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05/09/2013
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Cour d'appel Liège (7e chambre), 05/09/2013


Jurisprudence - Droit de la famille

J.L.M.B. 13/732
Aliments - Parents vis-à-vis des enfants - Fin de l'obligation alimentaire - Achèvement de la formation - Avocat stagiaire .
L'obligation de formation à charge des parents prend fin à la majorité si la formation de l'enfant est achevée. À défaut, elle se prolonge après la majorité jusqu'à l'achèvement de la formation adéquate. Cette notion s'apprécie en fonction de critères aussi délicats que la situation de fortune des parents, l'orientation professionnelle de l'enfant, le milieu social des parties, les ressources propres de l'enfant, ses aptitudes intellectuelles et ses efforts, les diplômes déjà acquis ou souhaités ou encore les ambitions des parents pour leurs enfants. Il paraît conforme à l'esprit de la loi de considérer qu'un enfant ne peut être indéfiniment à charge de ses parents et que l'obligation ne doit donc pas persister de manière déraisonnable, compte tenu du comportement du bénéficiaire et de son parcours scolaire. Sur ce plan, on peut retenir que les études doivent suivre un cheminement normal dont l'interruption éventuelle ou la prolongation ne peut être le seul fait de la carence ou de la négligence du créancier.
Il y a maintien de l'obligation alimentaire lorsque l'enfant entend poursuivre une formation complémentaire après l'obtention d'un premier diplôme si cette poursuite de la formation est la conséquence d'une évolution normale. La période durant laquelle le licencié en droit poursuit une formation de « stagiaire » avocat est une période où il est toujours en formation.

(A. / B.) )


(...)
Antécédents et objet de l'appel
L'objet du litige et les circonstances de la cause ont été correctement et avec précision relatés par le premier juge, à l'exposé duquel la cour se réfère.
Il suffit de rappeler que les parties ont contracté mariage le 4 août 1984. De cette union, sont nés trois enfants :
  • 1., en 1986
  • 2., en 1988
  • 3., en 1988.
Par jugement du 22 mars 2007, le divorce a été prononcé aux torts de l'intimé, l'action reconventionnelle en divorce introduite par ce dernier étant renvoyée au rôle.
Par ordonnance de référé du 27 novembre 2006, l'appelante est condamnée à payer à l'intimé la somme de 350 euros par mois à titre de parts contributives pour les trois enfants tandis que ce dernier doit payer à l'appelante 1.000 euros à titre de secours alimentaire.
Par jugement prononcé le 6 novembre 2007 par le juge de paix du quatrième canton de Liège, l'intimé est condamné à payer à l'appelante, à dater du 1er juin 2007, une somme de 1.500 euros à titre de provision sur pension alimentaire après divorce, montant indexé une fois l'an et pour la première fois le 1er juin 2008.
En appel, le tribunal de première instance de Liège, par jugement du 2 octobre 2008, condamne l'intimé à payer une somme de 1.250 euros par mois à titre d'avance sur pension alimentaire après divorce tandis que A. est condamnée à lui payer, à partir du 1er juin 2007, une somme de 150 euros par mois et par enfant à titre de parts contributives « dans les frais d'entretien, d'éducation et de formation des enfants communs », montant indexé.
Les parties ont, de commun accord, pratiqué depuis toujours une compensation entre leurs obligations alimentaires respectives, ce qu'elles ne contestent pas.
Par lettre du 20 juillet 2012 adressée par son conseil, l'appelante réclame à l'intimé un arriéré de 3.016,42 euros, les parties divergeant sur la question de savoir si les trois enfants sont toujours à la charge de ce dernier, ce que A. conteste.
Celle-ci finit par faire procéder à une saisie-arrêt exécution à concurrence de 4.577,18 euros (frais d'exécution inclus) par exploit signifié le 14 août 2012, saisie dénoncée le même jour à l'intimé.
Suivant procès-verbal de comparution volontaire dressé le 29 août 2012, les parties soumettent au premier juge le différend qui les oppose, l'appelante soulevant, en outre, en termes de conclusions du 12 septembre 2012, la question de l'application correcte des indices à la consommation en vue de l'indexation de la pension alimentaire lui revenant, constatant que « dans le cadre du procès-verbal de comparution volontaire, Monsieur B. se trompe quant à la fixation de la pension alimentaire après divorce de (A.).
Par décision du 3 octobre 2012 [1], le premier juge constate « quant aux indexations, (qu')au vu des décisions rendues et qui ont autorité de chose jugée, les pensions provisionnelles après divorce doivent être indexées en appliquant l'indice santé (...) par contre les parts contributives, à défaut de précision, doivent être indexées par rapport aux prix à la consommation ».
En ce qui concerne la prise en charge des trois enfants par B., le premier juge relève que :
  • 1. est toujours à charge de ses parents, nonobstant qu'il soit avocat stagiaire depuis (...) ;
  • 3. « pour des raisons identiques à celles énoncées pour 1., est toujours un enfant à charge dès lors qu'elle poursuit sa formation par un stage de langues non rémunéré » ;
  • 2. n'est plus à charge de ses parents à partir de mai 2011, ayant dû percevoir ses premières allocations de chômage à cette date au terme d'un stage d'attente de deux cent trente-trois jours, s'étant inscrite comme demandeuse d'emploi depuis le 5 juillet 2010.
Au vu de ces points ainsi tranchés, le premier juge rouvre les débats pour permettre aux parties de dresser leurs décomptes définitifs.
A. poursuit la réformation de la décision entreprise, au motif que « le juge des saisies semble confondre la notion de parts contributives fondée sur l'article 203 du Code civil et la notion d'aide alimentaire fondée sur l'article 205 du même code (...) si 1. est dans des difficultés financières importantes, la demande doit être formulée sur la base de l'article 205 et pas sur celle de l'article 203, la formation étant achevée (...) en ce qui concerne l'enfant commune, 3., le juge des saisies a tenu le même raisonnement que pour 1., considérant que 3. se trouvait toujours dans le cadre de sa formation (...) ce raisonnement ne peut être suivi et la décision d'appel doit également être réformée ».
Par conclusions du 4 mars 2013, B. postule la confirmation du jugement querellé, s'estimant redevable uniquement de la somme de 1.639,37 euros et non des montants qui lui sont réclamés.
Discussion
Pour rappel, sur la question de l'obligation de formation à charge des parents telle qu'elle découle de l'article 203 du Code civil,

