Jurisprudence - Assurances
Assurances - Vol - Périmètre de la garantie - Vol par effraction - Home jacking - Vol d'un véhicule au moyen de clés volées la veille - Absence de couverture - Clause abusive (non) . |
Dans une assurance vol, le vol du véhicule au moyen de clés soustraites frauduleusement, la veille, dans l'habitation du conducteur, ne constitue pas un vol par effraction tel que visé dans les conditions contractuelles. Lorsque la police couvre également l'hypothèse d'un home jacking, l'assuré ne peut faire appel à la garantie que si le véhicule couvert est volé immédiatement après celui-ci.
La clause qui exclut le vol commis sans effraction, à l'aide de clés, n'est nullement abusive et ne prive pas la garantie vol de son objet, dès lors que le contrat prévoit des modalités particulières de garantie en cas de vol de clés du véhicule, la compagnie prenant en charge le coût inhérent au remplacement des serrures ou à la nouvelle programmation du système de clés codées.
(S.P.R.L. B. / S.A. Belfius Insurance )
Vu le jugement dont appel rendu contradictoirement le 7 février 2012 par la troisième chambre du tribunal de commerce de Charleroi ; (...)
I. |
Antécédents de fait et de procédure |
Le litige porte sur l'indemnisation par l'assureur-vol, la S.A. Dexia Insurance Belgium devenue S.A. Belfius Insurance, de la S.P.R.L. B., suite au vol d'un véhicule Mercedes S 320 CDI, immatriculé (...), faisant l'objet d'un contrat de location-financement conclu avec la S.A. Dexia Autolease Belgium.
Le véhicule avait pour conducteur principal M. Y., assuré en Full omnium par la police n° (...).
Le 23 janvier 2010, A. Y., née le 1er novembre 1977, dépose plainte suite au vol par effraction commis dans une habitation à G..., signalant notamment le vol de bijoux.
La nuit du 24 au 25 janvier 2010, M. Y., né le 15 mars 1974, domicilié à G..., signale le vol de son véhicule Mercedes S 320 CDI immatriculé (...), lequel était selon lui stationné devant son habitation.
Le 25 janvier 2010, à 5 h, le véhicule est retrouvé complètement incendié à M... : M. Y. est immédiatement entendu et déclare que le véhicule lui a été dérobé à l'aide du double de ses clés entre 2 h et 4 h 50 du matin, heure à laquelle il a reçu un appel d'Octopus lui signalant que son véhicule était utilisé frauduleusement.
Le même jour, A. Y. communique aux verbalisants la liste détaillée du préjudice subi (bijoux, montres, lunettes...) suite au vol dans son habitation, comprenant en outre le double des clés de la Mercedes 320 CDI.
Le 17 mars 2010, l'assureur-vol notifie son refus d'intervention.
Nonobstant les contestations du conseil de l'assuré par courrier du 6 avril 2010, la compagnie confirme son refus d'intervention le 15 avril 2010 au motif que le vol n'a pas été commis par effraction ou à l'aide de violences corporelles.
Par exploit du 9 décembre 2010, la S.P.R.L. B. cite la compagnie devant le tribunal de commerce de Charleroi en paiement de la somme de 33.318,95 euros, correspondant au montant total restant dû dans le cadre du contrat de leasing, à majorer des intérêts de retard depuis le 6 avril 2010 et des frais et dépens.
Le jugement entrepris, rendu contradictoirement le 7 février 2012,
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reçoit la demande, la dit non fondée,
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condamne la S.P.R.L. B. aux frais et dépens de l'instance liquidés à la somme de 2.000 euros représentant l'indemnité de procédure,
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autorise l'exécution provisoire nonobstant tout recours et sans caution.
Ce jugement n'a pas été signifié.
La S.P.R.L. B. interjette appel par requête du 29 mars 2012.
L'appel, régulier en la forme et introduit dans le délai légal à défaut de signification, est recevable.
Pour refuser toute intervention, l'assureur-vol soutient que le risque survenu ne rentre pas dans le cadre de l'assurance et se trouve exclu de la garantie.
Il appartient à l'assuré d'apporter la preuve non seulement du dommage, mais encore de l'événement qui y a donné lieu et d'établir que le risque était celui prévu par le contrat et non exclu par celui-ci (Cass., 25 février 2000,
J.L.M.B., 2001, p. 112).
Conformément aux articles 1315, alinéa 1
er, du Code civil, et 870 du Code judiciaire, il appartient à l'assuré d'établir, par tous moyens de preuve admissibles, la réalité du vol dont il se prétend victime (Cass. (1
re ch.), 22 janvier 2009,
J.L.M.B., 2010, p. 1182), c'est-à-dire la soustraction frauduleuse par un tiers de la chose lui appartenant.
En l'espèce, il n'est pas contesté que le véhicule a été volé, puis incendié par les voleurs, lesquels ont utilisé, selon l'appelante, le double des clés dérobées deux jours plus tôt au domicile de M. Y.
