Me Connecter
Me connecter
PartagerPartager
Fermer
Linked InTwitter
Partager
Partager

Recherche dans la JLMB

Retour aux résultatsDocument précédentDocument suivant
Information
28/11/2013
Version PDF
-A +A

Cour d'appel Liège (14e chambre), 28/11/2013


Jurisprudence - Droits intellectuels et pratiques du commerce - Pratiques du commerce

J.L.M.B. 15/929
I. Pratiques du commerce - Usages honnêtes - Intrusions informatiques.
II. Pratiques du commerce - Action en cessation - Débauchage de clientèle - Sanction.
1. Les intrusions opérées par un employé pour le compte de sa propre société dans le système informatique de son employeur, afin de prendre connaissance de demandes de clients de celle-ci et de pouvoir y répondre constituent un acte contraire aux usages honnêtes du commerce dont la cessation doit être ordonnée.
2. Il est illicite d'adresser aux clients de son ancien employeur des lettres rappelant son activité passée et créant la confusion avec cet employeur. L'utilisation de « ses » archives personnelles constituées chez son ancien employeur, pour concurrencer celui-ci, constitue un acte contraire aux usages du marché par lequel il est porté atteinte aux intérêts professionnels de ce dernier.
La sanction du débauchage de clientèle ne peut toutefois aboutir à l'élimination pure et simple de son auteur du marché concerné. Le juge de la cessation ne peut prononcer une mesure d'interdiction qui excède les limites de ce que le droit commun autorise. La portée de l'ordre de cessation doit être clairement délimitée aux moyens anormaux qui accompagnent le débauchage et laisser subsister la possibilité pour l'employé de prospecter les clients qu'il connaît personnellement de très longue date, même si leur nom figure dans le listing informatique de son ancien employeur.

(S.P.R.L. M. / S.A. O., S.A. T. et Julien et S.A. O. / Julien )


Vu le jugement rendu le 19 juin 2012 par le président du tribunal de commerce de Liège siégeant comme en référé (...)
Antécédents
Les faits de la cause peuvent être résumés comme suit :
- Julien qui, depuis de très nombreuses années s'est spécialisé dans la commercialisation des outils de levage, manutention, visserie et du matériel de protection individuelle, a été le directeur commercial de O., du 4 janvier 2000 au 27 septembre 2011, date à laquelle il a été licencié sur-le-champ avec une indemnité de préavis de treize mois,
- dès le 27 octobre 2011, Julien constitue la S.P.R.L. M. dont il souscrit l'intégralité des parts et devient le gérant. Cette société a pour objet « la consultance en gestion, la réalisation d'études de marché, le soutien aux entreprises, et les activités liées à la fonction d'intermédiaire de commerce ». À partir du mois de novembre, la S.P.R.L. M. va entreprendre, en tant que consultant agissant pour le compte de T. de récolter des commandes de matériel dans ses domaines de prédilection moyennant le paiement d'un honoraire forfaitaire de 6.000 euros par mois,
- durant la période qui a suivi son licenciement et jusqu'à la mi-décembre 2011, Julien s'est introduit à plusieurs reprises dans le système informatique de O. afin de recueillir divers éléments, comme des demandes de prix, ce qui lui a permis d'adresser à quelques clients des offres pour le compte de T. Au même moment, il a adressé divers courriels à des clients de O., qu'il connaît particulièrement bien compte tenu de son ancienneté dans le secteur, dans lesquels il signale qu'il est passé chez T. et qu'« Étant le spécialise de la visserie, du levage, de la manutention et de la protection individuelle chez O., et avant chez Maurice, je reprends cette spécialité ».
Suite à une constitution de partie civil de O. entre les mains d'un juge d'instruction liégeois en date du 16 décembre 2011 une perquisition effectuée le 24 janvier 2012 à la fois au domicile de Julien et au siège de T. a révélé que non seulement celui-ci avait conservé de très nombreux documents et dossiers informatiques concernant son ancien employeur et les clients de celui-ci, mais aussi qu'il s'était emparé, après son départ, par intrusion dans le système informatique de celui-ci, de correspondances adressées à O. par certains clients. Les faits sont reconnus.
Par citation du 5 mars 2012, O. a agi en cessation devant le président du tribunal de commerce de Liège. Elle a assigné ainsi Julien, la S.P.R.L. M. et la S.A. T.
O. a demandé au premier juge, après qu'il ait constaté l'existence d'actes contraires à l'article 95 de la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection des consommateurs (en abrégé ci-après L.P.M.C.), de :

