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18/01/2021
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Cour d'appel Liège (Chambre des mises en accusation), 18/01/2021


Jurisprudence - Généralités

J.L.M.B. 21/178
Secret professionnel - Avocat - Statut - Saisie d'une correspondance entre avocats au cabinet d'un de ceux-ci - Absence de relation avec l'infraction dont l'avocat est suspecté - Illégalité .
Quand le dépositaire du secret professionnel est personnellement mis en cause, il appartient au juge d'instruction de décider quelles sont les pièces couvertes par le secret professionnel, après avoir recueilli l'avis du délégué de la profession. Seules les pièces en relation directe avec l'infraction dont est suspecté le titulaire du secret doivent être considérées comme non couvertes par le secret et peuvent donc être saisies.

(Ministère public / Maître X. )


Vu l'ordonnance rendue le 9 décembre 2020 par le juge d'instruction du tribunal de première instance de Liège, division de Liège (...).
Aux termes de l'article 61quater du Code d'instruction criminelle, toute personne lésée par un acte d'instruction relatif à ses biens peut en demander la levée au juge d'instruction et celle-ci peut être refusée notamment lorsqu'elle est susceptible de compromettre la sauvegarde des droits des tiers ou lorsque les nécessités de l'instruction le requièrent ou encore lorsque le bien est susceptible de confiscation ou de restitution.
Les faits de la cause ont été exactement relatés au réquisitoire du procureur général à l'exposé duquel la cour se réfère. Il suffit de rappeler que le juge d'instruction est saisi depuis le 16 décembre 2019, de faits de détournements de deniers publics et d'abus de biens sociaux qui auraient été commis au préjudice la S.A. N.
la S.A. N. aurait pris en charge indûment les factures d'honoraires établies par le bâtonnier X. qui a été le conseil de Marcel. La perquisition réalisée le 6 février 2020 au cabinet du requérant par le juge d'instruction, en présence du bâtonnier A. a permis non seulement la saisie des factures de frais et honoraires destinées à la S.A. N., à l'attention de Marcel mais également celle d'un courrier daté du 6 novembre 2017 émanant du conseil de Simon adressé à Maître X. L'examen des pièces saisies se réalise le 18 juin 2020 en présence du bâtonnier C. qui par courrier du 19 juin 2020 fait savoir au juge d'instruction qu'il considère que ce courrier est couvert par le secret professionnel en vertu de l'article 6.1 du Code de déontologie. Un autre courriel aurait été adressé par le bâtonnier au juge d'instruction en réponse à son courrier du 26 juin 2020. Ce second courriel n'est pas versé au dossier. Aux termes de ce courrier du 26 juin 2020, le juge d'instruction indique notamment « En l'état actuel de mes connaissances, je ne comprends pas l'objet du courrier du 6 novembre 2017, dont la copie est adressée à Simon, dès lors que je ne sais pas à quel titre l'avocat F. s'est adressé à l'avocat X. dans le cadre du dossier dit « volet (...) ». Le 16 septembre 2020, le juge d'instruction dresse un Pro Justitia aux termes duquel il considère le courrier comme pièce à conviction, relevant cependant que selon le bâtonnier C., cette correspondance ne concernait pas la défense de Marcel. Le juge d'instruction envisage l'hypothèse « d'une collusion frauduleuse entre les trois suspects quant à la prise en charge des honoraires litigieux » qui doit faire l'objet d'un examen par les enquêteurs, les trois suspects étant, selon le juge d'instruction, le requérant, Marcel et Simon (à l'exclusion du conseil du dernier cité, soit F.). Le juge d'instruction a décidé de suspendre l'exploitation de cette correspondance dans l'attente de la décision de la chambre des mises en accusation.
Aux termes de son ordonnance, le juge d'instruction considère que le courrier litigieux concerne bien et uniquement le dossier dit « volet (...) » qui présente un lien direct avec l'instruction des faits dont il est saisi. Il relève que cette correspondance a été retrouvée dans le dossier établi par l'avocat X. dans le cadre de l'assistance à son client Marcel, qu'elle ne contient aucun élément qui aurait été confié à l'avocat X. ou à l'avocat F. par un de leurs clients et fait référence à des éléments qui figurent déjà en copie au présent dossier d'instruction et qui sont donc connus, indépendamment du contenu de cette correspondance. Il note que cette correspondance présente un intérêt pour la présente instruction dans la mesure où elle permet d'établir un possible lien direct entre Simon, suspect, Marcel, suspect et X., suspect, dans le cadre du contexte factuel visé par l'instruction, et la S.A. N., et que l'hypothèse d'une collusion frauduleuse entre les personnes suspectées quant à la prise en charge des honoraires litigieux doit faire l'objet d'un examen dans le cadre de l'instruction. Il note également que le fait que ce courrier concernerait la défense de Simon dans le cadre d'autres dossiers, notamment une procédure de transaction pénale soit évoqué, ne ressort nullement du contenu du courrier du 6 novembre 2017.
L'avocat général considère que la correspondance du 6 novembre 2017 constitue une pièce pouvant servir à la manifestation de la vérité et que selon les explications de Marcel concernant les circonstances de l'intervention d'X. en qualité d'avocat, les faits pourraient constituer, à charge d'une ou de plusieurs personnes, les infractions visées au réquisitoire introductif. Selon le ministère public, les nécessités de l'instruction requièrent le maintien de la saisie de cette correspondance.
Discussion
Sur le plan factuel, la cour relève assez curieusement que l'auteur de la correspondance, soit l'avocat de Simon n'est pas considéré par le juge d'instruction comme suspect et ce, contrairement à son destinataire dont l'intervention en faveur de Marcel débute à la fin du mois de mars 2018. La cour s'étonne également du fait que les explications connues du juge d'instruction émanant du bâtonnier C. qui lui-même a recueilli toutes informations utiles auprès des deux avocats concernés soient partiellement occultées puisque la correspondance et les questions qu'elles suscitaient ont reçu des réponses. La requête en intervention volontaire déposée dans le cadre de la procédure de contrôle de l'instruction initiée par le requérant sur la base de l'article 136, alinéa 2, du Code d'instruction criminelle est fort instructive à propos des circonstances entourant la rédaction de ce courrier daté du 6 novembre 2017 et des suites qui y ont été réservées. On notera également au passage qu'est occultée le fait que la première facture établie au sein du cabinet de monsieur le bâtonnier X. était adressée au domicile privé de Marcel et que c'est bien à la demande de ce dernier (formulée après réception de cette facture), qu'elle a été dans un second temps expédiée à la S.A. N., à l'attention de Marcel, s'agissant évidemment d'un élément capital quant à l'appréciation dans le chef du requérant de l'existence d'indices de collusion frauduleuse concernant la prise en charge de ses honoraires par la S.A. N.
Quand le dépositaire du secret professionnel est personnellement mis en cause, il appartient au juge d'instruction de décider quelles sont les pièces qui sont couvertes par le secret professionnel, après avoir recueilli l'avis du délégué de la profession. On sait que selon le bâtonnier C., ce courrier est couvert par le secret professionnel. Il est également constant que les pièces en relation directe avec l'infraction doivent être considérées comme non couvertes par le secret professionnel. Il va de soi que le secret professionnel n'a pas pour vocation de servir à couvrir des infractions dont un avocat est suspecté.
L'examen de ce courrier révèle qu'il est parfaitement étranger à une problématique de prise en charge des honoraires du requérant (et pour cause puisque les prestations facturables du requérant ne seront réalisées en faveur de Marcel qu'à partir du printemps 2018) et ne laisse nullement présumer la participation du requérant (et par voie de conséquence de l'auteur non suspect de la lettre) à une quelconque infraction. Les correspondances entre l'avocat et ses confrères dans le cadre d'une communication de pièces ou d'échanges sur un dossier sont couvertes par le secret professionnel, sous réserve de la mention « officielle » qui, ici, fait défaut. Tous les avocats sont tenus au secret professionnel et il est normal que les correspondances, les notes et toutes informations échangées entre eux dans l'exercice de leur profession soient couvertes par ce secret. Ce courrier ne se limite pas « au volet (...) » mais fait le point sur l'état de la procédure du dossier (...). Il aborde aussi les devoirs complémentaires qui vont être sollicités dans le cadre « du volet (...) ». On notera que la requête en accomplissement de devoirs complémentaires pour Simon a été introduite le 1er décembre 2017, qu'elle ne se limite pas au volet (...) et que naturellement l'information sur la demande de devoirs projetée est confidentielle tandis que la cour de céans s'est prononcée, par arrêt du 5 mars 2018, sur l'appel de l'ordonnance de rejet rendue le 29 décembre 2017 par le juge d'instruction dans cette affaire (...) où selon l'entête de l'arrêt précité, les avocats F. et M. représentaient Simon. Il est tout à fait vraisemblable que le requérant a été abordé par Maître F. en accord avec son client, en vue d'assurer avec lui pour l'avenir ou une procédure plus ciblée (telle une transaction pénale, voire la référence du courrier du ministère public citée dans le courrier du 6 novembre 2017) la défense des intérêts de Simon et que l'avocat F. l'a, à cette fin, préalablement rencontré puis documenté sur l'évolution du dossier et son intention d'introduire une demande de devoirs complémentaires dans le volet (...). Aucune pièce saisie (facturation, correspondances, dossier) que ce soit au cabinet du requérant ou dans les locaux de la S.A. N. ne renseigne Maître X. comme étant le conseil de Simon de sorte qu'il ne fait nul doute que le requérant a décliné son intervention en faveur de Simon, comme il le soutient fermement aux termes de sa requête initiale basée sur l'article 61quater du Code d'instruction criminelle.
La saisie de ce courrier qui est couvert par le secret professionnel et ne peut constituer une pièce à conviction exploitable s'avère illégale.
Il suit des considérations qui précèdent que l'appel est fondé.

