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02/06/2017
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Cour d'appel Bruxelles (2e chambre), 02/06/2017


Jurisprudence - Baux - Logement et baux à loyer

J.L.M.B. 17/550
I. Logement - Région bruxelloise - Vacance immobilière - Notion de logement inoccupé - Arrêté d'inhabitabilité (non).
II. Logement - Région bruxelloise - Vacance immobilière - Logement inoccupé de longue date - Sanction - Action en cessation - Garantie d'une occupation effective.
1. La notion de logement telle qu'elle est visée par le Code bruxellois du logement est une notion de fait, indépendante de l'affectation urbanistique du bien. La circonstance que des occupations ont lieu en violation d'un arrêté d'inhabitabilité n'a pas pour effet de les rendre nulles (de nullité absolue), la nullité ne frappant que les actes juridiques et non des situations de fait.
2. Celui qui néglige, pendant dix-sept ans et en faisant usage de divers artifices pour se soustraire à ses obligations, d'effectuer les travaux permettant une occupation effective du logement dont il est propriétaire peut être condamné à en garantir l'occupation effective dans un délai de six mois, sous peine d'astreinte.

(Isabelle / Commune de X. )


Vu le jugement prononcé contradictoirement par le tribunal civil francophone de Bruxelles le 27 janvier 2016, (...)
I. Les faits
1. Isabelle est propriétaire de six biens immobiliers à X, dont un immeuble situé rue Y... et qui est composé d'un rez-de-chaussée et de trois étages, chaque étage étant divisé en deux unités de logement.
2. Par un courrier du 14 février 2000, la commune de X. avait écrit à Isabelle pour dénoncer l'état désastreux de ce dernier immeuble, donné en location, au point de vue tant de la sécurité que [de] la salubrité.
Le 23 février 2000, un arrêté d'inhabitabilité a été adopté par le bourgmestre de la commune. Le troisième étage a été déclaré inhabitable immédiatement et un délai de trois mois a été laissé à Isabelle pour la régularisation des premier et deuxième étages aux regards de normes de sécurité, de salubrité et d'habitabilité.
Le 12 septembre 2000, l'appartement sis au deuxième étage de l'immeuble a été déclaré inhabitable pour raison de sécurité de d'hygiène.
3. Huit ans plus tard, le 18 novembre 2008, un procès-verbal a été dressé, constatant l'inoccupation du bien depuis six mois.
Par un courrier du 25 novembre 2008, la commune de X. a écrit à Isabelle qu'en raison de l'inoccupation de son bien depuis plus de six mois, une taxe de 19.098 euros lui serait imposée.
Par un courrier du 5 juin 2009, le conseil d'Isabelle a écrit à la commune que sa cliente contestait être redevable d'une taxe (inscrite sous l'article n° 31 pour l'exercice 2008) dès lors que tous les niveaux de l'immeuble étaient occupés conformément à leur destination.
Par une décision du 29 septembre 2010, le collège des bourgmestre et échevins a rejeté la réclamation d'Isabelle relative à ladite taxe.
Le 10 décembre 2010, Isabelle a introduit un recours auprès du tribunal de première instance de Bruxelles afin de contester la taxe litigieuse. Par jugement du 26 juin 2014, le tribunal a débouté Isabelle de sa demande.
4. Le 12 janvier 2012, des délégués de la cellule logement de la commune ont procédé à une inspection partielle de l'immeuble. Ils ont considéré que l'ensemble de la maison était dans un état critique et constaté que le rez et les deux premiers étages étaient occupés par des locataires.
Par un courrier du 13 janvier 2012, la commune de X. a rappelé à Isabelle l'historique du dossier et lui a fait part du constat effectué le 12 janvier 2012. Elle sommait Isabelle de participer à une réunion avec ses services et ceux du C.P.A.S. auquel émargeaient ses locataires. Le même jour, la commune a porté plainte auprès de l'Inspection régionale du logement.
Par un courrier du 24 mai 2012, l'Inspection régionale du logement a écrit à Isabelle que, suite à sa visite du 16 mai, elle avait constaté que les locataires avaient quitté les lieux, de sorte qu'elle classait le dossier.
