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13/11/2014
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Cour constitutionnelle, 13/11/2014


Jurisprudence - Avocat

J.L.M.B. 14/947
I. Cour constitutionnelle - Intérêt - Recours en annulation - T.V.A. sur les prestations d'avocat - Recevabilité - Recevabilité des interventions.
II. Droits de l'homme - Procès équitable - Droit à l'assistance d'un avocat - Droit d'accès à un juge - Égalité des armes - Équilibre entre les parties au procès - Égalité - Discrimination.
III. Impôts - TVA - Application aux prestations d'avocats - Droit de recourir à un avocat - Justiciables atteints différemment par la mesure selon qu'ils sont ou non assujettis à la T.V.A. - Doutes sérieux quant à la validité d'une directive européenne - Questions préjudicielles.
IV. Impôts - TVA - Directive européenne - Possibilité de maintenir un système d'exonération partielle - Questions préjudicielles.
1. Les ordres d'avocats, des associations qui prennent en charge des frais d'avocats de justiciables et qui ont pour objet la défense de l'accès de tous à la justice, les organisations représentatives des travailleurs qui estent en justice pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions collectives conclues par elles, des justiciables non habilités à déduire la T.V.A., ainsi qu'un avocat, justifient de l'intérêt requis pour attaquer une disposition législative qui supprime l'exemption de la T.V.A. dont bénéficiaient les avocats.
Une association de magistrats qui a pour objet social, notamment, de soutenir toute action destinée à améliorer le fonctionnement de l'institution judiciaire, ainsi que le Conseil des barreaux européens, justifient de l'intérêt requis pour intervenir dans pareille procédure.
2. Les principes du respect des droits de la défense et du procès équitable impliquent le droit, pour le justiciable, de se faire assister par un avocat, droit auquel le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination est applicable. Le droit de se faire assister d'un avocat est un corollaire des droits de la défense dont le législateur ne pourrait priver une catégorie de justiciables sans établir une distinction injustifiée étant donné la nature des principes en cause.
Le droit d'accès à un juge et le principe de l'égalité des armes, qui sont des éléments de la notion plus large de procès équitable, impliquent également l'obligation de garantir un juste équilibre entre les parties au procès et d'offrir à chaque partie la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires.
3. La disposition qui a pour effet de soumettre les prestations de services des avocats pourrait affecter l'effectivité du droit, pour certains justiciables, de recourir à l'assistance d'un conseil. En outre, elle atteint de manière différente les justiciables selon qu'ils sont ou non assujettis à la T.V.A. et bénéficient ou non de l'aide judiciaire, ces deux catégories pouvant être opposées dans le même procès.
Elle pourrait également porter atteinte à des associations, non assujetties à la T.V.A., actives en matière de droits fondamentaux, spécialement celles qui, dans le secteur de l'environnement, disposent du droit d'accès à la justice, tel qu'il est garanti par la Convention d'Aarhus.
Même si le législateur dispose, en matière fiscale, d'une marge d'appréciation étendue, l'objectif budgétaire qu'il poursuit ne suffit pas à justifier, au regard du principe de l'égalité des armes dans le procès, l'identité de traitement dans l'accès à un juge et à l'assistance d'un avocat, entre les justiciables assujettis ou non à la T.V.A.
Les atteintes alléguées au droit à un procès équitable trouvant leur fondement dans la directive 2006/112/CE, dès lors que les moyens mettent en cause avec suffisamment de doute la validité de cette directive, il convient de poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles sur la compatibilité de la directive avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de même qu'avec l'article 9, paragraphes 4 et 5, de la Convention d'Aarhus, avec les articles 20 et 21 de la Charte précitée et avec l'article 9 du Traité de l'Union européenne, combiné avec l'article 47 de la Charte.
4. Il convient également de demander à la Cour européenne si l'article 371 de la Directive 2006/112/CE peut être interprétée comme autorisant un État membre de l'Union à maintenir partiellement l'exonération des prestations de services d'avocats lorsque ces prestations sont effectuées en faveur de justiciables qui ne sont pas assujettis à la T.V.A. et qui ne peuvent bénéficier de l'aide juridique ou en faveur de justiciables non assujettis à la T.V.A. qui bénéficient de l'aide juridique.

(Ordre des barreaux francophones et germanophone et autres / Conseil des ministres )


N° 165/2014
(...)
II. En droit
...
- B -
Quant à la disposition attaquée et son contexte
B.1. Les parties requérantes demandent l'annulation de l'article 60 de la loi du 30 juillet 2013 portant des dispositions diverses, qui dispose :

« Dans l'article 44, paragraphe 1er, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée, remplacé par la loi du 28 décembre 1992 et modifié par la loi du 28 décembre 2011, le 1° est abrogé ».

Avant cette modification législative, l'article 44, paragraphe 1er, 1°, du Code de la taxe sur la valeur ajoutée disposait :

« Sont exemptées de la taxe, les prestations de services exécutées, dans l'exercice de leur activité habituelle, par les personnes suivantes :

1° les avocats ».

L'exemption de la taxe sur la valeur ajoutée (ci-après : T.V.A.), qui concernait jusqu'alors les avocats, a donc été abrogée par la disposition attaquée avec effet au 1er janvier 2014.
B.2.1. L'amendement qui a donné lieu à l'article attaqué est justifié comme suit :

« Sur la base de la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée, les prestations de services effectuées par les avocats sont par principe soumises à la taxe sur la valeur ajoutée (T.V.A.) selon les règles normales.

Cependant, conformément à l'article 371 de ladite directive, les États membres qui, au 1er janvier 1978, exonéraient les opérations dont la liste figure à l'annexe X, partie B, de cette directive, peuvent continuer à les exonérer de la taxe, dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date. Cette dérogation reste applicable jusqu'à l'introduction du régime définitif.

La Belgique a fait usage de cette possibilité. Ainsi, les prestations de services effectuées dans l'exercice de leur activité habituelle par les avocats sont exemptées de la taxe conformément à l'article 44, paragraphe 1er, 1°, du Code de la T.V.A.

La Belgique est à ce jour le seul État membre qui exonère encore de T.V.A. les prestations de services effectuées par les avocats. De plus, l'exonération de T.V.A. conduit dans la pratique à des distorsions de concurrence. Dans ce cadre, l'article 46 abroge l'article 44, paragraphe 1er, 1°, du Code de la T.V.A. » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53- 2891 /004, pp. 21 et 22).

En commission des Affaires sociales de la Chambre des représentants, le ministre a indiqué :

« [...] comme tout assujetti à la T.V.A., les avocats pourront déduire la T.V.A. des produits et services auxquels ils auraient recours. Il semble évident que la T.V.A. déduite ne devrait pas être répercutée sur les clients. De manière générale, toutefois, quel que soit l'impôt concerné, on ne peut pas toujours identifier celui qui en supporte la charge comme le démontre l'importante littérature produite à ce sujet. Quant à la suggestion [...] qui tend à exonérer les particuliers, elle ne peut être suivie car une telle exonération rendrait la mesure inutile sous l'angle budgétaire.

Il est exact, par ailleurs, que les autorités publiques, quelles qu'elles soient, sont redevables de la T.V.A. sur les produits et services. Pour l'État, il va de soi que cette opération est une opération neutre.

Enfin, le ministre prend acte des observations formulées en ce qui concerne la réforme de l'aide juridique.

En l'occurrence, toutefois, il devenait difficile de maintenir l'exception faite en faveur des avocats alors que cette exception a été levée pour les notaires ou les huissiers de justice » (Doc. parl., Chambre, 2012-2013, DOC 53-2891/007, p. 53).

