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22/05/2014
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Cour d'appel Liège (20e chambre A), 22/05/2014


Jurisprudence - Droit judiciaire

J.L.M.B. 14/937
I. Procédure civile - Intervention - Degré d'appel - Partie à la cause en première instance - Intérêt - Irrecevabilité.
II. Jugements et arrêts - Exécution provisoire - Cantonnement - Retrait - Conditions.
1. Une partie ne peut être reçue comme intervenante devant le juge du second degré si elle a été présente, appelée ou représentée en première instance. Par ailleurs, une intervention volontaire, comme toute action en justice, est soumise à une condition d'intérêt. L'intervention d'une partie totalement étrangère à la contestation visée par l'appel est irrecevable.
2. Le cantonnement est un droit dont le débiteur ne peut être privé que dans des cas exceptionnels. La preuve du préjudice grave incombe au créancier. Une telle preuve n'est pas rapportée par l'allégation d'une gêne pécuniaire non avérée et de l'impossibilité de terminer un deuil.

(S.A. Aviabel et autres / Jérémy et autres )


Vu les jugements prononcés par le tribunal de commerce de Namur en dates des 11 mai 2010 et 3 septembre 2013 (...)
Bref rappel des faits, antécédents de la procédure et objet des appels
Le 12 mars 2000, un avion conçu et construit par X. s'est écrasé à Moorsele, causant des blessures à onze personnes.
Le 9 juin 2002, un autre avion, également conçu et construit par la même société, s'est écrasé après son décollage de l'aérodrome de Temploux, occasionnant des blessures au pilote et à neuf parachutistes, parmi lesquels [on] comptait Thierry, et provoquant le décès d'une parachutiste, Aline.
Aviabel, en sa qualité d'assureur corps des avions accidentés, d'assureur responsabilité civile du Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur ayant organisé le vol à Temploux et d'assureur individuel accidents des parachutistes faisant partie de ce vol, a assigné X. devant le tribunal de commerce de Namur par citation du 24 février 2005, estimant la responsabilité de cette société engagée dans le cadre des deux accidents et sollicitant sa condamnation à lui rembourser les débours consentis par elle (dossier R.G. n° 485/2005).
Par ailleurs, par exploit du 7 juin 2007, Thierry, son organisme assureur l'A.N.M.C., son employeur la STIB ainsi que les membres de la famille A. ont assigné devant le tribunal de commerce de Namur Dominique, étant le pilote de l'avion impliqué dans l'accident de Temploux, la S.A. Namur air promotion, propriétaire de cet avion, et l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur, locataire de l'avion et organisateur des sauts en parachute, sollicitant leur condamnation in solidum à les indemniser de leurs préjudices respectifs suite à l'accident d'avion survenu à Temploux le 9 juin 2002 (dossier R.G. n° 672/2007).
X. a fait intervention volontaire dans le cadre du dossier R.G. n° 672/2007 tandis que Thierry, la STIB, l'A.N.M.C., la famille A., Dominique, la S.A. Namur air promotion et l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur ont fait intervention volontaire dans le cadre de la procédure portant le numéro de R.G. n° 485/2005.
Les différentes demandes formées devant le premier juge peuvent être résumées comme suit :
  • Aviabel sollicitait la condamnation de la société X. à lui payer une indemnité provisionnelle de 347.876,14 euros à valoir sur son préjudice définitif. Aviabel sollicitait à titre subsidiaire la condamnation de X. à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée contre elle en principal et accessoires.
  • X. sollicitait reconventionnellement la condamnation d'Aviabel à lui payer une somme de 3.000 euros pour action téméraire et vexatoire.
  • La famille A. sollicitait la condamnation in solidum d'Aviabel, de la S.A. Namur air promotion, de l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de
    Namur et de X. à leur payer une somme provisionnelle de 131.004,77 euros en principal.
  • La STIB sollicitait la condamnation in solidum de X, d'Aviabel, de la S.A. Namur air promotion, de l'A.S.B.L Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur et de Dominique à lui payer la somme de 28.153,35 euros en principal.
  • L'A.N.M.C. sollicitait la condamnation in solidum d'Aviabel, de X., de la S.A. Namur air promotion, de l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur et de Dominique à lui payer une somme d'un euro à titre provisionnel.
  • X. a formé une action en garantie à l'encontre de la S.A. Namur air promotion, de l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur et de Dominique, sollicitant leur condamnation solidaire et conjointe à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre suite à l'accident survenu à l'aérodrome de Temploux le 9 juin 2002.
  • Dominique a formé une action en garantie à l'encontre de X., de la S.A. Namur air promotion, d'Aviabel et de l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur sollicitant leur condamnation à le garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à son encontre dans le cadre de l'accident survenu à Temploux le 9 juin 2002 dans la mesure où ces condamnations pécuniaires dépasseraient la garantie accordée par Aviabel.
  • la S.A. Namur air promotion et l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur ont formé une action en garantie à l'encontre de la société X., sollicitant la condamnation de cette dernière à les garantir de toutes condamnations qui seraient prononcées à leur charge tant en principal, qu'intérêts et accessoires.
Par jugement du 11 mai 2010, le tribunal de commerce de Namur, statuant dans le dossier portant le numéro de rôle général 485/2005, après avoir donné acte aux différentes parties de leur intervention volontaire, s'est déclaré compétent pour connaître de la demande relative à l'accident de Temploux mais incompétent pour connaître de la demande relative à l'accident de Moorsele. Les premiers juges ont réservé à statuer pour le surplus.
Par jugement du 3 septembre 2013, les premiers juges, après avoir joint les causes portant les numéros de R.G. nos 485/2005 et 672/2007, ont :
  • dit la demande dirigée par Aviabel contre X. non fondée ;
  • dit la demande reconventionnelle dirigée par P. contre Aviabel non fondée ;
  • condamné Aviabel aux dépens de l'instance liquidés au profit de X. à la somme de 16.500 euros ;
  • condamné in solidum Aviabel, Dominique, la S.A. Namur air promotion et l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur à payer à la famille A. la somme provisionnelle de 30.000 euros majorée des intérêts compensatoires au taux légal depuis le 9 juin 06.2002.
  • déclaré, uniquement en faveur de la famille A., le jugement exécutoire par provision nonobstant tout recours et sans caution ni cantonnement.
  • réservé à statuer sur le surplus.
