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13/02/2014
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Cour d'appel Bruxelles (9e chambre), 13/02/2014


Jurisprudence - Droit commercial - Sociétés

J.L.M.B. 14/755
Faillite - Effets - Décharge de la sûreté personnelle du failli à titre gratuit - Droit transitoire - Omission de la déclaration exigée du créancier - Conséquences .
L'obligation de déclaration que la loi du 20 juillet 2005, modifiant la loi du 8 août 1997 (mesures transitoires), impose au créancier à peine de décharge de la sûreté ne vaut que pour la sûreté constituée à titre gratuit.

(S.A. A. / G.G. )


I. Décision entreprise
L'appel est dirigé contre le jugement prononcé contradictoirement le 15 septembre 2008 par le tribunal de commerce de Nivelles. (...)
III. Faits et antécédents de la procédure
1. Le 23 mai 2003, A. octroie à la S.P.R.L. H. (dénommée ci-après « la société ») un leasing d'une durée de quarante-huit mois pour un véhicule de marque Subaru d'une valeur H.T.V.A. de 21.900,83 euros. Le loyer mensuel est de 423,87 euros.
Par actes séparés du même jour, Messieurs G. et V. se portent cautions solidaires et indivisibles des obligations souscrites par le preneur du leasing.
La société est déclarée en faillite le 24 janvier 2005 par le tribunal de commerce de Nivelles qui désigne Maître Chardon en qualité de curateur.
Le 10 mars 2005, A. met Monsieur G. en demeure de payer la somme de 16.339,17 euros qui lui reste due à titre d'arriérés de loyer et d'indemnité de résiliation, le véhicule n'ayant pu être retrouvé.
2. Le 28 octobre 2005, conformément à l'article 10, 2°, de la loi du 20 juillet 2005, modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le curateur informe Monsieur G. que la banque I.N.G., en faveur de laquelle il s'était également porté caution solidaire de la société, a déposé la déclaration prévue par l'article 10, 1°, de la loi.
Par courrier du 6 janvier 2006, Monsieur G. dépose une déclaration attestant qu'il s'est constitué caution à titre gratuit et que les obligations qu'il a contractées sont disproportionnées par rapport à ses revenus et à son patrimoine. À cette occasion, il signale qu'il s'est également constitué caution en faveur de A.
Entre-temps, A. avait adressé au greffe, le 18 août 2005, la déclaration prévue par la loi du 20 juillet 2005, mais à une mauvaise adresse, avec la conséquence que cette déclaration n'a jamais été jointe au dossier de la procédure.
3. Toutes les parties - en ce compris A. - sont convoquées par le greffe en vue d'être entendues sur la décharge.
Par le jugement entrepris, le tribunal décide qu'il ne peut avoir égard à la déclaration du 18 août 2005 qui a été envoyée à une mauvaise adresse, constate qu'A. n'a pas déposé de déclaration complémentaire dans les trois mois de l'entrée en vigueur de la loi et décharge Monsieur G. de sa caution. Il réserve à statuer sur la caution constituée en faveur d'I.N.G.
4. A. interjette appel de cette décision qu'elle demande à la cour de mettre à néant.
IV. Discussion
5. La loi du 20 juillet 2005 dispose, notamment :

Article 4. « Dans l'article 63 de la [loi sur les faillites], modifié par la loi du 4 septembre 2002, l'alinéa suivant est inséré entre les alinéas 1er et 2 :

"Tout créancier jouissant d'une sûreté personnelle l'énonce dans sa déclaration de créance ou, au plus tard, dans les six mois de la date du jugement déclaratif de faillite, sauf si la faillite est clôturée plus tôt, et mentionne les nom, prénom et adresse de la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle du failli, faute de quoi cette personne est déchargée" ».

Article 10. « Pour les faillites en cours et non encore clôturées au moment de l'entrée en vigueur de la présente loi, les dispositions transitoires suivantes sont d'application :

1° le créancier qui jouit d'une sûreté personnelle dépose au greffe du tribunal de commerce dans les trois mois de l'entrée en vigueur de la présente loi une déclaration complémentaire mentionnant le[s] nom, prénom et adresse de celle-ci, faute de quoi elle est déchargée ;

2° le curateur, le failli préalablement entendu, avertit la sûreté personnelle aussitôt que celle-ci est connue et au plus tard dans les quatre mois de l'entrée en vigueur de la présente loi par une lettre recommandée avec accusé de réception, contenant le texte des articles 72bis, 72ter et 80 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites ;

