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31/03/2021
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Tribunal civil francophone Bruxelles (chambre des référés), 31/03/2021


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Sommaire

1. Dans la sphère limitée de l'urgence et du provisoire, le juge des référés a le pouvoir de juridiction pour donner injonction à l'autorité administrative lorsque celle-ci semble manifestement porter fautivement atteinte à un doit subjectif et pour imposer ou interdire certains actes lorsqu'il conclut raisonnablement que l'administration n'a pas agi dans le cadre des limites dans lesquelles elle doit intervenir. À cet égard, il n'y a pas lieu de distinguer selon que les mesures critiquées sont le fait d'une compétence discrétionnaire ou d'une compétence liée, l'autorité administrative étant tenue de se conformer aux lois sensu lato et de respecter les droits subjectifs qu'elles confèrent, même dans l'exercice d'une compétence discrétionnaire.

2. Si, depuis sa modification par la loi du 21 décembre 2018 portant des dispositions diverses en matière de justice, l'article 17, alinéa 2, du Code judiciaire (CJ) ne dispense pas l'action d'une personne morale visant à protéger les droits de l'homme ou les libertés fondamentales reconnus par la Constitution et dans les instruments internationaux qui lient la Belgique du respect des conditions de l'article 18 CJ, il s'avère que la légitimité de l'intérêt à agir sur le pied de cet article 17, alinéa 2 CJ, est intrinsèque à cette disposition. La protection des droits de l'homme revêt aussi et nécessairement une dimension collective de sorte que toute violation de ces droits contribue à porter atteinte à l'intérêt propre des parties demanderesses dont l'objet social est de combattre l'injustice et toute atteinte arbitraire aux droits d'un individu ou d'une collectivité et porte donc sur la protection, la promotion et la conservation des libertés et droits fondamentaux. Il est dès lors inévitable que lorsque pareille personne morale agit dans ce cadre, la décision à intervenir puisse déployer ses effets au-delà du cercle étroit des parties en litige.
 
3. La persistance, par leurs prolongations successives, depuis plus d'un an de mesures attentatoires aux libertés fondamentales, dans une mesure inédite depuis la seconde guerre mondiale, est constitutive d'une aggravation des inconvénients que les destinataires de ces libertés doivent endurer et, dès lors, de l'urgence qui fonde la compétence du juge des référés pour y mettre fin.
 
4. Considérant qu'une loi d'habilitation ordinaire définit de manière restrictive et prévisible les pouvoirs qu'elle confère à l'exécutif, il apparaît que la situation liée à la pandémie de la Covid-19 n'est pas, prima facie, visée par la loi du 15 mai 2007 sur la sécurité civile qui prévoit, sous peine de sanctions pénales, l'organisation de l'évacuation de la population des lieux ou régions, donc limités territorialement, particulièrement exposés menacés ou sinistrés, voire l'assignation d'un lieu de séjour provisoire. Ces situations bien spécifiques ne recouvrent pas la situation de gestion d'une pandémie. La fermeture des divers établissements (culturels, festifs, sportifs, récréatifs, événementiel, horeca, des professions de contacts), la suspension de l'obligation scolaire, la limitation des rassemblements publics ou privés, la limitation de circuler depuis et vers la Belgique échappent, prima facie, aux notions que le langage courant impose des termes « réquisition et évacuation » et, partant, au cadre restrictif et prévisible de l'habilitation prévue par la loi du 15 mai 2007. Les lois du 31 décembre 1963 sur la protection civile et du 5 août 1992 sur la fonction de police ne conférant pas d'habilitation plus précise au ministre de l'Intérieur, l'AM du 28 octobre 2020 portant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus COVID-19 et ses arrêtés subséquents portent, prima facie, atteinte de manière fautive aux libertés et droits fondamentaux consacrés par la Constitution et les instruments internationaux en raison de l'illégalité apparente dont ils sont entachés de sorte qu'en application de l'article 159 de la Constitution il y a lieu d'en écarter l'application.
 
5. Si une condamnation de l'État lui interdisant de prendre toute mesure visant à appliquer ou exécuter des arrêtés ministériels dont l'illégalité est reconnue, ou l'obligeant à les retirer, ou lui imposant des délais d'adoption d'une nouvelle norme législative contreviendrait au principe de la séparation des pouvoirs, le juge des référés peut lui enjoindre, sous peine d'astreintes, de prendre, dans un délai raisonnable, en l'occurrence fixé à un mois, toutes les mesures appropriées afin de mettre un terme à la situation d'illégalité apparente dont sont entachés l'AM du 28 octobre 2020 et ses arrêtés modificatifs subséquents. Pareille mesure ne heurte pas le principe du provisoire, dès lors que le juge du fond, éventuellement saisi, ne sera pas lié par la décision du juge des référés et restera libre de se départir de son analyse des droits des parties.

Mots-clés

Pouvoir judiciaire - Référé - Suspension d'acte administratif - Compétence discrétionnaire - Séparation des pouvoirs - Protection des droits subjectifs - Action en justice - Intérêt collectif - Action populaire - Personne morale visant à protéger les droits de l'homme ou les libertés fondamentales - Intérêt légitime - Effets dépassant le cercle des parties en litige - Référé - Urgence - Libertés publiques - Mesures gravement attentatoires aux libertés fondamentales - Persistance depuis plus d'un an - Prolongations successives - Santé publique - Sécurité civile - Crise sanitaire du coronavirus - Libertés publiques - Pouvoir exécutif - Mesures gravement attentatoires aux libertés fondamentales - Absence d'habilitation - Illégalité - Référé - Provisoire - Injonction au pouvoir exécutif - Séparation des pouvoirs - Limites - Obligation de mettre un terme à des mesures illégalement adoptées - Délai - Astreinte

Date(s)

  • Date de publication : 23/04/2021
  • Date de prononcé : 31/03/2021

Référence

Tribunal civil francophone Bruxelles (chambre des référés), 31/03/2021, J.L.M.B., 2021/16, p. 726-743.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Compétence > Compétence matérielle > Président du tribunal
  • Droit judiciaire > Droit judiciaire - Principes généraux > Action en justice > Action collective
  • Droit judiciaire > Droit judiciaire - Principes généraux > Action en justice > Intérêt
  • Droit judiciaire > Référé > Décision par provision
  • Droit judiciaire > Référé > Nature de la mesure
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  • Droit public et administratif > Droit constitutionnel > Pouvoirs constitutionnels - art. 33-166 > Pouvoir exécutif fédéral
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