Aviabel, la S.A. Namur air promotion, l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur et Dominique ont déposé un premier acte d'appel, visant exclusivement le second jugement prononcé le 3 septembre 2013 et intimant la seule famille A., limitant leur appel à la question du cantonnement, critiquant les premiers juges en ce qu'ils les avaient exclus du bénéfice de cette mesure (dossier portant le numéro de R.G. n° 2014/25).
La société X. a, le 20 mars 2014, déposé une requête en intervention volontaire dans le cadre de cette procédure d'appel.
Par requête du 20 janvier 2014, Aviabel, la S.A. Namur air promotion, l'A.S.B.L. Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur et Dominique ont interjeté appel des jugements prononcés par le tribunal de commerce de Namur les 11 mai 2010 et 3 septembre 2010 et ont intimé la société X., la STIB, l'A.N.M.C. et la famille A. Aviabel critique les premiers juges en ce qu'ils se sont déclarés incompétents pour connaître de la demande relative à l'accident de Moorsele. Les appelants critiquent par ailleurs les premiers juges en ce que, dans le cadre du jugement du 3 septembre 2013, ils ont retenu leur responsabilité concurrente et en ce qu'ils n'ont pas retenu la responsabilité de la société X. dans le cadre de l'accident de Temploux survenu le 9 juin 2002 (dossier portant le numéro de R.G. n° 2014/101).
II. Discussion
1. Il y a lieu de joindre les causes portant les numéros de R.G. nos 2014/25 et 2014/101 vu la connexité existant entre elles.
2. Aviabel conteste à bon droit la recevabilité de la requête en intervention volontaire formée par X. dans la procédure portant le numéro de rôle général 2014/25.
D'une part, l'intervention est réservée aux tiers qui pourraient recourir à une tierce opposition, qualité que ne revêt pas X. dès lors qu'elle était partie à la procédure d'instance.
Une partie ne peut être reçue comme intervenante devant le juge du second degré si elle a été présente, appelée ou représentée en première instance (A. Fettweis, Manuel de procédure civile, 1987, p. 416).
D'autre part, X. est totalement étrangère à la contestation que l'appel interjeté dans le cadre du dossier 2014/25 soumet à la cour.
En effet, cette requête d'appel a un objet limité et vise exclusivement à voir restaurer au profit des appelants le bénéfice du cantonnement dans le cadre de la condamnation provisionnelle prononcée à leur encontre au profit de la famille A., seule partie intimée et concernée par cet appel.
Si, dans leur requête d'appel, les appelants affirment certes qu'ils contestent la responsabilité mise à leur charge dans la survenance de l'accident du 9 juin 2002 à Temploux, ils précisent néanmoins immédiatement qu'ils vont à cet égard interjeter appel au fond, ce qu'ils feront du reste en déposant, le 20 janvier 2014, une deuxième requête d'appel par laquelle ils intiment notamment X.
En tout état de cause, la cour de céans, dans le cadre limité du droit au cantonnement, ne peut tenir compte des considérations des parties sur le fond (en ce sens Bruxelles, 31 janvier 1990, J.L.M.B., 1990, p. 994).
Il suit de ces considérations que, outre qu'elle n'a pas la qualité de tiers requise, X. ne justifie d'aucun intérêt pour intervenir volontairement en la cause portant le numéro de R.G. n° 2014/25 opposant les appelants à la famille A. relativement au seul problème du cantonnement du montant provisionnel alloué.
La requête en intervention volontaire de X. sera en conséquence déclarée irrecevable.
3. Le cantonnement est un droit dont le débiteur ne peut être privé que dans des cas exceptionnels.
Le juge ne peut refuser l'exercice de ce droit que si le retard apporté au règlement expose le créancier à un préjudice grave (article 1406 du Code judiciaire).
La charge de la preuve d'un préjudice grave incombe au créancier (Bruxelles, 26 janvier 2001, J.T., 2005, p. 29).
En l'espèce, les consorts A. soutiennent que le retard apporté au règlement du montant leur alloué provisionnellement par le jugement du 3 septembre 2013 les expose à un préjudice grave dès lors qu'ils sont confrontés à des frais de procédure qui ne cessent d'augmenter et qu'ils ne peuvent pas « terminer leur deuil ».
La cour observe qu'Aviabel a versé, en février 2013, une somme de 35.297,08 euros en faveur de la famille A., somme qui couvre largement les frais matériels qu'ils justifient avoir déboursés à concurrence de 22.504,77 euros.
Les consorts A. ne démontrent nullement à ce stade l'existence d'une gêne pécuniaire qui les empêcherait de faire face aux frais de procédure auxquels ils font allusion sans autrement les détailler.
Pour le surplus, comme le soutient à juste titre Aviabel, le paiement entre leurs mains des 30.000 euros alloués par les premiers juges ne leur permettra pas de faire leur deuil puisqu'il s'agit d'un montant provisionnel qui est très largement inférieur au montant qu'ils entendent réclamer sur la base de la législation U.S. et qu'ils fixent, à titre subsidiaire, s'il devait être fait application du droit belge, à un montant provisoire de 131.004,77 euros.
L'argument tiré du risque d'insolvabilité des sociétés Namur air promotion et Centre École régionale de parachutisme sportif de Namur en raison d'un nouvel accident survenu en octobre 2013 est irrelevant. En effet, Aviabel ne conteste pas devoir couvrir le sinistre si la responsabilité de ses assurées était confirmée en degré d'appel tandis que le risque d'insolvabilité épinglé ne la concerne pas.
Il suit de l'ensemble de ces considérations que les consorts A. restent en défaut de rapporter la preuve, qui leur incombe, d'un préjudice grave auquel les exposerait le cantonnement de la somme provisionnelle leur allouée par le jugement entrepris du 3 septembre 2013.
Il y a, en conséquence, lieu de réformer le jugement du 3 septembre 2013 en ce qu'il exclut la faculté de cantonnement et de restaurer le droit des appelants à cantonner dans les formes légales le montant de la condamnation prononcée à leur charge par le susdit jugement.
4. À l'audience du 24 avril 2014, les parties ont convenu de limiter, dans un premier temps, les débats à la question de la compétence territoriale de la cour de céans en ce qui concerne l'accident de Moorsele et ont sollicité qu'un calendrier de procédure soit fixé à cet égard.
La question de la compétence territoriale de la cour de céans ne concerne que les parties Aviabel et X., les autres parties étant exclusivement impliquées dans le cadre de l'accident de Temploux et n'ayant aucun intérêt en ce qui concerne l'action relative à l'autre accident.
Tous autres moyens invoqués par les parties sont, au vu des motifs qui précèdent et à ce stade, dénués de pertinence.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mmes E. Dehant, M. Burton et B. Wauthy.
Greffier : M. O. Toussaint.
Plaid. : MesM. Godfroid, J.-L. Gilissen, M. Toller, J.-M. Fobe, L. Masson (loco C. Erkelens) et N. Leys.

