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12/02/2021
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Tribunal de la famille Hainaut, division de Mons (26e chambre), 12/02/2021


Jurisprudence - Droit rural

J.L.M.B. 21/118
I. Successions - Reprise préférentielle - Introduction par citation - Recevabilité.
II. Successions - Reprise préférentielle - Évaluation des biens objets de la reprise - Candidat titulaire d'un bail à ferme - Incidence du bail sur l'évaluation (oui).
1. Si la demande de désignation d'un expert chargé de l'estimation d'immeubles successoraux relevant d'une exploitation agricole en vue de leur reprise par l'héritier en ligne directe peut être introduite distinctement par voie de requête déposée auprès du tribunal de la famille, aucune disposition n'exclut qu'elle puisse être formulée concomitamment à une demande de désignation d'un notaire chargé de procéder aux opérations de liquidation-partage de la succession introduite par voie de citation.
2. Les biens doivent être estimés au jour le plus proche du partage, en tenant compte de leur état d'occupation, même lorsque le repreneur est en même temps titulaire d'un bail à ferme sur le bien. Que le bail soit susceptible de prendre fin par confusion des qualités de propriétaire et de locataire qu'opérerait l'effet déclaratif du partage n'y change rien.

(Christian / Sandrine, Rosalie, Madeleine et Louis )


I. Faits pertinents et rétroactes
Les faits pertinents et les rétroactes ont été correctement exposés dans le jugement interlocutoire rendu le 13 novembre 2020, auquel le tribunal se réfère.
Aux termes de cette décision, la 20e chambre du tribunal a :
  • dit la demande de désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de liquidation-partage de l'indivision existant entre les parties résultant de la donation en nue-propriété reçue le 30 janvier 2014 par le notaire Robert Jacques de résidence à Ath, recevable ;
  • commis le notaire Matthieu Van Molle, de résidence à Ittre, aux fins de procéder aux opérations de liquidation-partage de ladite indivision ;
  • entériné un calendrier pour le surplus des demandes formulées par Christian et réservé à statuer sur celles-ci ;
II. Objet des demandes
Le dispositif des conclusions de Christian est libellé comme suit :

« - de déclarer la demande en sortie d'indivision recevable et fondée ;

- en conséquence, de désigner un notaire indépendant, aux fins de procéder aux opérations d'une part du partage des biens indivis, d'autre part aux opérations de comptes, liquidation et partage en vue de liquider la succession et la communauté ayant existé entre les défunts prénommés ;

- de désigner un expert agronome d'une part aux fins d'évaluer et partager les biens ayant fait l'objet de l'acte de donation, d'autre part conformément à l'article 4, alinéa 2, de la Loi du 29 août 1988, aux fins d'évaluer et de permettre la reprise sur prisée des immeubles dépendant des successions, avec pour mission de :

"

- dès notification de sa mission, convoquer les parties sur les lieux, aux fins d'ouvrir les opérations d'expertise ;

- visiter, examiner et décrire l'ensemble des biens immobiliers ruraux dépendant d'une part de la donation, d'autre part de la succession des défunts dans les deux masses distinctes ;

- estimer les biens et plus particulièrement les biens ruraux, dépendant de la succession des défunts (terres et pâtures), compte tenu de leur nature, de leur situation d'occupation (bail à ferme), de leur état, le tout sur la base des points de comparaison les plus proches et précis possibles ;

- communiquer aux parties son rapport préliminaire et après avoir répondu aux différentes interrogations des parties, ainsi qu'à leurs notes défaits directoires de :

• établir un rapport préliminaire complémentaire le cas échéant et en tout cas un rapport d'expertise définitif scindant d'une part les biens donnés (avec projet de partage en nature pour ceux-ci) et d'autre part les biens ruraux dépendant de la succession des défunts ;

• concilier les parties si faire se peut et à défaut, déposer dans les quatre mois de la notification de sa mission par le greffe ;

- Dispenser le magistrat de la réunion d'installation, après que celui-ci ait déterminé la provision à cantonner au profit de l'expert" ;

- de mettre les dépens à la marge successorale ;

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir, nonobstant tout recours et sans caution ni cantonnement ou consignation de quelque nature ou de quelque ordre que ce soit ».

Le dispositif des conclusions des consorts Sandrine, Rosalie, Madeleine et Louis est rédigé dans les termes suivants :

« À titre principal

Déclarer la demande irrecevable en tant qu'elle vise les biens relevant de la succession des parents.

