Me Connecter
Me connecter
PartagerPartager
Fermer
Linked InTwitter
Partager
Partager

Recherche dans la JLMB

Retour aux résultatsDocument précédentDocument suivant
Information
26/11/2014
Version PDF
-A +A

Cour d'appel Mons (3e chambre), 26/11/2014


Jurisprudence - Droit public

J.L.M.B. 15/337
I. Prescription - Matières pénales - Urbanisme - Sanctions - Période infractionnelle - Infraction continue - Saisine du juge pénal - Écoulement d'un délai de dix ans.
II. Urbanisme - Sanctions - Remise en état - Bon aménagement des lieux - Proportionnalité - Lieu de vie.
1. Si le fait d'avoir maintenu la transformation d'un immeuble sans un permis d'urbanisme préalable constitue une infraction continue qui n'est, en règle, susceptible de prescription que lorsque la situation délictueuse a cessé, le juge pénal ne peut statuer que sur des faits dont il a été régulièrement saisi, ce qui implique notamment que le juge d'appel ne peut avoir égard à des faits commis postérieurement à la date où le premier juge a été saisi de l'action publique.
Dès lors, lorsque plus de dix années se sont écoulées depuis cette date sans qu'intervienne une cause de suspension, la prescription doit être constatée.
2. Le pouvoir judiciaire est compétent pour examiner si le choix, par le fonctionnaire délégué, de la remise en état ou d'une mesure de réparation déterminée, a été opéré dans le seul but d'un bon aménagement du territoire.
Il appartient au juge de ne pas faire droit à une demande qui s'appuie sur des motifs étrangers à cet objectif ou qui a un caractère manifestement déraisonnable. Tel est le cas lorsque l'avantage de la mesure sollicitée en faveur du bon aménagement du territoire est disproportionné à la charge qui en résulte pour le contrevenant.
Lorsque les travaux irréguliers portent, dans l'ensemble, par leur implantation, par leur taille ou par leurs matériaux, sérieusement atteinte au bon aménagement des lieux, la remise en état est seule de nature à pouvoir rétablir ce bon aménagement et est légalement justifiée, même si le prévenu utilise le bâtiment litigieux comme lieu de vie.

(M.P. et Didier / Jean )