Lors de la discussion au Sénat, il a été précisé :

« Le gouvernement s'est efforcé, lors du dernier contrôle budgétaire, d'assortir les mesures à prendre de conditions équitables, en particulier dans le domaine fiscal, en veillant à combler çà et là certaines lacunes : le secrétaire d'État pense à cet égard aux sociétés d'investissement, qui seront désormais traitées sur un pied d'égalité, qu'elles soient européennes ou non européennes. La mesure prévoyant l'assujettissement des avocats à la T.V.A. participe aussi de la même logique : la quasi-totalité des biens et services sont déjà soumis à la T.V.A. et il n'y avait donc aucune raison que les avocats échappent à la règle. Le secrétaire d'État reconnaît que certaines mesures ne sont pas du goût de tout le monde, mais il n'empêche qu'elles sont nécessaires » (Doc. parl., Sénat, 2012-2013, n° 5-2218/2, p. 8).

B.2.2. Il ressort de ce qui précède que le législateur, en adoptant la mesure attaquée, a poursuivi, d'une part, un objectif budgétaire et, d'autre part, l'harmonisation du régime de taxation des prestations des avocats avec le droit de l'Union (fin du régime dérogatoire). Dans ses mémoires, le Conseil des ministres relève que la mesure attaquée a également pour effet de supprimer la compensation annuelle due par la Belgique à l'Union européenne à la suite du maintien de l'exonération de la T.V.A. en faveur des prestations des avocats.
B.3. La directive 67/228/CEE du Conseil du 11 avril 1967 « en matière d'harmonisation des législations des États membres, relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Structure et modalités d'application du système commun de taxe sur la valeur ajoutée » soumettait à la T.V.A. les prestations de services, effectuées à titre onéreux à l'intérieur du pays par un assujetti (article 2, a), un assujetti étant quiconque accomplit d'une façon indépendante et à titre habituel des opérations relevant, notamment, des activités de prestataires de services, que ce soit ou non dans un but lucratif (article 4). En application de l'article 6, paragraphe 2, ces règles n'étaient obligatoirement applicables qu'aux prestations de services énumérées à l'annexe B, qui ne mentionne pas les services fournis par un avocat. L'article 10, paragraphe 3, permettait aussi à chaque État membre, sous réserve de la consultation prévue par l'article 16, de déterminer les autres exonérations qu'il estimait nécessaires.
B.4.1. La T.V.A. a été instaurée en droit belge par la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée.
L'article 1er de cette loi dispose :

« Il est établi sous le nom de taxe sur la valeur ajoutée un impôt sur le chiffre d'affaires, qui se perçoit dans les conditions et selon les modalités déterminées par le présent Code ».

Il résulte des travaux préparatoires de cette loi que, conformément aux deux directives du Conseil de la Communauté économique européenne du 11 avril 1967 « qui prescrivent de remplacer les systèmes de taxes sur les affaires en vigueur dans chacun des pays de la C.E.E., par un système commun de taxe sur la valeur ajoutée à mettre en application au plus tard le 1er janvier 1970 », le principe de ce système de taxe est « d'appliquer aux biens et services un impôt général sur la consommation exactement proportionnel au prix des biens et des services, quel que soit le nombre des transactions intervenues dans le processus de production et de distribution antérieur au stade d'imposition ».

« À chaque transaction, la taxe sur la valeur ajoutée calculée sur le prix du bien ou du service au taux applicable à ce bien ou à ce service, est due, déduction faite du montant de la taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé directement le coût des divers éléments constitutifs de ce prix (article 2 de la première directive) » (Doc. parl., Chambre, S. E. 1968, n° 88/1, p. 4).

B.4.2. L'article 44, paragraphe 1er, de la loi du 3 juillet 1969 exemptait cependant de la taxe les prestations de services exécutées, dans l'exercice de leur activité habituelle, par les personnes suivantes :

« 1 ° les notaires, les avocats et les huissiers de justice ;

2° les médecins, les dentistes, les accoucheuses, les infirmiers et les infirmières, les soigneurs et les soigneuses, les garde-malades, les masseurs et les masseuses et les kinésithérapeutes ;

3° les médecins vétérinaires ».

L'article 44, paragraphe 2, de cette loi exemptait également de la taxe d'autres prestations de services effectuées dans les secteurs des soins de santé, d'éducation physique ou sportive, d'enseignement et de culture.
Les travaux préparatoires indiquent :

« Les motifs qui ont justifié ces exonérations en matière de taxe sur les contrats d'entreprise garderont leur valeur dans le régime nouveau [...].

Les prestations des notaires et des huissiers de justice ont été exonérées de la taxe sur les contrats d'entreprise parce que les actes de ces officiers publics sont généralement soumis à des droits d'enregistrement.

Pour les avocats, il est apparu souhaitable d'exonérer leurs prestations pour que les procédures judiciaires ne soient pas grevées de nouvelles charges fiscales » (Doc. parl., Chambre, S.E. 1968, n° 88/1, p. 40).

B.5. La directive 77/388/CEE du Conseil du 17 mai 1977 « en matière d'harmonisation des législations des États membres relatives aux taxes sur le chiffre d'affaires - Système commun de taxe sur la valeur ajoutée : assiette uniforme » a notamment entendu « établir une liste commune d'exonérations en vue d'une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres » et a considéré « indispensable de prévoir une période transitoire permettant une adaptation progressive des législations nationales dans des domaines déterminés ».
Elle prévoit, dans le titre X (« Exonérations »), à l'article 13 A des « exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général » et à l'article 13 B d'« autres exonérations ». Les prestations d'avocat n'ont pas été reprises dans ces listes. Dans le titre XVI (« Dispositions transitoires »), l'article 28 permet cependant aux États membres, au cours d'une période transitoire, de continuer à exonérer les opérations reprises à l'annexe F dans les conditions existantes dans l'État membre (article 28, paragraphe 3, b). Le point 2 de l'annexe F vise « les prestations de services des auteurs, artistes et interprètes d'oeuvres d'art, avocats et autres membres des professions libérales, à l'exception des professions médicales et paramédicales pour autant qu'il ne s'agisse pas des prestations visées à l'annexe B de la deuxième directive du Conseil du 11 avril 1967 ».
L'article 28, paragraphe 4, dispose :

« La période transitoire est initialement fixée à une durée de cinq ans à compter du 1er janvier 1978. Au plus tard six mois avant la fin de cette période, et ultérieurement en tant que de besoin, le Conseil, sur la base d'un rapport de la Commission, réexaminera la situation en ce qui concerne les dérogations énumérées au paragraphe 3 et statuera à l'unanimité, sur proposition de la Commission, sur la suppression éventuelle de certaines ou de toutes ces dérogations ».

B.6. L'intention du législateur belge de maintenir l'exonération de la T.V.A. en faveur des prestations de services effectuées par les avocats a ultérieurement été confirmée par le ministre des Finances en réponse à une question parlementaire :

« [...] sur la base de la réglementation européenne actuellement en vigueur, la Belgique peut bénéficier d'une dérogation. Elle n'est donc pas tenue d'assujettir les avocats à la T.V.A. J'ai utilisé jusqu'à présent cette possibilité, avec, pour motivation principale, le souci de ne pas alourdir encore le coût de l'accès à la justice.

Il est évident en effet que l'assujettissement des avocats à la T.V.A. entraînerait pour les clients une augmentation du coût de leurs prestations. [ ... ]

Donc, aussi longtemps qu'il n'y a pas une nouvelle décision sur le plan européen, - et je n'en entrevois pas dans un avenir très proche - j'ai bien l'intention de maintenir cette exemption, et ce essentiellement parce que, pour une partie importante de la clientèle, et en particulier ceux qui ont peut-être le plus de difficultés à avoir accès à la justice, il me paraît inutile d'en alourdir encore le coût » (Ann., Chambre, 1994-1995, 19 janvier 1995, p. 699).

