Me Connecter
Me connecter
PartagerPartager
Fermer
Linked InTwitter
Partager
Partager

Recherche dans la JLMB

Retour aux résultatsDocument précédentDocument suivant
Information
25/09/2018
Version PDF
-A +A

Tribunal correctionnel francophone Bruxelles (54e chambre), 25/09/2018


Jurisprudence - Droit pénal et procédure pénale - Droit pénal

J.L.M.B. 19/195
I. Viol - Pénétration vaginale - Absence de contact physique entre l'auteur et la victime - Auto-pénétration sexuelle par la victime sous la contrainte.
II. Attentat à la pudeur - Menaces - Absence de contact physique entre l'auteur et la victime.
1. Le crime de viol inclut l'hypothèse dans laquelle une personne est contrainte d'accomplir une pénétration sexuelle sur sa propre personne alors même qu'aucun contact physique avec la personne qui l'y contraint n'a lieu.
2. Il y a attentat à la pudeur lorsque l'auteur contraint, par la menace, la victime à se livrer à des actes portant gravement atteinte à son intégrité physique sexuelle auxquels elle n'avait pas la possibilité de se soustraire en raison des menaces dont elle faisait constamment l'objet. Un contact physique entre l'auteur de l'attentat à la pudeur avec violences ou menaces et la victime n'est pas requis.

(M.P. et Nathalie / X. )


(...)
L'analyse des préventions
Les préventions A et C
Il convient de tenir compte du libellé de l'infraction de viol tel que repris à la citation, lequel, applicable au moment des faits, est plus favorable au prévenu que le libellé du nouvel article 375 du Code pénal tel que modifié par la loi du 1er février 2016 modifiant diverses dispositions en ce qui concerne l'attentat à la pudeur et le voyeurisme (M.B. du 19 février 2016), qui a introduit dans la définition du viol les termes de menace et de surprise.
En l'espèce, il n'est pas contestable qu'un acte de pénétration sexuelle a bien eu lieu dans le chef de Nathalie au regard des déclarations de celle-ci corroborées par les messages échangés sur Facebook avec le prévenu ainsi que des captures d'écran de la vidéo retrouvée sur le G.S.M. du prévenu et mettant en scène la jeune fille en train d'introduire à plusieurs reprises ses doigts dans son vagin.
Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 4 juillet 1989 que les termes « par quelque moyen » repris à l'article 375, alinéa 2, du Code pénal recouvrent « une pénétration par un sexe mais également par tout autre instrument ou moyen »  [1]. La définition légale de l'infraction de viol inclut dès lors l'hypothèse dans laquelle une personne est contrainte d'accomplir une pénétration sexuelle sur sa propre personne alors même qu'aucun contact physique avec la personne qui l'y contraint n'ait lieu.
Il convient donc d'apprécier in concreto les circonstances précises dans lesquelles Nathalie a pratiqué une auto-pénétration sexuelle, l'absence de consentement étant un élément constitutif fondamental de l'infraction visée à l'article 375 du Code pénal.
L'analyse des multiples conversations échangées sur les réseaux sociaux démontre que le prévenu a progressivement manipulé Nathalie afin d'obtenir des photographies d'elle dénudée ainsi que des échanges via webcam au cours desquels elle se dénudait. Ces conversations sont particulièrement révélatrices du chantage exercé par le prévenu sur la jeune fille, lequel reposait sur la menace de diffusion des images.
Nathalie, qui était âgée de 15 ans, se trouvait indéniablement sous l'emprise du prévenu.
Le 4 octobre 2015, le prévenu a insulté Nathalie et l'a menacée à nouveau de diffuser les images. Il l'a traitée de « pute horrible », lui promettant qu'il allait lui « péter » sa vie et qu'elle devrait assumer les images qu'il entendait diffuser auprès des amis de la jeune fille.
Nathalie a supplié le prévenu et lui a assuré qu'elle était prête à tout faire pour éviter qu'il ne diffuse les images.
Le prévenu lui a répondu qu'il risquait de lui demander « des trucs pas très bien » et lui a demandé d'enlever tous ses vêtements. Nathalie lui a expliqué qu'elle n'osait pas enlever sa culotte, ni se « doigter » s'il le lui demandait. Tout en continuant à la menacer, le prévenu lui a assuré qu'il ne prendrait pas de captures d'écran.
À 23 h 11, lorsque la webcam a été activée, le prévenu a demandé à Nathalie de se retourner, de s'approcher de la caméra et d'écarter les fesses afin de mieux la voir se « doigter ».
Le prévenu a incontestablement forcé Nathalie, par la ruse et par la contrainte morale, à se pénétrer digitalement dès lors qu'elle n'avait d'autre possibilité de se soumettre à la volonté du prévenu afin d'éviter la diffusion immédiate des images à caractère sexuel la concernant.
Il convient par conséquent de constater que Nathalie n'a jamais consenti à la pénétration sexuelle que lui a imposée le prévenu en sorte que tous les éléments constitutifs de l'infraction de viol sont réunis en l'espèce.
La prévention A est dès lors établie dans le chef du prévenu.
De plus, le prévenu a, dans les circonstances précisées ci-avant, contraint à plusieurs reprises, par la menace, Nathalie à se livrer à des actes portant gravement atteinte à son intégrité physique sexuelle, auxquels elle n'avait pas la possibilité de se soustraire en raison des menaces dont elle faisait constamment l'objet. Un contact physique entre l'auteur de l'attentat à la pudeur avec violences ou menaces et la victime n'est pas davantage requis [2].
La prévention C est par conséquent également établie dans le chef du prévenu.
Les préventions B, D, E, F, G, H, I, J et K
Il ressort incontestablement des éléments du dossier répressif soumis à l'appréciation du tribunal et, plus particulièrement, des aveux du prévenu, des déclarations d'Isabelle et Sophie (préventions B1 et B2), de Julie et Aude (préventions D1 et D2), d'Anne, Pauline et Caroline (préventions E1, E2 et E3) démontrant un mode opératoire similaire utilisé par le prévenu, corroborées par les messages échangés sur les réseaux sociaux avec certaines d'entre-elles et reposant au dossier que le prévenu a favorisé la débauche et la corruption de jeunes filles mineures.
Les préventions B1, B2, D1, D2 et E1 à E3 sont dès lors établies (...).
Le prévenu a utilisé toutes les possibilités offertes par les réseaux sociaux, en ce compris la création de plusieurs faux profils, afin de véritablement harceler ses victimes pour obtenir de celles-ci des images à caractère sexuel, solliciter des relations sexuelles, les rencontrer, leur tenir des propos à connotation sexuelle ou encore pour les insulter et les menacer.
Les préventions H1 à H10, I1, I2 et G sont par conséquent établies dans le chef du prévenu. Il convient cependant de limiter la prévention H en ce que la circonstance de vulnérabilité telle que reprise à la citation n'est pas prévue à l'article 145, paragraphe 3bis, de la loi du 13 juin 2005 relative aux communications électroniques.
Il y a également lieu d'insérer dans cette prévention H un 4bis en ce qui concerne les faits commis au préjudice de Nathalie.
Les préventions F1 à F3 et J1 à J5 sont par ailleurs également établies au regard des éléments du dossier répressif, le prévenu ayant détenu et diffusé des fichiers à caractère pédopornographique mettant notamment en scène (des jeunes filles).
Enfin, il ressort à suffisance du dossier répressif que le prévenu a menacé (certaines jeunes filles) d'un attentat contre leurs personnes respectives, notamment de violer certaines d'entre elles.
Les préventions K1 à K5 sont dès lors établies dans le chef du prévenu.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. M. Vanwelkenhuyzen, Mme P. Everaert et M. P. Robin.
Greffier : Mme Vanlanduyt.
M.P. : Mme M. Culot.
Plaid. : MesM. Alié et A. Dumont.

