrères et consoeurs. Il estime avoir fait l'objet, par la suite, d'un lynchage médiatique et soutient que si le spectacle avait été présenté par un homme avec le même texte « insatisfaisant » et le même micro, il aurait fait la même réflexion en ajoutant peut- être « Remboursez », « Du goudron et des plumes »...
Le prévenu considère que l'intérêt à agir de la partie civile s'apprécie tant au regard des prescrits de l'
article 17 du Code judiciaire qu'à celui de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l'acte de discrimination. Il se base en ce sens sur les articles 30 et 31
[1] de la loi « genre » et affirme que la partie civile n'avait qualité à agir qu'à condition d'avoir obtenu l'accord de la victime pour ce faire. Il précise encore, en plaidoirie, via son conseil, que la loi de 2007 s'applique dès lors que le fait qui lui est reproché constitue en réalité, à le supposer établi, un « cas de discrimination ».
La partie civile soutient que les articles 35 et 36 de la loi du 10 mai 2007 ne s'appliquent pas à l'infraction de sexisme reprise à l'article 2 de la loi du 22 mai 2014 dès lors que cette loi serait distincte de la loi du 10 mai 2007, qu'elle poursuivrait un objectif indépendant et prévoirait une infraction et des sanctions autonomes. Elle considère, au vu de ses conclusions de synthèse, qu'elle dispose d'un droit d'initiative indépendant de celui de la victime dès lors que l'infraction n'est pas une infraction de plainte et fonde son droit d'action tantôt sur une déclaration de la ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des chances, Joëlle Milquet, reprise dans les travaux préparatoires en ces termes « La ministre précise que le sexisme ne constituera pas un délit qui sera poursuivi sur la base d'une plainte. Des plaintes pourront être introduites autant par la victime que par le ministère public ou l'Institut pour l'égalité entre les femmes et les hommes », tantôt sur la Convention d'Istanbul du 11 mai 2011, tantôt sur l'article 17, alinéa 2, du Code judiciaire en ce qu'il prévoit un droit général d'action d'intérêt collectif non-dépendant d'un quelconque accord de la victime.
L'action publique est exercée par le ministère public mais elle peut également être mise en mouvement par la victime d'une infraction, soit en citant directement l'auteur présumé devant la juridiction de jugement, soit en se constituant partie civile devant un juge d'instruction
[2]. Il ressort de l'article 4 du titre préliminaire du Code de procédure pénale que l'action civile est accessoire à l'action publique ce qui implique que la demande doit tirer son origine d'une infraction et que l'action publique doit être valablement portée devant la juridiction pénale.
« La juridiction d'instruction est compétente pour apprécier la recevabilité de la constitution de partie civile lorsque celle-ci a donné lieu à l'ouverture de l'instruction sans que le ministère public en ait fait la demande ou ait requis le renvoi à la juridiction de jugement. Dans ce cas, la constitution de partie civile représente en effet le fondement de l'action publique dont la recevabilité est soumise à l'appréciation des juridictions d'instruction... Il en résulte que la juridiction d'instruction est appelée à déclarer irrecevables cette constitution de partie civile et l'action publique mise en mouvement lorsqu'elle décide que la partie civile ne rend pas plausible le préjudice qu'elle a subi en raison des faits incriminés ou qu'elle n'a pas l'intérêt requis... » [3].
En l'espèce, il ressort du dossier soumis au tribunal qu'à aucun moment, le ministère public n'a sollicité l'ouverture d'une instruction ou le renvoi du prévenu devant la juridiction de jugement. En effet, s'il revenait au procureur du Roi de rédiger un réquisitoire suite à l'ordonnance de soit communiqué du magistrat instructeur, il convient de relever que, dans le cas présent, il a rédigé un réquisitoire de non-lieu. La décision de la chambre du Conseil de Bruxelles de ne pas suivre ce réquisitoire et de renvoyer le prévenu devant le tribunal saisit celui-ci de l'action publique mais cette saisine n'est valable que si la juridiction de renvoi était elle-même saisie valablement et cette question relève de l'appréciation souveraine du tribunal.
Il revient dès lors au tribunal d'examiner s'il est régulièrement saisi de l'action publique à l'égard du prévenu, ce qui implique d'examiner la recevabilité de la constitution de partie civile de l'A.S.B.L. Conseil des femmes francophones de Belgique.
Le prévenu a été renvoyé par la chambre du Conseil de Bruxelles du chef d'infraction aux articles 2 et 3 de la loi du 22 mai 2014 tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes afin de pénaliser l'acte de discrimination. L'article 2 définit le sexisme comme tout geste ou comportement qui, dans les circonstances visées à l'
article 444 du Code pénal, a manifestement pour objet d'exprimer un mépris à l'égard d'une personne, en raison de son appartenance sexuelle, ou de la considérer, pour la même raison, comme inférieure ou comme réduite essentiellement à sa dimension sexuelle et qui entraîne une atteinte grave à sa dignité tandis que l'article 3 punit d'un emprisonnement d'un mois à un an et d'une amende de cinquante euros à mille euros ou de l'une de ces peines seulement, quiconque adopte un comportement visé à l'article 2.