5. Par un courrier du 28 novembre 2014, la commune de X. a écrit à Isabelle qu'elle avait constaté que son immeuble présentait plusieurs signes indiquant qu'il était inoccupé. Elle rappelait qu'elle avait la possibilité d'introduire une action en cessation auprès du tribunal de première instance de Bruxelles pour exiger la réoccupation du bien en proposait d'effectuer une visite du bien avant d'introduire une telle procédure. Elle proposait la date du 18 décembre 2014 et demandait, dans l'hypothèse où cette date ne lui conviendrait pas, de prévoit une autre date, au plus tard le 8 janvier 2015.
Par un courrier du 16 décembre 2014, Isabelle a répondu qu'elle ne pouvait se libérer pour le 18 décembre.
Le 9 janvier 2015, la commune de X. a dressé un constat de carence, à défaut d'avoir pu visiter le bien pour le 8 janvier.
6. Le 6 février 2015, la Commune de X. a dressé un procès-verbal de constat d'immeuble inoccupé, seule une personne étant inscrite à l'adresse alors que l'immeuble contient sept unités de logement. À la date du 31 juillet, seul un occupant était en effet inscrit à l'adresse.
Le 31 août 2015, la cellule logement de la commune a rédigé un rapport de visite de l'immeuble litigieux, dont il résulte que les deux logements du premier et du deuxième étages étaient occupés.
Par un courrier du 23 octobre 2015, la commune de X. a déposé plainte auprès de l'Inspection régionale du logement en ce qui concerne le logement du premier étage situé du côté gauche.
7. Le 4 décembre 2015, un nouveau rapport de visite a été rédigé, constatant la présence de locataires aux premier et deuxième étages mais également au rez-de-chaussée (malgré l'affectation de bureaux) et la grande vétusté de plusieurs des logements.
Le 7 décembre 2015, la présente procédure a été introduite.
Le 10 décembre 2015, la commune de X. a dressé un procès-verbal d'infraction aux articles 98, paragraphe 1er, et 300 du Code bruxellois d'aménagement du territoire à charge d'Isabelle. À la date du 28 décembre 2015, quatre locataires étaient inscrits à l'adresse litigieuse.
8. Le 2 février 2016, l'Inspection régionale du logement a prononcé l'interdiction de louer l'appartement arrière gauche du premier étage de l'immeuble.
Par une décision du 1er avril 2016, le fonctionnaire délégué a rejeté le recours introduit contre cette décision par Isabelle.
Par un email du 24 août 2016, une employée de la cellule logement de la commune a confirmé être sans nouvelles d'Isabelle qui aurait refusé d'envisager la prise en gestion de son immeuble par une agence immobilière sociale, mais déclaré que pour le reste la situation était inchangée.
II. La procédure
9. L'action principale originaire, mue par citation du 7 décembre 2015 par la commune de X. et telle que modifiée par voie de conclusions, tendait, par un jugement exécutoire par provision nonobstant tout recours et sans caution ni cantonnement à entendre :
À titre principal :
  • déclarer la demande en cessation d'inoccupation recevable et fondée pour ce qui concerne les cinq unités de logement situées au premier étage droit, deuxième étage gauche et droit, et au troisième étage gauche et droit de l'immeuble sis rue Y... ;
  • ordonner avant dire droit une descente du tribunal sur les lieux en application des articles 19, alinéa 3, et 735 du Code judiciaire en compagnie d'un expert chargé, en substance, d'évaluer les travaux à réaliser pour rendre les cinq unités de logement visées conformes aux exigences du Code bruxellois du logement, de préciser, le cas échéant, les travaux devant faire l'objet d'un permis et les délais nécessaires pour ce faire et de contrôler la réalisation effective des travaux et leur conformité aux règles de l'art ainsi qu'aux éventuelles autorisations administratives ;