 



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Sommaire

  • Une partie ne peut être reçue comme intervenante devant le juge du second degré si elle a été présente, appelée ou représentée en première instance. Par ailleurs, une intervention volontaire, comme toute action en justice, est soumise à une condition d'intérêt. L'intervention d'une partie totalement étrangère à la contestation visée par l'appel est irrecevable. - Le cantonnement est un droit dont le débiteur ne peut être privé que dans des cas exceptionnels. La preuve du préjudice grave incombe au créancier. Une telle preuve n'est pas rapportée par l'allégation d'une gêne pécuniaire non avérée et de l'impossibilité de terminer un deuil.

Mots-clés

  • Procédure civile - Intervention - Degré d'appel - Partie à la cause en première instance - Intérêt - Irrecevabilité
  • Jugements et arrêts - Exécution provisoire - Cantonnement - Retrait - Conditions

Date(s)

  • Date de publication : 16/01/2015
  • Date de prononcé : 22/05/2014

Référence

Cour d'appel Liège (20 echambre A), 22/05/2014, J.L.M.B., 2015/3, p. 112-116.

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Droit judiciaire - Principes généraux > Action en justice > Intérêt
  • Droit judiciaire > Procédure judiciaire > Incidents > Intervention
  • Droit judiciaire > Saisies et voies d'exécution > Règles préliminaires > Cantonnement
  • Droit judiciaire > Voies de recours - Droit judiciaire et cassation > Appel > Procédure d'appel

Éditeur

Larcier

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