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11/11/2016
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L'impact de l'article 47bis de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, au regard de la problématique du défaut de quittance du paiement de la rémunération de la main à la main


Jurisprudence - Contrat de travail

Contrat de travail - Droits et obligations des parties - Rémunération - Paiement de la rémunération de la main à la main - Absence de quittance - Présomption irréfragable de non-paiement .

1. Pour procéder au paiement de la rémunération des membres de son personnel, l'employeur dispose de deux modalités : le paiement en monnaie scripturale (assignation postale, chèque circulaire, virement à un compte bancaire ou de chèques postaux [1]) ou le paiement de la main à la main. C'est l'objet de l'article 5 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs.
Depuis le 1er octobre 2016, la rémunération est payée, en règle, en monnaie scripturale [2]. Le paiement de la main à la main est relégué au rang d'exception, ne pouvant plus être utilisé que pour autant que cette modalité soit prévue par voie de convention collective de travail conclue au sein d'un organe paritaire ou par un accord implicite ou un usage dans le secteur [3].
2. Le paiement de la main à la main est considéré de longue date comme une source d'insécurité pour le travailleur.
Attentif à cette préoccupation, le législateur était déjà intervenu en 1992 pour compléter l'article 5 de la loi du 12 avril 1965 et contraindre l'employeur, lors de chaque paiement de la main à la main, à soumettre à la signature du travailleur une quittance de ce paiement. Parmi les objectifs poursuivis, le législateur entendait alléger la charge de la preuve des inspecteurs sociaux qui contrôlent le respect de ce type de réglementation et accroître la sécurité juridique du travailleur qui réclame le paiement de sa rémunération [4].
3. Depuis son instauration, cette obligation, consistant pour l'employeur à soumettre à la signature du travailleur une quittance du paiement de la main à la main, est strictement encadrée. Son non-respect est non seulement érigé en infraction pénale mais entraîne, en outre, des conséquences en termes de preuve du paiement effectif de la rémunération (I).
Plus récemment, l'article 47bis de la loi du 12 avril 1965, inséré par la loi du 6 juin 2010 introduisant le Code pénal social, a encore intensifié les risques susceptibles de découler du défaut de quittance, en assimilant son absence au non-paiement pur et simple de la rémunération. Cette modification produit des répercussions sur le plan de la preuve, notamment (II).
I. L'incidence du défaut de quittance de paiement de la main à la main avant l'entrée en vigueur de l'article 47bis
a. Droit pénal social
4. Comme c'est le cas pour d'autres dispositions protectrices de la rémunération, le fait pour l'employeur, son préposé ou son mandataire de ne pas soumettre à la signature du travailleur une quittance du paiement effectué de la main à la main est érigé en infraction pénale.
L'article 164, 1°, c, du Code pénal social, qui a succédé à l'article 42 de la loi du 12 avril 1965, assortit cette incrimination d'une sanction de niveau 2 (à savoir, une amende pénale de 50 à 500 euros ou une amende administrative de 25 à 250 euros) [5].
b. Droit de la preuve
5. Avant l'entrée en vigueur de l'article 47bis, « l'impossibilité pour l'employeur de produire une quittance signée ne (suffisait) pas à elle seule à établir l'infraction de non-paiement de la rémunération » [6]. Elle constituait néanmoins un élément de preuve du non-respect de l'obligation de paiement de la rémunération.
6. Cet élément probatoire était apprécié, selon le cas, sous l'angle des règles de preuve en matière répressive ou des règles de preuve en matière civile. À cet égard, une évolution en deux temps peut être relevée avant l'introduction de l'article 47bis dans notre arsenal juridique.
7. La première période se situe avant l'avènement des conceptions factuelles de la cause et de l'objet [7].
À cette époque, le travailleur qui réclamait, devant une juridiction répressive dans le cadre d'une constitution de partie civile ou devant une juridiction sociale, la réparation du dommage causé par l'infraction de non-paiement de sa rémunération (objet au sens juridique) en fondant son action sur un délit (cause au sens juridique) voyait son action régie par les règles de preuve en matière pénale [8].
Celles-ci impliquaient, en termes de charge de la preuve, qu'il appartenait au travailleur de prouver la réunion des éléments constitutifs de l'infraction et, si l'employeur invoquait une cause de justification non dépourvue de tout élément de nature à lui donner crédit, de prouver que cette cause de justification n'existait pas [9].
Le juge du fond appréciait en fait la valeur probante des éléments sur lesquels il fondait sa conviction, qui lui étaient régulièrement soumis et que les parties avaient pu librement contredire [10] ; la partie poursuivante jouissait à cet égard d'un système de preuves libre à sa disposition, sous réserve des hypothèses où la loi établit un mode spécial de preuves [11].
En cas de doute, celui-ci profitait à l'employeur. C'était le cas lorsque l'ensemble des éléments soumis à l'appréciation du juge (existence ou absence d'une quittance de paiement dûment signée par le travailleur, de témoignages, du versement des cotisations sociales et du précompte professionnel, de réclamations du travailleur in tempore non suspecto, etc. [12]) ne lui permettaient pas d'exclure la version de l'employeur selon laquelle il aurait correctement acquitté son obligation de payer la rémunération.
À l'inverse, l'action portée par le travailleur devant les juridictions du travail en vue de postuler l'exécution de l'obligation contractuelle de paiement de la rémunération (objet au sens juridique) sur la base du contrat de travail (cause au sens juridique) était soumise aux règles de preuve en matière civile, aménagées le cas échéant par la législation sociale [13].
Conformément aux articles 1315 du Code civil et 870 du Code judiciaire, il appartenait au travailleur de démontrer l'existence du contrat de travail et la rémunération convenue et à l'employeur de justifier qu'il avait correctement exécuté son obligation de payer la rémunération ainsi convenue [14] ; le doute profitait au travailleur.