Le risque « incendie » est couvert par la police litigieuse à l'exception des dommages causés par des voleurs, en sorte que cette garantie ne peut s'appliquer.
Le risque « vol » est couvert aux conditions prévues sous le titre IV des conditions générales : « Chapitre 2 : les garanties : 2 Vol » libellé comme suit :
« Nous couvrons le véhicule assuré contre le vol par effraction (y compris le "home jacking") ou accompagné de violences corporelles (y compris le "car jacking"), ainsi que contre la destruction ou la détérioration par le fait de voleurs, à l'exception cependant :
1. Des vols ou détériorations ayant pour auteurs ou complices soit des membres de la famille (...)
2. Des vols d'accessoires seuls (...)
3. Des vols survenant alors que le véhicule se trouve inoccupé et que :
- soit les portières ou coffres ne sont pas verrouillés ;
- soit les vitres, capotes ou toit ouvrant ne sont pas fermés ;
- soit les clés ou dispositifs de désarmement de l'antivol sont restés dans ou sur le véhicule ;
- soit le système d'alarme que nous avons requis n'est pas installé ou n'est pas branché ;
sauf si le véhicule se trouvait dans un garage individuel verrouillé.
Par ailleurs, nous prenons également en charge le vol des clés du véhicule désigné, dès l'instant où aucune négligence ne peut être reprochée à l'assuré et qu'il résulte de ce vol un péril imminent pour la conservation de la chose. En pareille hypothèse, le coût inhérent au remplacement des serrures ou à la nouvelle programmation du système de clés codées est également pris en charge ».
À juste titre, la S.A. Belifus Insurance soutient que le vol n'a pas été commis par effraction ou home jacking.
Il n'est pas soutenu ni démontré qu'une serrure de la voiture a été forcée, une vitre brisée, un home jacking commis.
Le terme « effraction » doit être compris dans son sens habituel : bris de clôture ou de serrure (Petit Robert) rupture, forcement ou enlèvement de tout dispositif servant à fermer un passage ou une clôture (Petit Larousse).
La S.P.R.L. B. entend cependant assimiler au vol commis par effraction, couvert par la police, celui commis à l'aide de fausses clés, soit de clés soustraites frauduleusement.
Cette hypothèse n'est pas envisagée par la police, sauf le cas de home jacking, les clés étant alors dérobées dans l'habitation et le véhicule volé immédiatement.
En l'espèce, si les clés ont été dérobées le 23 janvier 2010, la voiture n'a pas été volée le même jour, mais seulement deux jours plus tard, le 25 janvier 2010.
La clause limitant la couverture d'assurance contre le vol est complète et précise et ne nécessite aucune interprétation particulière.
Il est clair que, hormis l'hypothèse du home jacking, de la violence ou du vol commis dans un garage verrouillé, le vol commis sans effraction, à l'aide de clés, n'est pas couvert.
Cette clause n'est nullement abusive et ne prive pas la garantie vol de son objet.
En effet, le contrat prévoit des modalités particulières en cas de vol de clés du véhicule, la compagnie prenant en charge le coût inhérent au remplacement des serrures ou à la nouvelle programmation du système de clés codées, raison supplémentaire pour exclure logiquement toute intervention en cas de vol du véhicule au moyen de clés volées antérieurement et non remplacées par l'assuré.
En l'espèce, bien que victime d'un vol de clés de voiture, l'appelante n'a pas fait appel à cette garantie en temps utile et M. Y. a stationné le véhicule devant son habitation sans aucune surveillance particulière.
Ses explications quant au fait qu'il n'a pu se rendre compte du vol des clés le 23 janvier 2010 suite au désordre régnant dans son habitation et ne s'en est aperçu que lors du vol du véhicule, à les supposer crédibles, ne permettent pas de démontrer que le vol commis le 25 janvier 2010 l'a été par effraction au sens commun et usuel du terme.
Le contrat a été librement souscrit et accepté par l'assuré et doit être respecté en application de l'
article 1134 du Code civil.
L'appelante invoque également la garantie contre la destruction ou la détérioration par le fait de voleurs.
Il est évident que cette garantie est l'accessoire de la garantie contre le vol et ne peut s'appliquer que si le vol lui-même est couvert par la police, ce qui n'est pas le cas en l'espèce à défaut d'effraction ou de violences.
C'est à bon droit et en toute bonne foi que la S.A. Belfius Insurance a refusé, en l'occurrence, toute intervention, la preuve n'étant pas apportée que le risque survenu est celui couvert par la police.
Partant, l'appel n'est pas fondé.
Dispositif conforme aux motifs.
Siég. : Mme C. Knoops.
Greffier : Mme D. Ravert. |
Plaid. : MesM. Donatangelo et L. Poisson (loco J.-Fr. Gailly). |