À titre subsidiaire

Inviter le demandeur à clarifier le dispositif de ses conclusions ;

À titre plus subsidiaire

Libeller une éventuelle mission d'expertise en manière telle qu'elle ne contienne aucun préjugé sur l'incidence du bail à ferme - d'un éventuel bail à ferme - sur les conditions d'une éventuelle reprise par le demandeur.

Mettre les dépens à charge de tous ».

III. Examen des demandes
1. Préambule
Le tribunal rappelle la jurisprudence constante de la Cour de cassation suivant laquelle :

« Le juge est tenu de trancher le litige conformément aux règles de droit qui lui sont applicables. Il doit examiner la nature juridique des faits et actes invoqués par les parties et peut, indépendamment de la qualification juridique que les parties y ont attachée, suppléer d'office les motifs qu'ils ont invoqués, pour autant qu'il ne soulève pas de litige dont les parties ont exclu l'existence par conclusions, qu'il se fonde uniquement sur des éléments qui lui ont été régulièrement soumis, qu'il ne modifie pas l'objet de la demande et qu'il ne viole pas à cet égard les droits de la défense des parties. Il est tenu de soulever d'office les moyens de droit dont l'application est commandée par les faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions » [1].

2. Recevabilité
Les consorts Sandrine, Rosalie, Madeleine et Louis soulèvent l'irrecevabilité de la demande d'expertise formulée par leur frère Christian en tant qu'elle porte sur les immeubles ruraux dépendants des successions de leurs parents en vue de leur reprise, au motif qu'en application de l'article 4 de la loi du 29 août 1988 relative au régime successoral des exploitations agricoles en vue d'en promouvoir la continuité, cette demande devrait être introduite par requête et non par citation parallèlement à une demande de désignation d'un notaire-liquidateur chargé de procéder aux opérations de liquidation-partage desdites successions.
L'article 1er de la loi du 29 août 1988 précitée dispose que :

« Sous réserve des dispositions du Code civil qui fixent les droits du conjoint survivant et du cohabitant légal survivant, chacun des héritiers en ligne directe descendante a la faculté, lorsqu'une succession comprend pour la totalité ou pour une quotité une exploitation agricole, de reprendre, sur estimation, les biens meubles et immeubles qui constituent l'exploitation agricole.

(...)

Dans le cas où la succession ne comprend pas pour la totalité ou pour une quotité une exploitation agricole, mais bien des biens immeubles qui faisaient partie de l'exploitation agricole du défunt, et que l'un des héritiers en ligne directe descendante est à ce moment exploitant de ces biens dans le cadre de sa propre exploitation agricole, ce dernier a également la faculté de reprendre ces biens sur estimation, sous réserve des dispositions du Code civil qui fixent les droits du conjoint survivant et du cohabitant légal survivant ».

Son article 4, alinéa 1er, énonce que :

« Si un intéressé ou son créancier en fait la demande, il est procédé à l'estimation par le soin du tribunal de la famille, qui peut nommer à cet effet un ou plusieurs experts. Le tribunal de la famille statue sur la minute de la requête ; son ordonnance est exécutoire sur minute ».

Si la demande de désignation d'un expert chargé de procéder à l'estimation d'immeubles successoraux relevant d'une exploitation agricole en vue de leur reprise par l'héritier en ligne directe peut être introduite distinctement par voie de requête déposée auprès du tribunal de la famille, aucun disposition n'exclut qu'elle puisse être formulée, comme en l'espèce, concomitamment à une demande de désignation d'un notaire chargé de procéder aux opérations de liquidation-partage de ladite (ou desdites) succession(s) introduite par voie de citation.
La demande est dès lors parfaitement recevable.
3. Fondement

a. Quant à la désignation d'un notaire pour procéder aux opérations de liquidation-partage des successions de Léon et Marie ainsi que du régime matrimonial ayant existé entre eux :

Christian sollicite la désignation d'un notaire aux fins de procéder aux opérations de liquidation-partage des successions de ses parents et du régime matrimonial ayant existé entre eux.
Les consorts Sandrine, Rosalie, Madeleine et Louis ne contestent pas le bien- fondé de cette demande.
Il y a dès lors lieu d'y faire droit et de confier cette mission au notaire Matthieu Van Molle, de résidence à Ittre, déjà désigné par jugement précité du 13 novembre 2020 pour procéder aux opérations de liquidation-partage de l'indivision immobilière existant entre les parties résultant de la donation en nue-propriété consentie aux parties par Léon et Marie suivant un acte reçu le 30 janvier 2014 par le notaire Robert Jacques, de résidence à Ath.

b. Quant à la désignation d'un expert-agronome chargé d'estimer la valeur vénale des immeubles ruraux :

