Jurisprudence - Généralités
Prisons - Mandat d'arrêt européen - Demande de remise d'un prévenu aux autorités judiciaires néerlandaises par un juge d'instruction belge - Indices de traitements inhumains et dégradants dans les prisons belges - Suspension - Questions posées aux autorités judiciaires belges . |
En tenant compte de la déclaration publique du Comité européen de prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants du 13 juillet 2017, de la réaction à cette déclaration des autorités belges, de l'arrêt pilote de la Cour européenne des droits de l'homme du 6 septembre 2016
[1], de l'arrêt de la Cour européenne du 16 mai 2017
[2] et enfin de publications dans les médias relatives aux conditions de détention et à la surpopulation dans les prisons belges, il convient de rouvrir et de suspendre l'instruction d'un dossier concernant la demande d'un juge d'instruction belge de remise d'un prévenu à l'encontre duquel il a délivré un mandat d'arrêt européen, jusqu'à ce que le procureur puisse renseigner le tribunal sur les conditions de détention et sur les conséquences liées à la surpopulation dans les prisons belges.
(M.P. / X. )
Jugement intermédiaire. La requête visant à remettre une personne demeurant aux Pays-Bas à la Belgique est retenue provisoirement. Il doit d'abord y avoir plus d'informations concernant les conditions de détention dans les prisons belges. (...)
Quant à la demande basée sur l'article 23 de la loi sur la remise (« Overleveringswet = O.L.W. ») introduite par le procureur auprès de ce tribunal. Cette demande date du 24 mai 2017 et concerne notamment le traitement d'un mandat d'arrêt européen (M.A.E.). Ce M.A.E. a été ordonné le 5 mai 2017 par le juge d'instruction du tribunal de première instance d'Anvers, division d'Anvers (Belgique) et vise l'arrestation et la remise de : (...)
8. |
Conditions de détention |
Le conseil a fait référence à la déclaration publique concernant la Belgique du 13 juillet 2017 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (C.P.T.) et argumente que la demande de remise doit être refusée sur la base de cette déclaration publique.
Le procureur adopte le point de vue que, malgré la forte critique concernant la déclaration publique, il n'est en ce moment pas question d'un danger réel de traitement inhumain dans les centres de détention belges.
Le tribunal apprécie comme suit. Le tribunal connaît d'office :
- la déclaration publique concernant la Belgique du 13 juillet 2017 du Comité européen pour la prévention de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants (C.P.T.) en ce compris les pièces auxquelles il est fait référence dans cette déclaration publique, comme entre autres l'arrêt pilote de la Cour européenne des droit de l'homme (Cour eur. D.H., du 6 septembre 2016 dans l'affaire W. D. c. Belgique (73548/13) et l'arrêt de la Cour. eur. D.H. du 16 mai 2017 dans les affaires Sylla et Nollomont (37768/13 en36467/14) ;
- la réaction à cette déclaration C.P.T. du directeur-général belge de la Direction générale législation, libertés et droits fondamentaux du 17 juillet 2017 ainsi que la réaction du ministre belge de la Justice Geens à laquelle il est fait référence
[3];
- des publications récentes dans les médias belges sur les conditions de détention - notamment la surpopulation - dans les prisons belges.
D'une part, aucun élément ne justifie à ce jour la conclusion que les détenus dans les prisons belges en général courent un réel danger de traitement inhumain ou dégradant, et encore moins qu'il existe pour la personne recherchée un pareil réel danger en cas de remise
[4]. D'autre part, il existe bien une raison suffisante pour examiner d'office plus amplement si un réel danger comme décrit ci-dessus existe (voy. Trib. Amsterdam, 7 juin 2016, ECLI:NL:RBAMS:2016:3409).
C'est pourquoi le tribunal rouvrira l'instruction du dossier afin de permettre au procureur de se renseigner quant aux conditions de détention et quant aux conséquences liées à la surpopulation éventuelle des :
- détenus dans les prisons belges en général et
- détenus qui sont remis par les Pays-Bas à la Belgique en particulier (voy. Trib. Amsterdam, 23 juin 2016, ECLI:NL:RBAMS:2016:3943).
9. |
Décision de réouverture |
Rouvre et suspend l'instruction du dossier lors de l'audience pour un délai indéterminé afin de permettre au procureur de poser les questions reprises ci-avant sous le point 8 aux autorités judiciaires belges.
Ordonne que l'instruction du dossier sera reprise lors d'une audience à fixer.
Ordonne la convocation de la personne recherchée pour un moment à fixer, avec notification en temps utile à son conseil.
Siég. : MM. W.A.J.P. van den Reek (prés.), M. van Mourik et F.A.N.J. Goudappel.
Greffier : M. A.T.P van Munster. |
[1] |
Cette revue, 2016, p. 1703. |
[2] |
Publié ci-avant, p. 1363 |
[3] |
https://www.koengeens.be/news/2017/07/17/geens-iedereen-beseft-dat-deze-situatie-niet-kan-duren>. |
[4] |
C.J.U.E. 5 avril 2016, C-404/15 ([nom 4] ) et C-659/15 PPU ([nom 5]), ECLI:EU:C:2016:198. |