« - ordonner la cessation de toute intrusion et de toute tentative d'intrusion par la S.A. T., la S.P.R.L. M. et Julien au sein (de son) système informatique dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir sous peine d'une astreinte de 10.000 euros par infraction constatée,

- interdire à la S.A. T., la S.P.R.L. M. et Julien d'offrir des biens ou services repris dans le catalogue des biens ou services offerts par O. à ses clients, en ce compris leurs variations et pièces détachées, aux clients (de O.) repris dans le listing qui était illégalement en possession des défendeurs dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir sous peine d'astreinte de 10.000 euros par infraction constatée,

- (d'être) autoris(ée) à (faire) procéder aux frais du cité à la publication du jugement à intervenir dans un ou plusieurs journaux (de son) choix ».

Le jugement entrepris et ses suites
Le président du tribunal de commerce déclare l'action irrecevable en tant que celle-ci est dirigée contre Julien parce qu'il n'a pas agi en tant qu'entreprise au sens de l'article 2, 1°, de la loi du 6 avril 2010 sur les pratiques du marché et la protection des consommateurs (L.P.M.C.) mais en tant que gérant et au profit de la S.P.R.L. M.
Par contre, l'action est accueillie en ce qu'elle est dirigée contre cette société. Le premier juge constate que la S.P.R.L. M. a posé des actes contraires aux usages du marché en infraction à l'article 95 de la L.P.M.C. (1) « en s'introduisant à plusieurs reprises dans le système informatique de O. » et (2) « en faisant des offres de biens ou services similaires à ceux repris dans le catalogue des biens ou services de O. à des clients figurant sur le fichier de O. qu'elle détenait illégalement ».
Il ordonne dès lors
  1. « la cessation de toute intrusion et de toute tentative d'intrusion par la S.P.R.L. M. au sein du système informatique de O. dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir sous peine d'astreinte de 1.000 euros par infraction constatée »,
  2. « à la S.P.R.L. M. de cesser de faire des offres de biens ou services similaires à ceux repris dans le catalogue de biens ou services de O. à des clients figurant sur le fichier client de O. qu'elle détenait illégalement dans les vingt-quatre heures de la signification du jugement à intervenir sous peine d'une astreinte de 2.500 euros par infraction constatée ».
  3. T. est mise hors cause (...)
Les contours du litige en appel
Julien et la S.P.R.L. M. postulent que :
  • l'appel de O. soit déclaré recevable mais non fondé,
  • le jugement soit réformé en ce qu'il condamne la S.P.R.L. M. avec astreintes pour actes de concurrence déloyale alors que celle-ci ne les a pas posés,
  • le jugement soit confirmé en ce qu'il prononce la mise hors cause de Julien,
  • les parties « succombantes » soient condamnées aux dépens liquidés pour ce qui les concerne à 1.530 euros.
O. demande à la cour de :
  • réformer le jugement en ce qu'il déclare la demande originaire irrecevable à l'égard de Julien,
  • dire la demande originaire dirigée contre celui-ci fondée et dire pour droit que Julien a posé des actes contraires aux pratiques honnêtes du marché et ce, conformément à l'article 95 de la L.P.M.C.,
  • ordonner la cessation de toute intrusion et de toute tentative d'intrusion par Julien au sein de son système informatique dans les vingt-quatre heures de la signification de la décision à intervenir sous peine d'astreinte de 2.500 euros par infraction constatée,
  • interdire à Julien d'offrir des biens ou services repris dans le catalogue des biens et services offerts par O., en ce compris leurs variations et pièces détachées, aux clients de O. repris sur le listing qui était illégalement en possession de Julien, de la S.P.R.L. M. et de la S.A. T. dans les vingt-quatre heures de la signification de la décision à intervenir sous peine d'astreinte de 2.500 euros par infraction constatée,
  • confirmer pour le surplus le jugement entrepris et condamner Julien et la S.P.R.L. M. aux dépens liquidés à 3.321,18 euros.
(...)
Discussion (...)
Fondement de l'action en cessation dirigée contre la S.P.R.L. M.
C'est à tort toutefois que la S.P.R.L. M. sollicite sa mise hors cause aux motifs « qu'elle n'a posé aucun acte déloyal » et que « les actes reprochés ont été posés par Julien en son nom propre ».
Il résulte en effet des propres déclarations de son associé unique et gérant que les actes illicites posés par celui-ci, à savoir les intrusions effectuées dans le système informatique de O., avaient pour but d'obtenir des informations commerciales confidentielles, telles que des commandes émanant de clients, qu'il comptait mettre à profit « afin de développer les activités de (sa) société » dans le cadre des relations contractuelles conclues entre celle-ci et T.
M. doit donc répondre des actes illicites posés par son organe.
Les actes qui peuvent être reprochés à M. sont de trois types :
  1. les intrusions dans le système informatique de O.,
  2. l'envoi de correspondances à la clientèle de O. dans lesquelles le gérant de M. vante sa qualité d'ancien employé de O. ou encore affirme avoir « repris » les activités de cette dernière,
  3. l'utilisation de données confidentielles, telles que le listing clients de O., en vue d'adresser des offres de biens ou de services à ceux-ci.

