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23/04/2014
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Tribunal civil Liège, division de Huy (1re chambre), 23/04/2014


Jurisprudence - Droit judiciaire

J.L.M.B. 14/815
I. Compétence territoriale - Règles réglementant les renvois - Compétence d'une division - Déclinatoire de compétence - Incident de répartition - Droit transitoire - Application immédiate.
II. Action en justice - Qualité - Défendeur - Architecte exerçant en personne morale.
III. Expertise - Généralités - Opportunité - Appréciation.
1. Le litige relatif à la compétence d'une division d'un tribunal ne peut être réglé par un renvoi direct à la juridiction compétente ou par l'intermédiaire du tribunal d'arrondissement mais bien sur la base de l'article 88, paragraphe 2, du Code judiciaire, modifié par la loi du 1er décembre 2013 destiné à régler les incidents de répartition entre les divisions, sections ou chambres d'un même tribunal. Cette règle, relevant de l'organisation judiciaire, s'applique immédiatement, même aux affaires plaidées avant le 1er avril 2014 [1].
2. Lorsqu'une convention est signée entre un maître de l'ouvrage et une personne morale par laquelle un architecte exerce son activité, une action introduite contre la personne physique de l'architecte est irrecevable.
3. Pour apprécier l'opportunité d'une mesure d'instruction en application de l'article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, qui constitue une des hypothèses de débats succincts, le juge doit nécessairement se limiter à un examen sommaire de la demande et vérifier si, à l'aune des droits apparents des parties en cause, la mesure postulée est justifiée.

(S. C. / S.A. D. et autres )


(...)
La demanderesse postule condamnation de la défenderesse S.A. D. au paiement d'une somme de 24.080,32 euros et celle des parties défenderesses D. P. et S.P.R.L. Bureau d'architecture D. P. au paiement d'une somme de 633,80 euros.
Madame S. C. expose avoir, en date du 19 mai 2006, confié à la défenderesse S.A. D. la construction d'une maison d'habitation sise (...).
La S.P.R.L. Bureau d'architecture D. P. s'est vue confier une mission complète d'architecte.
la S.A. D. a cédé aux différents entrepreneurs sous-traitants les droits dont elle disposait vis-à-vis de Madame C. tout en restant « responsable envers le maître de l'ouvrage des éventuelles malfaçons ou inexécution des travaux durant le chantier et durant les dix ans suivant la réception provisoire ».
Madame C. se plaint que de nombreux problèmes ont affecté la construction de l'habitation tant au niveau de la coordination et de l'information du chantier que de la réalisation des travaux qui seraient entachés de nombreuses malfaçons.
La défenderesse S.A. D. conteste, en ordre principal, la compétence territoriale du tribunal et, en ordre subsidiaire, le bien-fondé de l'action.
Monsieur D. P. conclut à l'irrecevabilité de l'action dirigée contre lui.
La Société civile sous forme de S.P.R.L Bureau d'architecture D. P. conteste le bien-fondé de la demande.
Discussion
Quant à l'exception d'incompétence territoriale
La défenderesse S.A. D. conclut à l'incompétence territoriale du tribunal de première instance de Huy et au renvoi de la cause au tribunal de première instance de Liège.
Elle fait valoir :
  1. que le contrat d'entreprise contient une clause attributive de compétence aux juridictions de l'arrondissement judiciaire de Nivelles ;
  2. [que] les parties sont convenues de déroger à cette clause d'élection de for et d'introduire la procédure au fond devant le tribunal de première instance de Liège.
Il est exact que la demanderesse a écrit par son conseil à celui de la défenderesse en date du 5 août 2009 :

« Tout d'abord, je vous confirme que ma cliente est d'accord de comparaître volontairement devant le tribunal de première instance de Liège ».