  • condamner Isabelle à donner libre accès aux lieux sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par refus et à rembourser à la commune, sur simple présentation des factures les sommes exposées par elle pour la descente sur les lieux et la mission de l'expert.
À titre subsidiaire :
  • ordonner avant dire droit une descente du tribunal sur les lieux en application des articles 19, alinéa 3, et 735 du Code judiciaire en compagnie d'un expert chargé, en substance, d'examiner les cinq unités de logement et de fournir les indications permettant de déterminer leur caractère inoccupé ;
  • condamner Isabelle à donner libre accès aux lieux sous peine d'une astreinte de 5.000 euros par refus et à rembourser à la commune, sur simple présentation des factures, les sommes exposées par elle pour la descente sur les lieux et la mission de l'expert.
Isabelle concluait à l'absence de fondement de la demande introduite par la commune.
Par jugement du 27 janvier 2016, le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, statuant comme en référé, a :
  • déclaré inoccupés, au sens de l'article 20, paragraphe 1er, du Code bruxellois du logement les deux unités de logement du deuxième et du troisième étages et l'unité de logement du côté droit du premier étage ;
  • débouté la commune de sa demande de désigner un expert,
  • mis la cause en continuation à l'audience du 26 février 2016 pour la mise en état de la cause.
La commune a déposé par la suite deux jeux de conclusions afin d'actualiser sa demande.
10. Relevant appel de la décision du 27 janvier 2016, Isabelle demande la réformation du jugement entrepris et sollicite de la cour qu'elle déboute la commune de sa demande.
La commune de X. demande la confirmation du jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inoccupés les cinq logements précités. Elle forme un appel incident par lequel elle demande, à titre principal, la condamnation d'Isabelle :
  • à réaliser l'ensemble des travaux destinés à rendre les cinq unités de logement déclarées inoccupées par le premier juge conformes aux exigences du Code bruxellois du logement et à ses arrêtés d'exécution, tels que listés dans le rapport établi à la suite de deux visites sur place effectuées les 6 et 13 avril 2016 et à faire constater la bonne exécution de ces travaux par la commune le tout dans un délai de trois mois à dater du prononcé de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte de 250 euros par jour de retard ;
  • à assurer l'occupation effective et conforme au Code du logement bruxellois des unités de logement précitées dans les deux mois de la confirmation de la bonne réalisation des travaux par la commune, sous peine d'une astreinte de 250 euros par jour de retard et
  • aux dépens.
À titre subsidiaire, la commune demande à la cour de désigner un expert ayant pour mission :
  • dans un premier temps, de décrire les travaux à réaliser dans les unités de logement reconnues inoccupées ainsi que le délai nécessaires à l'exécution desdits travaux pour les rendre conformes au Code bruxellois du logement et à ses arrêtés d'exécution et ainsi permettre leur occupation conformément à leur destination ;
  • dans un second temps, lorsque les travaux à réaliser pour permettre une occupation des unités de logement concernées par la présente action en cessation auront été ordonnés par la cour sur la base de l'avis de l'expert judiciaire, de contrôler, à l'expiration du délai imparti, la réalisation effective et conforme aux règles de l'art de ces travaux.
Elle sollicite également, dans le cadre de ces mesures d'instruction, la condamnation de l'appelante à donner libre accès aux lieux à l'expert judiciaire ainsi qu'aux personnes qui l'accompagneraient, sous peine d'une astreinte dissuasive par accès refusé ou absence et de renvoyer au rôle pour le surplus.
III. Discussion et décision de la cour
1. Les principes relatifs à l'action en cessation à l'égard des logements inoccupés
11. L'article 20, paragraphe 1er, du Code bruxellois du logement (2013) dispose que constitue une infraction administrative