Lorsque l'employeur n'était pas en mesure de produire de quittances des paiements réclamés par le travailleur, la preuve lui incombant devenait plus difficile à rapporter. Suivant un courant jurisprudentiel et doctrinal majoritaire [15], l'employeur était autorisé, conformément à l'article 12 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail [16], à prouver sa thèse via le recours à des témoignages et des présomptions [17], vu le défaut d'écrit résultant de l'absence de quittance de paiement. Suivant un second courant plus isolé, l'employeur n'était pas admis à faire sa démonstration par d'autres moyens de preuve, à moins d'établir un motif légitime (tel un cas de force majeure) l'ayant empêché de produire la quittance. À l'appui de cette position, était avancé l'argument selon lequel l'absence d'écrit constitue un manquement à l'article 5 de la loi du 12 avril 1965, érigé qui plus est en infraction pénale [18] , voire, selon certains, une faute civile le privant de la possibilité de se prévaloir de l'article 12 de la loi du 3 juillet 1978 en vertu de l'adage « nemo auditur propriam turpitudinem allegans » [19].
8. La deuxième période a fait suite à la consécration par la Cour de cassation des conceptions factuelles de la cause en 2005 [20] et de l'objet en 2006 [21] qui a fait évoluer l'office du juge vers un rôle plus actif dans la gestion du procès. Les contours de cette problématique sont brièvement résumés dans les lignes ci-après [22].
Sur le fondement du principe général du droit suivant lequel le juge est tenu de trancher le litige conformément à la règle de droit qui lui est applicable, le juge a l'obligation, en respectant les droits de la défense, de relever d'office les moyens de droit dont l'application est commandée par (i) « les faits spécialement invoqués par les parties au soutien de leurs prétentions » [23] et (ii) « les faits que le juge a lui-même mis en avant à partir des éléments qui lui ont été régulièrement soumis par les parties » [24]. Cette obligation s'impose indépendamment de la qualification juridique qui est donnée, le cas échéant, par les parties à leurs prétentions et aux faits présentés à l'appui de celles-ci, sous réserve du respect de l'objet de la demande [25] entendu comme le résultat factuel économique ou moral recherché [26].
Ce devoir ne va toutefois pas jusqu'à imposer au juge « d'examiner à la lumière des faits constants du litige l'applicabilité de tous les fondements juridiques possibles qui n'ont pas été invoqués mais uniquement que, moyennant le respect des droits de la défense, il doit examiner l'applicabilité des fondements juridiques qui n'ont pas été invoqués et qui s'imposent incontestablement à lui en raison des faits tels qu'ils ont été spécialement invoqués » [27].
En résumé, quels que soient le libellé de l'objet de la demande et la manière dont les parties ont qualifié (ou n'ont pas qualifié) juridiquement les faits soumis au juge, celui-ci a l'obligation, dans le respect de la contradiction des débats, de relever d'office les moyens de droit (règles de prescription [28], fondement juridique de l'action [29], etc.) qui, selon la formulation empruntée à J.-Fr. van Drooghenbroeck, « lui sauteraient aux yeux » à la lumière des faits spécialement invoqués par les parties ou mis en avant par le juge à partir des éléments soumis par les parties [30].
9. Transposés à la matière qui nous occupe, ces principes signifient que le juge social qui serait saisi d'une action d'un travailleur tendant à l'exécution de l'obligation contractuelle de paiement de la rémunération est tenu de relever d'office que cette demande révèle l'existence d'une infraction si ce moyen « s'impose incontestablement à lui ».
Il reste à déterminer si un tel moyen de droit s'impose incontestablement à lui en toutes circonstances avec, corrélativement, l'obligation de le soumettre (ainsi que les conséquences qui en découlent en termes de preuve notamment [31]) à la contradiction des parties...
10. La question ne prête guère à débat, lorsqu'est en cause la problématique de la prescription. L'hypothèse de départ est la suivante : le juge saisi d'une demande en lien avec le paiement de la rémunération constate que celle-ci est prescrite par application du délai de prescription abrégé de l'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 [32], mais non par application du délai de prescription quinquennal de l'article 2262bis du Code civil, auquel renvoie l'article 26 du titre préliminaire du Code de procédure pénale [33].
Dans ce contexte, la Cour de cassation a eu l'occasion de préciser que, s'agissant d'une demande tendant à une condamnation qui se fonde sur des faits révélant l'existence d'une infraction, la décision qui refuse d'examiner la prescription de la demande au regard de l'article 26 du titre préliminaire du Code de procédure pénale viole cette disposition légale, et ce, même si ces faits constituent également un manquement aux obligations contractuelles du défendeur et que la chose demandée consiste en l'exécution de ces obligations [34].
Suivant plusieurs auteurs [35], il incombe au juge, dans une telle situation, de rouvrir les débats sur la question de la prescription, à tout le moins lorsqu'elle est évoquée par le défendeur [36], afin de respecter les droits de la défense et le principe dispositif [37]. Dans le cadre de ce nouvel échange de vues, il appartient alors au travailleur qui souhaite bénéficier de la prescription quinquennale ex delicto de démontrer, en conformité aux règles de preuve en matière répressive, la réunion des éléments constitutifs de l'infraction et son imputabilité à l'employeur [38]. Une telle qualification délictuelle lui permet, par ailleurs, de pouvoir s'adresser à une fourchette plus étendue de personnes (employeur, préposé, ou mandataire) en vue de postuler le paiement d'arriérés de rémunération à titre de réparation en nature [39] ou de dommages et intérêts à titre de réparation par équivalent [40].
11. La discussion est plus complexe, lorsqu'aucun problème de prescription ne se pose, dès lors que le travailleur a introduit son action dans le respect du délai de l'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 et a fortiori également dans le respect du délai plus étendu de l'article 2262bis du Code civil. Dans une telle configuration, l'on peut s'interroger quant à savoir si le juge a l'obligation de relever d'office que la demande révèle l'existence d'une infraction.
