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22/03/2013
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Cour d'appel Mons (6e chambre), 22/03/2013


Jurisprudence - Avocat

J.L.M.B. 13/671
Avocat - Responsabilité - Devoir de conseil - Obligation de moyen - Désistement d'instance .
L'avocat est chargé d'une mission générale de conseil qui se décline sous différentes facettes : obligation d'information, de renseignement, de mise en garde ou de conseil. Le devoir de conseil de l'avocat n'entraîne qu'une obligation de moyens.
L'entreprise qui a accepté de se désister d'une instance, sur le conseil de son avocat qui estimait, au vu d'une pièce nouvelle, que la procédure n'avait guère de chance d'aboutir ne peut mettre en cause la responsabilité de son conseil sans rapporter la preuve que ce conseil était manifestement erroné.

(S.P.R.L. C. / X. )


(...)
Vu le jugement prononcé contradictoirement le 20 mai 2010 par la deuxième chambre du tribunal de commerce de Charleroi (...)
II. Faits et antécédents de la procédure
La S.P.R.L. C. exploitait un hôtel-restaurant situé (...), dans un immeuble qu'elle prenait en location.
Maître X., en qualité d'avocat, a été consulté par cette société dans le cadre de deux litiges l'opposant, d'une part, à la société D. et, d'autre part, à la compagnie d'assurance A.G., auxquelles elle réclamait l'indemnisation de son préjudice commercial et des troubles de jouissance subis suite aux dégradations occasionnées à l'immeuble loué à l'occasion de la reconstruction du bâtiment voisin détruit par un incendie.
Une citation avait été lancée le 22 septembre 1993 contre la société D. par le précédent conseil de la S.P.R.L. C. et Maître X. a poursuivi la procédure.
Le 18 janvier 1999, la S.P.R.L. C., représentée par Maître X., a lancé citation contre la S.A. A.G., compagnie auprès de laquelle elle avait souscrit une assurance « Top commerce », tendant à obtenir le paiement d'une somme de 1.080.000 anciens francs belges à titre d'indemnité pour chômage commercial de 6.000 anciens francs belges par jour pendant une période de six mois.
En cours de procédure, Maître X. s'est rendu compte que la police d'assurance « Top commerce » souscrite par la S.P.R.L. C. auprès de la S.A. A.G., dont l'objet était de garantir le chômage commercial en cas d'interruption de son activité, avait pris cours le 1er juin 1992 et qu'il résultait du procès-verbal de constat établi le 22 janvier 1992 par l'huissier de justice Y. que des traces d'humidité existaient déjà à cette date au niveau du mur mitoyen.
Par conséquent, par lettre du 1er avril 2003, Maître X. a demandé à la S.P.R.L. C. de bien vouloir lui confirmer son intention de renoncer à la procédure entamée à l'égard de la S.A. A.G., demandant en outre son accord sur le décompte des sommes dont la société D. lui était redevable.
Le 4 septembre 2003, le gérant de la S.P.R.L. C., Monsieur L. L., a déclaré se désister de son action introduite à l'encontre de la compagnie d'assurance A.G.
Maître X. a établi et déposé des conclusions en ce sens devant le tribunal de commerce de Charleroi qui, par jugement du 10 mars 2004, a donné acte à la S.P.R.L. C. de son désistement d'instance et de l'acceptation de ce désistement par la S.A. Fortis A.G., anciennement S.A. A.G.
Le 30 mars 2004, la S.P.R.L. C. a écrit au bâtonnier de l'Ordre des avocats du barreau de Charleroi pour lui faire part de ses inquiétudes à l'égard des conséquences du désistement d'instance et, dès le mois de mai 2004, elle a consulté un autre conseil.
Les 15 juillet et 22 juillet 2004, Maître X. a adressé ses états de frais et honoraires à la S.P.R.L. C., respectivement dans les dossiers qui l'opposaient à la S.A. A.G. et à la société D., réclamant paiement dans le premier dossier d'un solde de frais et honoraires de 506,86 euros et dans le second d'un solde de 3.299,03 euros.
À défaut de paiement, Maître X. a assigné la S.P.R.L. C. en paiement de ses deux soldes de frais et honoraires par citations du 4 août 2005 devant le juge de paix du premier canton de Charleroi, pour le dossier contre la S.A. A.G., et devant le tribunal de commerce de Charleroi, pour le dossier contre la société D.
Par jugements prononcés par défaut les 3 octobre et 10 novembre 2005, les juridictions saisies ont fait droit aux demandes de Maître X. (...)
Par le jugement dont appel du 20 mai 2010, la deuxième chambre du tribunal de commerce de Charleroi a dit les demandes principale et reconventionnelle recevables et partiellement fondées et a condamné la S.P.R.L. C. à payer à Maître X. la somme de 999,03 euros avec les intérêts au taux de 8 pour cent depuis le 21 août 2004, capitalisés à partir du 3 mai 2007, jusqu'à parfait paiement et les dépens de l'instance.
Par requête d'appel déposée le 10 septembre 2010 au greffe de cette cour, la S.P.R.L. C. a interjeté appel de ce jugement.
III. Fondement des appels - Discussion
La S.P.R.L. C., actuelle appelante au principal, reproche aux premiers juges de l'avoir condamnée au paiement des honoraires réclamés par Maître X. alors que ses prestations étaient fautives, dans la mesure où il n'aurait pas dû lui conseiller de se désister de la procédure intentée à l'encontre de la S.A. A.G. mais aurait dû concentrer la procédure sur les dégâts des eaux apparus au mois de juillet 1992.