 


[1] Proposition de loi modifiant certaines dispositions relatives au crime de viol, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1981-1982, n° 166, Amendement n° 2, p. 2.
[2] Voy. notamment : Cass., 31 mars 2015, R.G. n° P. 14.0293.N ; Cass., 27 novembre 2013, R.G. n° P.13.0714.F


Fermer

Sommaire

Le crime de viol inclut l'hypothèse dans laquelle une personne est contrainte d'accomplir une pénétration sexuelle sur sa propre personne alors même qu'aucun contact physique avec la personne qui l'y contraint n'a lieu.  

Il y a attentat à la pudeur lorsque l'auteur contraint, par la menace, la victime à se livrer à des actes portant gravement atteinte à son intégrité physique sexuelle auxquels elle n'avait pas la possibilité de se soustraire en raison des menaces dont elle faisait constamment l'objet. Un contact physique entre l'auteur de l'attentat à la pudeur avec violences ou menaces et la victime n'est pas requis.

Date(s)

  • Date de publication : 05/04/2019
  • Date de prononcé : 25/09/2018

Référence

Tribunal correctionnel francophone Bruxelles (54 e chambre), 25/09/2018, J.L.M.B., 2019/14, p. 653-656.

Branches du droit

  • Droit pénal > Infractions et leurs peines > Crimes et délits contre la famille et la moralité > Viol

Éditeur

Larcier

User login