La question est a priori légitime, étant donné que l'ensemble des dispositions de droit social assorties de sanctions pénales ne sont pas unanimement considérées comme des dispositions d'ordre public dont la violation est sanctionnée par une nullité absolue, laquelle peut être soulevée d'office par le juge [41]. Alors que certains [42] considèrent la présence de sanctions pénales comme un signe attestant que la règle civile dépasse l'ordre privé et revêt un caractère d'ordre public, d'autres [43] estiment au contraire que le seul fait qu'une disposition de droit social soit assortie de sanctions pénales ne contribue pas nécessairement à lui conférer un caractère d'ordre public, puisqu'elle se limite à la protection d'intérêts particuliers. Jusqu'à présent, la jurisprudence de la Cour de cassation n'a pas permis de trancher la controverse, ses différentes chambres ne s'exprimant pas d'une même voix sur le sujet [44]. Ainsi, la troisième chambre (qui traite des pourvois en matière sociale) a affirmé le caractère impératif de plusieurs dispositions de droit social, pourtant sanctionnées pénalement : les articles 38, 39 et 46 de l'arrêté royal du 30 mars 1967 déterminant les modalités générales d'exécution des lois relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés relatifs aux modalités de calcul du pécule de vacances d'un employé [45], l'article 14 de la loi du 4 janvier 1974 relatif à la rémunération des jours fériés [46], ou encore les dispositions d'une convention collective de travail rendue obligatoire par arrêté royal [47]. De manière plus explicite, concernant l'article 23 de la loi du 12 avril 1965 réglementant les retenues sur la rémunération, elle a précisé que « cette disposition légale impérative n'est pas d'ordre public » [48]. Dans le même esprit, la Cour s'est prononcée plus récemment dans le domaine de la protection des consommateurs. À cette occasion, sa première chambre (qui connaît des pourvois en matière civile) a précisé que la circonstance que la conclusion d'un contrat de vente au consommateur en dehors de l'entreprise du vendeur « soit punie [49] d'une amende pénale lorsque le droit de renonciation du consommateur n'y est pas énoncé dans les termes légaux n'implique pas que ce contrat soit frappé de nullité absolue » [50] et, partant, qu'elle ressortit à l'ordre public. À rebours de ces décisions, la deuxième chambre de la Cour (saisie des pourvois en matière pénale) a consacré le caractère d'ordre public d'une convention collective de travail rendue obligatoire par arrêté royal [51].
Au vu de cette divergence d'opinions persistante, l'on est de prime abord enclin à investiguer la nature - impérative ou d'ordre public - de l'article 5 de la loi du 12 avril 1965, en vue de déterminer s'il existe une obligation dans le chef du juge de relever d'office son fondement délictuel. Cependant, ce premier réflexe semble être quelque peu tombé en désuétude sous l'égide de l'activisme attendu aujourd'hui de la part du juge, ce dernier étant tenu, dans les circonstances rappelées plus haut (supra n° 8), de soulever d'office le moyen, peu importe la nature d'ordre public, impérative, voire supplétive, de la norme. Par conséquent, et comme l'ont souligné à juste titre plusieurs auteurs, cette évolution a marqué un « affaiblissement de l'importance (procédurale) de la distinction entre nullités absolue et relative et corrélativement entre les notions d'ordre public et d'impérativité qui les sous-tendent » [52].
Le seul terrain sur lequel paraît subsister une marge d'appréciation du juge consiste, pour celui-ci, à analyser si le moyen de droit touchant au fondement délictuel de l'action du travailleur « s'impose incontestablement à lui » et doit, par conséquent, être soulevé d'office et soumis à une réouverture des débats. À notre sens, la vision contemporaine de l'office du juge plaide en faveur d'un tel comportement proactif consistant à rechercher les divers fondements juridiques de la demande, à tout le moins les plus évidents, et à soulever les moyens de droit qui en découlent. Cette conception heurte, par contre, la ratio legis propre à l'article 5 de la loi du 12 avril 1965 qui, pour rappel, entendait faciliter la tâche du travailleur dans la mise en oeuvre de ses droits (supra n° 2). Dès le moment où le juge invite les parties à s'expliquer sur le fondement délictuel d'une demande tendant à l'exécution de l'obligation patronale de payer la rémunération, il place le travailleur dans une voie - pénale, en l'occurrence - qu'il n'a pas choisie et qui peut lui être, à certains égards, défavorable. Ainsi, le travailleur, au lieu de bénéficier des règles favorables de preuve en matière civile qui imposent à l'employeur de justifier de la bonne exécution de son obligation de payer la rémunération convenue, qui a été préalablement démontrée par le travailleur, se voit contraint d'établir sa réclamation sur la base des règles de preuve en matière pénale présumant l'employeur innocent. En outre, le travailleur se voit privé de la possibilité de postuler le paiement des intérêts sur la rémunération échue sur le pied de l'article 10 de la loi du 12 avril 1965. En effet, la Cour de cassation s'est prononcée en ce sens, en précisant que l'article 10 « n'est pas applicable à la rémunération allouée à titre de réparation en nature à la suite de l'infraction "de ne pas payer correctement la rémunération convenue" » [53].
Comme nous allons le voir dans les lignes qui suivent, depuis l'entrée en vigueur de l'article 47bis, les réflexions qui précèdent semblent révolues pour ce qui concerne les obligations prescrites par l'article 5 de la loi du 12 avril 1965.
II. L'impact de l'entrée en vigueur de l'article 47bis dans le débat
12. Depuis le 1er juillet 2011, le fait pour l'employeur de ne pas soumettre à la signature du travailleur une quittance de paiement lorsque celui-ci a lieu de la main à la main en violation de l'article 5 de la loi du 12 avril 1965 est assimilé par l'article 47bis de cette même législation à une absence pure et simple de paiement de rémunération.
Conformément à cette disposition, « la rémunération est considérée comme n'étant pas payée lorsqu'elle l'a été en violation des dispositions des articles 4 à 6, 11, alinéas 2 et 3, 13, 14, 16 et 17 et des arrêtés pris en exécution de ces dispositions ».
Par l'introduction de cet article 47bis, le législateur a entendu généraliser le raisonnement adopté par la Cour de cassation au sujet des avantages en nature payés en violation de l'article 6 de la loi du 12 avril 1965 [54]. Selon la Cour, à défaut de respecter l'ensemble des conditions de l'article 6, l'octroi d'un avantage en nature ne peut être considéré comme le paiement d'une rémunération au sens de la loi du 12 avril 1965 [55]. Comme l'indiquent encore les travaux préparatoires, l'idée est que « si l'employeur ne paie pas la rémunération selon les conditions légales, elle est considérée comme n'étant pas payée » [56].
