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29/09/2014
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Cour d'appel Liège (3e chambre), 29/09/2014


Jurisprudence - Assurances

J.L.M.B. 15/128
Assurances - Généralités - Assurance individuelle accident - Absence de déclaration de l'aggravation du risque en cours de contrat - Changement de profession - Omission ou inexactitude non intentionnelles - Absence d'information révélant que le changement aggravait le risque - Charge de la preuve .
Observations. .
Si l'exercice de la profession de débardeur, alors que l'assuré est renseigné au contrat comme chauffeur de camion, constitue une aggravation sensible et durable du risque de décès accidentel, on ne peut en reprocher le défaut de déclaration au preneur d'assurance dès lors que, d'une part, le seul fait qu'un chauffeur ne serait pas exposé dans le milieu de la forêt, au contraire d'un débardeur, ne suffit pas à établir que l'assuré devait raisonnablement considérer que son activité constituait pour la compagnie une circonstance nouvelle de nature à aggraver sensiblement le risque de survenance de l'événement assuré et que, d'autre part, à aucun moment lors de la formation du contrat ou en cours de celui-ci, l'assureur n'a remis un formulaire ou un quelconque document révélant que ce métier constituait pour lui un élément d'appréciation du risque entraînant une augmentation de prime. Il s'ensuit que la compagnie d'assurances n'est pas fondée à réduire sa prestation selon le rapport entre la prime payée et la prime que le preneur aurait dû payer si l'aggravation avait été prise en considération.

(S.A. Generali Belgium / Sabine, Aline et Sacha )


Vu le jugement rendu le 8 avril 2011 par le tribunal civil de Neufchâteau (...)
Le jugement entrepris condamne l'appelante à payer aux intimés la somme en principal de 69.873,85 euros à augmenter des intérêts au taux légal depuis le 23 janvier 2009 sur cette somme jusqu'au jour du paiement et sur la somme de 117.680,37 euros jusqu'au 18 novembre 2009 date du paiement.
Les faits [1] et l'objet de la demande ont été correctement énoncés par le premier juge à l'exposé duquel la cour se réfère.
Il suffit de rappeler que William, époux et père des intimés, avait souscrit auprès de l'appelante un contrat d'assurance individuelle accident prévoyant, notamment, en cas de décès le paiement d'un capital.
En date du 30 juin 2008, il décéda accidentellement sur les lieux de son travail.
L'appelante versa la somme de 117.680,37 euros aux intimés, refusant de payer le surplus de la somme réclamée aux motifs suivants énoncés dans un courrier du 15 décembre 2008 :

« D'après les éléments de notre dossier et le rapport de notre inspecteur, il apparaît que la victime était débardeur alors qu'elle est renseignée au contrat comme "Chauffeur Lastwagen".

En conséquence l'article 18.b. du contrat est d'application : "En cas d'omissions ou d'inexactitudes non intentionnelles dans la déclaration du risque, tant à la conclusion qu'en cours de contrat, qui peuvent être reprochées au preneur d'assurance, la compagnie peut réduire sa prestation en cas de sinistre selon le rapport entre la prime payée et la prime que le preneur aurait dû payer si l'aggravation avait été prise en considération". Pour la garantie décès, l'assuré a payé 480,58 euros en tant que chauffeur alors qu'il aurait dû payer 762,84 euros en tant que débardeur. Le capital décès indexé de 186.797,81 euros sera donc réduit à 117.680,37 euros ».

Discussion
1. L'article 18 des conditions générales liant les parties, intitulé « Sanctions en cas de sinistre », dispose que :

« a. En cas d'omissions ou inexactitudes intentionnelles dans la déclaration du risque, tant à la conclusion qu'en cours de contrat, la compagnie peut refuser sa garantie en cas de sinistre. Les primes échues jusqu'au moment où elle a eu connaissance de la fraude lui sont dues à titre de dommages et intérêts.

b. En cas d'omissions ou d'inexactitudes non intentionnelles dans la déclaration du risque, tant à la conclusion qu'en cours de contrat, qui peuvent être reprochées au preneur d'assurance, la compagnie peut réduire sa prestation en cas de sinistre selon le rapport entre la prime payée et la prime que le preneur aurait dû payer si l'aggravation avait été prise en considération ».