« (celle-ci) prend fin à la majorité si la formation de l'enfant est achevée ; à défaut, elle se prolonge après la majorité jusqu'à achèvement de la formation adéquate. L'achèvement de la formation est interprété souverainement par les tribunaux et donne lieu à des appréciations très divergentes : la notion peut en effet paraître floue dès lors qu'elle s'apprécie en fonction de critères aussi délicats que la situation de fortune des parents, l'orientation professionnelle de l'enfant, le milieu social des parties, les ressources propres de l'enfant, ses aptitudes intellectuelles et ses efforts, les diplômes déjà acquis ou souhaités ou encore les ambitions des parents pour leurs enfants.

C'est dans l'appréciation de la durée de l'obligation d'entretien et d'éducation que le débat peut s'orienter vers une appréciation du comportement des enfants et des éventuelles fautes ou ingratitudes qui peuvent leur être reprochées, appréciation souvent difficile et nécessairement subjective. (...)

Il paraît conforme à l'esprit de l'article 203 du Code civil de considérer qu'un enfant ne peut être indéfiniment à charge de ses parents et que l'obligation ne doit donc pas persister de manière déraisonnable, compte tenu du comportement du bénéficiaire et de son parcours scolaire. Sur ce plan, on petit retenir que les études doivent suivre un cheminement normal dont l'interruption éventuelle ou la prolongation ne peut être le seul fait de la carence ou de la négligence du créancier (N. Gallus, Rép. not., tome I, « Les personnes », livre 4, 2006, « Aliments », nos 103-104).

En l'espèce, en ce qui concerne la situation de l'enfant 1., celui-ci est avocat stagiaire et a prêté, à ce titre, serment le (...).
L'appelante soutient à tort, de cette seule circonstance, que « le raisonnement tenu pour les personnes terminant leur stage ONEm doit naturellement être reporté sur le cas de 1. puisque celui-ci a terminé son cursus scolaire, a terminé sa formation, est avocat, et à même de percevoir ses propres revenus et promérite surtout des montants autrement plus importants que des allocations de chômage au taux de cohabitant ».
En effet, le premier juge a adéquatement rappelé « qu'il y a maintien de l'obligation alimentaire lorsque l'enfant entend poursuivre une formation complémentaire après l'obtention d'un premier diplôme si cette poursuite de la formation est la conséquence d'une évolution normale ».
Tel est le cas en l'espèce du stage en qualité d'avocat entrepris par l'enfant 1., à la suite de l'obtention de sa maîtrise en droit.
Il s'agit là indéniablement d'une période de formation complémentaire, considérée, aux termes des articles 434 et 435 du Code judiciaire comme un préalable obligatoire à l'inscription au tableau de l'Ordre des avocats d'un barreau déterminé dès lors que :

« Les obligations du stage sont déterminées par le conseil de l'Ordre, sans préjudice des pouvoirs attribués à l'Ordre des barreaux francophones et germanophone et à l'Orde van Vlaamse balies en vertu de l'article 495.