13. Cette construction juridique contenue dans l'article 47bis peut, à notre sens, être analysée comme une fiction juridique [57]. Cette notion, proche de la présomption irréfragable, peut être définie comme un « artifice de technique juridique (en principe réservé au législateur souverain), "mensonge de la loi" (et bienfait de celle-ci) consistant à "faire comme si", à supposer un fait contraire à la réalité, en vue de produire un effet de droit » [58].
Le droit fiscal en fournit des illustrations intéressantes. Certaines d'entre elles permettent à l'administration fiscale de requalifier un fait ou un acte pour le rattacher à une catégorie juridique impropre, et ce de telle manière que la nouvelle qualification produise les effets juridiques voulus par la loi pour ce type de qualification [59]. C'est le cas, par exemple, de l'article 18, 4°, du C.I.R. 1992 qui requalifie des intérêts d'avances en dividendes, ou encore de l'article 32, alinéa 1er, 3°, du C.I.R. 1992 qui requalifie des loyers en rémunérations, dans l'optique de lutter contre des procédés d'évitement de l'impôt considérés comme abusifs.
Suivant une méthode similaire, l'article 47bis associe divers manquements liés au fait de payer une rémunération en dehors de certaines conditions posées par la loi du 12 avril 1965 à une catégorie juridique impropre (le non-paiement pur et simple de la rémunération) en vue de produire des effets de droit, notamment en droit pénal social et en droit de la preuve.
a. Droit pénal social
14. Dès lors que le fait de ne pas soumettre à la signature du travailleur une quittance du paiement effectué de la main à la main est assimilé, parmi d'autres manquements, à une absence pure et simple de paiement de rémunération, il s'ensuit que ce manquement est désormais punissable sur la base de l'article 162 qui réprime d'une sanction de niveau 2 l'employeur, son préposé ou son mandataire qui « n'a pas payé la rémunération du travailleur ou ne l'a pas payée à la date à laquelle elle est exigible ».
L'article 47bis permet, suivant les dires des auteurs du projet de loi, de « faire l'économie de plusieurs dispositions pénales. En effet, la rémunération que l'employeur paie en violation des dispositions précitées ne peut être considérée comme de la rémunération devant être payée conformément à la loi du 12 avril 1965. Celle-ci n'étant pas payée, l'employeur peut faire l'objet de poursuites sur la base de l'article 168 - actuel article 162 - qui a ainsi un large champ d'application. Sont ainsi visés : - l'employeur, son préposé ou son mandataire qui ne paie pas de rémunération ; - celui qui paie une rémunération inférieure à celle qu'il doit ; - celui qui paie avec retard ; - celui qui paie en nature en dehors des conditions légales ; - celui qui rémunère son salarié en monnaie scripturale alors qu'il n'y a pas consenti par écrit ; - celui qui n'a pas respecté ces dispositions, alors qu'il a été dûment informé de la saisie et du fait que le travailleur veut désormais percevoir la quotité non saisissable selon un autre mode de paiement ; - celui qui paie le salaire dans un débit de boissons ; - etc. » [60].
15. Le non-respect de l'article 5 de la loi du 12 avril 1965 étant théoriquement punissable sur le pied de deux dispositions distinctes - l'article 164 (supra n° 4) et l'article 162 du Code pénal social (supra n° 14) -, il convient de s'interroger sur l'articulation de ces deux incriminations.
La fiction instaurée par l'article 47bis de la loi du 12 avril 1965 implique que le seul fait de l'absence de quittance de paiement conforme à l'article 5 de cette même loi entraîne automatiquement l'existence de deux infractions - défaut de quittance et non-paiement de la rémunération - sans qu'il y ait lieu de s'interroger sur la question de savoir si la rémunération a été de facto payée, nonobstant l'absence de quittance pour l'attester [61]. Une telle situation peut donc, selon notre appréciation, être analysée comme un concours idéal d'infractions soumis à l'article 65 du Code pénal. Suivant ce dernier, seule la peine la plus forte de celles édictées par les articles 162 et 164 du Code pénal social est censée être prononcée. Les sanctions étant identiques, une seule sanction de niveau 2 sera donc prononcée.
b. Droit de la preuve
16. Outre ses implications en droit pénal social, l'article 47bis suscite des questionnements en lien avec la preuve du paiement effectif de la rémunération en l'absence de quittance du paiement de la rémunération de la main à la main.
C'est ce dont a eu à traiter la cour du travail de Liège dans son arrêt du 13 janvier 2016 [62] publié ci-avant (p. 1746).
Analysant l'article 47bis comme contenant une présomption irréfragable de non-paiement de la rémunération, la cour a donc estimé que l'employeur n'était pas admis à apporter la preuve contraire selon laquelle il aurait correctement acquitté la rémunération par d'autres moyens de preuve, tels qu'une comparution des parties, les fiches de paie, etc. Si, pour notre part, nous analysons davantage la figure juridique contenue dans l'article 47bis comme une fiction que comme une présomption (supra n° 13), dès lors que l'on s'écarte des réalités et probabilités dans la lignée desquelles se situent les présomptions, nous souscrivons aux conclusions concrètes tirées par la cour du travail de Liège.
Par contraste aux réflexions qui se sont développées avant l'entrée en vigueur de l'article 47bis en droit de la preuve (supra nos 7 à 11), il apparaît donc que, confronté à une action du travailleur visant à obtenir le paiement de sa rémunération portée devant une juridiction pénale ou sociale, l'employeur n'est plus autorisé à démontrer ce paiement par d'autres moyens de preuve lorsqu'il est en défaut de produire une quittance du paiement de la rémunération de la main à la main [63]. L'article 47bis est venu bouleverser l'état des réflexions que nous avons précédemment développées sur l'étendue du rôle du juge qui est confronté à une demande émanant du travailleur tendant au paiement de sa rémunération et prenant appui sur l'absence de quittances de paiements de la main à la main, pourtant imposées, et sur le partage de la charge de la preuve entre les parties, qui étaient alors suscitées par l'absence de coïncidence parfaite entre le manquement contractuel résultant du défaut de quittance et l'infraction de non-paiement de la rémunération.

