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21/05/2013
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Cour d'appel Mons (2e chambre), 21/05/2013


Jurisprudence - Droit de la consommation

J.L.M.B. 13/973
I. Faillite - Effets - Admission de la créance - Cautionnement - Droits de la caution.
II. Cautionnement - Exceptions - Renonciation.
III. Banque - Opérations de banque - Dénonciation d'une ouverture de crédit - Bonne foi - Abus de droit.
1. L'admission d'une créance au passif de la faillite, sans réserve ni contredit manifesté dans le délai imparti, constitue, en principe, un acte juridique irrévocable faisant obstacle à ce que la créance admise puisse encore être contestée. Cette règle ne prive cependant pas la caution, qui n'a pas été partie à l'admission, du droit de contester le montant de la créance.
2. La clause du contrat de cautionnement qui interdit aux cautions de contester les créances du débiteur principal doit être écartée.
3. La banque n'abuse pas de son droit d'invoquer la clause l'autorisant à dénoncer le crédit « sans devoir en donner le motif » lorsqu'elle ne l'a mise en oeuvre que huit mois après la conclusion de l'ouverture de crédit, alors que la société créditée ne pouvait toujours pas démontrer la réalisation des conditions requises pour la libération des fonds (accord des autres banques, acquisition de l'immeuble, octroi d'un subside, permis d'environnement, ...).

(S.A. Fortis Banque / A. V. et K. B. )


Vu le jugement dont appel prononcé contradictoirement le 27 septembre 2010 par la deuxième chambre civile du tribunal de première instance de Mons (...)
I. Antécédents
Le 15 juin 2007, la S.A. Fortis Banque a consenti à K. B. et A. V., agissant pour le compte d'une S.P.R.L. R. en formation, une offre globale conditionnelle de crédits divers.
Cette offre a été signée le même jour pour accord par les intimés V.-B. (...)
Ces crédits ont été consentis moyennant des sûretés à constituer, étant des sûretés générales et des sûretés spécifiques : (...)
Par ailleurs, cette convention d'ouverture de crédits subordonnait l'accord de la S.A. Fortis Banque à diverses conditions dont, notamment, l'accord préalable de la S.A. I.N.G. Belgique, de la S.A. Sowalfin et de la S.A. I.M.B.C. Objectif n° 1 d'accorder divers crédits à la S.P.R.L. R., l'accord préalable de la Région wallonne d'octroyer à cette dernière un subside minimum de 198.000 euros, et l'octroi d'un permis d'exploiter.
Enfin, l'ensemble des crédits ont également été régis par des conditions générales dont l'article 19, paragraphe 1er, prévoyait une dénonciation unilatérale possible par la S.A. Fortis Banque, sans motifs, moyennant un préavis de trente jours.
Par contrat distinct de cautionnement du 15 juin 2007, les intimés V.-B. se sont engagés, à titre de cautions solidaires et indivisibles, à garantir, à concurrence d'un plafond de 50.000 euros, tous les engagements bancaires quelconques contractés par la S.P.R.L. R. à l'égard de la S.A. Fortis Banque. (...)
II. Discussion(...)
B. La demande reconventionnelle originaire des intimés V.-B.

1. Préambule

Il convient, en préambule, de relever que c'est à tort que la S.A. Fortis Banque considère que la créance à l'égard de la S.P.R.L. R. ne peut plus être contestée, quant à son exigibilité, par les cautions eu égard à son admission au passif de la faillite.
En effet, c'est, à bon droit, que la Cour de cassation a enseigné que :

« L'admission d'une créance au passif de la faillite, sans réserve ni contredit manifesté dans le délai imparti, constitue, en principe, un acte juridique irrévocable faisant obstacle à ce que la créance admise puisse encore être contestée. Cette règle (...) ne prive cependant pas la caution, qui n'a pas été partie à l'admission, du droit de contester le montant de la créance » (Cass., 18 septembre 2008, J.L.M.B., 2008, pp. 1598 et s.).

C'est à tort également que la S.A. Fortis Banque invoque le fait que le contrat de cautionnement interdit aux cautions de contester les créances du débiteur principal.
En effet, il a été écrit, à bon droit, que :

« Le caractère accessoire de la sûreté ne peut pas être purement et simplement écarté par une clause du contrat de cautionnement. La Cour de cassation a condamné la clause par laquelle la caution renonce de façon anticipée à invoquer l'exception que la dette garantie a déjà été payée : insérée dans une convention de cautionnement, une telle clause a "pour conséquence que l'obligation de la caution devient étrangère à l'obligation principale et est contraire à l'essence même du cautionnement" (Cass., 16 décembre 1994, R.W., 1995-1996, p. 322) » (C. Biquet-Mathieu et S. Notarnicola, « La protection des sûretés personnelles dites faibles - Le point après la loi du 3 juin 2007 sur le cautionnement à titre gratuit », in Formation permanente CUP, Sûretés et procédures collectives, vol. 100, février 2008, p. 25).