1. Les intrusions dans le système informatique de O.

Le premier juge a considéré à bon droit que les intrusions opérées par Julien pour le compte de sa société dans le système informatique de O. afin de prendre connaissance de demandes de clients de celle-ci et de pouvoir y répondre constituaient « à l'évidence un acte contraire aux usages honnêtes » dont il a ordonné à bon droit la cessation même s'il est constant que celles-ci ont cessé dès la mi-décembre 2011, soit plus d'un mois avant les perquisitions ordonnées par le jugement d'instruction.

2. L'envoi de correspondances à la clientèle de O. dans lesquelles le gérant de M. vante sa qualité d'ancien employé de O. ou encore affirme avoir « repris » les activités de cette dernière

« Face au droit légitime pour chacun de rappeler sa qualification, le critère qui permet de distinguer l'illicéité de la licéité résidera dans la volonté soit de créer la confusion, soit de tromper la clientèle de son ancien employeur » ( J. Ligot, F. Vanbossele, O. Battard, op. cit., n° 168, p. 164).

O. stigmatise à bon droit le caractère illicite des correspondances adressées par Julien à certains clients de O. dans la mesure où il fait état de son activité passée au sein de celle-ci et où il crée la confusion entre O. et T. puisqu'il se vante plusieurs fois d'avoir repris les activités de celle-ci.

3. L'utilisation de données confidentielles, telles que le listing clients de O., en vue d'adresser des offres de biens ou de services à ceux-ci

En sus des documents qu'il a récupérés dans le système informatique de O. après son départ, Julien admet qu'il avait conservé sur son ordinateur après son licenciement différents documents qui concernaient O., dont un fichier clients.
Il explique à ce sujet que :

« O. ne m'a jamais demandé de rendre les fichiers qui étaient sur l'ordinateur de mon épouse, alors qu'ils étaient au courant que je les détenais, puisque je travaillais après journée chez moi et pendant les vacances, j'avais accès aux données pour les négociations éventuelles à distance.

Par contre, le fichier indiquant les noms, adresses et e-mail n'était pas utilisable pour les clients relancés, étant donné que chez O. l'adresse du mail expert n'est pas mentionnée, mais bien celle du commercial de chez O. (Tous les contacts clients ont été faits par mail, via recherche de bases de données telles qu'internet, Kompass, Trends, etc.) (...)

Il me semble normal de démarcher des sociétés avec une expérience acquise depuis 1980 (...)

Je pense que depuis vingt-sept ans, les noms des clients je les connais. O. savait très bien que je possédais des fichiers (...) Et n'ayant eu aucune demande de O. pour reprise des données (alors qu'ils étaient au courant), elles sont restées en ma possession ».