 


[1] Voy. l'arrêté royal du 5 mars 1986 déterminant les modalités relatives au paiement de la rémunération en monnaie scripturale et à la cession ou la saisie de l'avoir du compte bancaire ou de chèques postaux auquel la rémunération du travailleur est virée.
[2] Pour plus de développements à ce sujet, voy. T. Driesse, « Interdiction de principe de payer la rémunération en espèces, dès le 1er octobre 2016 », Contrats de travail, Kluwer, 2015, n° 581, pp. 3 et s. ; N. Mertens, « Paiement de la rémunération : pas combien mais comment ! », Indic. Soc., 2015, liv. 20, pp. 2-4.
[3] Selon l'article 5, paragraphe 1er, alinéas 1er et 2, de la loi du 12 avril 1965 tel que modifié par la loi du 23 août 2015 : « (...) La rémunération peut néanmoins être payée de la main à la main pour autant que cette modalité soit prévue par voie de convention collective de travail conclue au sein d'un organe paritaire ou par un accord implicite ou un usage dans le secteur.

Le Roi fixe la procédure et les modalités de formalisation et de publicité d'un accord ou d'un usage relatif au paiement de la rémunération de la main à la main dans le secteur ».

Voy. aussi l'arrêté royal du 26 décembre 2015 fixant les modalités de formalisation et de publicité d'un accord implicite sectoriel ou d'un usage sectoriel en matière de paiement de la rémunération de la main à la main.
[4] Projet de loi portant des dispositions sociales et diverses, Exposé des motifs, Doc. parl., Sénat, sess. extraord. 1991-1992, 315/1, p. 38.
[5] À majorer des décimes additionnels et, le cas échéant, à multiplier par le nombre de travailleurs concernés (articles 101 à 103 du Code pénal social).
[6] Liège, 11 septembre 2014, cette revue, 2014, p. 1690.
[7] Pour une étude intéressante de la question de « La preuve du paiement de la rémunération de la main à la main », voy. C. Dumont, obs. sous C. trav. Liège, 20 décembre 2004, cette revue, 2007, pp. 708 et s.
[8] Cass., 2 janvier 2003, Pas., 2003, p. 1.
[9] Voy. notamment Cass., 7 septembre 1972, Pas., 1973, I, p. 25 ; Cass., 23 janvier 1981, Pas., 1981, I, p. 550 ; Cass., 30 septembre 1993, Pas., 1993, I, p. 775 ; Cass., 12 septembre 2001, Pas., 2001, p. 1381 ; Cass., 14 décembre 2001, Pas., 2001, p. 2129 ; Cass., 30 septembre 2004, Pas., 2004, p. 1441.
[10] Cass., 27 février 2002, Pas., 2002, p. 598. Voy. aussi Cass., 20 décembre 2000, Pas., 2000, p. 2010 ; Cass., 3 mars 2002, Pas., 2002, p. 636 ; Cass., 11 mars 2014, Pas., 2014, p. 686.
[11] Pour plus de développements, voy. A.L. Fettweis, « La charge de la preuve en droit pénal belge et la présomption d'innocence », Les droits de la défense en matière pénale, Éditions du Jeune barreau de Liège, 1985, pp. 133 et s. ; M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 4e édition, Bruxelles, Larcier, 2012, pp. 1142 et s.
[12] Liège, 30 octobre 2002, cette revue, 2004, p. 609 ; Liège, 11 septembre 2014, cette revue, 2014, p. 1690 ; Corr. Liège, 31 mars 2000, Chron. D.S., 2003, p. 468 ; Corr. Liège, 2 juin 2000, Chron. D.S., 2001, p. 411.
[13] Le droit social prévoit de nombreux assouplissements au régime de droit civil, tels que des renversements de la charge de la preuve, etc. Pour la plupart d'entre eux, nous ne les aborderons pas et renvoyons le lecteur aux contributions suivantes : H. Buyssens, Het bewijs in sociale zaken : arbeidsrecht, Gand, Mys & Breesch, 1999, 97 p. ; S. Gilson, K. Rosier et E. Dermine, « La preuve en droit du travail », La preuve. Questions spéciales, Formation permanente CUP, Liège, Anthemis, 2008, vol. 99, pp. 179 et s. ; W. Rauws, « Het bewijs in arbeidszaken », R.D.S., 2013, pp. 231 et s.
[14] K. Rosier et S. Gilson, « La preuve en droit du travail », Ors., 2007, liv. 4, p. 2 ; S. Gilson, K. Rosier et E. Dermine, La preuve. Questions spéciales, op. cit., pp. 188 et 196.
[15] En ce sens, voy. K. Rosier et S. Gilson, op. cit., Ors., 2007, liv. 4, p. 11 ; A. Legros, La protection de la rémunération, Études pratiques de droit social, Waterloo, Kluwer, 2011, p. 32 ; W. Rauws, op. cit., R.D.S., 2013, p. 319 ; C. trav. Anvers, 26 avril 1999, R.W., 2000-2001, p. 593 ; C. trav. Anvers, 2 juin 2000, Limb. Rechtsl., 2001, p. 257 ; C. trav. Mons, 16 juin 2000, J.T.T., 2000, p. 318 ; C. trav. Bruxelles, 19 avril 2010, J.T.T., 2010, p. 365 ; C. trav. Bruxelles, 1er novembre 2010, J.T.T., 2011, p. 102 ; C. trav. Liège, 27 mars 2013, R.G. n° 2012/AL/249,www.juridat.be ; C. trav. Bruxelles, 7 mai 2014, Ors., 2014, liv. 7, p. 27 ; C. trav. Bruxelles, 24 novembre 2014, R.G. n° 2014/AB/23,www.juridat.be ; C. trav. Bruxelles, 16 mars 2015, J.T.T., 2015, p. 282 ; Trib. trav. Anvers, 10 juin 1998, Chron. D.S., 1998, p. 514.
[16] Suivant cette disposition, « la preuve testimoniale est admise, à défaut d'écrit, quelle que soit la valeur du litige ».
[17] Article 1353 du Code civil. Voy. à ce sujet : Cass., 19 mai 1961, Pas., 1961, I, p. 1011.
[18] C. trav. Anvers, 7 janvier 2009, Limb. Rechtsl., 2013, p. 31, note ; C. trav. Bruxelles, 30 mai 2012, R.G. n° 2010/AB/378,www.terralaboris.be ; C. trav. Bruxelles, 21 novembre 2012, R.G. n° 2010/AB/934,www.terralaboris.be .
[19] C. trav. Liège, 20 décembre 2004, cette revue, 2007, p. 699, note C. Dumont ; C. trav. Liège, 26 avril 2006, J.T.T., 2006, p. 300. Contra, voy. C. Dumont, op. cit., cette revue, 2007, pp. 711-712 ; C. trav. Liège, 27 mars 2013, R.G. n° 2012/AL/249,www.juridat.be .
[20] Cass., 14 avril 2005, Pas., 2005, p. 862, cette revue, 2005, p. 856, note G. De Leval, J.T., 2005, p. 659, note J. Van Compernolle.