2. Quant aux fautes de la S.A. Fortis Banque

Pour fonder leur demande contractuelle, les intimés V.-B. invoquent, à titre principal, le caractère contractuel des fautes commises par la S.A. Fortis Banque dans le cadre de son contrat d'ouverture de crédits, au profit de la S.P.R.L. R., et qui peuvent être soulevées par les cautions sur la base de l'article 2036 du Code civil, et à titre subsidiaire, leur caractère quasi délictuel à leur égard.
Que les fautes soient contractuelles ou quasi délictuelles, il appartient aux intimés V.-B. qui les invoquent de les démontrer ainsi que le lien causal entre elles et le dommage vanté.
À ce sujet, les intimés V.-B. reprochent plus spécifiquement à la S.A. Fortis Banque d'avoir refusé à tort de débloquer les crédits consentis par la convention du 15 juin 2007 à la S.P.R.L. R., ce qui, selon eux, a précipité sa faillite, et d'avoir ensuite dénoncé abusivement cette convention générale d'ouverture de crédits.

a. Quant au refus de débloquer les crédits

Les intimés V.-B. reprochent tout d'abord à la S.A. Fortis Banque d'avoir gelé les crédits concédés, ce qui a obligé la S.P.R.L. R. à utiliser immédiatement les capitaux libérés, lors de sa constitution, et à se retrouver à court de trésorerie, ce qui a conduit rapidement cette dernière à la faillite.
la S.A. Fortis Banque conteste avoir commis une faute à ce sujet en invoquant, d'une part, que la convention d'ouverture des crédits l'autorisait à bloquer les fonds, puisque de nombreuses conditions pour ce déblocage n'étaient pas remplies, et, d'autre part, qu'au contraire, malgré le défaut de réalisation de ces conditions, elle a même accepté de débloquer une avance de 60.000 euros pour permettre le paiement du premier loyer du leasing d'un broyeur indispensable pour permettre les activités industrielles projetées. (...)
Il résulte de l'ensemble de ce qui précède qu'il n'est pas établi que la S.A. Fortis Banque a commis une faute en ne débloquant pas davantage les crédits envisagés, ce qui correspond au comportement qu'une banque normalement prudente et avisée aurait adopté en étant placée dans la même situation.

b. Quant au caractère abusif de la dénonciation des crédits le 18 février 2008

Il faut tout d'abord relever que, par son courrier du 18 février 2008, la S.A. Fortis Banque a dénoncé les crédits, non pas pour un quelconque motif ou pour une faute commise par la S.P.R.L. R., mais sans motifs, de façon unilatérale, comme l'y autorisait l'article 19, paragraphe 1er, des conditions générales d'application pour les crédits consentis et prévoyant que :

« Sans devoir en donner le motif, la banque a le droit de mettre fin à l'ouverture de crédit ou de suspendre son utilisation, par lettre recommandée et moyennant un préavis de trente jours à compter de la date d'envoi ».

La régularité de la lettre de dénonciation est établie, le contrat ne prévoyant aucune mise en demeure préalable.
Cependant, les intimés V.-B. invoquent le caractère abusif et intempestif de cette dénonciation qui, selon eux, a été à l'origine de la faillite de la S.P.R.L. R. et donc de leur mise en cause en qualités de cautions.
Il appartient aux intimés V.-B. de démontrer le caractère fautif ou abusif de cette dénonciation.
À cet égard, il a été écrit, à juste titre, que :

« On lit fréquemment que le droit pour le banquier de dénoncer un crédit ainsi que celui de réduire les dépassements de crédit est, en principe, discrétionnaire. Ce droit est toutefois susceptible d'abus. La banque peut donc engager sa responsabilité aquilienne à l'égard des tiers pour abus de son droit de rompre le crédit. Encore faut-il établir les conditions de l'abus de droit. À cet égard, un arrêt de la cour d'appel de Liège rappelle que le seul fait de causer un dommage à autrui ne suffit pas à engager la responsabilité de la banque lorsque ce dommage n'est pas hors de toute proportion avec l'avantage recherché par l'exercice du droit de rompre (Liège, 6 mars 2003, R.D.C., 2005, p. 167, obs.). Établir un abus dans le chef de la banque n'est pas chose aisée pour le tiers. Ainsi, la banque est-elle libre d'accepter un élargissement momentané du crédit pour réaliser certaines opérations et de refuser, dans le même temps, d'honorer d'autres opérations lorsque son client est en débit. En l'espèce, la banque avait accepté des dépassements de crédit pour assurer la réalisation de certaines opérations au profit de son client. Elle avait cependant rejeté d'autres dépassements en raison des difficultés grandissantes de ce dernier et, en conséquence, refusé d'honorer certaines lettres de changes. La cour d'appel de Liège a rejeté l'action en responsabilité aquilienne introduite par le tireur de lettres. Elle a estimé que la banque était libre de réduire les dépassements de crédit de son client et que le tiers, en l'espèce le tireur, ne pouvait se prévaloir d'un droit d'exiger la poursuite de cette tolérance, ni de décider de l'importance des dépassements que la banque est libre d'octroyer... » (B. Dubuisson, V. Callewaert, B. De Coninck et G. Gathem, « Responsabilité civile - Chronique de jurisprudence 1996-2007 », vol. 1 : Le fait générateur et le lien causal, in Dossiers du J.T., Larcier, p. 930, n° 1.190).