B.7. La directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée soumet les prestations de services effectuées par les avocats aux mêmes règles que les autres prestations de services mais autorise toujours les États membres qui, au 1er janvier 1978, exonéraient les opérations dont la liste figure à l'annexe X, partie B, à continuer de les exonérer, dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date (article 371).
Quant à la capacité et à l'intérêt des parties requérantes et intervenantes
B.8. La Constitution et la loi spéciale du 6 janvier 1989 sur la Cour constitutionnelle imposent à toute personne physique ou morale qui introduit un recours en annulation de justifier d'un intérêt. Ne justifient de l'intérêt requis que les personnes dont la situation pourrait être affectée directement et défavorablement par la norme attaquée.
B.9.1. L'Ordre des barreaux francophones et germanophone (affaire n° 5741) et l'« Orde van Vlaamse balies » (affaire n° 5832) ont notamment pour tâche de veiller aux intérêts professionnels communs de leurs membres (article 495, alinéa 1er, du Code judiciaire) et peuvent prendre les initiatives et mesures utiles pour la défense des intérêts de l'avocat et du justiciable (article 495, alinéa 2, du Code judiciaire). L'article 495 du Code judiciaire habilite ces ordres à introduire ou à soutenir un recours en annulation de dispositions qui sont susceptibles de porter atteinte aux intérêts de l'avocat et du justiciable.
La disposition attaquée soumet les prestations des avocats, à partir du 1er janvier 2014, à la T.V.A. Elle est susceptible d'affecter directement et défavorablement les intérêts des avocats et des justiciables. Ces parties requérantes disposent donc de l'intérêt requis aux présents recours.
Il en va de même des ordres des avocats de différents barreaux (affaire n° 5833).
B.9.2. Les deuxième à neuvième parties requérantes dans l'affaire n° 5741 ont également intérêt au recours. Vu leur objet social et la manière dont elles développent leurs activités, cet intérêt résulte de leur qualité de justiciable non habilité à déduire la T.V.A., du fait qu'elles assurent la prise en charge des frais d'avocat d'autres justiciables, du fait qu'elles ont pour objectif statutaire la défense de droits fondamentaux et du fait qu'elles ont pour objet spécifique la défense de l'accès de tous à la justice.
B.10.1. Les organisations syndicales qui n'ont pas la personnalité juridique n'ont pas, en principe, la capacité requise pour introduire un recours en annulation devant la Cour. Il en va toutefois autrement lorsqu'elles agissent dans les matières pour lesquelles elles sont légalement reconnues comme formant des entités juridiques distinctes et que, alors qu'elles sont légalement associées en tant que telles au fonctionnement des services publics, les conditions mêmes de leur association à ce fonctionnement sont en cause.
En tant qu'organisation représentative des travailleurs au sens des articles 1er, point 4, et 3 de la loi du 5 décembre 1968 sur les conventions collectives de travail et les commissions paritaires, la dixième partie requérante dans l'affaire n° 5741, la « Fédération générale du travail de Belgique » (F.G.T.B.), peut ester en justice pour la défense des droits que ses membres puisent dans les conventions conclues par elle (article 4 de la loi du 5 décembre 1968). En leur permettant d'ester en justice, le législateur associe les organisations représentatives des travailleurs au fonctionnement du service public de la justice.
B.10.2. Cette partie requérante justifie d'un intérêt au recours dès lors que la loi attaquée a un impact direct sur son activité précitée quand elle recourt pour celle-ci aux services d'un avocat.
B.11.1. En tant que justiciables non habilités à déduire la T.V.A. et engagés dans des procédures en justice, les parties requérantes dans l'affaire n° 5825 sont également affectées directement et défavorablement par la disposition attaquée qui a pour effet d'augmenter de 21 pour cent les frais et honoraires d'avocat.
B.11.2. En tant qu'avocat, la douzième partie requérante dans l'affaire n° 5833 justifie d'un intérêt à demander l'annulation de la disposition attaquée qui assujettit les avocats à la T.V.A. et leur impose des obligations qui seraient susceptibles de porter atteinte au secret professionnel de l'avocat.
B.12.1. L'A.S.B.L. « Association syndicale des magistrats », partie intervenante dans l'affaire n° 5741, justifie son intérêt à intervenir par son objet social. En vertu de l'article 3 de ses statuts, elle a notamment pour objet « d'initier et de promouvoir toute réflexion, de soutenir et réaliser tout projet et toute action destinée à améliorer le fonctionnement de l'institution judiciaire en Belgique et à l'étranger dans le respect des principes et idées suivantes : - l'institution judiciaire est un pouvoir constitutionnel mais également un service public tourné vers le justiciable, [...] ».
Un tel objet social est susceptible d'être directement affecté par la disposition attaquée qui a pour effet d'augmenter les frais et honoraires d'avocat.
B.12.2. Les statuts du Conseil des barreaux européens, partie intervenante dans les affaires nos 5825, 5832 et 5833, mentionnent que celui-ci a pour objet d'assurer :

« a. la représentation des barreaux membres [...] dans toutes les matières d'intérêt commun ayant trait à l'exercice de la profession d'avocat, au respect de l'État de droit et d'une bonne administration de la justice ainsi qu'aux développements importants du droit, tant au plan européen qu'international, [...]

c. le respect de l'État de droit, des droits de l'homme et de la protection des droits et libertés fondamentales, en ce compris le droit à l'accès à la justice et la protection du client, ainsi que la protection des valeurs démocratiques intimement liées à l'exercice de tels droits » (III, 1).