[21] Cass., 23 octobre 2006, Pas., 2006, p. 2112, R.R.D., 2006, p. 229, note R. Capart, Chron. D.S., 2007, p. 270, note S. Remouchamps
[22] Pour plus de développements, et parmi une littérature abondante, voy. J. Van Compernolle, « L'office du juge et le fondement du litige », note sous Cass., 9 octobre 1980, R.C.J.B., 1982, pp. 14 et s. ; J.-Fr. Van Drooghenbroeck, « Le juge, les parties, le fait et le droit », Actualités en droit judiciaire, Formation permanente CUP, Bruxelles, Larcier, 2005, vol. 83, pp. 141 et s. ; D. Mougenot, « Actualités en matière d'office du juge - Quelques réflexions d'un magistrat », R.R.D., 2009, pp. 26 et s. ; J.-Fr. Van Drooghenbroeck, « La requalification judiciaire du contrat et des prétentions qui en découlent », R.G.D.C., 2014, pp. 294 et s.
[23] Cass., 4 mars 2013, Pas., 2013, p. 526. Voy. aussi notamment Cass., 12 octobre 2007, Pas., 2007, p. 1793 ; Cass., 6 décembre 2007, Pas., 2007, p. 2238 ; Cass., 9 mai 2008, Pas., 2008, p. 1137 ; Cass., 10 février 2014, R.W., 2015-2016, p. 903 ; Cass., 30 mars 2015, J.T.T., 2015, p. 245, note P. Gosseries.
[24] Cass., 5 septembre 2013, Pas., 2013, p. 1571.
[25] Cass., 27 septembre 2013, Pas., 2013, p. 1817. Voy. aussi notamment Cass., 22 janvier 2007, Pas., 2007, p. 128 ; Cass., 22 janvier 2007, Pas., 2007, p. 144 ; Cass., 7 avril 2008, Pas., 2008, p. 821 ; Cass., 2 avril 2010, Pas., 2010, p. 1102.
[26] D. Mougenot, op. cit., R.R.D., 2009, p. 27 ; J.-Fr. Van Drooghenbroeck, « Chronique de l'office du juge », cette revue, 2013, pp. 1316-1317.
[27] Cass., 14 décembre 2012, Pas., 2012, p. 2497, cette revue, 2013, p. 1305, note J.-Fr. Van Drooghenbroeck ; Cass., 17 mars 2016, R.G. n° C.15.0235.N,www.juridat.be .
[28] Cass., 23 octobre 2006, Pas., 2006, p. 2112 ; Cass., 22 janvier 2007, Pas., 2007, p. 128 ; Cass., 22 janvier 2007, Pas., 2007, p. 144 ; Cass., 7 avril 2008, Pas., 2008, p. 821. Pour plus de développements à ce sujet, voy. R. Capart, « Le point sur... la prescription de la demande en paiement de rémunérations », J.T., 2006, pp. 452 et s. ; R. Capart, « La Cour de cassation consacre la conception factuelle de l'objet de la demande en justice », note sous Cass., 23 octobre 2006, R.R.D., 2006, pp. 233 et s. ; F. Kéfer et J. Clesse, « La prescription extinctive en droit du travail », Les prescriptions et les délais, Éditions du Jeune barreau de Liège, 2007, pp. 119 et s. ; F. Lagasse et M. Palumbo, « Action civile naissant d'un délit, délai de prescription et cassation », J.T.T., 2007, pp. 473 et s.
[29] Cass., 14 avril 2005, Pas., 2005, p. 862 ; Cass., 9 mai 2008, Pas., 2008, p. 1137 ; Cass., 4 mars 2013, Pas., 2013, p. 526 ; Cass., 5 septembre 2013, Pas., 2013, p. 1571.
[30] J.-Fr. Van Drooghenbroeck, op. cit., cette revue, 2013, p. 1312.
[31] Au sujet de l'implication de la qualification juridique sur la matière de la preuve, voy. S. Gilson, K. Rosier et E. Dermine, La preuve. Questions spéciales, op. cit., pp. 184 et s. ; T. Van De Calseyde, « Recente evoluties inzake verjaring in het arbeidsrecht », Or., 2008, p. 54 ; B. Cattoir, Burgerlijk bewijsrecht, Mechelen, Kluwer, 2013, p. 32. Au sujet de la question distincte de la qualification des moyens de preuve, voy. L. Frankignoul, « La répartition des tâches entre parties et juge », La preuve dans le procès civil, Bruxelles, La Charte, 2015, pp. 18-20.
[32] L'article 15, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1978 stipule que « les actions naissant du contrat sont prescrites un an après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l'action, sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat ».
[33] L'article 26 du titre préliminaire du Code de procédure pénale dispose que « l'action civile résultant d'une infraction se prescrit selon les règles du Code civil ou des lois particulières qui sont applicables à l'action en dommages et intérêts. Toutefois, celle-ci ne peut se prescrire avant l'action publique ». L'article 15 de la loi du 3 juillet 1978 ne constituant pas une loi particulière au sens de l'article 26, il convient de se tourner vers l'article 2262bis du Code civil (Cass., 14 janvier 2008, J.T.T., 2008, p. 302 ; Cass., 20 avril 2009, Pas., 2009, p. 967).
[34] Cass., 23 octobre 2006, Pas., 2006, p. 2112.
[35] En ce sens, voy. F. Lagasse et M. Palumbo, op. cit., J.T.T., 2007, p. 480 ; T. Van De Calseyde, op. cit., Or., 2008, p. 54 ; N. Toussaint, « La prescription des actions résultant du contrat de travail », La loi du 3 juillet 1978. 30 ans après... vue sous un angle différent, Bruxelles, Larcier, 2008, p. 69 ; D. Mougenot « L'office du juge en matière de prescription », R.D.J.P., 2012, pp. 163-164 ; M. Dumont, « Le juge peut-il (ou doit-il) soulever d'office la prescription ? », Regards croisés sur la sécurité sociale, Formation permanente CUP, Liège, Anthemis, 2012, pp. 158-160, 166-167.
[36] C'est ce que souligne particulièrement l'auteur F. Kéfer en s'appuyant notamment sur le libellé de l'article 2223 du Code civil, lequel stipule que « les juges ne peuvent pas suppléer d'office le moyen résultant de la prescription » (« La rémunération du salarié : où il est question d'objet et de cause de la demande, de prescription et de réparation en nature du dommage », R.C.J.B., 2008, p. 200). Comme l'a indiqué la Cour de cassation, conformément à cette disposition, « le juge ne peut, dès lors, appliquer le moyen résultant de la prescription que lorsqu'il est invoqué par l'intéressé, sauf dans les causes intéressant l'ordre public » (Cass., 6 octobre 2011, Pas., 2011, p. 2143. Voy. aussi notamment Cass., 23 janvier 2006, Pas., 2006, p. 202).