S'il est exact que l'article 35 de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes dispose que tout établissement d'utilité publique et toute personne morale se proposant par ses statuts de défendre les droits de l'homme ou de combattre la discrimination et remplissant les conditions prévues à l'article 17, alinéa 2, 1° à 3°, du Code judiciaire peut ester en justice dans les litiges auxquels l'application de la présente loi donnerait lieu, lorsqu'un préjudice est porté aux fins statutaires qu'ils se sont donné pour mission de poursuivre, il convient cependant de rappeler que le prévenu est poursuivi sur la base de la loi du 22 mai 2014 suscitée et non sur la base de la loi du 10 mai 2007. Or, si la loi du 22 mai 2014 modifie en ses articles 4 et 5 la loi du 10 mai 2007, aucune disposition légale ne permet, a contrario, de considérer que le législateur a rendu applicable l'article 35 de la loi du 10 mai 2007 aux infractions visées à l'article 3 de la loi du 22 mai 2014.
La constitution de partie civile ne peut dès lors être considérée comme recevable sur cette base légale.
La circonstance que la ministre de l'Intérieur et de l'Égalité des chances, Joëlle Milquet, ait déclaré, lors de l'examen du projet de loi tendant à lutter contre le sexisme dans l'espace public et modifiant la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes, que le sexisme ne constituera pas un délit de plainte et que des plaintes pourront être introduites autant par la victime que par le ministère public ou l'Institut pour l'égalité entre les hommes et les femmes ne rend pas plus recevable la constitution de la partie civile. En effet, la circonstance que le délit ne soit pas considéré comme un délit de plainte permet uniquement au ministère public et aux parties civiles recevables à agir de mettre en oeuvre l'action publique sans une plainte préalable de la victime. Par ailleurs, contrairement à ce qu'elle soutient, la partie civile ne peut être assimilée à l'Institut pour l'égalité des hommes et des femmes dès lors que ce dernier constitue une institution publique fédérale, créée par la loi du 16 décembre 2002, et qui tire son droit d'action en justice de l'article 4, 6°, de cette même loi.
La partie civile soutient que la Convention d'Istanbul du 11 mai 2011 ratifiée par la Belgique imposerait aux États signataires de « garantir aux associations le droit d'assister et/ou de soutenir les victimes dans le cadre de procédures judiciaires, ce qui implique nécessairement qu'elles puissent ester en justice si la victime en question n'a pas la force de le faire personnellement... » et que son caractère contraignant servirait de base à la recevabilité de sa constitution.
Elle ne peut cependant être suivie sur ce point. En effet, contrairement à ce que soutient la partie civile, aucune disposition de la Convention d'Istanbul n'impose aux États signataires d'autoriser des associations tierces à ester en justice à la place des victimes de discrimination ou de sexisme, l'article 55, 2°, de la Convention se contentant de viser la garantie pour les organisations gouvernementales et non gouvernementales ainsi que pour les conseillers spécialisés dans la violence domestique d'assister et/ou de soutenir les victimes, sur demande de leur part au cours des enquêtes et des procédures judiciaires.
La constitution de partie civile ne peut dès lors être considérée comme recevable sur la base de l'application de la Convention d'Istanbul.
L'article 17, alinéa 2, du Code judiciaire qui dispose que l'action d'une personne morale, visant à protéger des droits de l'homme ou des libertés fondamentales reconnus dans la Constitution et dans les instruments internationaux qui lient la Belgique, est recevable si l'objet social de la personne morale est d'une nature particulière, distincte de la poursuite de l'intérêt général, qu'elle poursuit cet objet social de manière durable et effective, qu'elle agit en justice dans le cadre de cet objet social, en vue d'assurer la défense d'un intérêt en rapport avec cet objet et que seul un intérêt collectif est poursuivi par la personne morale à travers son action a été introduit dans notre législation par l'article 137 de la loi du 21 décembre 2018, entré en vigueur le 10 janvier 2019, portant des dispositions diverses en matière de justice et n'était donc pas d'application lors du dépôt de constitution de partie civile le 26 décembre 2017.
À cette date, l'
article 17 du Code judiciaire n'autorisait l'action civile que si le demandeur avait qualité et intérêt pour la former. Il était alors de jurisprudence constante que l'intérêt propre d'une personne morale ne comprenait que ce qui concernait « l'existence de la personne morale, ses biens patrimoniaux et ses droits moraux, spécialement son patrimoine, son honneur et sa réputation » et que « le seul fait qu'une personne morale ou une personne physique poursuit un but, fût-il statutaire, n'entraîne pas la naissance d'un intérêt propre »
[4]. Or, la partie civile ne répondait pas à ces conditions, sa demande ne visant ni son existence, ni ses biens patrimoniaux, ni ses droits moraux.