2. Ces articles sont le pendant [de ceux] correspondant aux articles 5, 6, 7 (omission ou inexactitude lors de la formation du contrat) et à l'article 26 (aggravation du risque) de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurance terrestre.
3. Initialement le contrat d'assurance avait été souscrit par Henry et la personne assurée était William dont la profession renseignée était « agriculteur et transporteur de bois ».
Par un avenant du 9 janvier 1979, William a repris le contrat en tant que preneur, restant la personne assurée.
Par un avenant du 12 septembre 1983 un dédommagement est stipulé en cas de décès et il est déclaré qu'à partir du 31 mars 1983, l'assuré-signataire exerce la profession de chauffeur poids lourd indépendant.
Dans des avenants n° 10 et n° 11, prenant cours le 3 mars 2008, il est indiqué au titre de profession : « chauffeur (camion) ».
4. Dans sa lettre précitée du 15 décembre 2008 ainsi que dans ses conclusions, l'appelante soutient que, lors de l'accident litigieux, William exerçait le métier de débardeur.
Elle explique dans ses conclusions que le métier de débardeur consiste à transporter des bois coupés par le bûcheron jusqu'à une place de dépôt située au bord d'une route forestière où un camion pourra venir les charger, alors que le transporteur et/ou chauffeur de camion ne travaille pas dans la forêt même ; que le chargement ou déchargement peut se faire à l'aide d'une grue et un grapin dont le camion est équipé mais le chauffeur grumier ou transporteur de bois ne doit pas s'exposer au milieu forestier comme le fait le bûcheron ou le débardeur qui a amené les bois en bord de route ou de piste forestière [2].
5. Effectivement, il appert du rapport de l'intermédiaire d'assurance qui avait récolté des informations quant aux circonstances de l'accident notamment auprès d'un Sieur S., marchand de bois, qui avait assisté à l'accident, que celui-ci avait fait appel aux services de William en tant que débardeur de grumes ; il avait été chargé d'attacher les arbres à couper à l'aide du câble de treuil de sa machine de débardage de façon à veiller à ce qu'ils ne puissent glisser sur la voie de chemin de fer après découpe ; à un moment donné un arbre mort qui se trouvait derrière William, le Sieur S. et le bûcheron, est tombé et a frappé le premier à l'arrière-tête.
6. Aucun élément soumis à la cour ne permet de retenir que William exerçait la profession de débardeur dès la formation du contrat.
Par contre, il est établi que lors de l'accident il exerçait cette profession.
Le litige se situe donc dans le cadre de l'article 26 de la loi du 25 juin 1992 qui dispose que :

« Paragraphe 1er. Sauf s'il s'agit d'un contrat d'assurance sur la vie, d'assurance maladie ou d'assurance-crédit, le preneur d'assurance a l'obligation de déclarer, en cours de contrat, dans les conditions de l'article 5, les circonstances nouvelles ou les modifications de circonstances qui sont de nature à entraîner une aggravation sensible et durable du risque de survenance de l'événement assuré.

Lorsque, au cours de l'exécution d'un contrat d'assurance autre qu'un contrat d'assurance sur la vie, d'assurance maladie ou d'assurance-crédit, le risque de survenance de l'événement assuré s'est aggravé de telle sorte que, si l'aggravation avait existé au moment de la souscription, l'assureur n'aurait consenti l'assurance qu'à d'autres conditions, il doit, dans le délai d'un mois à compter du jour où il a eu connaissance de l'aggravation, proposer la modification du contrat avec effet rétroactif au jour de l'aggravation.

Si l'assureur apporte la preuve qu'il n'aurait en aucun cas assuré le risque aggravé, il peut résilier le contrat dans le même délai (...) ».

« Paragraphe 3. Si un sinistre survient et que le preneur d'assurance n'a pas rempli l'obligation visée au paragraphe 1er du présent article :

a. l'assureur est tenu d'effectuer la prestation convenue lorsque le défaut de déclaration ne peut être reproché au preneur ;

b. l'assureur n'est tenu d'effectuer sa prestation que selon le rapport entre la prime payée et la prime que le preneur aurait dû payer si l'aggravation avait été prise en considération, lorsque le défaut de déclaration peut être reproché au preneur (...) ».

Selon l'article 5 auquel cet article fait référence :

« Le preneur d'assurance a l'obligation de déclarer exactement, lors de la conclusion du contrat, toutes les circonstances connues de lui et qu'il doit raisonnablement considérer comme constituant pour l'assureur des éléments d'appréciation du risque (...) ».