« pour le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel principal, de maintenir inoccupé, tel que défini à l'article 15 du présent code, un immeuble ou une partie d'immeuble destiné au logement d'un ou de plusieurs ménages ».

L'article 15, paragraphe 2, du même code précise que sont :

« présumés inoccupés notamment les logements :

1° à l'adresse desquels personne n'est inscrit à titre de résidence principale aux registres de la population ;

2° pour lesquels les propriétaires ont demandé une réduction du précompte immobilier pour improductivité ;

3° qui ne sont pas garnis du mobilier indispensable à leur affectation ;

4° pour lesquels la consommation d'eau ou d'électricité constatée pendant une période d'au moins douze mois consécutifs est inférieure à la consommation minimale fixée par le gouvernement ».

Cette présomption, poursuit la disposition

« peut être renversée par le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel principal qui peut justifier l'inoccupation du logement par des raisons légitimes ou un cas de force majeure ».

L'article 2, paragraphe 1er, du Code du logement définit le logement comme étant :

« l'immeuble ou la partie d'immeuble utilisé ou affecté à l'habitation d'un ou de plusieurs ménages ».

Les termes utilisés permettent de considérer que tout bien servant « effectivement de lieu de séjour à un ménage doit être considéré comme logement », et ce « même si, sur le plan réglementaire, il est impropre à l'habitation » (N. Bernard, « L'action en cessation à l'égard des logements inoccupés », note sous Bruxelles, 10 janvier 2012, Rev. dr. commun., 2014, p. 17).
12. L'article 22 du même code confère au président du tribunal de première instance statuant comme en référé le pouvoir d'ordonner, à la demande notamment des autorités administratives, que le propriétaire ou le titulaire d'un droit réel principal sur le logement « prenne toute mesure utile afin d'en assurer l'occupation dans un délai raisonnable ».
Cette disposition permet au juge de détailler les actions à prendre pour mettre fin à l'inoccupation, et notamment des mesures visant à rendre le bien habitable, sans perdre de vue que le propriétaire reste libre de l'usage à donner au bien après rénovation, que ce soit en le vendant, en le louant ou en l'occupation personnellement (N. Bernard, « L'action en cessation pour mettre fin à la vacance immobilière à Bruxelles : une première application ! », note sous Civ. Bruxelles, 31 janvier 2012, J.L.M.B., 2012, pp. 1876-1877).
2. Application des principes au cas d'espèce
13. L'action de la commune concerne cinq unités de logement comprises dans l'immeuble d'Isabelle, à savoir le premier étage droit (le gauche étant occupé), les deux unités du deuxième étage et les deux unités du troisième étage.
Isabelle fait grief au premier juge d'avoir considéré que ces unités étaient des logements inoccupés. Selon elle, tel ne peut être le cas d'un bâtiment qui, comme l'immeuble litigieux, est de type industriel et de bureaux.
14. Les plans produits par Isabelle ne concernent que le rez-de-chaussée de l'immeuble, qui n'est pas visé par les demandes de la commune de X.
Rien ne permet de considérer que le reste de l'immeuble ne serait pas affecté au logement.
En tout état de cause, il résulte des principes précités que la notion de logement telle que visée par le Code bruxellois du logement est une notion de fait, indépendante de l'affectation urbanistique du bien.
Or, il résulte à suffisance des pièces du dossier que les étages visés par la demande de la commune de X. ont été utilisés comme logements au moins depuis les années 2000 (et, selon la commune, depuis les années septante).
15. Dès lors qu'Isabelle fait grief au premier juge d'avoir considéré que les logements litigieux étaient inoccupés, il convient de vérifier si tel est bien le cas.