À cet égard, il subsiste donc une controverse sur la conciliation de la jurisprudence de la Cour de cassation relative à la conception factuelle de la cause et de l'article 2223 du Code civil. « Le juge peut-il (ou doit-il) soulever d'office la prescription ? », comme l'a mentionné M. Dumont dans l'intitulé d'une de ses contributions (Regards croisés sur la sécurité sociale, op. cit., pp. 157 et s.). Dans le cadre de ce débat, d'aucuns estiment que l'article 2223 du Code civil est désuet et inadapté à la conception actuelle de l'office du juge (F. Erdman et G. De Leval, Les dialogues Justice, Rapport de synthèse rédigé à la demande de Laurette Onkelinx, Vice-première ministre et ministre de la Justice, Bruxelles, S.P.F. Justice, 2004, pp. 130-131 ; M. Dupont, « Prescription et forclusion. Aspects procéduraux », Les défenses en droit judiciaire, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 236 ; M. Dumont, Regards croisés sur la sécurité sociale, op. cit., pp. 166-167 ; M. Morsa, « De la prescription de l'action en récupération en matière d'assurance maladie-invalidité », Chron. D.S., 2013, p. 514).
[37] Plus précisément sur la conciliation entre l'activisme du juge et le principe dispositif, voy. J.-Fr. Van Drooghenbroeck, « Le nouveau droit judiciaire, en principes », Le droit judiciaire en mutation, Formation permanente CUP, Liège, Anthemis, 2007, vol. 95, pp. 241 et s.
[38] Cass., 11 février 1991, Pas., 1991, I, p. 558 ; C. trav. Mons, 4 mai 2000, R.G. n° 15888,www.juridat.be ; C. trav. Mons, 27 février 2003, R.G. n° 17334,www.juridat.be ; C. trav. Mons, 16 décembre 2003, J.T.T., 2004, p. 302 ; C. trav. Mons, 4 décembre 2012, R.G. n° 2006/AM/20485,www.juridat.be .
[39] Cass., 22 janvier 2007, Pas., 2007, p. 151.
[40] À ce sujet, voy. F. Kéfer, op. cit., R.C.J.B., 2008, pp. 202-203 ; T. Van De Calseyde, op. cit., Or., 2008, p. 56 ; L. Eliaerts, « Loon als schadeherstel ex delicto : revisited », Chron. D.S., 2008, p. 440 ; J.-Fr. Germain, « Responsabilité contractuelle et remèdes à l'inexécution du contrat », Droit des obligations, Bruxelles, Bruylant, 2014, p. 124 ; S. De Rey, « Schadeherstel in natura wegens contractuele wanprestatie : over miskenning van de tewerkstellingsverbintenis in arbeidsovereenkomsten », R.G.D.C., 2016, pp. 264 et s.
[41] Sur la distinction entre nullité absolue et nullité relative assortissant respectivement les violations de dispositions d'ordre public et impératives, voy. notamment : M. Dupont, « Nullité absolue et nullité relative », La nullité des contrats, Formation permanente CUP, Bruxelles, Larcier, 2006, vol. 88, pp. 56 et s. ; P. Wéry, Droit des obligations, vol. 1, Bruxelles, Larcier, 2011, pp. 318 et s. ; P. Van Ommeslaghe, Traité de droit civil belge, vol. 1, Bruxelles, Bruylant, 2013, pp. 358 et s.
[42] En ce sens, voy. C.E., avis précédent le projet de loi concernant la protection de la rémunération des travailleurs, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 1962-1963, n° 471/1, p. 31 ; C.E., avis précédent le projet de loi sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, Pasin., 1968, p. 854 ; P. De Harven, note sous Cass., 19 février 1940, R.C.J.B., 1948, p. 301 ; M. Jamoulle, Le contrat de travail, tome II, Liège, Faculté de droit, 1986, p. 412 ; A. Van Regenmortel, « Enkele bedenkingen bij de betekenis en de draagwijdte van het begrip openbare orde in het sociaal recht », R.D.S., 1997, pp. 55-56 ; J. Clesse et F. Kéfer, « Examen de jurisprudence (1995 à 2001) - Contrat de travail », R.C.J.B., 2003, pp. 123-124 ; F. Kéfer, Précis de droit pénal social, 2e édition, Limal, Anthemis, 2014, pp. 30-34 ; F. Kéfer, « La renonciation, l'abdication et la rupture du contrat de travail », La rupture du contrat de travail : entre harmonisation et discrimination, Limal, Anthemis, 2015, pp. 363-366. 
[43] En ce sens, voy. S. David, Responsabilité civile et risque professionnel, Bruxelles, Larcier, 1958, p. 85 ; W. Rauws, « De nietigheid in het arbeidsovereenkomsenrecht », Actuele problemen van het arbeidsrecht, vol. 2, Anvers, Kluwer, 1987, pp. 400 et s. ; A. Van Oevelen, « Afstand van recht en rechtsverwerking in het individuele arbeidsovereenkomstenrecht », Actuele problemen van het arbeidsrecht, vol. 4, Anvers, Maklu, 1993, p. 51 ; W. Van Eeckhoutte, « Het belang van de werkgever », R.D.S., 1994, p. 21 ; J.-Fr. Neven, « Transactions et conventions conclues au moment de la fin des relations de travail », Ors., 1999, p. 224 ; C. Wantiez, « Dispositions impératives et d'ordre public en droit du travail », Imperat lex. Liber amicorum Pierre Marchal, Bruxelles, Larcier, 2003, pp. 444 et s.
[44] Pour plus de développements à ce sujet, voy. F. Kéfer, « La renonciation, l'abdication et la rupture du contrat de travail », in S. Gilson, P. Vanhaverbeke (sous la direction de), La rupture du contrat de travail : entre harmonisation et discrimination, Anthémis, 2015, pp. 363 et s.
[45] Cass., 15 janvier 1990, Pas., 1990, I, p. 571 ; Cass., 29 janvier 1996, Pas., 1996, I, p. 147 ; Cass., 22 février 1999, Pas., 1999, I, p. 237 ; Cass., 25 octobre 1999, Pas., 1999, p. 1386.
[46] Cass., 25 octobre 1999, Pas., 1999, p. 1386.
[47] Cass., 25 octobre 1999, Pas., 1999, p. 1386.
[48] Cass., 14 mars 1988, Pas., 1988, I, p. 844.
