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12/12/2014
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Tribunal civil Brabant wallon (référés), 12/12/2014


Jurisprudence - Généralités

J.L.M.B. 15/58
Prisons - Droits de l'homme - Traitements inhumains et dégradants - Grève des agents pénitentiaires - Atteinte aux droits fondamentaux des prévenus - Référé - Compétence - Injonction de restaurer le régime habituel de détention .
Les États sont tenus de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui ne le soumettent pas à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à une détention.
Lorsqu'une grève des agents pénitentiaires entraîne une violation des droits fondamentaux des détenus, le juge des référés est compétent pour enjoindre à l'autorité administrative de prendre les mesures nécessaires aux fins de faire cesser pareille voie de fait et, ainsi, de restaurer, sans délai, le régime habituel de détention appliqué au sein de l'établissement pénitentiaire.

(X. )


(...)
La demande a pour objet :
  • d'enjoindre à l'État belge de restaurer, sans délai, le régime habituel de détention appliqué au sein de l'établissement pénitentiaire d'Ittre en manière telle que le requérant puisse être traité en conformité avec les droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et la loi belge ;
  • de condamner l'État belge à une astreinte de 15.000 euros par jour de retard à dater du lendemain du jour du prononcé de l'ordonnance à intervenir.
Le requérant est actuellement détenu à la prison d'Ittre.
Suivant les explications qu'il fournit, les agents pénitentiaires de l'établissement en cause ont entamé, le matin du 7 décembre 2014, un mouvement syndical et, depuis lors, il reste confiné dans une cellule de 10 m2 et est privé :
  • de douches ;
  • d'accès au préau ;
  • de visites (avec ses proches, avec les services extérieurs en ce compris avec les services internes de l'établissement tels les assistants sociaux, psychologues, médecins, etc.) ;
  • du droit de rencontrer son avocat pour préparer sa défense alors qu'il devrait comparaître à l'audience du 16 décembre 2014 devant le tribunal de l'application des peines en vue de l'examen d'une mesure de libération conditionnelle et de surveillance électronique ;
  • de contacts avec l'extérieur à l'exception d'un entretien téléphonique donné à son conseil ce 10 décembre 2014 vers 17 heures ;
  • d'accès à un lieu de culte ;
  • d'accès aux soins de santé ;
  • d'activités ;
  • du droit de cantiner ;
  • de travailler ;
  • de faire du sport ;
  • de rencontrer la commission de surveillance ;
  • du droit de sortir en congé pénitentiaire.
Ses dires sont confirmés par les pièces déposées à l'appui de sa requête.
Ainsi, dans un courrier adressé par mail le 10 décembre 2014, Anémone, conseiller directeur à la prison d'Ittre indique :
  • que le dimanche 7 décembre 2014, les agents pénitentiaires ont entamé un mouvement syndical,
  • que le 7 et le 9 décembre, ils ont refusé d'appliquer le régime « classique » aux détenus,
  • que le 8 décembre, jour de grève planifiée, aucune faveur n'a été accordée aux détenus,
  • que le mercredi 10 décembre, les agents pénitentiaires ont à nouveau tenté d'occuper les lieux et de ne pas en faire davantage que le dimanche et le mardi,
  • qu'ils ont finalement opté pour la grève et sont sortis,
  • que l'audience du tribunal de l'application des peines du mardi 9 décembre n'a pu être assurée,
  • qu'il ne peut être garanti que celle du mardi 16 décembre 2014 le sera,
  • que tant que le travail ne reprendra pas, le régime ne pourra revenir à la normale.
Il est manifeste que les agents de police et de la protection civile appelés à intervenir en cas de grève des agents pénitentiaires ne sont pas en mesure d'assurer aux détenus des conditions de détention normales.
La loi de principes concernant l'administration pénitentiaire ainsi que le statut juridique des détenus du 12 janvier 2005 prescrit en ses articles 5 et 6 que :

« Article 5 :

Paragraphe 1er. L'exécution de la peine ou mesure privative de liberté s'effectue dans des conditions psychosociales, physiques et matérielles qui respectent la dignité humaine, permettent de préserver ou d'accroître chez le détenu le respect de soi et sollicitent son sens des responsabilités personnelles et sociales.

Paragraphe 2. Durant l'exécution de la peine ou mesure privative de liberté, il est veillé à la sauvegarde de l'ordre et de la sécurité.

Article 6 :

Paragraphe 1er. Le détenu n'est soumis à aucune limitation de ses droits politiques, civils, sociaux, économiques ou culturels autre que les limitations qui découlent de sa condamnation pénale ou de la mesure privative de liberté, celles qui sont indissociables de la privation de liberté et celles qui sont déterminées par ou en vertu de la loi.