Certes, la question de l'inoccupation n'a pas, en tant que telle, été développée par Isabelle dans sa requête d'appel. La cour rappelle toutefois que, en vertu du principe général du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, il a « l'obligation, en respectant les droits de la défense, de relever d'office les moyens de droit dont l'application est commandée par les faits spécialement invoqués par les parties au soutient de leurs prétentions » (Cass., 4 mars 2013, Pas., I, n° 526). Il est « tenu d'examiner la nature juridique des faits et actes invoqués par les parties et, quelle que soit la qualification juridique que celles-ci leur ont donnée, peut suppléer d'office aux motifs qu'elles ont invoqués à la condition qu'il n'élève aucune contestation dont les parties ont exclu l'existence en conclusions, qu'il se fonde uniquement sur des éléments régulièrement soumis à son appréciation, qu'il ne modifie pas l'objet de la demande et qu'il ne viole pas les droits de défense des parties » (Cass., 23 janvier 2014, Pas., 2014, I, pp. 211-213).
En l'espèce, il n'est pas nécessaire d'ordonner la réouverture des débats sur ce point dès lors que cette question a fait l'objet de développements substantiels de la commune de X. dans ses conclusions et a, par conséquent, été soumise aux débats entre les parties.
16. La cour se rallie aux pertinents motifs du premier juge, qu'elle fait siens et contre lesquels Isabelle ne forme du reste aucun grief spécifique, en ce qui concerne les deux unités de logement du troisième étage (manifestement inoccupées depuis longtemps) et le logement du premier étage droit (qui ne fait l'objet d'aucune inscription et était manifestement inoccupé lors du constat effectué en décembre 2015).
La cour ne peut toutefois suivre le premier juge qui, en ce qui concerne les deux unités de logement du deuxième étage, a estimé qu'elles devaient être considérées comme étant inoccupées dès lors que leur occupation se faisait de façon précaire et volatile, dans des conditions indécentes et contraires à l'article 23 de la Constitution.
17. Le dispositif prévu par l'article 22 du Code bruxellois du logement a pour objectif principal non d'améliorer la qualité de logements actuellement occupés mais d'augmenter la quantité de logements disponibles dans la région de Bruxelles-Capitale (certes à des conditions permettant de garantir que soient respectées les exigences élémentaires de sécurité, de salubrité et d'habitabilité prévues par les articles 4 à 14 du même code).
D'autres mécanismes existent, du reste, afin de permettre aux autorités publiques de veiller à ce que les logements occupés répondent à ces exigences, le cas échéant, en passant par la voie judiciaire (sur les questions, voy. notamment, M. Nihoul, « L'exécution des mesures de police à l'égard des immeubles », Rev. dr. commun., 2013, pp. 59-72).
18. En l'espèce, la cour constate que :
  • le 31 août 2015, la cellule logement de la commune a rédigé un rapport de visite de l'immeuble litigieux, dont il résulte que les deux logements du deuxième étage étaient occupés,
  • deux personnes sont inscrites dans ces logements depuis septembre 2015,
  • le 4 décembre 2015, un nouveau rapport de visite a été rédigé par la commune constatant la présence d'un locataire dans l'appartement du deuxième étage arrière droit (et l'absence de la locataire de l'autre logement mais non son inoccupation),
  • dans son procès-verbal du 10 décembre 2015, la commune de X. écrit que « les logements du deuxième étage sont actuellement occupés » ; en annexe est produite la convention à titre précaire signée par (...) pour un montant mensuel de 350 euros.
En outre, depuis que le jugement entrepris a été prononcé :
  • l'occupation des deux logements a été confirmée lors des visites effectuées par la commune les 6 et 13 avril 2016,
  • dans un email du 24 août 2016, une employée de la cellule logement de la commune a confirmé que les personnes inscrites depuis fin 2015 étaient toujours inscrites à l'adresse à cette date « qui correspondent aux logements "occupés" dans les conditions que l'on sait aux premier et deuxième étages »,
  • la commune de X. ne fournit aucun élément permettant de considérer que la situation aurait changé depuis (ce qu'elle n'invoque pas du reste).
Dans ces circonstances, il ne peut être considéré que ces deux logements sont actuellement inoccupés et ce, alors même que, comme l'affirme la commune, certaines des présomptions (réfragables) visées par l'article 15, paragraphe 2, du Code bruxellois du logement seraient réunies.