Elle conclut à tort que son accord serait dépourvu de valeur dès lors qu'il est contraire au prescrit des articles 627, 628 et 629 du Code judiciaire.
Ces dispositions, qui visent en effet la compétence territoriale exclusive d'un juge dans différentes matières, sont inapplicables en l'espèce.
Cet accord ne concerne, par contre, pas la défenderesse S.P.R.L. Bureau d'architecture D. P., dont le siège social est précisément établi à Liège.
Enfin, il s'impose de tenir compte du fait qu'à compter du 1er avril 2014, le tribunal de première instance de Huy n'existe plus mais constitue une division de celui de Liège.
Le litige relatif à la compétence d'une division ne peut être réglé par un renvoi direct à la juridiction compétente ou par l'intermédiaire du tribunal d'arrondissement mais bien sur la base de l'article 88, paragraphe 2, du Code judiciaire modifié par la loi du 1er décembre 2013 destiné à régler les incidents de répartition entre les divisions, sections ou chambres d'un même tribunal.
S'agissant d'une règle d'organisation judiciaire, elle s'applique immédiatement, même si la cause a été plaidée avant l'entrée en vigueur de la loi.
La question qui se pose est donc celle de savoir si la division de Huy du tribunal de première instance de Liège est compétente pour connaître du dossier.
L'article 624, 2°, du Code judiciaire dispose que la demande peut être portée au choix du demandeur devant le juge du lieu dans lequel les obligations sont nées ou dans lequel elles sont, ont été ou doivent être exécutées.
Il résulte de l'examen du contrat d'architecture que celui-ci a été signé à Warêt-l'Evêque en manière qu'il peut être admis que les obligations en litige ou, à tout le moins, certaines d'entre elles sont nées dans la division de Huy de l'arrondissement judiciaire de Liège.
Il n'y a, dès lors, pas lieu à faire application de l'article 88, paragraphe 2, du Code judiciaire.
Quant à l'exception d'irrecevabilité
C'est en vain que la demanderesse s'estime contractuellement liée avec Monsieur D. P. en personne physique.
Le contrat d'honoraires est conclu entre le maître de l'ouvrage et la S.P.R.L. Bureau d'architecture D. P., mais non avec Monsieur D. P. personnellement.
Il importe peu que Monsieur P. soit seul titulaire du diplôme d'architecte.
Ainsi que le relève à bon droit l'architecte, la loi du 15 février 2006 autorise l'exercice de la profession d'architecte en personne morale pour autant que les gérants administrateurs ou, plus généralement, les mandataires soient des personnes physiques autorisées à exercer la profession d'architecte et inscrites au Tableau de l'Ordre.
La demande n'est pas recevable en tant qu'elle est dirigée contre Monsieur D. P. qui sera mise hors cause, avec gain des dépens.
Quant à la mesure d'expertise sollicitée
La demanderesse postule une mesure d'instruction (expertise judiciaire) sur la base de l'article 19, alinéa 2, du Code judiciaire.
Les parties défenderesses développent de nombreux arguments de fond pour s'opposer à cette mesure d'expertise.
Elles font ainsi valoir notamment que :
  • les vices visés par la demanderesse constituent tout au plus des vices cachés véniels ;
  • l'action a été introduite tardivement ;
  • les problèmes d'infiltration dénoncés par la demanderesse auraient été résolus.
Pour apprécier l'opportunité d'une mesure d'instruction sur la base de l'article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, qui constitue une des hypothèses de débats succincts assimilés en vertu de l'article 735, paragraphe 2, du Code judiciaire et dont l'objectif est notamment de faire l'économie d'une procédure supplémentaire (en l'occurrence l'action en référés), le juge doit nécessairement se limiter à un examen sommaire de la demande et vérifier si, à l'aune des droits apparents des parties en cause, la mesure postulée est justifiée.
Imposer au juge de trancher le fond du litige prive l'article 19, alinéa 2, de toute portée dès lors qu'une telle demande ne peut évidemment être traitée dans le cadre de débats succincts, mais bien dans le cadre du circuit long, sur la base d'un calendrier d'échange de conclusions et tenant compte des dates d'audiences disponibles pour plaider, plusieurs mois plus tard.
L'examen d'une mesure avant-dire droit s'oppose, en outre, par essence à l'examen des prétentions d'une partie au fond.
Dans le premier cas, le jugement n'est pas définitif et le juge du fond (qui peut au demeurant être le même) n'est pas lié par la décision qu'il a prise au provisoire.
Jean-François Van Drooghenbroeck écrit à ce propos :

« L'autorité de la chose jugée, sous ses aspects négatif et positif, ne profite donc qu'à la décision qui se prononce sur une question litigieuse. A contrario, n'en sont pas revêtues les décisions avant-dire droit qui, au sens de l'article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, visent à instruire le litige ou à régler provisoirement la situation des parties » [2].