Paragraphe 2. Durant l'exécution de la peine ou mesure privative de liberté, il convient d'empêcher les effets préjudiciables évitables de la détention ».

Dans un arrêt du 25 novembre 2014, la Cour européenne des droits de l'homme a considéré que, même en temps normal, des mesures devraient être prises par l'État belge pour garantir aux détenus des conditions de détention conformes à l'article 3 de la Convention européenne des droits de l'homme (Arrêt Vasilescu c. Belgique, 25 novembre 2014, requête n° 64682/12, http://hudoc.echr.coe.int/sites/eng/pages/search.aspx?i=001-148507).
Les États sont tenus de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui ne le soumettent pas à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à la détention (Bruxelles (2e ch.), 25 avril 2013, J.L.M.B., 2014, p. 601).
En l'espèce, s'il n'est pas contestable que les agents pénitentiaires puissent faire la grève, il faut aussi constater qu'il en résulte que les droits fondamentaux des détenus sont ainsi bafoués et que les dispositions précitées de la loi du 12 janvier 2005 sont violées.
Le tribunal est compétent territorialement pour connaître de la demande, le requérant étant détenu dans l'établissement pénitentiaire d'Ittre situé dans l'arrondissement judiciaire du Brabant wallon.
S'agissant de mettre fin à une atteinte portée à un droit fondamental, qu'est celui de n'être détenu que dans les conditions légalement prévues, il y a, dans une société démocratique, extrême urgence à agir.
Le juge des référés ne s'immisce pas dans les attributions du pouvoir exécutif, lorsque statuant au provisoire dans les cas où il reconnaît l'urgence, il se déclare compétent pour, dans les limites de sa mission, prescrire à l'autorité administrative les mesures nécessaires aux fins de prévenir ou de faire cesser non seulement une voie de fait mais aussi n'importe quelle atteinte paraissant portée fautivement par cette autorité à des droits subjectifs dont la sauvegarde relève des cours et tribunaux (Cass., 21 mars 1985, Pas., 1985, I, p. 108).
Les considérations qui précèdent justifient de faire droit à la demande sous la seule réserve que l'astreinte sollicitée paraît excessive et qu'elle sera fixée à 1.000 euros par jour de retard.

Par ces motifs,
Recevons la demande et la déclarons fondée dans la mesure suivante ;
Enjoignons à l'État belge de restaurer, sans délai, le régime habituel de détention appliqué au sein de l'établissement pénitentiaire d'Ittre, en manière telle que le requérant puisse être traité en conformité avec les droits garantis par la Convention européenne des droits de l'homme et la loi belge.
Condamnons l'État belge à une astreinte de 1.000 euros par jour de retard à dater du lendemain de la signification de la présente ordonnance.
Siég. :  Mme S. Sterck.
Greffier : M. Ph. Tielemans.

 



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Sommaire

  • Les États sont tenus de s'assurer que tout prisonnier est détenu dans des conditions qui ne le soumettent pas à une détresse ou à une épreuve d'une intensité qui excède le niveau inévitable de souffrance inhérent à une détention. - Lorsqu'une grève des agents pénitentiaires entraîne une violation des droits fondamentaux des détenus, le juge des référés est compétent pour enjoindre à l'autorité administrative de prendre les mesures nécessaires aux fins de faire cesser pareille voie de fait et, ainsi, de restaurer, sans délai, le régime habituel de détention appliqué au sein de l'établissement pénitentiaire.

Mots-clés

  • Prisons - Droits de l'homme - Tradivents inhumains et dégradants - Grève des agents pénitentiaires - Atteinte aux droits fondamentaux des prévenus - Référé - Compétence - Injonction de restaurer le régime habituel de détention

Date(s)

  • Date de publication : 06/02/2015
  • Date de prononcé : 12/12/2014

Référence

Tribunal civil Brabant wallon (référés), 12/12/2014, J.L.M.B., 2015/6, p. 285-287.

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Compétence > Compétence matérielle > Président du tribunal
  • Droit judiciaire > Référé > Nature de la mesure
  • Droit international > Droits de l'homme > Droits de l'homme - CEDH > Torture, tradivents inhumains et dégradants
  • Droit pénal > Exécution des peines > Statut juridique interne des personnes condamnées > Établissements pénitentiaires et statut juridique du détenu
  • Droit pénal > Exécution des peines > Statut juridique interne des personnes condamnées > Régime des détenus

Éditeur

Larcier

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