Par ces motifs,
(...)
Constate l'illégalité de la saisie pratiquée sur le courrier du 6 novembre 2017 adressé par l'avocat F. au bâtonnier X., courrier couvert par le secret professionnel et inexploitable dans le cadre de l'instruction.
Ordonne la restitution de cette pièce en faveur du requérant.
(...)
Siég. :  Mmes N. Londot, M.-P. Drisket et M.-G. Coëme.
Greffier : Mme M. Jadot.
Plaid. : MeJ. Bourtembourg.

 



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Quand le dépositaire du secret professionnel est personnellement mis en cause, il appartient au juge d'instruction de décider quelles sont les pièces couvertes par le secret professionnel, après avoir recueilli l'avis du délégué de la profession. Seules les pièces en relation directe avec l'infraction dont est suspecté le titulaire du secret doivent être considérées comme non couvertes par le secret et peuvent donc être saisies.

Mots-clés

Secret professionnel - Avocat - Statut - Saisie d'une correspondance entre avocats au cabinet d'un de ceux-ci - Absence de relation avec l'infraction dont l'avocat est suspecté - Illégalité

Date(s)

  • Date de publication : 14/05/2021
  • Date de prononcé : 18/01/2021

Référence

Cour d'appel Liège (Chambre des mises en accusation), 18/01/2021, J.L.M.B., 2021/19, p. 854-857.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Barreau > Droits et devoirs des avocats > Secret professionnel
  • Droit pénal > Information - Instruction > Instruction judiciaire > Actes d'instruction

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