3° la déclaration de la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle du failli, assortie des pièces visées à l'article 72ter de la même loi, est déposée au greffe du tribunal de commerce dans les cinq mois de l'entrée en vigueur de la présente loi, faute de quoi elle ne peut être déchargée ;

4° si le jugement de clôture est prononcé avant l'expiration du délai de cinq mois visé au 3° le tribunal, les parties au sens de l'article 80, alinéa 3, de la même loi préalablement entendues et le délai de cinq mois visé au 3° expiré, statue dans les six mois de l'entrée en vigueur de la présente loi sur la décharge des personnes qui ont fait la déclaration attestant que leur obligation est disproportionnée à leurs revenus et à leur patrimoine.

Sauf lorsqu'elle a frauduleusement organisé son insolvabilité, le tribunal décharge en tout ou en partie la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle du failli lorsqu'il constate que son obligation est disproportionnée à ses revenus et à son patrimoine ».

Il est constant que A. n'a pas déposé valablement au greffe la déclaration visée à l'article 10, 1°, de la loi.
6. Il résulte des travaux parlementaires de la loi du 20 juillet 2005 (Chambre des représentants. Documents : Doc 51 1811/(2004/2005)) qu'elle a pour objet de porter remède à l'inconstitutionnalité de l'article 82, alinéa 1er, (ancien) de la loi sur les faillites relevée par la Cour d'arbitrage dans son arrêt 114/2004 du 30 juin 2004 [1], en matière de décharge de la caution du failli. Sur la base de ces considérations, le gouvernement a soumis un projet de loi régissant, notamment, la décharge qui peut être prononcée par le tribunal au bénéfice des personnes qui, à titre gratuit, se sont constituées sûreté personnelle du failli.
La loi n'a pas pour objet de réglementer le sort des cautions autres que celles à titre gratuit.
Or, si on prend en considération l'article 10, 1°, de la loi, dans son acception littérale, comme l'a fait le premier juge, on pourrait soutenir que toutes les cautions, à titre gratuit ou non, seraient déchargées à défaut pour le créancier d'avoir fait une déclaration au greffe, mentionnant les nom, prénom et adresse de celles-ci. L'article 4 de la loi et l'article 10 qui met en place les dispositions transitoires de celle-ci auraient donc des effets différents.
Dans son arrêt 1/2008 du 17 janvier 2008, la Cour constitutionnelle a considéré qu'une telle lecture de la loi, qualifiée « d'isolée » :

« viole le principe d'égalité et de non-discrimination. En effet, il n'y a aucune justification raisonnable permettant d'expliquer pourquoi, en cas de non-respect de la formalité en question, tant les sûretés personnelles à titre non gratuit que celles à titre gratuit seraient déchargées et pourquoi les créanciers perdraient la jouissance des sûretés personnelles à titre non gratuit pour les faillites en cours, alors que, pour les nouvelles faillites, seules les personnes physiques qui se sont constituées sûreté à titre gratuit seraient déchargées, de sorte que les créanciers perdraient seulement la jouissance de ces sûretés » (considérant B.8.).

En revanche, la Cour constitutionnelle a précisé qu'il était possible d'interpréter l'article 10 de la loi autrement. Elle a dit pour droit (considérant B.9.) :

« Dans cette interprétation, les articles 4 et 10, alinéa 1er, 1°, ont la même portée, en ce sens que par "la sûreté personnelle" dont il est question à l'article 10, alinéa 1er, 1°, on ne vise en réalité que "la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle".

Cette façon de voir n'est pas contredite par les travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 2005. Il ne peut aucunement être déduit de ces travaux que le législateur ait eu l'intention d'instaurer la différence de traitement en cause. Au contraire, les travaux préparatoires de la loi du 20 juillet 2005 montrent que le législateur avait pour objectif de "porter remède à l'inconstitutionnalité relevée par la Cour d'arbitrage dans son arrêt n° 114/2004 du 30 juin 2004, en matière de décharge de la caution du failli" (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1811/001, p. 4).

La différence de rédaction entre les articles 4 et 10, alinéa 1er, 1°, s'avère résulter d'une imprécision lors des travaux préparatoires de ces dispositions, en particulier par suite de l'adoption d'amendements relatifs aux deux dispositions, sans harmonisation de leurs formulations distinctes (Doc. parl., Chambre, 2004-2005, DOC 51-1811/007, pp. 6-7 et 9-10 ; ibid., DOC 51-1811/008, pp. 3 et 6-7).