[49] En vertu de l'article 102, 7°, de la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et sur l'information et la protection du consommateur qui sanctionnait, entre autres, les infractions à l'article 88 de la même loi. Depuis, le régime a été remplacé par les articles VI.64 et suivants du Code de droit économique.
[50] Cass., 22 janvier 2016, cette revue, 2016, p. 1332.
[51] Cass., 6 septembre 2006, Pas., 2006, p. 1639.
[52] C. Delforge, « Clauses abusives, office du juge et renonciation », cette revue, 2008, p. 98. En ce sens, voy. aussi : L. De Zutter, « Le juge face aux clauses abusives : à la croisée du droit des obligations et du droit judiciaire », A.D.L., 2011, pp. 190 et s. ; J. Van Meerbeeck, « Le juge et l'ordre public : Libres propos quant à l'impact des normes régionales sur le bail à l'aune de la théorie des nullités », Le bail et le contrat de vente face aux réglementations régionales (urbanisme, salubrité, P.E.B.), Bruxelles, Larcier, 2015, p. 173.
[53] Cass., 22 janvier 2007, Pas., 2007, p. 128. À ce sujet, voy. A. Vermote, « La prescription en droit du travail », Ors., 2008, liv. 2, p. 16 ; T. Van De Calseyde, op. cit., Or., 2008, p. 52. 
[54] Projet de loi introduisant le Code pénal social, Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 2008-2009, n° 1666/1, pp. 326-327.
[55] Cass., 14 avril 1986, Pas., 1986, I, p. 989 ; Cass., 15 mars 2004, Pas., 2004, p. 430. Voy. aussi C. trav. Anvers, 28 mars 1983, J.T.T., 1983, p. 325. Dans un sens divergent, voy. C. trav. Mons, 10 février 1993, R.D.S., 1993, p. 458 (exprimant l'idée que, à défaut de respect de ces deux conditions, l'employeur ne peut prendre en compte le montant des avantages en nature pour l'imputer sur la rémunération minimum due) ; C. trav. Anvers, 24 décembre 2003, J.T.T., 2004, p. 420 (exprimant l'idée qu'un avantage en nature consistant en l'usage d'une voiture à des fins privées ne peut être imputé sur le sursalaire, puisque cet avantage n'est pas mentionné à l'article 6, paragraphe 2, de la loi du 12 avril 1965 et que, de plus, cet avantage n'a pas été évalué par écrit).
[56] Projet de loi introduisant le Code pénal social, Exposé des motifs, Doc. Parl., Ch. repr., sess. ord. 2008-2009, n° 1666/1, p. 327.
[57] Voy. au sujet du concept de fiction : B. De La Gressaye et M. Laborde-Lacoste, Introduction à l'étude générale du droit, 1947, p. 151 ; P.A. Foriers, « Présomptions et fictions », Les présomptions et les fictions en droit, Bruxelles, Bruylant, 1974, pp. 16-17.
[58] C. Biquet, « Les fictions en droit », Rev. fac. dr. Liège, 2013, p. 26. L'auteur cite, à ce sujet : G. Cornu, Vocabulaire juridique, 9e édition, Paris, Quadrige, Presses Universitaires de France, 2011, p. 454.
[59] Th. Afschrift, L'évitement licite de l'impôt et la réalité juridique, 2e édition, Bruxelles, Larcier, 2003, pp. 262 et s. ; S. Segier et M. Bentley, « Le droit fiscal se fonde sur des réalités : une fiction ? », Ors., 2009, pp. 13-14 ; A. Nollet, « L'article 344, paragraphe 2, du C.I.R. 1992 : essai de contrôle de "constitutionnalité" et de "conventionnalité" d'une disposition légale fiscale belge "anti-abus" », R.G.C.F., 2011, p. 515 ; S. Segier, « Abus fiscal : commentaire autour des deux premières circulaires ministérielles et essai d'approche méthodologique », R.G.F., 2012, p. 17.
[60] Projet de loi introduisant le Code pénal social, Doc. parl., Ch. repr., sess. ord. 2008-2009, Exposé des motifs, n° 1666/1, pp. 243-244.
[61] Dans le cas contraire, si on avait considéré que le manquement lié à la quittance emportait l'application des articles 162 et 164 du Code pénal social, tout en admettant que la rémunération avait été correctement payée en pratique, la situation aurait été analysée comme un concours de qualifications (un même fait ne pouvant être puni sous plusieurs qualifications juridiques distinctes). Voy. à ce sujet A. Vandendaele, « Concours d'infractions et concours de qualifications : les limites de l'application de l'article 65 du Code pénal », obs. sous Liège, 20 décembre 2006, Chron. D.S., 2008, p. 356.
[62] La cour a, en réalité, prononcé deux arrêts du même jour repris sous les R.G. n° 2015/AL/162 & R.G. n° 2015/AL/198. Voy. dans un sens concordant : C. trav. Bruxelles, 27 janvier 1992, Chron. D.S., 1992, p. 421 (prononcé avant l'entrée en vigueur de l'article 47bis au sujet du raisonnement de la Cour de cassation vis-à-vis de l'article 6 de la loi du 12 avril 1965) ; A. Legros, La protection de la rémunération, op. cit., pp. 144-146.
[63] S. Gilson, « Quelques incidences civiles du Code pénal social », B.S.J., 2011, liv. 461, p. 5.


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Date(s)

  • Date de publication : 11/11/2016

Auteur(s)

  • Mortier, A.

Référence

Mortier, A., « L'impact de l'article 47 bis de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération des travailleurs, au regard de la problématique du défaut de quittance du paiement de la rémunération de la main à la main », J.L.M.B., 2016/37, p. 1748-1758.

Branches du droit

  • Droit social > Contrat de travail > Droits et devoirs > Payer la rémunération
  • Droit social > Rémunération > Protection de la rémunération > Paiement

Éditeur

Larcier

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