En l'espèce, il faut constater que cette dénonciation n'a eu lieu que huit mois après la conclusion de la convention d'ouverture de crédits, à un moment, comme précisé ci-dessus, où la S.P.R.L. R. ne pouvait démontrer ni l'accord des autres banques, ni l'acquisition de l'immeuble où les activités devaient se dérouler et qui devait être donné en hypothèque, ni l'octroi de la prime de la Région wallonne, ni la délivrance du permis d'environnement de classe 2, ni enfin le fait que les travaux entrepris ne nécessitaient pas d'autorisation urbanistique.
La situation était d'autant plus inquiétante que, sans aucune de ces garanties nécessaires pour la poursuite de ses activités, la S.P.R.L. R. n'avait pourtant pas hésité à s'endetter pour obtenir un broyeur en leasing en creusant un découvert sur son compte à vue, et ce alors qu'elle n'a jamais obtenu un permis pour l'utiliser.
Partant, il faut en conclure que les intimés V.-B. ne démontrent en rien en quoi cette dénonciation de crédit de la S.A. Fortis Banque aurait été abusive eu égard aux multiples carences de la S.P.R.L. R.
Rien ne démontre d'ailleurs que la S.P.R.L. R. aurait pu éviter la faillite sans cette dénonciation eu égard au fait qu'il est même établi que le recours de celle-ci auprès du ministre de l'Environnement a été rejeté en vue de se voir octroyer le permis d'environnement essentiel pour la poursuite de ses activités.
Aucune faute n'étant rapportée dans le chef de la S.A. Fortis Banque, la demande reconventionnelle originaire des intimés V.-B. doit donc être déclarée non fondée.

3. Quant aux sommes dues en principal et intérêts

En l'espèce, la cour constate que la S.A. Fortis Banque ne réclame qu'une somme provisionnelle de 12.500 euros à chacun des intimés V.-B. sans aucune réserve de majoration, ni aucun intérêts.
Dès lors que ces montants cumulés sont inférieurs, tant à la dette garantie du débiteur principal, la S.P.R.L. R., qu'au plafond de 50.000 euros prévu pour le cautionnement solidaire, il y a lieu de faire droit à cette demande de la S.A. Fortis Banque.
Aucun intérêt n'étant réclamé, il n'y a pas lieu de trancher la querelle entre les parties en ce qui concerne le taux des intérêts contractuels retenus, cette discussion ne se rattachant à aucune demande concrète. (...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  MM. J.-F. Malengreau, B. Bouteiller et Mme B. Inghels.
Greffier : Mme M. Ducrotois.
Plaid. : MesA.-P. André-Dumont (loco J.-P. Buyle) et J. Martens (loco P. Demolin).

 



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  • L'admission d'une créance au passif de la faillite, sans réserve ni contredit manifesté dans le délai imparti, constitue, en principe, un acte juridique irrévocable faisant obstacle à ce que la créance admise puisse encore être contestée. Cette règle ne prive cependant pas la caution, qui n'a pas été partie à l'admission, du droit de contester le montant de la créance. - La clause du contrat de cautionnement qui interdit aux cautions de contester les créances du débiteur principal doit être écartée. - La banque n'abuse pas de son droit d'invoquer la clause l'autorisant à dénoncer le crédit « sans devoir en donner le motif » lorsqu'elle ne l'a mise en œuvre que huit mois après la conclusion de l'ouverture de crédit, alors que la société créditée ne pouvait toujours pas démontrer la réalisation des conditions requises pour la libération des fonds (accord des autres banques, acquisition de l'immeuble, octroi d'un subside, permis d'environnement, ...).

Mots-clés

  • Faillite - Effets - Admission de la créance - Cautionnement - Droits de la caution
  • Cautionnement - Exceptions - Renonciation
  • Banque - Opérations de banque - Dénonciation d'une ouverture de crédit - Bonne foi - Abus de droit

Date(s)

  • Date de publication : 31/01/2014
  • Date de prononcé : 21/05/2013

Référence

Cour d'appel Mons (2 echambre), 21/05/2013, J.L.M.B., 2014/5, p. 216-219.

Branches du droit

  • Droit civil > Droit civil - Principes généraux > Abus de droit
  • Droit civil > Sûretés > Sûreté personnelle > Cautionnement
  • Droit économique, commercial et financier > Droit de la consommation > Droit de la consommation - Droit national > Crédit à la consommation
  • Droit économique, commercial et financier > Insolvabilité > Faillite > Effets

Éditeur

Larcier

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