Le Conseil des barreaux européens justifie dès lors de l'intérêt requis pour intervenir dans des recours en annulation concernant des dispositions de nature à affecter directement la situation des avocats.
Quant aux moyens
(...)
B.14. La Cour examine d'abord les moyens relatifs à l'assujettissement des prestations d'avocat à la T.V.A. (premier et deuxième moyens dans l'affaire n° 5741 et dans l'affaire n° 5825 et premier moyen dans l'affaire n° 5832).
B.15.1. La disposition attaquée abroge l'article 44, paragraphe 1er, 1°, du Code de la T.V.A. qui exemptait de la T.V.A. les prestations de services exécutées, dans l'exercice de leur activité habituelle, par les avocats.
B.15.2. Les moyens invoquent la violation des articles 10, 11, 13, 23 et 172 de la Constitution, combinés ou non avec les articles 6 et 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, avec les articles 14 et 26 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne.
B.15.3. Dans le premier moyen dans l'affaire n° 5741 et le premier moyen, en sa première branche, dans l'affaire n° 5825, les parties requérantes allèguent que la disposition attaquée viole le droit d'accès à un juge, qui doit être garanti dans le respect du droit à un procès équitable, et le droit à l'assistance de l'avocat, qui implique l'obligation d'organiser l'aide juridictionnelle pour garantir l'effectivité du droit à l'assistance d'un avocat lorsqu'elle est nécessaire. Elles invoquent également la violation de l'obligation de standstill, la mesure attaquée constituant une régression en matière d'accessibilité financière aux services de l'avocat et l'augmentation du coût de l'intervention d'un avocat pour les justiciables non assujettis à la T.V.A. n'ayant pas été compensée par une adaptation du système d'aide juridique.
B.15.4. Dans le deuxième moyen, en sa première branche, dans l'affaire n° 5741, les parties requérantes reprochent à la disposition attaquée de soumettre les services d'avocats au même régime fiscal que toutes les livraisons de biens et les prestations de services de consommation ordinaire soumises à la taxe, alors que les livraisons de biens et les prestations de services qui concourent à la mise en oeuvre effective de droits fondamentaux sont exemptées de la T.V.A., pour des motifs d'accessibilité financière à ces droits fondamentaux.
B.15.5. Dans le deuxième moyen, en sa deuxième branche, dans l'affaire n° 5741, les parties requérantes allèguent que les avocats ne sont pas comparables aux autres catégories de prestataires de services ni aux titulaires d'autres professions libérales parce que les prestations des avocats sont tout à fait caractéristiques et essentielles dans un État de droit.
B.15.6. Dans le deuxième moyen, en sa troisième branche, dans l'affaire n° 5741 ainsi que dans le deuxième moyen dans l'affaire n° 5825 et dans le premier moyen dans l'affaire n° 5832, les parties requérantes dénoncent la discrimination, dans le droit d'accès au juge et le bénéfice de l'assistance juridique, dont sont victimes les justiciables non assujettis dans les contentieux qui les opposent à des justiciables assujettis. Le surcoût des frais d'avocat renforce dans le procès l'inégalité des parties qui sont déjà économiquement plus faibles.
B.15.7. À titre infiniment subsidiaire, dans le deuxième moyen, en sa quatrième branche, dans l'affaire n° 5741, les parties requérantes contestent le taux de la taxe, qui est le taux ordinaire de 21 pour cent, car il a des effets disproportionnés quant à l'accès aux services, jugés essentiels dans un État de droit, d'un avocat. Dans le premier moyen, en sa troisième branche, dans l'affaire n° 5825, les parties requérantes contestent également ce taux ordinaire qui assimile l'intervention d'un avocat à un produit de luxe, alors que le droit à l'assistance d'un avocat est un droit fondamental, tout comme le droit aux soins de santé.
B.15.8. Dans le premier moyen, en sa deuxième branche, dans l'affaire n° 5825, les parties requérantes font valoir que le législateur aurait dû prévoir une possibilité de dispense pour les procédures menées par les particuliers contre l'autorité publique afin de maintenir un équilibre dans la protection juridique. La suppression de la dispense de la T.V.A. en ce qui concerne les frais d'avocat pour ces procédures entraînerait une violation des articles 10 et 11 de la Constitution.
(...)
B.17.1. Les principes du respect des droits de la défense et du procès équitable impliquent le droit, pour le justiciable, de se faire assister par un avocat, droit auquel le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination est applicable. Le droit de se faire assister d'un avocat est un corollaire des droits de la défense dont le législateur ne pourrait priver une catégorie de justiciables sans établir une distinction injustifiée étant donné la nature des principes en cause.
L'article 6.1. de la Convention européenne des droits de l'homme garantit à toute personne le droit de bénéficier d'un procès équitable, ce qui peut impliquer, en vue de comparaître devant une juridiction, l'assistance d'un conseil lorsqu'il ressort des circonstances de la cause qu'il est très improbable que la personne concernée puisse défendre utilement sa propre cause (Cour eur. D.H., Airey c. Irlande, 9 octobre 1979).
Par ailleurs, la Convention a pour but de :

« protéger des droits concrets et effectifs. La remarque vaut en particulier pour le droit d'accès aux tribunaux, eu égard à la place éminente que le droit à un procès équitable occupe dans une société démocratique (arrêt Airey, précité, pp. 12-14, paragraphe 24). Il est essentiel à la notion de procès équitable, tant au civil qu'au pénal, qu'un plaideur se voie offrir la possibilité de défendre utilement sa cause devant le tribunal (ibidem) et qu'il bénéficie de l'égalité des armes avec son adversaire (voy., parmi de nombreux autres exemples, De Haes et Gijsels c. Belgique, arrêt du 24 février 1997, Recueil des arrêts et décisions, 1997-I, p. 238, paragraphe 53) » (Cour eur. D.H., Steel et Morris c. Royaume-Uni, 15 février 2005, paragraphe 59).