Christian postule la désignation d'un expert-agronome chargé d'estimer non seulement les immeubles ruraux ayant fait l'objet de la donation en nue-propriété précitée, ce qui ne fait l'objet d'aucune contestation, mais également, en application de l'article 4, alinéa 1er, de la loi du 29 août 1988 relative au régime successoral des exploitations agricoles en vue d'en promouvoir la continuité, « les biens ruraux dépendant de la succession des défunts (terres et pâtures), compte tenu de leur nature, de leur situation d'occupation (bail à ferme), de leur état, le tout sur la base des points de comparaison les plus proches et précis possibles ».
S'ils ne s'opposent pas au principe du droit reprise stipulé à l'article 1er de cette loi, les consorts Sandrine, Rosalie, Madeleine et Louis sollicitent que leur frère Christian précise les biens immobiliers successoraux sur lesquels il entend exercer ce droit et que l'expert judiciaire désigné ne tienne pas compte dans son estimation de leur situation d'occupation.
À l'audience du 8 janvier 2021, Christian a précisé par la voix de son conseil que sa demande de reprise portait sur l'ensemble des immeubles successoraux relevant de son exploitation agricole, bâtis et non bâtis, à l'exclusion de ceux visés à l'article 11 de la loi du 29 août 1988, à savoir les immeubles non bâtis « situés dans des zones d'habitat telles qu'elles ont été délimitées en vertu de la législation organique de l'aménagement du territoire et de l'urbanisme ».
Il résulte des déclarations de succession de Léon et de Marie qu'il s'agit des immeubles suivants :
  • le bâtiment agricole sis à S. (...), 47 ;
  • les quatre pâtures sises à S. reprises en page 7, points c. à f. de la déclaration de succession de Marie et en page 4, points c. à f. de la déclaration de succession de Léon ;
  • les quatre terres sises à J. reprises en pages 7 et 8, points a. à d. de la déclaration de succession de Marie et en pages 4 et 5, point a. à d. de la déclaration de succession de Léon.
Et ce pour autant que ces terres et pâtures ne se situent pas dans des zones d'habitat visées à l'article 11 de la loi du 29 août 1988.
Quant à la prise en compte dans le cadre de l'estimation de la situation d'occupation des terres agricoles, et notamment des éventuels baux à ferme grevant celles-ci, il a été opportunément jugé que :

« Si la loi du 29 août 1988 relative au régime successoral des exploitations agricoles en vue d'en promouvoir la continuité, déroge au principe du partage en nature en instaurant la possibilité de partage par voie de reprise, elle ne déroge pas aux règles générales du régime successoral et en particulier aux règles qui gouvernent la valorisation des biens successoraux.

Il ne ressort d'aucune disposition qu'un bien qui est occupé devrait être fictivement évalué "libre d'occupation" dans les opérations de liquidation-partage. Les biens doivent en principe être estimés au jour le plus proche du partage, en tenant compte de leur état d'occupation.

En dépit d'une jurisprudence contraire qui estime que lorsque le candidat repreneur était en même temps titulaire d'un bail à ferme, l'expert ne devait pas tenir compte de ce bail, étant donné que celui-ci prendrait fin en raison de la confusion de qualité de propriétaire et de locataire qui sera réputée se dérouler au moment de l'ouverture de la succession par l'effet déclaratif, il y a lieu de considérer qu'il n'est pas possible d'anticiper l'effet, déclaratif en estimant les biens comme si la confusion avait déjà eu lieu alors que la reprise n'est pas certaine au moment de cette estimation.

Comme la loi impose le maintien d'une exploitation pendant une certaine durée, les terres sont, dans les faits, grevées d'une charge » [2].

« Lors d'une sortie d'indivision successorale, les biens doivent être estimés en tenant compte de leur état d'occupation actuel. Cette règle persiste lorsque le candidat repreneur est en même temps titulaire d'un bail à ferme portant sur le bien, même si ce bail est susceptible de prendre fin en raison de la confusion des qualités de propriétaire et de locataire qu'opérerait l'effet déclaratif du partage » [3].

L'expert judiciaire devra dès lors prendre en considération dans son estimation la situation d'occupation des terres agricoles.
4. Dépens
N. Gendrin et D. Karadsheh rappellent à juste titre que :

« Au stade du jugement désignant le notaire liquidateur, le tribunal de la famille ne vide pas définitivement sa saisine au sens où l'entend l'article 19 du Code judiciaire, puisqu'il peut toujours être saisi de contredits, voire encore d'autres incidents.

L'instance est donc toujours ouverte.

(...)