Vu le jugement rendu le 19 novembre 1999 par le tribunal correctionnel de Mons (septième chambre), (...)
Les appels, réguliers en la forme, ont été interjetés dans le délai légal et sont recevables.
Au pénal
Il est reproché au prévenu d'avoir, entre le 31 août 1994 et le 4 avril 1995, apporté des transformations à l'immeuble dont il était propriétaire à (...) sans un permis préalable et d'avoir maintenu ces transformations.
Le prévenu conclut à titre principal à la prescription de l'action publique.
Certes, la prévention d'avoir maintenu une transformation sans un permis d'urba-nisme préalable constitue une infraction continue, laquelle n'est, en règle, susceptible de prescription que lorsque la situation délictueuse a cessé.
Le juge pénal ne peut toutefois statuer que sur des comportements de faits dont il a été régulièrement saisi (Cass., 18 octobre 1994, Pas., 1994, I, p. 826).
Ainsi, la cour ne peut avoir égard à des faits commis postérieurement à la date du jour où le premier juge a été saisi de l'action publique, soit en l'espèce le 18 février 1996, date d'introduction de la cause devant le tribunal.
À cette date du 18 févier 1996, il n'est pas contesté que les transformations litigieuses perduraient.
Partant, l'action publique est prescrite, plus de dix années s'étant écoulées sans que n'intervienne une cause de suspension avant que la prescription ne soit acquise.
Sur la remise en état des lieux
La demande de remise en état du fonctionnaire délégué a été introduite en temps utile devant le juge pénal par un courrier adressé au procureur du Roi daté du 23 février 1996 et reçu le 27 février 1996.
Partant, la prescription de cette action ne court plus jusqu'à ce qu'une décision passée en force de chose jugée mette fin à l'instance (Cass., 13 novembre 2007, www.cass.be, R.G. n° P.07.0961.N/2).
Il convient tout d'abord de relever certaines circonstances de faits ayant amené à la délivrance du permis irrégulier :
  • après le dépôt par le prévenu de sa demande initiale de permis de bâtir le 7 juillet 1994, les services administratifs de la commune ont rendu un avis négatif, estimant que la construction d'une annexe attenante au bâtiment principal nécessitait non seulement l'intervention d'un architecte mais également l'avis du fonctionnaire délégué. Le collège a suivi la position de son administration et a réitéré sa position négative six mois plus tard à la suite d'une nouvelle demande du prévenu. Durant les vacances estivales de 1994, une demande inchangée du prévenu fut à nouveau présentée, à la demande expresse du bourgmestre, au collège qui l'approuva cette fois le 31 août 1994 ;
  • le bourgmestre fut finalement bien obligé de reconnaître avoir transgressé les règles à la suite des insistances du prévenu et pour faire plaisir à un colistier lors des élections communales ;
  • la déclaration du prévenu du 28 décembre 1994 confirme non seulement qu'il a contacté ce colistier pour lui demander d'intervenir auprès du bourgmestre mais également qu'il était informé de l'avis négatif rendu par le service communal de l'urbanisme et de ses motifs ;
  • un ordre d'arrêter les travaux a été notifié au prévenu le 6 juillet 1995 et confirmé par courrier du fonctionnaire délégué du 10 juillet 1995 ;
  • malgré cette injonction, le prévenu a fait choix de poursuivre les travaux.
Le fonctionnaire délégué postule la confirmation du jugement entrepris ordonnant la remise en état des lieux par la démolition de l'annexe, avec terrasse et escaliers, attenante à l'immeuble d'habitation ainsi que la démolition de la remise et du garage.
Le prévenu ne conteste pas la situation infractionnelle qui lui est reprochée tout en faisant état de ce que les travaux ont été entamés sous le couvert d'un permis de bâtir accordé par le collège le 31 août 1994 pour la construction d'une annexe à son habitation.
S'il n'apparaît pas que ce permis de bâtir a été retiré par décision du collège ni annulé par le Conseil d'État, le prévenu ne conteste toutefois pas l'irrégularité l'affectant puisqu'il a répondu à l'invitation de la commune d'introduire une demande de régularisation dont l'examen a été suspendu jusqu'à la décision de la cour de céans par décision du collège communal du 17 décembre 2008.
La remise en état des lieux peut être ordonnée même lorsque le prévenu n'est plus le propriétaire du bien.
Nonobstant la nature pénale de cette mesure au sens de l'article 6 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, cette disposition n'oblige pas le législateur national à organiser un contrôle de pleine juridiction de la demande de remise en état des lieux (Cass., 23 janvier 2013, www.cass.be, R.G. n° P.12.1424. F) ;
Il n'appartient pas au juge d'apprécier de l'opportunité de la demande de démolition à propos de laquelle le juge ne peut effectuer un contrôle qu'à titre marginal (Cass., 24 novembre 2009, www.cass.be, R.G. n° P.09.0278.N/5 ; Cass., 16 janvier 2002, www.cass.be, R.G. n° P.01.1163. F/6).
Le fait que le fonctionnaire délégué a estimé en 1995 que le permis de bâtir a été délivré irrégulièrement par le collège aux motifs que les travaux envisagés nécessitaient son avis préalable puisqu'ils n'étaient pas repris à l'article 194 (ancien) du CWATUP, ne suffit pas à créer une apparence de partialité dans son chef.
Il faut rappeler à cet égard que la vérification de régularité de la procédure de délivrance du permis incombe au fonctionnaire délégué en vertu de l'article 108 (nouveau quid ancien) du CWATUP.
Enfin, le prévenu conclut au caractère manifestement déraisonnable de la demande et à son caractère disproportionné.
Le pouvoir judiciaire est compétent pour examiner si le choix, par le fonctionnaire délégué, de la remise en état ou d'une mesure de réparation déterminée, a été opéré dans le seul but d'un bon aménagement du territoire. Il appartient au juge de ne pas faire droit à une demande qui a un caractère manifestement déraisonnable ou qui s'appuie sur des motifs étrangers à cet objectif.
Afin de contrôler si la demande de réparation n'est pas manifestement déraisonnable, le juge vérifie si l'avantage de la mesure de réparation sollicitée en faveur du bon aménagement du territoire est proportionnel à la charge qui en résulte pour le contrevenant (Cass., 24 novembre 2009, op. cit.).
Ainsi, ni l'importance que peuvent avoir pour le prévenu les conséquences du mode de réparation, ni l'attitude conciliante des autorités communales ne portent à elles seules atteinte à la légalité interne de la demande.
Il résulte des plans et photographies produites aux débats que l'implantation des bâtiments litigieux est incohérente (la construction attenante à l'habitation prolongée par une terrasse surélevée rompant de manière importante l'alignement arrière des habitations), la taille et la situation isolée dans un cadre de jardin ou de potager du garage et de la remise, tout comme les matériaux de constructions utilisés (blocs apparents, tôles ondulées) portent, dans l'ensemble, sérieusement atteinte au bon aménagement des lieux.
La mesure de réparation est la seule de nature à rétablir le bon aménagement des lieux sans occasionner pour le prévenu une charge disproportionnée.
Elle est ainsi légalement justifiée.
Le fait que le prévenu utilise l'annexe de l'habitation comme lieu de vie a d'autant moins d'incidence qu'il convient de rappeler qu'il a poursuivi, en connaissance de cause, la construction de celle-ci.
La demande formulée par le prévenu à titre subsidiaire tendant à ce que la démolition ne puisse intervenir qu'après son décès est étrangère au contrôle marginal que la cour peut opérer.
Partant, le jugement entrepris sera confirmé à cet égard sous l'émendation toutefois que les lieux cadastrés section de (...) sont situés (...) et non (...) comme erronément mentionné au dispositif du jugement entrepris.
Le prononcé d'une astreinte sollicitée par le fonctionnaire délégué n'est pas justifié en l'espèce. (...)
Par ces motifs, (...)
Reçoit les appels ;
Met à néant le jugement entrepris en ce qu'il statue sur l'action publique mais sauf en ce qu'il statue sur la remise en état ;
Réformant,
Dit l'action publique éteinte par prescription ; (...)
Siég. :  M. Resteau, Mmes Weustenraad et Jérome.
Greffier : M. Bataille.
M.P. : M. Sanhaji.
Plaid. : Mes Y. Druart et M. Bazier (loco O. Jadin).