6.1. L'appelante soutient que l'exercice de la profession de débardeur constitue une aggravation sensible et durable du risque.
Effectivement, elle dépose des documents internes [3] qui démontrent que la prime qu'aurait dû payer l'assuré en tant que « débardeur » s'élevait à la somme de 762,84 euros au lieu de celle de 488,58 euros payée du chef de l'activité de « chauffeur ».
Il semble d'ailleurs au vu des pièces 22 et 23 déposées par les intimés que la compagnie K.B.C. pratiquait le même type de tarification.
6.2. Il convient d'examiner si le défaut de déclaration peut être reproché au preneur, William.
Pour rappel, l'article 26 de la loi du 25 juin 1992 fait référence à l'article 5 de la loi. Ainsi, il appartient à l'appelante (article 1315, alinéa 2, du Code civil) de démontrer que William devait raisonnablement considérer que l'exercice du métier de débardeur constituait une aggravation sensible et durable du risque.
Il n'est pas soutenu que, lors de la formation du contrat ou en cours de celui-ci, l'appelante lui aurait remis un formulaire ou un quelconque document révélant que le métier de débardeur constituait pour elle un élément d'appréciation du risque entraînant une augmentation de prime.
Le seul fait que le transporteur de bois ou le chauffeur de camion ne serait pas exposé dans le milieu de la forêt au contraire d'un débardeur, comme le soutient l'appelante, ne suffit pas à établir que William devait raisonnablement considérer que son activité de débardeur constituait pour la compagnie une circonstance nouvelle ou une modification de nature à aggraver de façon sensible le risque de survenance de l'événement assuré, l'aggravation sensible du risque étant l'aggravation qui est telle que si elle avait existé au moment de la souscription, la compagnie n'aurait assuré qu'à d'autres conditions (deuxième alinéa du paragraphe 1er de l'article 26 précité).
Il s'ensuit que l'appelante n'était pas fondée à limiter son intervention.
7. C'est par de judicieux motifs que la cour fait siens, qu'il est inutile de paraphraser et que n'énerve pas l'argumentation développée en degré d'appel, que le premier juge a octroyé des intérêts à calculer à dater du 23 janvier 2009.
Par ces motifs, (...)
La cour, statuant contradictoirement.
Reçoit l'appel et le dit non fondé, (...)
Siég. :  Mme. B. Prignon.
Greffier : M. M. Leclerc.
Plaid. : MesH. Deprez et J. Pierre.

 


[1] Sous la correction que William est décédé le 30 juin 2008 et non le 7 juillet 2008.
[2] Dans ses conclusions, elle invoque par référence à l'activité décrite par le premier juge celle de bûcheron ; il n'est nullement établi que, lors des faits litigieux ou à un autre moment, William exerçait l'activité de bûcheron ; la mention d'une telle activité dans des articles de journaux relatant les circonstances de l'accident n'engage que les auteurs desdits articles et n'est corroborée par aucun élément objectif et probant.
[3] Les intimés critiquent le caractère interne de ces documents mais la compagnie ne peut que déposer des documents internes pour démontrer qu'il s'agissait d'un élément d'appréciation du risque et que la prime à payer aurait été plus importante.


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Sommaire

  • Si l'exercice de la profession de débardeur, alors que l'assuré est renseigné au contrat comme chauffeur de camion, constitue une aggravation sensible et durable du risque de décès accidentel, on ne peut en reprocher le défaut de déclaration au preneur d'assurance dès lors que, d'une part, le seul fait qu'un chauffeur ne serait pas exposé dans le milieu de la forêt, au contraire d'un débardeur, ne suffit pas à établir que l'assuré devait raisonnablement considérer que son activité constituait pour la compagnie une circonstance nouvelle de nature à aggraver sensiblement le risque de survenance de l'événement assuré et que, d'autre part, à aucun moment lors de la formation du contrat ou en cours de celui-ci, l'assureur n'a remis un formulaire ou un quelconque document révélant que ce métier constituait pour lui un élément d'appréciation du risque entraînant une augmentation de prime. Il s'ensuit que la compagnie d'assurances n'est pas fondée à réduire sa prestation selon le rapport entre la prime payée et la prime que le preneur aurait dû payer si l'aggravation avait été prise en considération.

Mots-clés

  • Assurances - Généralités - Assurance individuelle accident - Absence de déclaration de l'aggravation du risque en cours de contrat - Changement de profession - Omission ou inexactitude non intentionnelles - Absence d'information révélant que le changement aggravait le risque - Charge de la preuve
  • Observations.

Date(s)

  • Date de publication : 18/12/2015
  • Date de prononcé : 29/09/2014

Référence

Cour d'appel Liège (3 echambre), 29/09/2014, J.L.M.B., 2015/42, p. 2012-2015.

Branches du droit

  • Droit économique, commercial et financier > Assurances > Assurances terrestres > Contrat d'assurance en général

Éditeur

Larcier

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