Certes, la Cour européenne des droits de l'homme laisse à l'État le choix des moyens à employer pour garantir aux plaideurs les droits prévus par l'article 6.1. (ibid., paragraphe 60), considère que « la question de savoir si l'octroi d'une aide judiciaire est nécessaire pour que la procédure soit équitable doit être tranchée au regard des faits et circonstances particuliers de chaque espèce et dépend notamment de la gravité de l'enjeu pour le requérant, de la complexité du droit et de la procédure applicables, ainsi que de la capacité du requérant de défendre effectivement sa cause » (ibid., paragraphe 61) et accepte des limitations au droit d'accès aux tribunaux (ibid., paragraphe 62). Néanmoins, « une limitation de l'accès au tribunal ne saurait restreindre l'accès ouvert à un justiciable d'une manière ou à un point tels que son droit d'accès à un tribunal s'en trouve atteint dans sa substance même. Elle ne se concilie avec l'article 6, paragraphe 1er, que si elle tend à un but légitime et s'il existe un rapport de proportionnalité entre les moyens employés et le but visé [...] » (Cour eur. D.H., Anakomba Yula c. Belgique, 10 mars 2009, paragraphe 31) [1].
La limitation de l'accès au tribunal peut être de caractère financier. « La Convention n'oblige pas à accorder l'aide judiciaire dans toutes les contestations en matière civile. En effet, il y a une nette distinction entre les termes de l'article 6, paragraphe 3, c), qui garantit le droit à l'aide judiciaire gratuite à certaines conditions dans les procédures pénales, et ceux de l'article 6, paragraphe 1er, qui ne renvoie pas du tout à l'aide judiciaire. La Cour rappelle également qu'un système d'assistance judiciaire ne peut pas fonctionner sans la mise en place d'un dispositif permettant de sélectionner les affaires susceptibles d'en bénéficier, et qu'un système qui prévoit de n'allouer des deniers publics au titre de l'aide judiciaire qu'aux demandeurs dont le pourvoi a une chance raisonnable de succès ne saurait en soi être qualifié d'arbitraire [...] » (Cour eur. D.H., Pedro Ramos c. Suisse, 14 octobre 2010, paragraphe 41). La Cour européenne considère cependant dans plusieurs arrêts que l'absence d'assistance conduit à une violation de l'article 6.1. (Cour eur. D.H., Airey, cité, paragraphe 28 ; P., C. et S. c. Royaume-Uni, 16 juillet 2002, paragraphe 100 ; Steel et Morris, cité, paragraphe 72 ; Tabor c. Pologne, 27 juin 2006, paragraphe 47 ; Bakan c. Turquie, 12 juin 2007, paragraphes 77 et 78 ; Anakomba Yula, cité, paragraphe 39). Elle estime par ailleurs important « de prendre en compte la qualité du système d'assistance judiciaire dans un État. En d'autres termes, elle doit vérifier que le système mis en place par le législateur offre des garanties substantielles aux individus, de nature à les préserver de l'arbitraire [...] » (Cour eur. D.H., Pedro Ramos, cité, paragraphe 49).
B.17.2. Le droit d'accès à un juge et le principe de l'égalité des armes, qui sont des éléments de la notion plus large de procès équitable, au sens de l'article 6.1. de la Convention, impliquent également l'obligation de garantir un juste équilibre entre les parties au procès et d'offrir à chaque partie la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne la placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires (Cour eur. D.H., Dombo c. Pays-Bas, 27 octobre 1993, paragraphe 33 ; grande chambre, Öçalan c. Turquie, 12 mai 2005, paragraphe 140 ; Yvon c. France, 24 avril 2003, paragraphe 31 ; Roux c. France, 25 avril 2006, paragraphe 23 ; Batsanina c. Russie, 26 mai 2009, paragraphe 22 ; Versini c. France, 11 mai 2010, paragraphe 62).
L'article 14 de la Convention vient renforcer ce principe. La Cour européenne des droits de l'homme a déjà pris en compte à cet égard la différence entre les degrés d'assistance dont les requérants, d'une part, et l'entreprise, partie adverse au procès, d'autre part, ont bénéficié de la part d'hommes de loi, pour conclure au manque d'équité et à l'inégalité des armes (Cour eur. D.H., Steel et Morris, cité, paragraphes 69 et 72). Elle est aussi d'avis que « la possibilité de défendre sa cause seul, dans une procédure l'opposant à un professionnel du droit, n'offrait pas au requérant un droit d'accès à un tribunal dans des conditions lui permettant, de manière effective, de bénéficier de l'égalité des armes inhérente à la notion de procès équitable » (Cour eur. D.H., Bertuzzi, c. France, 13 février 2003, paragraphe 31).
B.17.3. C'est au législateur qu'il appartient de donner une portée concrète aux principes généraux tels que l'accès à un juge et l'égalité des armes. Mais il relève de la compétence de la Cour, sans qu'elle puisse se substituer au législateur, de vérifier si les différentes parties au procès ne sont pas traitées de manière discriminatoire.
B.18.1. La disposition attaquée abroge la disposition qui, dans le Code de la T.V.A., exemptait de la taxe les prestations de services exécutées, dans l'exercice de leur activité habituelle, par les avocats. Elle a donc pour effet de soumettre ces prestations de services à une taxe de 21 pour cent. Cette augmentation du coût des prestations des avocats pourrait affecter l'effectivité du droit, pour certains justiciables, de recourir à l'assistance d'un conseil.
Conformément aux règles en matière de T.V.A., cette augmentation ne frappe pas tous les justiciables de la même manière. Les personnes assujetties à la T.V.A. peuvent en effet récupérer le montant de la taxe et ne sont donc pas atteintes dans la même mesure par l'augmentation contestée du coût des frais de défense en justice. En revanche, les justiciables qui ne sont pas assujettis à la T.V.A. voient leurs frais d'avocat augmenter de 21 pour cent.
Certes, certains de ces justiciables non assujettis à la T.V.A. peuvent, compte tenu de leurs revenus, bénéficier de l'aide juridique conformément aux articles 508/1 à 508/25 du Code judiciaire et ne sont pas dans ce cas affectés par la disposition attaquée, les prestations d'avocat étant alors prises en charge par l'État. En revanche, les justiciables non assujettis à la T.V.A. dont les revenus sont supérieurs au montant permettant d'obtenir l'aide juridique - et qui ne peuvent donc prétendre à l'aide juridique - sont atteints par l'augmentation contestée du coût des frais de défense en justice. C'est à tort que le Conseil des ministres considère que les dispositions relatives à l'aide juridique permettent de compenser l'augmentation des frais de défense en justice due à la loi attaquée.
B.18.2. La disposition attaquée pourrait, par ailleurs, porter atteinte au principe de l'égalité des armes dans le procès, dans la mesure où elle atteint de manière différenciée les justiciables selon qu'ils sont ou non assujettis à la T.V.A. et bénéficiaires ou non de l'aide juridique.
Ces deux catégories de justiciables peuvent être adversaires et soutenir des prétentions opposées dans le même procès. Tel peut être le cas, par exemple, lorsqu'un litige oppose un travailleur salarié et un employeur, un consommateur et un commerçant, un citoyen et un entrepreneur ou un architecte, un citoyen et une banque ou une compagnie d'assurances, un administré et une autorité publique.
En augmentant le coût de l'intervention de l'avocat de 21 pour cent uniquement pour la partie au procès qui n'est pas assujettie à la T.V.A., la disposition attaquée pourrait avoir, selon les parties requérantes, pour effet de placer cette partie dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires, ce qui serait de nature à rompre, dans certaines circonstances, le juste équilibre entre les parties au procès.
Selon les parties requérantes, la loi attaquée pourrait aussi porter atteinte au principe de l'égalité des armes dans le procès dans le chef des associations actives en matière de droits fondamentaux dès lors qu'elles ne sont pas assujetties à la T.V.A. et ne peuvent dès lors récupérer la T.V.A. frappant les prestations des avocats défendant leurs intérêts. Il est plus particulièrement relevé que certaines de ces associations, telles celles qui sont actives dans le secteur de l'environnement au sens large, disposent du droit d'accès à la justice sans que le coût de ces procédures ne puisse être prohibitif et moyennant « la mise en place de mécanismes appropriés d'assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l'accès à la justice » (article 9, paragraphes 4 et 5, de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998 et ratifiée par la Belgique le 21 janvier 2003).
B.19. Il ressort des travaux préparatoires cités en B.2.1 que ce sont principalement des raisons budgétaires qui sont invoquées pour justifier la loi attaquée. Le législateur dispose en matière fiscale d'une marge d'appréciation étendue. Un tel objectif ne suffit toutefois pas à justifier raisonnablement, au regard du principe de l'égalité des armes dans le procès, l'identité de traitement dans l'accès à un juge et à l'assistance d'un avocat entre les justiciables assujettis ou non à la T.V.A. Dans ses mémoires, le Conseil des ministres reconnaît d'ailleurs que le législateur aurait pu laisser subsister l'exemption de taxe pour les justiciables qui ne sont pas assujettis à la T.V.A., mais fait valoir que pareille « taxation alternative personnalisée » ne permettait pas d'atteindre l'objectif budgétaire.
B.20.1. En mettant fin, par la disposition attaquée, à l'exonération de la T.V.A. relative aux prestations de services effectuées par les avocats, le législateur belge entend s'aligner sur le régime général prévu par la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée et, dès lors, appliquer le régime uniforme prévu par cette directive aux prestations des avocats.
B.20.2. La directive 2006/112/CE soumet les prestations de services effectuées par les avocats aux mêmes règles que les autres prestations de services.
Conformément à l'article 96 de cette directive, « les États membres appliquent un taux normal de T.V.A. fixé par chaque État membre à un pourcentage de la base d'imposition qui est le même pour les livraisons de biens et pour les prestations de services ».
Concernant les taux réduits, l'article 98 dispose :

« 1. Les États membres peuvent appliquer soit un, soit deux taux réduits.

2. Les taux réduits s'appliquent uniquement aux livraisons de biens et aux prestations de services des catégories figurant à l'annexe III.

Les taux réduits ne sont pas applicables aux services visés à l'article 56, paragraphe 1er, point k).

3. En appliquant les taux réduits prévus au paragraphe 1er aux catégories qui se réfèrent à des biens, les États membres peuvent recourir à la nomenclature combinée pour délimiter avec précision la catégorie concernée ».

Le chapitre 2 du titre IX (« Exonérations ») de cette directive prévoit par ailleurs des exonérations en faveur de certaines activités d'intérêt général. L'article 132 dispose :

« 1. Les États membres exonèrent les opérations suivantes :

a) les prestations de services et les livraisons de biens accessoires à ces prestations, à l'exception des transports de personnes et des télécommunications, effectuées par les services publics postaux ;

b) l'hospitalisation et les soins médicaux ainsi que les opérations qui leur sont étroitement liées, assurés par des organismes de droit public ou, dans des conditions sociales comparables à celles qui valent pour ces derniers, par des établissements hospitaliers, des centres de soins médicaux et de diagnostic et d'autres établissements de même nature dûment reconnus ;

c) les prestations de soins à la personne effectuées dans le cadre de l'exercice des professions médicales et paramédicales telles qu'elles sont définies par l'État membre concerné ;

d) les livraisons d'organes, de sang et de lait humains ;

e) les prestations de services effectuées dans le cadre de leur profession par les mécaniciens-dentistes, ainsi que les fournitures de prothèses dentaires effectuées par les dentistes et les mécaniciens-dentistes ;

f) les prestations de services effectuées par des groupements autonomes de personnes exerçant une activité exonérée ou pour laquelle elles n'ont pas la qualité d'assujetti, en vue de rendre à leurs membres les services directement nécessaires à l'exercice de cette activité, lorsque ces groupements se bornent à réclamer à leurs membres le remboursement exact de la part leur incombant dans les dépenses engagées en commun, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ;

g) les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à l'aide et à la sécurité sociales, y compris celles fournies par les maisons de retraite, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'État membre concerné ;