Il appartient, certes, au juge auquel est soumise une telle demande de vérifier si la demande est recevable et s'il est compétent tant matériellement et territorialement de la même manière qu'il lui appartient d'examiner les moyens qui, s'ils sont accueillis, excluent le recours à la mesure d'instruction sollicitée (comme la prescription par exemple).
Il lui appartient, en outre, de vérifier si la partie qui sollicite la mesure d'instruction produit à l'appui de sa demande suffisamment d'éléments de nature à en justifier la mise en oeuvre.
La partie demanderesse produit à l'appui de sa demande trois rapports particulièrement circonstanciés de Monsieur Jacques Stalport, ingénieur civil architecte, qui relève de nombreuses inexécutions fautives, un retard important dans l'exécution des travaux et préconise la désignation d'un expert judiciaire auquel serait également confiée la mission d'opérer un projet de décompte entre les parties.
Il s'impose, dans ces conditions, de désigner un expert architecte investi de la mission libellée au dispositif du présent jugement.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. J.-Fr. Marot.
Greffier : M. J.-P. Marion.
Plaid. : MesP. Rosoux, O. Moureau et V. Van Haute (loco D. Pricken).

 


[1] Sur le droit transitoire de la réforme issue de la loi du 1er décembre 2013, voy. Fr. Georges, « La réforme des arrondissements judiciaires », J.T., 2014, pp. 333 et s., spéc. pp. 343 à 344, nos 31 à 36, et, de façon plus générale et plus complète, D. Mougenot, « Les lois redessinant le paysage judiciaire : droit transitoire », in Le nouveau paysage judiciaire, D. Fries (sous la coord. de), Anthemis, 2014, pp. 193 et s.
[2] J.-Fr. Van Drooghenbroeck, « L'autorité de la chose jugée happée par la concentration du litige », in L'effet de la décision de justice. Contentieux européens, constitutionnel, civil et pénal, Formation permanente CUP, vol. 102, p. 166.


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  • Le litige relatif à la compétence d'une division d'un tribunal ne peut être réglé par un renvoi direct à la juridiction compétente ou par l'intermédiaire du tribunal d'arrondissement mais bien sur la base de l'article 88, § 2, du Code judiciaire, modifié par la loi du 1er décembre 2013 destiné à régler les incidents de répartition entre les divisions, sections ou chambres d'un même tribunal. Cette règle, relevant de l'organisation judiciaire, s'applique immédiatement, même aux affaires plaidées avant le 1er avril 2014. - Lorsqu'une convention est signée entre un maître de l'ouvrage et une personne morale par laquelle un architecte exerce son activité, une action introduite contre la personne physique de l'architecte est irrecevable. - Pour apprécier l'opportunité d'une mesure d'instruction en application de l'article 19, alinéa 2, du Code judiciaire, qui constitue une des hypothèses de débats succincts, le juge doit nécessairement se limiter à un examen sommaire de la demande et vérifier si, à l'aune des droits apparents des parties en cause, la mesure postulée est justifiée.

Mots-clés

  • Compétence territoriale - Règles réglementant les renvois - Compétence d'une division - Déclinatoire de compétence - Incident de répartition - Droit transitoire - Application immédiate
  • Action en justice - Qualité - Défendeur - Architecte exerçant en personne morale
  • Expertise - Généralités - Opportunité - Appréciation

Date(s)

  • Date de publication : 03/10/2014
  • Date de prononcé : 23/04/2014

Référence

Tribunal civil Liège, division de Huy (1 rechambre), 23/04/2014, J.L.M.B., 2014/31, p. 1491-1494.

Branches du droit

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