Au demeurant, les termes « la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle » figurant à l'article 10 de la loi du 20 juillet 2005 sont également repris dans d'autres dispositions transitoires, notamment à l'alinéa 1er, 3°, et à l'alinéa 2.

Dans cette interprétation, la différence de traitement en cause n'existe pas, de sorte que les questions préjudicielles appellent une réponse négative ».

7. En l'espèce, il convient d'interpréter la loi en ce qu'elle est conforme à la Constitution plutôt qu'en ce qu'elle instaure une discrimination.
Il y a lieu également de donner aux dispositions transitoires le même effet que celui qui découle de la loi pour les faillites déclarées après son entrée en vigueur. Si la loi ne règle que le sort des cautions à titre gratuit, on n'aperçoit pas les raisons pour lesquelles les dispositions transitoires s'appliqueraient aux cautions qui ne sont pas à titre gratuit.
Enfin, il ne peut être raisonnablement contesté que l'article 10 de la loi n'entend régir que les cautions à titre gratuit, dès lors qu'elles sont expressément citées - et elles seules - dans les paragraphes 3° et 4° qui traitent des étapes de la procédure qui suivent le dépôt de la déclaration du créancier ; c'est donc bien que la première étape, visée au paragraphe 1° (la déclaration du créancier), les concernent exclusivement.
L'omission accidentelle par le législateur des mots « à titre gratuit » n'a donc pas pour effet que le législateur ait eu l'intention de libérer toutes les cautions pour lesquelles une déclaration du créancier n'a pas été déposée au greffe.
Cette interprétation est conforme à la jurisprudence puisqu'il a déjà été jugé que le créancier n'est tenu de déposer une déclaration mentionnant l'identité des cautions que pour la sûreté personnelle à titre gratuit. Le texte légal n'envisage que cette hypothèse, ce qui conduit à considérer que pour les sûretés personnelles ne poursuivant pas un but totalement désintéressé, le créancier n'est pas tenu d'en signaler l'existence. Certes, seul le juge est chargé de vérifier si l'engagement a été pris à titre gratuit ou non. En ne faisant pas de déclaration, le créancier s'expose à la sanction de l'article 63, alinéa 2, si d'aventure le tribunal vient à considérer que la caution a agi à titre gratuit (voy. inédits Liège, 21 avril 2006, 6 décembre 2007 et 20 décembre 2007, pièces 16, 17 et 18 du dossier de A. ; ainsi que Mons, 14 novembre 2007, J.L.M.B., 2008, p. 1613 ; Gand, 6 décembre 2006, R.W., 2006-2007, liv. 31, p. 127).
Il se déduit, dès lors, de tout ce qui précède que, en l'espèce, la cour est tenue prioritairement de vérifier si la caution dont la décharge est demandée a été constituée à titre gratuit. Ce n'est que si tel devait être le cas que Monsieur G. pourrait alors être déchargé, sans avoir à prouver qu'il a satisfait aux conditions complémentaires prévues aux articles 72bis et 72ter de la loi sur les faillites, puisque A. n'a pas déposé de déclaration complémentaire.
8. En vertu de l'article 80, alinéa 3, de la loi sur les faillites du 8 août 1997, inséré par l'article 7, 2°, de la loi du 20 juillet 2005 modifiant la loi précitée et portant des dispositions fiscales diverses, ainsi que de l'article 10, 4°, alinéa 2, de cette loi du 20 juillet 2005, le tribunal décharge en tout ou en partie la personne physique qui, à titre gratuit, s'est constituée sûreté personnelle du failli lorsqu'il constate que son obligation est disproportionnée à ses revenus et à son patrimoine sauf lorsqu'elle a frauduleusement organisé son insolvabilité. Il ressort des travaux parlementaires que le législateur a eu l'intention de décharger uniquement les personnes physiques qui, par leur obligeance, sont tenues de payer les dettes du failli, alors qu'elles n'ont aucun intérêt personnel dans le paiement de ces dettes. La nature gratuite de la sûreté personnelle consiste dans le fait que celui qui s'est constitué sûreté personnelle ne peut retirer aucun avantage économique, tant directement qu'indirectement, de cette constitution. Pour conclure au caractère gratuit de la constitution de sûreté, il ne suffit pas de constater qu'aucune indemnité concrète n'a été stipulée à titre de contrepartie pour celle-ci. Afin d'apprécier la gratuité du cautionnement, le juge doit se placer au moment où le cautionnement est fourni (Cass., 14 novembre 2008, C.07.0417.N, Pas., 2008, p. 2549 ; Cass., 26 juin 2008, C.07.0546.N, et Cass., 26 juin 2008, C.07.0596 ; voy. également, A. Henderickx, « La décharge de la sûreté à titre gratuit du failli : le point de la situation actuelle », J.L.M.B., 2013, p. 286 ; M. Vanmeenen, « Kosteloze borgtocht : (een) nieuwe zekerheid (?) », R.D.C., 2008, pp. 845 et s).