Sauf dispense des autorités de l'Ordre, le stage ne peut être interrompu ou suspendu.

Le conseil de l'Ordre organise les cours en vue de la formation des avocats stagiaires. Il veille à l'accomplissement de toutes les obligations du stage, dont il peut, le cas échéant, prolonger la durée, sans préjudice du droit de refuser l'inscription au tableau.

Tout stagiaire qui ne justifie pas, au plus tard cinq ans après son inscription sur la liste des stagiaires, avoir accompli toutes les obligations établies par son barreau, peut être omis de la liste » (article 435 du Code judiciaire).

Les avocats stagiaires sont dès lors tenus, dans le cadre de l'organisation du stage, à suivre des cours et des formations qui doivent être couronnés par la réussite d'un examen.
Ces cours et formations, comme le stage dans son intégralité, peuvent, en outre, être utilement valorisés ultérieurement dans la recherche et l'obtention d'un emploi, en dehors de la poursuite de la carrière d'avocat.
Dès lors, le premier juge a considéré à juste titre que « la période durant laquelle le licencié en droit poursuit une formation de "stagiaire avocat" est une période où il est toujours en formation » au sens de l'article 203 du Code civil.
La cour observe que l'appelante ne soulève aucun grief sur la pertinence et l'opportunité de la formation ainsi entreprise par l'enfant 1. eu égard à son cursus universitaire.
L'appelante ne saurait davantage être suivie lorsqu'elle avance que l'enfant 1. « promérite surtout des montants autrement plus importants que des allocations de chômage au taux de cohabitant ».
En effet, si les revenus mensuels auxquels un avocat stagiaire peut espérer prétendre sont constitués des rémunérations versées par le maître de stage (882,02 euros pour la première année, 1.176,03 euros pour la seconde année et 1.470,03 euros pour la troisième année), des indemnités versées dans le cadre des prestations du bureau d'assistance judiciaire, et, le cas échéant, des honoraires versés par une hypothétique clientèle privée, il est utopique de considérer, ainsi que l'a adéquatement relevé le premier juge, qu'un avocat stagiaire puisse être « autonome financièrement sans l'aide de ses parents ou d'un conjoint. En effet, il doit faire face à de nombreuses dépenses incompressibles telles que cotisations professionnelles diverses, frais de véhicule, frais de secrétariat (timbres, papier, fardes), achats de matériel informatique, de logiciels et de codes et d'une toge, alors que sa clientèle est quasiment nulle et, pour la majeure partie pro deo. Or, il sera rémunéré de ces prestations pro deo après plusieurs années ».
Il apparaît du décompte non exhaustif des frais exposés (cotisations sociales, financement d'un véhicule, carburant, mutuelle et G.S.M. par l'enfant 1. dans le cadre de son stage, qu'il disposerait ainsi d'un disponible mensuel de l'ordre de 229 euros pour assurer sa subsistance durant sa première année de stage, ce qui apparaît indéniablement insuffisant pour pouvoir le considérer comme autonome.
L'intimé justifie en outre assumer le paiement de la taxe du véhicule de son fils 1. et de la prime d'assurance afférente (ibidem).
L'intimé établit dès lors avoir dû effectivement prendre en charge pour la période considérée - la saisie-arrêt exécution a été signifiée le 14 août 2012 et ne vise que des arriérés arrêtés au 30 mai 2012 - l'enfant commun 1. dans le cadre de sa formation d'avocat stagiaire en première année.
Celui-ci est d'ailleurs resté domicilié chez l'intimé et l'était toujours à la date du 23 novembre 2012.
Si l'appelante estime que l'enfant 1. dispose de revenus suffisants pour être autonome dans le cadre de sa formation d'avocat stagiaire, il lui appartenait de solliciter devant le juge du fond la réduction ou la suppression de la part contributive afférente, ce qu'elle s'est abstenue de faire à ce jour.
Le jugement entrepris doit être confirmé quant à ce.
En ce qui concerne la situation de l'enfant 3., il apparaît que celle-ci « a terminé ses études de commerce extérieur en juin 2012 ». Elle a poursuivi sa formation en Grande-Bretagne par un stage en langues non rémunéré à dater du 10 septembre 2012, après avoir été employée en qualité de travailleur intérimaire du 16 juillet au 1er septembre 2012.
Pour la période considérée suivant le décompte arrêté par l'appelante au 30 mai 2012 et repris à l'exploit de saisie-arrêt exécution signifié le 14 août 2012, force est de constater que l'enfant 3. est effectivement restée à charge de son père, ce que l'appelante ne conteste pas expressément en termes de requête d'appel, la cour relevant par ailleurs que, dans le cadre de ses conclusions d'instance du 12 septembre 2012, A. précisait que « relativement à 3., cela fera l'objet d'un autre débat, puisque la concluante a volontairement arrêté ses décomptes à la fin du mois de mai 2012. Elle a donc logiquement, jusqu'à cette période, déduit une part contributive pour l'enfant ».
Le jugement entrepris sera confirmé en ce qui concerne l'enfant 3. dans les limites ainsi précisées, mais pour d'autres motifs que ceux retenus par le premier juge, dès lors que l'enfant 3. était toujours aux études au 31 mai 2012 date à laquelle l'appelante a clôturé son décompte.
Pour le surplus, ainsi que le premier juge l'avait déjà rappelé, la cour « n'a pas pour mission d'effectuer les décomptes entre parties mais de trancher les différends quant à la manière d'effectuer ceux-ci ».
Il y a dès lors lieu d'ordonner la réouverture des débats aux fins de permettre aux parties de dresser leurs décomptes définitifs, la question de savoir par référence à quel indice les indexations doivent être opérées ayant été par ailleurs tranchée par le premier juge, les parties n'ayant pas fait appel de ces dispositions, de sorte que la cour n'en est pas saisie. Il en est de même en ce qui concerne la situation de l'enfant 2., au sujet de laquelle le premier juge a estimé qu'elle n'était plus à charge de ses parents depuis mai 2011.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mme A. Jacquemin, MM. X. Ghuysen et Th. Piraprez.
Greffier : M. G. Bastin.
Plaid. : MesX. Baus et B. Lespire.

