Me Connecter
Me connecter
PartagerPartager
Fermer
Linked InTwitter
Partager
Partager

Recherche dans la JLMB

Retour aux résultatsDocument précédentDocument suivant
Information
01/12/2016
Version PDF
-A +A

Cour d'appel Liège (23e chambre), 01/12/2016


Jurisprudence - Contrats et obligations

J.L.M.B. 17/207
Obligations - Exécution de bonne foi - Fonction complétive de la bonne foi -Entrepreneur - Responsabilité avant réception - Réparation de certains désordres par l'entrepreneur - Réparations plus importantes demandées par le maître de l'ouvrage - Absence de preuve des manquements de l'entrepreneur - Refus du maître de l'ouvrage de laisser l'entrepreneur intervenir pour effectuer les réparations localisées - Manquement du maître de l'ouvrage à l'obligation de bonne foi. .
Lorsque le maître de l'ouvrage ne peut démontrer que les dégâts aux ouvrages existants sont imputables à l'entrepreneur et que ce dernier a proposé de réaliser les réparations limitées aux dégâts qui résultent de sa seule activité, le maître de l'ouvrage, refusant l'exécution de cette proposition, manque à l'exécution de bonne foi des conventions en sa fonction complétive, laquelle impose notamment à chaque partie d'exécuter loyalement le contrat et de collaborer à sa bonne exécution, ce qui implique notamment que le créancier n'entrave pas le débiteur dans l'accomplissement de ses obligations.

(Charles / S.C. P. )


Vu le jugement prononcé par le tribunal de commerce de Liège, division de Verviers du 18 juin 2015 (...)
I. Rappel des faits, antécédents de la procédure et objet de l'appel
Les faits de la cause et l'objet du litige ont été correctement relatés par les premiers juges à l'exposé desquels la cour se réfère.
Il suffit de rappeler très brièvement que dans le courant de l'année 2009, la S.C. P. a entrepris des travaux de terrassement pour la construction d'un immeuble sur un terrain voisin de celui appartenant à Charles, lequel l'a autorisée à utiliser son chemin privatif notamment pour la circulation d'engins de chantier.
Faisant état d'un accord intervenu entre les parties avant travaux quant à une remise en état des lieux après ceux-ci, et déplorant l'inexécution de cet accord, Charles a pris l'initiative de la présente procédure en assignant la S.C. P., par exploit du 10 avril 2013, devant le tribunal de commerce de Verviers.
En instance, Charles sollicitait que :
  • il soit dit pour droit que la S.C. P. soit tenue à remettre en état à ses frais le chemin privatif situé à côté de son immeuble et devant les garages situés à l'arrière de celui-ci ;
  • un expert soit désigné en vue de chiffrer le coût de ces travaux et le trouble de jouissance subi ;
  • il soit autorisé à faire réaliser les travaux décrits par l'expert par une entreprise tierce aux frais de la S.C. P. et à défaut, de condamner cette dernière au coût de la remise en état et à l'indemnisation des troubles de jouissance.
Par jugement du 18 juin 2015, le tribunal de commerce de Liège, division de Verviers, a dit la demande recevable mais non fondée et a condamné Charles aux dépens liquidés dans le chef de la S.C. P. à la somme de 1.310 euros étant le montant de l'indemnité de procédure.
Par son appel, Charles critique ce jugement et en postule la réformation, réitérant les demandes qu'il avait formées en instance.
Subsidiairement, il sollicite que les lieux soient « réparés selon la répartition du coût de la remise en état établi par le rapport du bureau e-Bex en date du 26 septembre 2012 » et que la S.A. M.-E. soit désignée pour réaliser les travaux au prix du marché actuel.
La S.C. P. conclut au non-fondement de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris.
II. Discussion
1. Charles fonde sa demande sur la base d'un accord verbal intervenu entre les parties sur le principe d'une remise en état des lieux par la S.C. P. à l'issue des travaux entrepris par celle-ci.
Si l'existence d'un accord n'est à cet égard pas contestée par la S.C. P., les parties ne s'accordent cependant pas sur la superficie concernée par cet accord ni sur les méthodes à utiliser pour la remise en état.
Force est en tout cas de constater que Charles reste en défaut de rapporter la preuve, qui lui incombe, que la S.C. P. se serait engagée à réaliser un nouvel asphaltage sur la totalité de l'allée principale ainsi que sur l'enclave arrière, située devant ses garages.
De l'avis du propre expert de Charles, un nouvel asphaltage sur la totalité de l'allée principale constituerait une amélioration de la situation antérieure vu l'état du chemin avant les travaux, tandis que rien ne prouve que l'enclave a été endommagée par la S.C. P.
La réalité de l'accord vanté par Charles doit, dans ce contexte, être sérieusement mise en doute.
À ce stade, seule est établie l'existence d'un accord de principe sur une remise en état des lieux, sans autres précisions.
Comme le rappelle à bon escient Charles, les conventions doivent être exécutées de bonne foi (article 1134, alinéa 3, du Code civil).
La bonne foi impose à tout cocontractant, qu'il soit débiteur ou créancier de l'obligation, d'agir en homme normalement raisonnable et honnête (P. Wéry, Droit des obligations, vol. I - Théorie générale du contrat, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 125).
En l'espèce, il appert des éléments produits et des explications fournies par les parties, que la S.C. P. a proposé de réaliser l'accord par l'asphaltage de l'entièreté du chemin privatif situé entre les immeuble bâtis et de la moitié de la largeur de ce chemin pour la partie située au-delà des immeubles, sans aucune intervention sur la surface située devant les garages.
Il est par ailleurs établi, et du reste non contesté, que le 17 juin 2011, un sous- traitant de la S.C. P. s'est présenté pour procéder aux travaux de pose de tarmac sur les parties concernées par la proposition prédécrite sans toutefois pouvoir y procéder, Charles ayant empêché leur réalisation, prétextant qu'ils ne donneraient pas satisfaction, s'agissant d'un simple colmatage de l'asphalte et d'une réparation partielle des lieux.
L'obstruction ainsi manifestée par Charles est abusive.
En effet, d'une part, il ressort des échanges de courriers et des photos produites que la préparation des parties du chemin concernées par la proposition de la S.C. P. (enlèvement du tarmac existant) avait été préalablement exécutée, de sorte que les travaux de pose de tarmac qui devaient être réalisés le 17 juin 2011 ne relevaient nullement d'un simple colmatage.
D'autre part, Charles ne pouvait raisonnablement exiger de la S.C. P. qu'elle effectue des réparations au niveau de l'enclave située devant ses garages, à défaut de pouvoir démontrer l'existence de dégâts y survenus imputables à cette société, défaut de preuve épinglé du reste par son propre expert [1].
La cour estime, au vu des photos produites de part et d'autre qui lui permettent d'être suffisamment éclairée quant à l'état du chemin litigieux avant et après travaux, que la proposition telle que formulée par la S.C. P. correspondait à une remise en état des lieux satisfaisante.
En refusant l'exécution de cette proposition, Charles a manqué à l'exécution de bonne foi des conventions en sa fonction compétitive, laquelle impose notamment à chaque partie d'exécuter loyalement le contrat et de collaborer à sa bonne exécution, ce qui implique notamment que le créancier n'entrave pas le débiteur dans l'accomplissement de ses obligations (en ce sens, P. Wéry, op. cit., p. 348).
Charles a de la sorte adopté un comportement fautif qui est en relation causale nécessaire et exclusive avec l'échec de l'accord verbal sur la base duquel il fonde à présent ses prétentions.
La S.C. P. soutient avec vraisemblance avoir subi une perte non négligeable suite à l'obstruction manifestée par Charles relativement aux travaux d'asphaltage qui auraient dû être réalisés le 17 juin 2011, le tarmac non utilisé ayant dû être jeté à défaut de pouvoir être mis en oeuvre sur un autre chantier.
Dans ce contexte, c'est à bon droit que les premiers juges ont considéré que Charles n'était pas fondé à exiger une deuxième fois que la S.C. P. exécute à ses frais l'accord de principe intervenu et qu'il devait être débouté de ses prétentions.
La demande de désignation d'un expert, formulée par Charles, en vue d'évaluer le coût des travaux de remise en état et les troubles de jouissance subis par lui, demeure non fondée, étant inutile à la solution du litige au vu des considérations qui précèdent.
Tous autres moyens invoqués par les parties sont, au vu des motifs qui précèdent, non pertinents.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mme B. Wauthy.
Greffier : M. O. Toussaint.
Plaid. : MesS. Dewonck et G. Jamar (loco R. Heins).