Il est vrai que la Cour constitutionnelle a été saisie de deux questions préjudicielles relatives à l'inconstitutionnalité de cet article et a statué sur ces questions par un arrêt du 10 octobre 2013. La partie civile ne peut être cependant suivie en ce qu'elle considère que la Cour aurait constaté une violation des articles 10 et 11 de la Constitution et qu'il reviendrait dès lors au juge de mettre fin aux conséquences de l'inconstitutionnalité dans l'attente d'une intervention législative. En effet, si la Cour constitutionnelle peut inviter le juge à mettre fin à la violation des normes lorsqu'elle constate une violation ou une lacune de la loi et que ce constat est exprimé en des termes suffisamment précis et complets qui permettent l'application de la disposition en cause dans le respect des normes de référence sur la base desquelles la Cour exerce son contrôle, comme cela fut fait à l'occasion de plusieurs arrêts déposés dans le dossier de la partie civile, il n'en est pas de même en ce qui concerne l'application de l'
article 17 du Code judiciaire dès lors que la Cour a, dans son arrêt, considéré que les articles 17 et 18 du Code judiciaire ne violaient pas les articles 10 et 11 de la Constitution et, qu'
a contrario, l'absence d'une disposition législative précisant à quelles conditions un droit d'action peut être reconnu aux personnes morales souhaitant exercer une action correspondant à leur but statutaire et visant à la protection des libertés fondamentales telles qu'elles sont reconnues par la Constitution et par les traités internationaux auxquels la Belgique est partie violait les articles 10 et 11 de la Constitution mais a précisé que c'était au législateur qu'il appartenait de préciser à quelles conditions un droit d'action pouvait être reconnu aux personnes morales souhaitant exercer une action correspondant à leur but statutaire et visant à la protection des libertés fondamentales et
qu'il s'ensuit que, dans l'attente d'une intervention du législateur en ce sens, les articles 17 et 18 du Code judiciaire, tels que les interprète le juge a quo
, ne sont pas discriminatoires [5].
C'est dès lors à tort que la partie civile soutient qu'il revient au tribunal de déclarer sa constitution recevable en se basant sur l'
article 17 du Code judiciaire dès lors qu'il lui reviendrait de pallier l'absence de réaction du législateur et de mettre fin à la violation des articles 10 et 11 de la Constitution alors que la Cour constitutionnelle a précisé qu'il n'y avait pas de discrimination, et par conséquent pas de violation des articles suscités, tant que le législateur n'était pas intervenu pour légiférer, ce qu'il a fait mais postérieurement à la constitution de partie civile dans la présente cause.
Surabondamment, une constitution de partie civile est recevable, pour autant que les faits incriminés répondent à une infraction légalement qualifiée crime ou délit et que la partie civile rende plausible le préjudice que ces faits lui auraient porté. S'il est évident qu'en introduisant sa plainte, la partie civile n'est pas encore tenue d'apporter la preuve du dommage subi, cela n'empêche pas la juridiction d'instruction appelée à statuer sur la recevabilité de la constitution de partie civile et sur l'action publique ainsi engagée, de constater concrètement que les faits incriminés n'ont pas ou n'ont pu causer de dommage et en déduire que la partie civile ne rend pas plausible le préjudice subi par ces faits
[6].
En l'espèce, au vu du dossier répressif soumis au tribunal et de la déclaration du prévenu, confirmée à l'audience, selon laquelle il se serait exprimé de la même manière si la cérémonie d'ouverture avait été présentée, de manière identique, par un homme, pour peu courtois et peu élégants qu'aient été les termes « À poil » dont il n'est pas contestable au vu de l'article de Jeanne et du mail adressé par le prévenu à Albert le 23 février 2017 qu'ils ont bien été prononcés, la partie civile ne rend plausible ni le caractère infractionnel légalement qualifié crime ou délit du fait incriminé, ni le préjudice qu'elle aurait subi suite à ce fait.
Il y a dès lors lieu de constater que la constitution de partie civile à la base de l'action publique est irrecevable, ce qui implique que les poursuites intentées à charge du prévenu sont également irrecevables.
(...)
Dispositif conforme aux motifs.
Siég. : M. O. Bastyns.
Greffier : Mme A. Ouahhabi. |
M.P. : M. A. Guissart. |
Plaid. : MesL. Kengen et L. Teper. |
[1] |
En réalité, les articles 35 et 36. |
[2] |
M.-A. Beernaert et consorts, Introduction à la procédure pénale, La Charte, 2014, p. 53. |
[3] |
Cass., 27 février 2018, P.17.0895.N. |
[4] |
Cass., 19 septembre 1996, Pas., 1996, I, n° 319. |
[5] |
C'est le tribunal qui met en évidence. |
[6] |
Cass., 18 janvier 2011, P.10.1252.N. |