h) les prestations de services et les livraisons de biens étroitement liées à la protection de l'enfance et de la jeunesse, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes reconnus comme ayant un caractère social par l'État membre concerné ;

i) l'éducation de l'enfance ou de la jeunesse, l'enseignement scolaire ou universitaire, la formation ou le recyclage professionnel, ainsi que les prestations de services et les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectués par des organismes de droit public de même objet ou par d'autres organismes reconnus comme ayant des fins comparables par l'État membre concerné ;

j) les leçons données, à titre personnel, par des enseignants et portant sur l'enseignement scolaire ou universitaire ;

k) la mise à disposition de personnel par des institutions religieuses ou philosophiques pour les activités visées aux points b), g), h) et i), et dans un but d'assistance spirituelle ;

l) les prestations de services, ainsi que les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, fournies à leurs membres dans leur intérêt collectif, moyennant une cotisation fixée conformément aux statuts, par des organismes sans but lucratif poursuivant des objectifs de nature politique, syndicale, religieuse, patriotique, philosophique, philanthropique ou civique, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ;

m) certaines prestations de services ayant un lien étroit avec la pratique du sport ou de l'éducation physique, fournies par des organismes sans but lucratif aux personnes qui pratiquent le sport ou l'éducation physique ;

n) certaines prestations de services culturels, ainsi que les livraisons de biens qui leur sont étroitement liées, effectuées par des organismes de droit public ou par d'autres organismes culturels reconnus par l'État membre concerné ;

o) les prestations de services et les livraisons de biens effectuées par les organismes dont les opérations sont exonérées conformément aux points b), g), h), i), l), m) et n), à l'occasion de manifestations destinées à leur apporter un soutien financier et organisées à leur profit exclusif, à condition que cette exonération ne soit pas susceptible de provoquer des distorsions de concurrence ;

p) le transport de malades ou de blessés à l'aide de véhicules spécialement aménagés à cet effet effectué par des organismes dûment autorisés ;

q) les activités des organismes publics de radiotélévision autres que celles ayant un caractère commercial.

2. Aux fins du paragraphe 1er, point o), les États membres peuvent introduire toutes les restrictions nécessaires, notamment en limitant le nombre de manifestations ou l'importance des recettes ouvrant droit à l'exonération ».

Le titre XIII de cette directive prévoit cependant des dérogations applicables jusqu'à l'introduction du régime définitif. L'article 371 dispose ainsi :

« Les États membres qui, au 1er janvier 1978, exonéraient les opérations dont la liste figure à l'annexe X, partie B, peuvent continuer à les exonérer, dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date ».

L'annexe X, partie B, reprend parmi ces opérations :

« 2) les prestations de services des auteurs, artistes et interprètes d'oeuvres d'art, avocats et autres membres des professions libérales, autres que les professions médicales et paramédicales à l'exception des prestations suivantes : [...] ».

B.21. Par son arrêt du 17 juin 2010, la Cour de justice de l'Union européenne a jugé :

« En appliquant un taux réduit de la taxe sur la valeur ajoutée aux prestations rendues par les avocats, avocats au Conseil d'État et à la Cour de cassation et avoués, pour lesquelles ceux-ci sont indemnisés totalement ou partiellement par l'État dans le cadre de l'aide juridictionnelle, la République française a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu des articles 96 et 98, paragraphe 2, de la directive 2006/112/CE du Conseil, du 28 novembre 2006, relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée » (C.J.U.E., 17 juin 2010, Commission c. France, C-492/08).

La Cour de justice considère :

« afin de respecter les termes du point 15 de l'annexe III de la directive 2006/112, un État membre ne saurait appliquer un taux réduit de T.V.A. à des prestations de services fournies par des entités privées poursuivant un but lucratif sur la base de la seule appréciation du caractère de ces services, sans tenir compte, notamment, des objectifs poursuivis par ces entités considérés dans leur globalité et de la stabilité de l'engagement social de celles-ci.

En l'espèce, force est de constater que, vu ses objectifs globaux et l'absence de stabilité d'un éventuel engagement social, la catégorie professionnelle des avocats et avoués en sa généralité, telle qu'elle est visée à l'article 279, sous f), du C.G.I. [Code général des impôts], ne saurait être considérée comme présentant un caractère social.

Dès lors, à supposer même que les prestations rendues par les avocats et avoués dans le cadre de l'aide juridictionnelle revêtent un caractère social et peuvent être qualifiées d'"engagement dans des oeuvres d'aide et de sécurité sociales", cette circonstance n'est pas suffisante pour conclure, en l'occurrence, que lesdits avocats et avoués puissent être qualifiés d'"organismes ayant un caractère social et étant engagés dans des oeuvres d'aide et de sécurité sociales" au sens du point 15 de l'annexe III de la directive 2006/112 » (points 45 à 47).

