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08/12/2020
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Tribunal de l'entreprise Hainaut, division de Tournai (1re chambre), 08/12/2020


Jurisprudence - Droit commercial - Faillite - Effacement des dettes - Interdiction professionnelle

J.L.M.B. 21/310
I. Faillite - Effets - Effacement des dettes - Failli victime de circonstances malheureuses - Fautes graves et caractérisées (non).
II. Faillite - Effets - Interdiction professionnelle - Fautes graves et caractérisées - Notion - Différence par rapport aux conditions de l'effacement des dettes.
I. II n'y a pas de fautes graves caractérisées à reprocher au failli dont la situation apparaît plus malheureuse (problèmes de santé) que répréhensible et qui justifieraient de lui refuser l'effacement de ses dettes.
II. La notion de la faute grave et caractérisée en matière d'interdiction professionnelle est plus large que la même notion en matière d'effacement.
S'agissant de l'interdiction professionnelle, l'existence d'une ou de plusieurs faillites antérieures peut être considérée comme un facteur aggravant des fautes qui entachent la gestion de la dernière faillite (en l'espèce, un failli déjà impliqué dans quatre faillites).

(M.P. / Richard )


Exposé du litige
La faillite de Richard a été prononcée le 19 novembre 2019, sous la curatelle de Maître Th. Opsomer.
Richard a déposé une requête en effacement le 29 janvier 2020.
Par acte d'huissier du 31 mars 2020, le procureur du Roi a cité l'intéressé pour entendre refuser l'effacement de ses dettes, ainsi que pour lui entendre interdire, pendant dix ans, d'exploiter une entreprise personnellement ou par interposition de personne.
Discussion
Selon l'article XX.173, paragraphe 3, du Code de droit économique, tout intéressé, en ce compris le curateur ou le ministère public peut, par requête communiquée au failli par le greffier, à partir de la publication du jugement de faillite, demander que l'effacement ne soit accordé que partiellement ou refusé totalement par décision motivée, si le débiteur a commis des fautes graves et caractérisées qui ont contribué à la faillite.
Les conditions de l'effacement énoncées par l'article XX.173, paragraphe 3, renvoient directement à celles qui prévalaient en matière d'excusabilité. La jurisprudence antérieure relative aux conditions (du refus) de l'excusabilité reste dès lors largement pertinente en matière d'effacement [1].
L'expression « faute grave et caractérisée » signifie que l'acte doit pouvoir être perçu par tous comme fautif et que cette faute, que n'aurait pas commise le dirigeant raisonnablement prudent et diligent, heurte des normes essentielles de la vie en société.
L'article XX.173 exige que les fautes graves et caractérisées aient contribué à la faillite. En utilisant le mot « contribuer » le législateur a indiqué que le juge pouvait remonter dans la chaîne des antécédents et ne devait pas se borner à rechercher si la faute grave et caractérisée avait été la cause décisive de la faillite.
En l'occurrence le tribunal ne distingue pas de fautes graves et caractérisées dans les circonstances qui ont amené la faillite, que l'on peut résumer comme suit :
  • Richard s'est réinscrit à titre personnel dans la B.C.E., à partir du 2 juin 2012 ; il souhaitait exercer une activité de commerçant ambulant sur les marchés ;
  • Son activité n'a été qu'épisodique entre 2012 et 2016 (voir son audition par les services de police) car, ayant été victime d'un A.V.C. en 2009, il a fait l'objet de récidives en 2012 et 2014 ;
  • Par la suite, il a tenté de profiter de la vague des soirées « Nostalgie » des années 80 et a organisé en 2018/2019 deux soirées qui se sont soldées par une perte (dette de 6.000 euros à l'égard de la brasserie) ;
  • Le passif de sa faillite personnelle est issu d'une dette datant d'avant le début de cette activité, consistante en un cautionnement donné au profit de la société de son père ;
  • Depuis ses ennuis de santé, Richard a vécu grâce à l'aide de sa fille et de son beau-fils (voir le rapport du curateur n° 5 : « le failli risquait de se retrouver à la rue ») ; il est pensionné depuis novembre 2019 et perçoit une pension de 1.200 euros par mois.
Il résulte de ces faits qui sont attestés par le dossier du parquet, le rapport du curateur sur la demande d'effacement ainsi que par les pièces produites par Richard, que celui-ci a été victime de problèmes de santé qui l'ont rapidement empêché de prospérer dans son activité de vente sur marché.
En réalité, au moment de sa faillite l'activité était pratiquement en sommeil, mis à part les deux soirées « Nostalgie » par lesquelles il a tenté, en vain, de se rétablir.
La plus grande partie des dettes est d'ailleurs constituée par les montants dus à Europabank (46.511,04 euros sur un total de passif de 51.929,92 euros) dont la débition remonte à 2010, antérieurement à la reprise d'une activité personnelle en 2012, Richard s'étant porté caution des engagements de la société de son père.
Quant à la tardiveté de l'aveu de faillite, Richard explique qu'il n'a pris connaissance de l'existence de la créance d'Europabank, que fin mai 2019, au reçu d'un rappel d'huissier, ce qui a précipité l'aveu de faillite de novembre 2019. Dans l'intervalle la dette n'a en tout cas pas augmenté si ce n'est les intérêts.
Pour toutes ces raisons, il n'y a pas lieu de conclure que les fautes que l'on pourrait reprocher à Richard sont « graves et caractérisées », et dès lors de refuser l'effacement. La situation de l'intéressé paraît plus malheureuse que répréhensible, même si l'on tient compte du laissé aller qui a caractérisé la gestion de son activité d'entreprise à titre personnel.
Le tribunal octroiera donc l'effacement.
Le parquet demande également que le tribunal prononce une interdiction à charge de Richard.
L'article XX.229 du Code de droit économique dispose à cet égard que :