 


[1] La cour observe à cet égard, à l'instar des premiers juges, qu'il ressort des photos produites que Charles a lui-même procédé à des travaux importants au niveau de ses garages, susceptibles d'avoir endommagé cette partie de sa propriété.


Fermer

Sommaire

Lorsque le maître de l'ouvrage ne peut démontrer que les dégâts aux ouvrages existants sont imputables à l'entrepreneur et que ce dernier a proposé de réaliser les réparations limitées aux dégâts qui résultent de sa seule activité, le maître de l'ouvrage, refusant l'exécution de cette proposition, manque à l'exécution de bonne foi des conventions en sa fonction complétive, laquelle impose notamment à chaque partie d'exécuter loyalement le contrat et de collaborer à sa bonne exécution, ce qui implique notamment que le créancier n'entrave pas le débiteur dans l'accomplissement de ses obligations.

Mots-clés

Obligations - Exécution de bonne foi - Fonction complétive de la bonne foi -Entrepreneur - Responsabilité avant réception - Réparation de certains désordres par l'entrepreneur - Réparations plus importantes demandées par le maître de l'ouvrage - Absence de preuve des manquements de l'entrepreneur - Refus du maître de l'ouvrage de laisser l'entrepreneur intervenir pour effectuer les réparations localisées - Manquement du maître de l'ouvrage à l'obligation de bonne foi.

Date(s)

  • Date de publication : 27/10/2017
  • Date de prononcé : 01/12/2016

Numéro de rôle

2015/RG/959

Référence

Cour d'appel Liège (23 e chambre), 01/12/2016, J.L.M.B., 2017/34, p. 1633-1635.

Traduction

Hof van beroep Luik, 01/12/2016

Branches du droit

  • Droit civil > Contrats spéciaux > Construction - Entreprise de travaux > Contrat d'entreprise
  • Droit civil > Obligations conventionnelles > Fondements > Bonne foi

Éditeur

Larcier

User login