Julien et M. plaident qu'ils n'ont pas utilisé les données que le premier avait conservées, qu'ils n'en ont pas eu besoin et qu'elles ne constituent pas nécessairement des secrets d'affaires.
Ces explications ne sont pas convaincantes.
En effet, si vraiment Julien n'avait pas besoin de données émanant de son ancien employeur dans le cadre de l'exécution de ses prestations de consultance réalisées par sa société M. pour le compte de T., il ne s'explique pas que celles-ci aient été retrouvées sur le P.C. dont il disposait chez T. Il s'agit de contrats, de contacts belges et étrangers, de tarifs fournisseurs, de tarifs comptoir, de documentation, de listes de prix 2008, 2009, 2010 et 2011, de publicités faites par O., de grilles de remises de prix pratiquées sur plusieurs années, de listings à envoyer aux fournisseurs, de conditions de paiement pratiqués par certains fournisseurs, de listes de clients, de promotions, de prix nets accordés à certains clients importants comme Arcelor, de prix spéciaux accordés à d'autres, de promotions, de remises, de statistiques de vente par article - année, du chiffre d'affaires réalisé, des conditions remises faites à certains clients, d'une convention de représentation, de rapports de visite de délégués chez certains clients, de certificats d'échantillons, de calculs d'offre, de certificats, de fiches de sécurité, de bordereaux de soumission, et de commandes hors catalogue.
Tous ces documents sont pertinents et d'actualité dans la perspective de la « consultance » offerte par M. à T. dans les domaines des outils de levage, manutention, visserie et du matériel de protection individuelle. Il s'agit donc bien de données confidentielles que Julien ne pouvait utiliser dans le cadre de ses activités de consultance exercées par l'intermédiaire de sa société M.
Il faut encore souligner que sur son plan de travail dans les locaux de T. ont été découverts lors de la perquisition effectuée le 24 janvier 2012, non seulement des documents relatifs aux intrusions illicites effectuées durant la période qui a suivi son licenciement, mais également une offre de prix de O. datée du 19 avril 2011 à destination de la société S. que Julien a extraite de ses archives afin de pouvoir traiter une demande de prix émanant de cette société interceptée par intrusion dans le système informatique de O.
Les intentions de Julien ressortent d'ailleurs très clairement d'un courriel adressé le 25 novembre 2011 à différents collaborateurs de T. concernant le traitement d'une offre de prix au client M.I. dont une demande de prix avait également été « pêchée » dans le système informatique de O. :

« Il est clair que c'est une commande spéciale avec marge plus réduite que d'habitude, car il fallait sortir O. Les suivantes seront plus juteuses ».

Il est ainsi établi que, pour concurrencer son ancien employeur, non seulement Julien, agissant pour le compte de la société qu'il a constituée après son licenciement, a commis des intrusions dans le système informatique de celui-ci, mais, avec la même intention fraudeuse, s'est servi de ses archives personnelles qu'il a installées sur l'ordinateur mis à sa disposition dans les locaux de T.
L'utilisation par Julien pour le compte de M. de « ses » archives personnelles pour concurrencer son ancien employeur constitue un acte contraire aux usages du marché par lequel il a été porté atteinte aux intérêts professionnels de celui-ci. Il est indifférent à cet égard que O. n'ait pas demandé à son ancien préposé de restituer ou de supprimer ces documents lorsqu'il a été licencié.
Cela signifie-t-il pour autant que M. doit être rayée de la carte dans le domaine du commerce du matériel d'outillage à destination des entreprises et des particuliers ? Car telle est bien la portée de l'ordre de cessation prononcé par le premier juge.
À cette question, il doit être répondu par la négative.
En effet,

« Si le principe est la liberté, la lutte pour la conquête de la clientèle se conçoit à armes égales. Or, cette égalité est rompue dès lors qu'un des participants utilise des moyens anormaux tels que ceux repris ci-après. Dans ces circonstances particulières, le débauchage pourra être considéré comme illégitime et justifier une action en cessation. Toutefois, ce ne sera pas au débauchage proprement dit qu'il sera mis fin mais aux circonstances ou moyens anormaux qui l'accompagnent » ( J. Ligot, F. Vanbossele, O. Battard, op. cit., n° 167, p. 163).

La demande telle que formulée par O. est, en outre, disproportionnée en ce qu'elle aboutirait à l'élimination pure et simple de l'appelante en tant que concurrence de l'intimée sur le marché concerné (Liège, 12 juin 2008, I.R.D.I., 2008, pp. 339 à 345).
Il est également permis de s'en référer à ce sujet à l'enseignement de Benoît Michaux que la cour fait sien :

« Le tribunal a, à bon droit, rejeté la demande dont l'objet revenait à "(...) faire interdire de manière définitive de contacter l'ensemble de ses clients et prospects" (et devait donc être considéré comme) "contraire à la liberté de commerce".

Le tribunal motive judicieusement sa décision dans les termes suivants : "(...) attendu, en effet, que la présente action en cessation ne pourrait ni suppléer à l'absence d'un avantage qui ne peut s'obtenir que par une convention, ni aboutir à créer entre parties une situation qui serait plus favorable pour la demanderesse et plus défavorable pour les défenderesses que celle qui eût pu résulter d'une convention (...) Que de plus, (...) l'action tend à faire imposer aux défenderesses et au profit de la demanderesse non seulement une obligation de non-concurrence qui ne pourrait résulter que d'un engagement consenti par la première défenderesse, mais en outre à faire assortir cette obligation d'une durée illimitée, ce qui n'eût pas été valide dans le cas d'un engagement de non-concurrence consenti".