À la lumière de ces considérations, nous estimons qu'au stade de la désignation du notaire, les dépens ne peuvent être totalement liquidés » [4].

Les dépens seront dès lors réservés, à l'exception des droits de mise au rôle et de la contribution au Fonds d'aide juridique de deuxième ligne, la présente cause ayant été introduite postérieurement à l'entrée en vigueur le 1er février 2019 de la loi du 14 octobre 2018 modifiant le Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe en vue de réformer les droits de greffe.

« En effet, les causes dans lesquelles un notaire a été désigné ne reviennent pas toutes sur contredits, empêchant de facto le prononcé d'un jugement définitif pour le tout. Il s'impose dès lors de procéder, dès le jugement de désignation de notaire, à la liquidation des droits de mise au rôle. Le même raisonnement s'impose en ce qui concerne la contribution au Fonds d'aide juridique.

Cette condamnation définitive partielle aux dépens doit être individualisée, puisqu'à la suite du prononcé du jugement, le greffe devra encoder dans le système informatique prévu à cet effet, le montant de la dette fiscale due par chacune des parties en vue de leur recouvrement par le Trésor : aussi, une condamnation à charge de la masse n'est-elle plus envisageable.

Il nous paraît que dans une action en partage donnant lieu à désignation de notaire, tous les coïndivisaires succombent sur cette question précise, ce qui justifiera dans la plupart des cas une répartition des frais de citation, des droits de mise au rôle et de la contribution au Fonds d'aide juridique par parts viriles (...).

Dans tous les cas défiguré, cette liquidation définitive partielle de droits de mise au rôle et de la contribution au Fonds d'aide juridique ne préjudice en rien la liquidation ultérieure des dépens non liquidés, comprenant notamment les indemnités de procédure » [5].

Les parties seront en conséquence condamnées par parts viriles aux droits de mise au rôle d'un montant de 165,00 euros et à la contribution au Fonds d'aide juridique de deuxième ligne d'un montant de 20,00 euros.
5. Exécution provisoire
En application de l'article 1397, alinéas 1er et 3, du Code judiciaire, il y a lieu d'autoriser l'exécution provisoire du présent jugement, nonobstant tout recours et sans caution.
(...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. Fr. Adriaensen.
Greffier : M. M. Godart.
Plaid. : MesV. Lamal et P. Renier.

 


[1] Cass. (1re ch.), 23 janvier 2020, F.19.0019.N, R.D.J.P., 2020, p. 19.
[2] Trib. fam. Brabant wallon (28e ch.), 24 mai 2017, Rev. not. belge, 2019, p. 416.
[3] Mons (35e ch.), 1er octobre 2019, J.L.M.B., 2020, p. 484.
[4] N. Gendrin et D. Karadsheh, Liquidation-partage, Collection Répertoire pratique du droit belge, Larcier, 2020, n° 83, pp. 88-89.
[5] Ibidem, n° 84, pp. 89 à 91.


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1. Si la demande de désignation d'un expert chargé de l'estimation d'immeubles successoraux relevant d'une exploitation agricole en vue de leur reprise par l'héritier en ligne directe peut être introduite distinctement par voie de requête déposée auprès du tribunal de la famille, aucune disposition n'exclut qu'elle puisse être formulée concomitamment à une demande de désignation d'un notaire chargé de procéder aux opérations de liquidation-partage de la succession introduite par voie de citation.

2. Les biens doivent être estimés au jour le plus proche du partage, en tenant compte de leur état d'occupation, même lorsque le repreneur est en même temps titulaire d'un bail à ferme sur le bien. Que le bail soit susceptible de prendre fin par confusion des qualités de propriétaire et de locataire qu'opérerait l'effet déclaratif du partage n'y change rien.

Mots-clés

Successions - Reprise préférentielle - Introduction par citation - Recevabilité - Successions - Reprise préférentielle - Évaluation des biens objets de la reprise - Candidat titulaire d'un bail à ferme - Incidence du bail sur l'évaluation (oui)

Date(s)

  • Date de publication : 02/04/2021
  • Date de prononcé : 12/02/2021

Référence

Tribunal de la famille Hainaut, division de Mons (26e chambre), 12/02/2021, J.L.M.B., 2021/13, p. 594-599.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit civil > Contrats spéciaux > Location/louage > Bail à ferme
  • Droit judiciaire > Procédure judiciaire > Introduction de l'affaire > Exploit de citation
  • Droit judiciaire > Procédures particulières (affaires civiles) > Biens indivis > Partage judiciaire
  • Droit public et administratif > Droit agraire > Régime successoral des exploitations agricoles

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