 



Fermer

Sommaire

  • Si le fait d'avoir maintenu la transformation d'un immeuble sans un permis d'urbanisme préalable constitue une infraction continue qui n'est, en règle, susceptible de prescription que lorsque la situation délictueuse a cessé, le juge pénal ne peut statuer que sur des faits dont il a été régulièrement saisi, ce qui implique notamment que le juge d'appel ne peut avoir égard à des faits commis postérieurement à la date où le premier juge a été saisi de l'action publique. - Dès lors, lorsque plus de dix années se sont écoulées depuis cette date sans qu'intervienne une cause de suspension, la prescription doit être constatée. - Le pouvoir judiciaire est compétent pour examiner si le choix, par le fonctionnaire délégué, de la remise en état ou d'une mesure de réparation déterminée, a été opéré dans le seul but d'un bon aménagement du territoire. - Il appartient au juge de ne pas faire droit à une demande qui s'appuie sur des motifs étrangers à cet objectif ou qui a un caractère manifestement déraisonnable. Tel est le cas lorsque l'avantage de la mesure sollicitée en faveur du bon aménagement du territoire est disproportionné à la charge qui en résulte pour le contrevenant. - Lorsque les travaux irréguliers portent, dans l'ensemble, par leur implantation, par leur taille ou par leurs matériaux, sérieusement atteinte au bon aménagement des lieux, la remise en état est seule de nature à pouvoir rétablir ce bon aménagement et est légalement justifiée, même si le prévenu utilise le bâtiment litigieux comme lieu de vie.

Mots-clés

  • Prescription - Matières pénales - Urbanisme - Sanctions - Période infractionnelle - Infraction continue - Saisine du juge pénal - Écoulement d'un délai de dix ans
  • Urbanisme - Sanctions - Remise en état - Bon aménagement des lieux - Proportionnalité - Lieu de vie

Date(s)

  • Date de publication : 08/05/2015
  • Date de prononcé : 26/11/2014

Référence

Cour d'appel Mons (3 echambre), 26/11/2014, J.L.M.B., 2015/19, p. 884-887.

Branches du droit

  • Droit pénal > Procédure pénale - Titre préliminaire > Extinction > Prescription
  • Droit public et administratif > Aménagement du territoire > Région wallonne > CWATUP

Éditeur

Larcier

User login