Cette jurisprudence souligne de manière essentielle les limitations strictes à l'exclusion de la concurrence en droit conventionnel.

Le tribunal en déduit pertinemment que l'application du droit commun de la concurrence déloyale ne saurait suppléer à l'absence de convention et ne saurait déjouer les règles relatives à la validité d'une telle convention » (B. Michaux, « Concurrence déloyale et anciens cocontractants. Les mises au point de la dernière jurisprudence », R.D.C., 1994, p. 585 ; les commentaires sont relatifs à une décision du président du tribunal de commerce de Bruxelles du 28 septembre 1992, A.C. 5350/92).

Le juge de la cessation ne peut donc prononcer une mesure d'interdiction qui excède les limites de ce que le droit commun autorise. La portée de l'ordre de cessation prononcée à charge de M. doit être clairement délimitée.
Ainsi, M. peut prospecter la clientèle que son fondateur et gérant connaît personnellement de très longue date. Le simple fait que ces clients figurent dans le listing informatique contenant 2.000 noms conservé par Julien ne suffit pas à caractériser une infraction.
Dès lors que ce sont les moyens anormaux qui accompagnent le débauchage qui doivent être sanctionnés, c'est l'utilisation de ce listing qui doit être sanctionnée et pas le simple fait que M. s'adresse à un client figurant sur cette liste.
Contrairement à ce que M. objecte, il n'y a pas lieu d'imposer à O. de prouver que les entreprises figurant sur cette liste sont bien des clients et pas seulement des prospects. Ce relevé est en effet la propriété de O. et M. ne peut l'utiliser.
Par ces motifs, (...)
Ordonne à la S.P.R.L. M. de cesser, dans les vingt-quatre heures de la signification du présent arrêt et ce, sous peine d'une astreinte de 2.500 euros par infraction constatée,
  • de s'adresser à la clientèle de la O. en faisant référence aux anciennes fonctions exercées par Julien au sein de cette société,
  • d'utiliser tous les documents confidentiels relatifs aux activités commerciales de la S.A. O. que son fondateur et gérant a conservés après son licenciement, tels que notamment le listing des contacts et prospects de la S.A. O. décrit à l'annexe 3 du procès-verbal n° 001806/2012 du 24 janvier 2012 de la police judiciaire fédérale de Liège et les documents dont le relevé figure à l'annexe 5 dudit procès-verbal ; (...)
Siég. :  MM. M. Ligot, A. Manka et Th. Lambert.
Greffier : M. J.-L. Kinnard.
Plaid. : MesD. Dessard, J.-L. Brandenberg, R. Davin, A. Duquenne, G. Sorreaux,

 



Fermer

Sommaire

  • Les intrusions opérées par un employé pour le compte de sa propre société dans le système informatique de son employeur, afin de prendre connaissance de demandes de clients de celle-ci et de pouvoir y répondre constituent un acte contraire aux usages honnêtes du commerce dont la cessation doit être ordonnée. - Il est illicite d'adresser aux clients de son ancien employeur des lettres rappelant son activité passée et créant la confusion avec cet employeur. L'utilisation de « ses » archives personnelles constituées chez son ancien employeur, pour concurrencer celui-ci, constitue un acte contraire aux usages du marché par lequel il est porté atteinte aux intérêts professionnels de ce dernier. - La sanction du débauchage de clientèle ne peut toutefois aboutir à l'élimination pure et simple de son auteur du marché concerné. Le juge de la cessation ne peut prononcer une mesure d'interdiction qui excède les limites de ce que le droit commun autorise. La portée de l'ordre de cessation doit être clairement délimitée aux moyens anormaux qui accompagnent le débauchage et laisser subsister la possibilité pour l'employé de prospecter les clients qu'il connaît personnellement de très longue date, même si leur nom figure dans le listing informatique de son ancien employeur.

Mots-clés

  • Pratiques du commerce - Usages honnêtes - Intrusions informatiques
  • Pratiques du commerce - Action en cessation - Débauchage de clientèle - Sanction

Date(s)

  • Date de publication : 09/09/2016
  • Date de prononcé : 28/11/2013

Référence

Cour d'appel Liège (14 e chambre), 28/11/2013, J.L.M.B., 2016/28, p. 1333-1338.

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Droit judiciaire européen et international > Compétence et exécution
  • Droit économique, commercial et financier > Pratiques du marché > Pratiques interdites > Pratiques du marché déloyales à l'égard d'autres que les consommateurs

Éditeur

Larcier

User login