Jurisprudence - Droit pénal
I. |
Infraction - Généralités - Lois, décrets et arrêtés - Infractions prévues par un arrêté royal pris en exécution d'une loi - Abrogation de la loi - Absence d'abrogation implicite de l'arrêté royal. |
II. |
Infraction - Personnes morales - Responsabilité conjointe de la personne physique - Conditions. |
L'abrogation de la loi du 4 août 1955 concernant la sûreté de l'État dans le domaine de l'énergie nucléaire n'emporte pas abrogation implicite de l'arrêté royal du 14 mars 1956 pris en exécution de cette loi. Les arrêtés réglementaires demeurent en effet en vigueur tant qu'ils n'ont pas été abrogés ou modifiés.
La pénétration sans autorisation de militants dans l'enceinte d'une centrale nucléaire étant intrinsèquement liée à la réalisation de l'objet de l'A.S.B.L. dont ils se réclament et étant commise de manière volontaire, la responsabilité de celle-ci doit être retenue.
En revanche, la qualité de directeur des campagnes et de chargé de campagne de cette A.S.B.L. ne suffit pas à établir la participation des prévenus à la commission de l'infraction, spécialement lorsqu'ils n'ont pas pénétré dans l'enceinte de la centrale.
(M.P. et S.A. Electrabel / A.S.B.L. Greenpeace, Jean-Frédéric et William )
(...)
Le 25 octobre 2006 à l'aube, une vingtaine de militants de Greenpeace ont pénétré dans l'enceinte de la centrale nucléaire d'Electrabel à Tihange. Certains se sont hissés sur le couvercle du réacteur de Tihange 1 et y ont peint une lézarde de couleur noire. D'autres ont inscrit la mention « Périmé » en rouge et « Greenpeace » en vert sur la tour de réfrigération de Tihange 1.
Le 9 décembre 2006 peu après 8 heures, quatre militants de Greenpeace se sont introduits sur le parking du site de la centrale nucléaire de Tihange, à proximité du totem d'identification d'Electrabel ; ils ont collé des affiches indiquant « Périmé » sur ce totem et ont peint le même message au sol.
Au moment des faits, William était directeur des campagnes et Jean-Frédéric était chargé de campagne de Greenpeace. (...)
La cour est sans compétence pour connaître des réclamations dirigées contre Jean-Frédéric et William, aucune infraction n'étant retenue dans leur chef.
L'action civile de la S.A. Electrabel dirigée contre l'A.S.B.L. Greenpeace Belgium n'est pas recevable en ce qu'elle invoque que l'ensemble des faits « a eu pour conséquence (...) de mettre en péril tout un chacun » ; il s'agit là de la violation d'un intérêt qui n'est pas différent de l'intérêt collectif
[1].
Elle est non fondée pour le surplus dès lors que la S.A. Electrabel reste en défaut de rapporter la preuve d'un lien causal entre le dommage dont elle demande la réparation et l'infraction d'avoir pénétré et séjourné sans autorisation dans l'enceinte de la centrale nucléaire de Tihange.
Il faut en effet rappeler que le dommage dont se prévaut la partie civile doit être pénal (article 3 du titre préliminaire du Code d'instruction criminelle). Cela signifie que le préjudice invoqué doit être la conséquence de l'infraction à la loi pénale
[2].
Tel n'est pas le cas en l'espèce.
D'une part, la S.A. Electrabel se borne à énumérer, dans ses conclusions, des réparations techniques sans préciser leur lien avec l'intrusion.
D'autre part, concernant plus particulièrement les peintures, inscriptions et graffitis, ils avaient fait l'objet des inculpations C.3. et D.4., mais dans son arrêt du 4 juin 2012, la chambre des mises en accusation a dit n'y avoir lieu de poursuivre de ces chefs.
la S.A. Electrabel allègue aussi que l'ensemble des faits « a eu pour conséquence de fortement perturber l'exploitation de la centrale de Tihange », mais sans autre précision concrète ni élément qui permettraient d'établir et de quantifier un dommage subi à ce titre.
Enfin, il y a lieu de réserver d'office les éventuels intérêts civils autres que ceux de la partie déjà constituée. (...)
Dispositif conforme aux motifs.
Siég. : Mmes A. Freson, M. Wilmart et A. Jackers.
Greffier : Mme M. Lucassen. |
M.P. : Mme V. Truillet. |
Plaid. : MesT. Vandeput et M. Nève, Z. Maglioni. |
[1] |
Cass., 9 novembre 1983, Pas., 1984, p. 266. |
[2] |
M. Franchimont, A. Jacobs et A. Masset, Manuel de procédure pénale, 2e édition, Larcier, 2006, p. 167. |