Dans cette affaire, la Cour de justice ne s'est pas prononcée sur la compatibilité de la directive 2006/112/CE avec le droit à un procès équitable.
B.22.1. Si l'État belge n'était pas tenu par la directive 2006/112/CE de mettre fin au régime d'exonération de la T.V.A. sur les prestations d'avocat puisque la dérogation prévue par l'article 371 est toujours applicable, à défaut d'introduction du régime définitif, il ressort néanmoins des travaux préparatoires cités en B.2.1 que, par la loi attaquée, le législateur a voulu aligner le droit belge sur le droit des autres États membres de l'Union.
Les atteintes alléguées au droit à un procès équitable, plus particulièrement en ce qui concerne le droit à l'assistance d'un avocat et le principe de l'égalité des armes dans le procès, mentionnées en B.18. et B.19. trouvent ainsi leur fondement dans la directive 2006/112/CE. Il n'appartient pas au législateur belge de s'écarter ou de modaliser le régime uniforme prévu par la directive 2006/112/CE, qui est une directive d'harmonisation.
B.22.2. L'article 267 du Traité sur le fonctionnement de l'Union européenne rend la Cour de justice compétente pour statuer, à titre préjudiciel, aussi bien sur l'interprétation des actes des institutions de l'Union que sur la validité de ces actes. En vertu de son troisième alinéa, une juridiction nationale est tenue de saisir la Cour de justice si ses décisions - comme celles de la Cour constitutionnelle - ne sont pas susceptibles d'un recours juridictionnel de droit interne. En cas de doute quant à l'interprétation ou la validité d'une disposition du droit de l'Union qui présente une importance pour la solution d'un litige pendant devant cette juridiction, celle-ci doit interroger la Cour de justice à titre préjudiciel. Il n'appartient pas à la Cour constitutionnelle de statuer sur la validité de la directive 2006/112/CE.
Quant aux doutes sur cette validité, ils sont suffisants pour interroger la Cour de justice. Il en va d'autant plus ainsi que la directive 2006/112/CE est une directive d'harmonisation en matière fiscale et que la T.V.A. perçue par les États membres constitue en partie une des recettes du budget de l'Union.
B.22.3. Dès lors que les moyens soulevés par les parties requérantes en ce qui concerne l'assujettissement des prestations d'avocat à la T.V.A. mettent en cause, avec suffisamment de doute, la validité de la directive 2006/112/CE dans le prolongement de laquelle s'inscrit la loi attaquée, la Cour pose à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles libellées dans le dispositif.
B.23. La première question préjudicielle porte sur la compatibilité, avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, et en particulier avec le droit à l'assistance d'un avocat et avec le principe de l'égalité des armes, de même qu'avec l'article 9, paragraphes 4 et 5, de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, de la directive 2006/112/CE précitée en ce qu'elle soumet les prestations de services effectuées par les avocats à la T.V.A., sans prendre en compte la circonstance que le justiciable est ou non assujetti à la T.V.A.
En cas de réponse négative à la première question, il y a lieu de poser une deuxième question préjudicielle qui porte sur la compatibilité, avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne de même qu'avec l'article 9, paragraphes 4 et 5, de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, de l'article 98 de la directive 2006/112/CE en ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'appliquer un taux réduit de T.V.A. pour les prestations de services effectuées par les avocats.
B.24.1. L'article 132 de la directive 2006/112/CE, cité en B.20.2, exonère de la T.V.A., en tant qu'activités d'intérêt général, plusieurs opérations, telles que les prestations effectuées par les services publics postaux (a), différentes prestations médicales (b à e) ou encore des prestations en lien avec l'enseignement (i, j), le sport ou l'éducation physique (m) ou la culture (n). Il résulte du considérant 35 de la directive 2006/112/CE que le Conseil a voulu « établir une liste commune d'exonérations en vue d'une perception comparable des ressources propres dans tous les États membres ».
Les prestations d'avocat n'ont pas été considérées par l'article 132 de la directive 2006/112/CE comme des activités d'intérêt général. Or, il ressort des B.18. et B.19. que ces prestations ont un lien avec l'effectivité des droits de la défense et du procès équitable ainsi que du principe de l'égalité des armes. En l'absence de jurisprudence des organes de l'Union, cette différence de traitement entre les prestations d'avocat et les prestations exonérées par l'article 132 de la directive suscite des interrogations suffisantes dès lors que les prestations des avocats concourent au respect de certains droits fondamentaux.
En outre, la question peut se poser de savoir si les services que fournissent les avocats dans le cadre d'un régime national d'aide juridictionnelle peuvent être inclus ou non dans les services visés par l'article 132, paragraphe 1er, sous g), qui sont étroitement liés à l'aide et à la sécurité sociales.
B.24.2. Dès lors que cette différence de traitement trouve son origine dans l'article 132 de la directive 2006/112/CE, la Cour pose à la Cour de justice de l'Union européenne, en cas de réponse négative à la première question, une troisième question préjudicielle qui porte sur la compatibilité de cette disposition avec le principe d'égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à l'article 9 du Traité sur l'Union européenne, combiné avec l'article 47 de cette Charte.
B.25.1. L'article 371 de la directive 2006/112/CE, cité en B.20.2., autorise un État membre qui, au 1er janvier 1978, exonérait une opération figurant sur la liste de l'annexe X, partie B, à continuer à l'exonérer, « dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date ». Les prestations d'avocat sont reprises au point 2) de l'annexe X, partie B.
Par l'article 44, paragraphe 1er, 1°, de la loi du 3 juillet 1969 créant le Code de la taxe sur la valeur ajoutée, soit avant le 1er janvier 1978, la Belgique a maintenu l'exonération des prestations d'avocat, comme il a été souligné en B.4.2. et B.6. Alors que la Belgique n'était pas tenue de mettre fin à cette exonération par la directive 2006/112/CE, le législateur fédéral a mis fin au 1er janvier 2014 à l'exemption de la taxe par la loi attaquée.
Les termes « dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date » qui figurent à l'article 371 de la directive 2006/112/CE semblent indiquer que l'État membre ne pourrait prévoir d'autres conditions d'exonération que celles qui figuraient dans sa législation au 1er janvier 1978. Interprété de la sorte, l'article 371 de la directive 2006/112/CE ne permettrait pas à un État membre, lorsqu'il décide de mettre fin à cette exonération des prestations des avocats, de prévoir une exonération partielle ou des taux réduits en faveur des justiciables non assujettis à la T.V.A. et ne pouvant bénéficier de l'aide juridique ou en faveur des justiciables non assujettis à la T.V.A. qui bénéficient de l'aide juridique. Le législateur fédéral n'a pas relevé le montant des revenus permettant d'obtenir l'aide juridique. Or, l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne garantit le droit à un procès équitable, la possibilité pour toute personne de se faire conseiller, défendre et représenter et le droit à une aide juridictionnelle pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, dans la mesure où cette aide serait nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice.
Une autre interprétation des termes « dans les conditions qui existaient dans chaque État membre concerné à cette même date » qui figurent à l'article 371 de la directive 2006/112/CE semble toutefois possible. Dans ses mémoires, le Conseil des ministres reconnaît d'ailleurs que le législateur aurait pu laisser subsister l'exemption de taxe pour les justiciables qui ne sont pas assujettis à la T.V.A., mais fait valoir que pareille « taxation alternative personnalisée » ne permettait pas d'atteindre l'objectif budgétaire.
B.25.2. En cas de réponse négative aux première et troisième questions, la Cour estime dès lors nécessaire d'interroger la Cour de justice sur le point de savoir si l'article 371 de la directive 2006/112/CE peut être interprété comme autorisant un État membre de l'Union à maintenir partiellement l'exonération des prestations d'avocat lorsque ces prestations sont effectuées en faveur de justiciables qui ne sont pas assujettis à la T.V.A. et qui ne peuvent bénéficier de l'aide juridique ou en faveur de justiciables non assujettis à la T.V.A. qui bénéficient de l'aide juridique.

Par ces motifs,
la Cour, avant de statuer au fond, pose à la Cour de justice de l'Union européenne les questions préjudicielles suivantes :
1. a) En soumettant les prestations de services effectuées par les avocats à la T.V.A., sans prendre en compte, au regard du droit à l'assistance d'un avocat et du principe de l'égalité des armes, la circonstance que le justiciable qui ne bénéficie pas de l'aide juridique est ou non assujetti à la T.V.A., la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de la taxe sur la valeur ajoutée est-elle compatible avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, combiné avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cet article reconnaît à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter et le droit à une aide juridictionnelle pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, lorsque cette aide est nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ?
b) Pour les mêmes raisons, la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 est-elle compatible avec l'article 9, paragraphes 4 et 5, de la Convention sur l'accès à l'information, la participation du public au processus décisionnel et l'accès à la justice en matière d'environnement, signée à Aarhus le 25 juin 1998, en ce que ces dispositions prévoient un droit d'accès à la justice sans que le coût de ces procédures ne puisse être prohibitif et moyennant « la mise en place de mécanismes appropriés d'assistance visant à éliminer ou à réduire les obstacles financiers ou autres qui entravent l'accès à la justice » ?
c) Les services que fournissent les avocats dans le cadre d'un régime national d'aide juridictionnelle peuvent-ils être inclus dans les services visés par l'article 132, paragraphe 1er, sous g), de la directive 2006/112/CE précitée, qui sont étroitement liés à l'aide et à la sécurité sociales, ou peuvent-ils être exonérés en vertu d'une autre disposition de la directive ? En cas de réponse négative à cette question, la directive 2006/112/ CE, interprétée comme ne permettant pas d'exonérer de la T.V.A. les prestations de services effectuées par les avocats au profit des justiciables qui bénéficient de l'aide juridique dans le cadre d'un régime national d'aide juridictionnelle, est-elle compatible avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, combiné avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme ?
2. En cas de réponse négative aux questions mentionnées au point 1, l'article 98 de la directive 2006/112/CE, en ce qu'il ne prévoit pas la possibilité d'appliquer un taux réduit de T.V.A. pour les prestations de services effectuées par les avocats, le cas échéant selon que le justiciable qui ne bénéficie pas de l'aide juridique est ou non assujetti à la T.V.A., est-il compatible avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, combiné avec l'article 14 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques et avec l'article 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, en ce que cet article reconnaît à toute personne le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, la possibilité de se faire conseiller, défendre et représenter et le droit à une aide juridictionnelle pour ceux qui ne disposent pas de ressources suffisantes, lorsque cette aide est nécessaire pour assurer l'effectivité de l'accès à la justice ?
3. En cas de réponse négative aux questions mentionnées au point 1, l'article 132 de la directive 2006/112/CE est-il compatible avec le principe d'égalité et de non-discrimination inscrit aux articles 20 et 21 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et à l'article 9 du Traité sur l'Union européenne, combiné avec l'article 47 de cette Charte, en ce qu'il ne prévoit pas, parmi les activités d'intérêt général, l'exonération de la T.V.A. en faveur des prestations d'avocat, alors que d'autres prestations de services sont exonérées en tant qu'activités d'intérêt général, par exemple les prestations effectuées par les services publics postaux, différentes prestations médicales ou encore des prestations en lien avec l'enseignement, le sport ou la culture, et alors que cette différence de traitement entre les prestations d'avocat et les prestations exonérées par l'article 132 de la directive suscite des doutes suffisants dès lors que les prestations d'avocat concourent au respect de certains droits fondamentaux ?
4. a) En cas de réponse négative aux questions mentionnées aux points 1 et 3, l'article 371 de la directive 2006/112/CE peut-il être interprété, conformément à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, comme autorisant un État membre de l'Union à maintenir partiellement l'exonération des prestations de services d'avocats lorsque ces prestations sont effectuées en faveur de justiciables qui ne sont pas assujettis à la T.V.A. ?
b) L'article 371 de la directive 2006/112/CE peut-il également être interprété, conformément à l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, comme autorisant un État membre de l'Union à maintenir partiellement l'exonération des prestations de services d'avocats lorsque ces prestations sont effectuées en faveur de justiciables qui bénéficient de l'aide juridique dans le cadre d'un régime national d'aide juridictionnelle ?
Siég. :  MM. J. Spreutels (prés.), A. Alen, E. De Groot, L. Lavrysen, J.-P. Snappe, J.- P. Moerman, E. Derycke (rapp.), Mme T. Merckx-Van Goey, MM. P. Nihoul (rapp.), Fr. Daoût, Th. Giet et R. Leysen.
Greffier : M. P.-Y. Dutilleux.
Plaid. : MesR. Leloup, E. Huisman, A. Schaus (loco V. Letellier), E. de Simone (loco J. Buelens), J. Toury, M. Denys, N. Reynaert, D. Lindemans, T. Souverijns, G. Ninane (loco D. Lagasse), M. Zagheden (loco M. Maus), MM. B. Druart, J. De Vleeschouwer.