Paragraphe 1er. Le tribunal de l'insolvabilité qui a déclaré la faillite, (...) peut s'il est établi qu'une faute grave et caractérisée du failli a contribué à la faillite, interdire, par un jugement motivé, à ce failli d'exploiter, personnellement ou par interposition de personne, une entreprise.

Paragraphe 2. S'il apparaît que sans empêchement légitime, le failli ou les administrateurs et les gérants de la personne morale faillie ont omis d'exécuter les obligations prescrites par l'article XX.18, le tribunal de l'insolvabilité de Bruxelles, si la faillite a été déclarée à l'étranger, peut, par jugement motivé, interdire à ces personnes d'exercer, personnellement ou par interposition de personne, les fonctions d'administrateur, de commissaire ou de gérant d'une personne morale, toute fonction qui confère le pouvoir d'engager une personne morale, les fonctions de préposé à la gestion d'un établissement en Belgique visées à l'article 59 du Code des sociétés ou la profession d'agent de change ou d'agent de change correspondant.

Le tribunal statue sur l'interdiction après la citation prévue à l'article XX.230 ou d'office et compte tenu de l'article XX.231 en cas de clôture de la faillite. (...)

Paragraphe 5. La durée de cette interdiction est fixée par le tribunal conformément aux paragraphes 1er, 3 et 4. Elle ne peut excéder dix ans.

La durée de l'interdiction visée au paragraphe 2 est fixée par le tribunal. Elle s'élève à trois ans.

Paragraphe 6. Le tribunal peut assortir l'interdiction d'un sursis pour une durée de trois ans ou suspendre le prononcé pour une même durée.

La jurisprudence considère que la notion de la faute grave et caractérisée en matière d'interdiction est plus large que la notion en matière d'effacement
En effet, dans le cadre de l'interdiction l'existence d'une ou plusieurs faillites antérieures peut être considérée comme un facteur aggravant des fautes qui entachent la gestion dans le cadre de la dernière faillite [2].
En l'occurrence, Richard a déjà été impliqué dans quatre faillites, en nom personnel ou en tant que gérant ou administrateur, soit :
  • faillite en nom personnel du 19 novembre 2019,
  • faillite de la S.C.R.L. I. du 20 février 2001,
  • faillite de la S.P.R.L. Immo-G. du 27 avril 2000,
  • faillite de la S.P.R.L. R. du 8 février 1996.
L'existence de ces faillites répétées montre que Richard n'est pas un opérateur économique fiable, et qu'il ne tire pas les leçons de ses échecs.
Il s'impose donc de déclarer la demande d'interdiction fondée et, eu égard aux constats du tribunal, de prononcer une interdiction de huit années.
(...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  MM. J.-Ph. Lebeau, H.-M. Bonnet et C. Maisonneuve.
Greffier : Mme S. Urbain.
M.P. : M. A. Iwaszko.
Plaid. : MesO. Mercier et Th. Opsomer.
N.B. : Voyez ci-après la note d'observations de Messieurs David Pasteger et Frédéric Demonceau.

 


[1] D. Pasteger et P. Vandeweyer, « Examen de jurisprudence en matière d'effacement (et d'excusabilité) : exorde (et épilogue) », R.D.C., 2020-6, page 751.
[2] I. Verougstraete, Manuel de l'insolvabilité des entreprises, Kluwer, 2018, page 1482, n° 2022.


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I. II n'y a pas de fautes graves caractérisées à reprocher au failli dont la situation apparaît plus malheureuse (problèmes de santé) que répréhensible et qui justifieraient de lui refuser l'effacement de ses dettes.

II. La notion de la faute grave et caractérisée en matière d'interdiction professionnelle est plus large que la même notion en matière d'effacement.

S'agissant de l'interdiction professionnelle, l'existence d'une ou de plusieurs faillites antérieures peut être considérée comme un facteur aggravant des fautes qui entachent la gestion de la dernière faillite (en l'espèce, un failli déjà impliqué dans quatre faillites).

Mots-clés

Faillite - Effets - Effacement des dettes - Failli victime de circonstances malheureuses - Fautes graves et caractérisées (non) - Faillite - Effets - Interdiction professionnelle - Fautes graves et caractérisées - Notion - Différence par rapport aux conditions de l'effacement des dettes

Date(s)

  • Date de publication : 03/09/2021
  • Date de prononcé : 08/12/2020

Auteur(s)

  • Janssens, K.

Référence

Tribunal de l'entreprise Hainaut, division de Tournai (1re chambre), 08/12/2020, J.L.M.B., 2021/26, p. 1167-1170.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit économique, commercial et financier > Insolvabilité > Faillite > Autres
  • Droit économique, commercial et financier > Insolvabilité > Faillite > Effacement
  • Droit économique, commercial et financier > Interdiction professionnelle > Généralités

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