19. Contrairement à ce que soutient la commune de X., le fait que ces occupations ont lieu en violation d'un arrêté d'inhabitabilité n'a pas pour effet de les rendre nulles (de nullité absolue) ou inexistantes en raison de la violation d'une norme d'ordre public.
La cour a, en effet, déjà rappelé que tout bien servant de lieu de séjour doit être considéré comme logement alors même que cette occupation se ferait en violation d'une réglementation. En outre, la nullité est une sanction qui frappe un acte juridique et non une situation de fait.
20. Le jugement entrepris sera donc réformé en tant qu'il a déclaré inoccupés ces deux logements.
21. En ce qui concerne le logement du premier étage droit et les deux logements du troisième étage, il convient de prononcer toute mesure utile afin d'en assurer l'occupation dans un délai raisonnable.
Les travaux nécessaires ont été décrits avec précision dans un rapport établi par le service de l'urbanisme de la commune de X. dont il n'y a pas lieu de douter de la compétence et de l'objectivité. La cour relève par ailleurs qu'Isabelle ne forme aucune observation à l'égard de ces travaux.
Il convient de s'en inspirer pour déterminer la liste des travaux à effectuer, telle qu'elle sera reprise dans le dispositif du présent arrêt.
22. La commune de X. demande qu'Isabelle soit condamnée à exécuter ces travaux et à en faire constater la bonne exécution dans un délai de trois mois à dater du prononcé de la décision à intervenir, sous peine d'une astreinte de 250 euros par jour de retard.
Un délai de six mois, commençant à courir à partir de la signification de l'arrêt, permettra à Isabelle de trouver le ou les entrepreneurs en mesure de réaliser l'ensemble de ces travaux.
Eu égard aux compétences du service d'urbanisme de la commune, il se justifie de lui confier la vérification de la bonne exécution des travaux, en présence d'Isabelle, afin notamment d'éviter les frais d'une expertise.
23. L'astreinte se justifie eu égard à la mauvaise foi manifeste dont a fait preuve Isabelle depuis près de dix-sept ans.
Lors de l'audience, le conseil d'Isabelle a affirmé que celle-ci avait mis son bien en vente depuis plusieurs mois. Il est cependant resté très évasif quant aux modalités de mise en vente. Il va de soi que l'astreinte cessera de courir si Isabelle n'est plus propriétaire du bien.
24. Il convient également de condamner Isabelle à garantir l'occupation effective des trois unités de logement précitées et il se justifie, comme le demande la commune, de prévoir un délai de deux mois et une astreinte de 250 euros par jour de retard. (...)
Par ces motifs, (...)
Déclare les appels recevables et fondés dans la mesure précisée ci-après,
Confirme le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré inoccupés au sens de l'article 20, paragraphe 1er, du Code bruxellois du logement les deux unités de logement du troisième étage et l'unité de logement du côté droit du premier étage de l'immeuble sis rue Y...
Le réforme en tant qu'il a déclaré inoccupés les deux unités de logement du deuxième étage du même immeuble.
Évoquant la cause pour le surplus, déclare la demande de la commune de X. fondée dans la mesure précisée ci-après.
Condamne Isabelle à prendre les mesures utiles suivantes afin de permettre l'occupation des unités de logement situées au 1er étage, côté droit et au troisième étage : (...)
- En ce qui concerne l'unité de logement du premier étage droit :
  • prévoir un détecteur de fumée certifié dans chacune des pièces que l'on doit traverser pour relier les chambres à coucher à la porte donnant vers l'extérieur du logement, ces détecteurs devant être placés dans les règles de l'art et être de type optique alimentés par une batterie d'une durée de vie de cinq ans ou par alimentation électrique et être certifiée BOSEC ou par un organisme européen agréé ;
  • rénover les châssis (réparation des crémones, réglage des gonds, rénovation du bois des ouvrants, décapage et remise en peinture ...) et vérifier leur bonne étanchéité à l'eau (éventuellement prévoir des joints d'étanchéité), remplacer les châssis à l'identique s'ils sont trop abimés ;