Le fait que le cautionnement donné par une personne physique non commerçante est un acte de nature civile et non commerciale n'implique pas en soi son caractère gratuit au sens de l'article 80 de la loi sur les faillites (P. Moreau, « La loi du 20 juillet 2005 et la décharge des personnes qui se sont constituées sûreté personnelle - Nouvelles interrogations ? », R.G.D.C., 2006, p. 155).
Interrogée quant aux effets discriminatoires des articles 72bis, 72ter et 80 de la loi sur les faillites s'ils sont interprétés en ce sens « qu'une personne, un gérant, actionnaire, administrateur d'une société commerciale qui s'est porté sûreté personnelle des engagements de cette dernière ne serait pas une sûreté à titre gratuit et ne pourrait bénéficier de la décharge de ses engagements », la Cour constitutionnelle a répondu que « c'est au juge a quo et non à la Cour qu'il appartient d'apprécier si la personne qui demande à bénéficier de l'article 80, alinéa 3, de la loi sur les faillites est une caution à titre gratuit, au sens de cette disposition » (arrêt n° 187/2006 du 29 novembre 2006)  [2].
Il appartient au juge de rechercher si, in concreto, la caution a retiré, directement ou indirectement, un avantage économique de l'acte par lequel elle a garanti les engagements en cause.
9. Dans sa déclaration du 6 janvier 2006, Monsieur G. reconnaît qu'en 2003 il était associé de la société à concurrence de 50 pour cent du capital social. Il reconnaît également qu'il percevait une rémunération de 3.000 euros nets par mois, outre le bénéfice de l'usage d'une voiture de société.
Il s'ensuit qu'au jour de la souscription de la caution, Monsieur G. avait un avantage économique, ne fût-ce qu'indirect, à se porter caution des engagements de la société. En appuyant de son crédit personnel la société dans laquelle il avait des parts et qu'il entendait aider à se développer, il espérait en retirer un avantage économique. Celui-ci pouvait revêtir diverses formes dont notamment l'attribution de dividendes.
Par ailleurs, en sa qualité d'associé d'une société, Monsieur G. poursuivait nécessairement le but de se procurer un bénéfice patrimonial direct ou indirect (article 1er du Code des sociétés). Il était donc intéressé à la bonne marche de la société, au sein de laquelle il reconnaît avoir travaillé comme associé actif.
10. Dès lors que la sûreté fournie par Monsieur G. n'est pas une sûreté à titre gratuit, l'absence de dépôt par A. de la déclaration visée à l'article 10, 1°, de la loi est indifférente. La demande de décharge de Monsieur G. n'est pas fondée et il convient, en revanche, de dire l'appel de A. fondé.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mme M.-Fr. Carlier, M. H. Mackelbert et C. Heilporn.
Greffier : Mme P. Delguste.
Plaid. : MesFr. Bruyns et L. Ph. Orban.

 


[1] Cette revue, 2004, p. 1309, et obs. J.-P. Renard.
[2] Cette revue, 2007, p. 460.


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  • L'obligation de déclaration que la loi du 20 juillet 2005 modifiant la loi du 8 août 1997 sur les faillites (mesures transitoires) impose au créancier à peine de décharge de la sûreté ne vaut que pour la sûreté constituée à titre gratuit.

Mots-clés

  • Faillite - Effets - Décharge de la sûreté personnelle du failli à titre gratuit - Droit transitoire - Omission de la déclaration exigée du créancier - Conséquences

Date(s)

  • Date de publication : 26/09/2014
  • Date de prononcé : 13/02/2014

Référence

Cour d'appel Bruxelles (9 echambre), 13/02/2014, J.L.M.B., 2014/30, p. 1446-1451.

Branches du droit

  • Droit économique, commercial et financier > Insolvabilité > Faillite > Déclaration de la sûreté personnelle

Éditeur

Larcier

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