 


[1] N.D.L.R. : cette revue, 2009, p. 881.


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Sommaire

  • Les ordres d'avocats, des associations qui prennent en charge des frais d'avocats de justiciables et qui ont pour objet la défense de l'accès de tous à la justice, les organisations représentatives des travailleurs qui estent en justice pour la défense des droits que leurs membres puisent dans les conventions collectives conclues par elles, des justiciables non habilités à déduire la TVA, ainsi qu'un avocat, justifient de l'intérêt requis pour attaquer une disposition législative qui supprime l'exemption de la TVA dont bénéficiaient les avocats. - Une association de magistrats qui a pour objet social, notamment, de soutenir toute action destinée à améliorer le fonctionnement de l'institution judiciaire, ainsi que le Conseil des barreaux européens, justifient de l'intérêt requis pour intervenir dans pareille procédure. - Les principes du respect des droits de la défense et du procès équitable impliquent le droit, pour le justiciable, de se faire assister par un avocat, droit auquel le principe constitutionnel d'égalité et de non-discrimination est applicable. Le droit de se faire assister d'un avocat est un corollaire des droits de la défense dont le législateur ne pourrait priver une catégorie de justiciables sans établir une distinction injustifiée étant donné la nature des principes en cause. - Le droit d'accès à un juge et le principe de l'égalité des armes, qui sont des éléments de la notion plus large de procès équitable, impliquent également l'obligation de garantir un juste équilibre entre les parties au procès et d'offrir à chaque partie la possibilité raisonnable de présenter sa cause dans des conditions qui ne le placent pas dans une situation de net désavantage par rapport à son ou ses adversaires. - La disposition qui a pour effet de soumettre à la TVA les prestations de services des avocats pourrait affecter l'effectivité du droit, pour certains justiciables, de recourir à l'assistance d'un conseil. En outre, elle atteint de manière différente les justiciables selon qu'ils sont ou non assujettis à la TVA et bénéficient ou non de l'aide judiciaire, ces deux catégories pouvant être opposées dans le même procès. - Elle pourrait également porter atteinte à des associations, non assujetties à la TVA, actives en matière de droits fondamentaux, spécialement celles qui, dans le secteur de l'environnement, disposent du droit d'accès à la justice, tel qu'il est garanti par la Convention d'Aarhus. - Même si le législateur dispose, en matière fiscale, d'une marge d'appréciation étendue, l'objectif budgétaire qu'il poursuit ne suffit pas à justifier, au regard du principe de l'égalité des armes dans le procès, l'identité de tradivent dans l'accès à un juge et à l'assistance d'un avocat, entre les justiciables assujettis ou non à la TVA. - Les atteintes alléguées au droit à un procès équitable trouvant leur fondement dans la directive 2006/112/CE du Conseil du 28 novembre 2006 relative au système commun de taxe sur la valeur ajoutée, dès lors que les moyens mettent en cause avec suffisamment de doute la validité de cette directive, il convient de poser à la Cour de justice de l'Union européenne des questions préjudicielles sur la compatibilité de la directive avec l'article 47 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de même qu'avec l'article 9, §§ 4 et 5, de la Convention d'Aarhus, avec les articles 20 et 21 de la Charte précitée et avec l'article 9 du Traité de l'Union européenne, combiné avec l'article 47 de la Charte. - Il convient également de demander à la Cour européenne si l'article 371 de la directive 2006/112/CE peut être interprétée comme autorisant un État membre de l'Union à maintenir partiellement l'exonération des prestations de services d'avocats lorsque ces prestations sont effectuées en faveur de justiciables qui ne sont pas assujettis à la TVA et qui ne peuvent bénéficier de l'aide juridique ou en faveur de justiciables non assujettis à la TVA qui bénéficient de l'aide juridique.

Mots-clés

  • Cour constitutionnelle - Intérêt - Recours en annulation - T.V.A. sur les prestations d'avocat - Recevabilité - Recevabilité des interventions
  • Droits de l'homme - Procès équitable - Droit à l'assistance d'un avocat - Droit d'accès à un juge - Égalité des armes - Équilibre entre les parties au procès - Égalité - Discrimination
  • Impôts - TVA - Application aux prestations d'avocats - Droit de recourir à un avocat - Justiciables atteints différemment par la mesure selon qu'ils sont ou non assujettis à la T.V.A. - Doutes sérieux quant à la validité d'une directive européenne - Questions préjudicielles
  • Impôts - TVA - Directive européenne - Possibilité de maintenir un système d'exonération partielle - Questions préjudicielles

Date(s)

  • Date de publication : 05/12/2014
  • Date de prononcé : 13/11/2014

Numéro de rôle

N° 165/2014

Référence

Cour constitutionnelle, 13/11/2014, J.L.M.B., 2014/40, p. 1896-1911.

Branches du droit

  • Droit fiscal > Taxe sur la valeur ajoutée (t.v.a.) > Exemption de la TVA > Autres exemptions
  • Droit fiscal > Taxe sur la valeur ajoutée (t.v.a.) > TVA - Droit européen
  • Droit international > Droits de l'homme > Droits de l'homme - CEDH > Procès équitable
  • Droit international > Droit européen - Traité ue - Fonctionnement ue > Charte des droits fondamentaux (12 décembre 2007) > Justice - art. 47-50
  • Droit judiciaire > Procédure judiciaire > Principes généraux du droit procédural > Droit de la défense
  • Droit fiscal > Taxe sur la valeur ajoutée (t.v.a.) > Champ d'application > Prestation de services
  • Droit public et administratif > Cour constitutionnelle > Compétence d'annulation > Recevabilité du recours

Éditeur

Larcier

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