  • installer, au minimum, un point d'eau chaude qui doit être relié à une installation centralisée de production et de distribution d'eau chaude, soit à l'ensemble des équipements nécessaires au placement d'une chaudière individuelle (raccordement électrique s'il s'agit d'une chaudière électrique)boiler ou alimentation gaz et évacuation des gaz brûlés s'il s'agit d'une chaudière au gaz, l'alimentation d'eau froide et les canalisations de distribution d'eau chaude) ;
  • placer une baignoire de plus grande dimension et d'accès plus aisé ou la remplacer par une douche ; dans les deux cas, la raccorder aux égouts ;
  • fixer l'évier et les robinets ;
  • remplacer l'installation électrique du logement pour que celle-ci respecte les normes en vigueur, faire établir et réaliser un schéma électrique par un électricien, installer un compteur électrique ou ouvrir l'existant, demander une attestation de réception par un organisme agréé par les autorités compétentes, avant mise en fonctionnement et demander une attestation qui prouve la puissance suffisante de la prise supplémentaire dans la cuisine ;
  • procéder au raccordement du compteur électrique au coffret de branchement (Sibelga) ;
  • pour le chauffage, soit remettre en état de fonctionnement le système de chauffage existant (chaudière au gaz dans la cave) qui relie les radiateurs du rez-de-chaussée ainsi que du premier étage ; soit prévoir une toute nouvelle installation de chauffage, étant entendu que pour les locaux habitables, la future salle de bain et le cabinet de toilette devront être équipés : soit d'un corps de chauffe de puissance suffisante appartenant à une installation commune ou privative de chauffage central ; soit de l'ensemble des équipements requis pour le placement d'appareils fixes de chauffage, c'est-à-dire soit une alimentation de gaz et un dispositif d'évacuation des gaz brûlés, soit une alimentation électrique de puissance suffisante ;
  • remplacer la sonnette individuelle si elle ne fonctionne pas. (...
  • faire constater la bonne exécution de ces travaux par le service urbanisme de la commune de X.
À défaut pour Isabelle d'avoir fait constater la bonne exécution de ces travaux ou si la commune constate qu'ils n'ont pas été exécutés correctement dans les six mois de la signification du présent arrêt, condamne Isabelle a paiement d'une astreinte de 250 euros par jour de retard, celle-ci cessant de courir, en cas de vente, au moment de la conclusion du compromis, pour autant qu'il soit suivi d'un acte authentique dans les quatre mois de sa conclusion, à défaut de quoi l'astreinte reprendra son cours jusqu'à la réalisation effective des travaux requis.
Condamne Isabelle, dans l'hypothèse où l'immeuble n'aurait pas été vendu, à assurer l'occupation effective et conforme au Code bruxellois du logement des trois logements précités dans les deux mois de la confirmation de la bonne réalisation des travaux, sous peine d'une astreinte de 250 euros par jour de retard, celle-ci cessant de courir, en cas de vente, au moment de la conclusion du compromis. (...)
Siég. :  Mmes R. Coirbay, A.-S. Favart et M. J. Van Meerbeeck.
Greffier : M. A. Monin. Plaid. : MesJ.-Fr. Peeters et Fr. Bollen (loco B. Louveaux).

 



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La notion de logement telle qu'elle est visée par le Code bruxellois du logement est une notion de fait, indépendante de l'affectation urbanistique du bien. La circonstance que des occupations ont lieu en violation d'un arrêté d'inhabitabilité n'a pas pour effet de les rendre nulles (de nullité absolue), la nullité ne frappant que les actes juridiques et non des situations de fait.  

Celui qui néglige, pendant dix-sept ans et en faisant usage de divers artifices pour se soustraire à ses obligations, d'effectuer les travaux permettant une occupation effective du logement dont il est propriétaire peut être condamné à en garantir l'occupation effective dans un délai de six mois, sous peine d'astreinte.

Date(s)

  • Date de publication : 17/11/2017
  • Date de prononcé : 02/06/2017

Référence

Cour d'appel Bruxelles (2 e chambre), 02/06/2017, J.L.M.B., 2017/37, p. 1758-1767.

Traduction

Hof van beroep Brussel, 02/06/2017

Branches du droit

  • Droit public et administratif > Logement > Région de Bruxelles-Capitale > Code bruxellois du logement

Éditeur

Larcier

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