 


[1] N.D.L.R. : cette revue, 2012, p. 1734.


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  • L'obligation de formation à charge des parents prend fin à la majorité si la formation de l'enfant est achevée. À défaut, elle se prolonge après la majorité jusqu'à l'achèvement de la formation adéquate. Cette notion s'apprécie en fonction de critères aussi délicats que la situation de fortune des parents, l'orientation professionnelle de l'enfant, le milieu social des parties, les ressources propres de l'enfant, ses aptitudes intellectuelles et ses efforts, les diplômes déjà acquis ou souhaités ou encore les ambitions des parents pour leurs enfants. Il paraît conforme à l'esprit de la loi de considérer qu'un enfant ne peut être indéfiniment à charge de ses parents et que l'obligation ne doit donc pas persister de manière déraisonnable, compte tenu du comportement du bénéficiaire et de son parcours scolaire. Sur ce plan, on peut retenir que les études doivent suivre un cheminement normal dont l'interruption éventuelle ou la prolongation ne peut être le seul fait de la carence ou de la négligence du créancier. - Il y a maintien de l'obligation alimentaire lorsque l'enfant entend poursuivre une formation complémentaire après l'obtention d'un premier diplôme si cette poursuite de la formation est la conséquence d'une évolution normale. La période durant laquelle le licencié en droit poursuit une formation de « stagiaire » avocat est une période où il est toujours en formation.

Mots-clés

  • Aliments - Parents vis-à-vis des enfants - Fin de l'obligation alimentaire - Achèvement de la formation - Avocat stagiaire

Date(s)

  • Date de publication : 07/02/2014
  • Date de prononcé : 05/09/2013

Référence

Cour d'appel Liège (7 echambre), 05/09/2013, J.L.M.B., 2014/6, p. 271-275.

Branches du droit

  • Droit civil > Obligations alimentaires > Parents/enfants
  • Droit civil > Mariage > Obligations et sanctions > Obligations envers les enfants

Éditeur

Larcier

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