La S.P.R.L. C. fait également grief aux premiers juges de l'avoir déboutée de sa demande reconventionnelle, estimant que le résultat de la poursuite du litige contre la compagnie d'assurances était incertain et qu'elle ne démontrait pas à suffisance l'existence de son préjudice, alors que la faute de Maître X. a entraîné la perte de la chance d'obtenir la garantie contractuellement prévue, soit une indemnité pour chômage commercial de 6.000 anciens francs belges par jour x 6 mois - 1.080.000 anciens francs belges ou 26.772,50 euros.
À titre subsidiaire, la S.P.R.L. C. postule la confirmation du jugement dont appel en ce qu'il limite sa condamnation à la somme de 999,03 euros.
Pour sa part, Maître X. forme un appel incident contre le jugement entrepris en ce que les premiers juges ont estimé, d'une part, que la demande n'est pas fondée pour les honoraires relatifs au litige contre les A.G., et d'autre part, que les honoraires relatifs au litige contre la société D. devaient être réduits.
1. Sur la prétendue faute professionnelle de Maître X.
La S.P.R.L. C. soutient que Maître X. a manqué à son obligation de conseil et a commis une faute professionnelle en ne l'informant pas adéquatement des conséquences du désistement de son action contre la compagnie d'assurances A.G.
Il faut rappeler à cet égard que l'avocat est chargé d'une mission générale de conseil qui se décline sous différentes facettes : obligation d'information, de renseignement, de mise en garde ou, encore, de conseil (voy. P. Henry, « Le devoir de conseil de l'avocat et de l'huissier de justice », in Les obligations d'information, de renseignement, de mise en garde et de conseil, Formation permanente CUP, 2006, vol. 86, p. 57).
En règle, le devoir de conseil de l'avocat n'entraîne qu'une obligation de moyen, ce qui implique qu'il appartient au client de l'avocat désireux de mettre en cause sa responsabilité pour manquement à son devoir de conseil, de démontrer la faute ou la négligence coupable commise par ce dernier, c'est-à-dire un défaut par rapport aux standards de comportement que l'on est en droit d'attendre d'un avocat, normalement compétent et prudent, placé dans les mêmes circonstances (P. Henry, op. cit., pp. 58 et 59).
En l'espèce, Maître X. relève à juste titre les éléments suivants :
  • la S.P.R.L. C. ne démontre pas que les dégâts résultant du premier sinistre dégâts des eaux auraient été réparés, alors que la preuve de ces réparations pourraient être facilement apportée au moyen de factures ou tout autre document attestant de la réalité des travaux ;
  • le second constat, ainsi que les photographies y annexées, ne révèlent pas la réalisation de travaux récents ;
  • la S.P.R.L. C. ne démontre pas avoir effectué une seconde déclaration de sinistre auprès de la compagnie d'assurances A.G., ni avoir informé Maître X. de l'existence d'un second sinistre ;
  • la référence à de fortes pluies contenues dans le constat de l'huissier de justice Z. n'établit pas l'existence de dégâts résultant d'un second sinistre.
De plus, la S.P.R.L. C., qui est une société qui est rompue à la vie des affaires, ne démontre pas que Maître X. ne lui aurait pas expliqué les raisons pour lesquelles il estimait nécessaire de se désister de l'instance introduite à l'encontre de la compagnie A.G., à savoir que le sinistre était antérieur à la conclusion du contrat d'assurance.
Le gérant de la S.P.R.L. C. a d'ailleurs signé un document par lequel il manifestait clairement son intention de se désister de l'action intentée à l'encontre de la compagnie d'assurances A.G., sans émettre aucune réserve.
Enfin, la S.P.R.L. C., après avoir consulté un autre conseil dès le mois de mai 2004, n'a jamais réintroduit une nouvelle procédure contre la compagnie d'assurances A.G., alors que seul un désistement d'instance avait été acté par le tribunal de commerce de Charleroi et elle n'a mis en cause la responsabilité de son ancien conseil que trois ans plus tard, dans le cadre de la procédure en récupération d'honoraires, et ce par conclusions déposées le 30 avril 2007.
Par conséquent, la S.P.R.L, C. n'établit pas que Maître X. aurait commis une faute en lui conseillant de se désister de son instance et c'est à tort que les premiers juges ont estimé que la demande portant sur la part d'honoraires relative au litige dirigé contre l'assureur n'était pas fondée. (...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  MM. P. Delatte, Fr. Stevenart Meeûs et B. Bouteiller.
Greffier : Mme C. Vanbel.
Plaid. : MesTh. Lageaux et L. Dubois (loco Ph. Bossard).

 



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  • L'avocat est chargé d'une mission générale de conseil qui se décline sous différentes facettes : obligation d'information, de renseignement, de mise en garde ou de conseil. Le devoir de conseil de l'avocat n'entraîne qu'une obligation de moyens. - L'entreprise qui a accepté de se désister d'une instance, sur le conseil de son avocat qui estimait, au vu d'une pièce nouvelle, que la procédure n'avait guère de chance d'aboutir, ne peut mettre en cause la responsabilité de son conseil sans rapporter la preuve que ce conseil était manifestement erroné.

Mots-clés

  • Avocat - Responsabilité - Devoir de conseil - Obligation de moyen - Désistement d'instance

Date(s)

  • Date de publication : 19/09/2014
  • Date de prononcé : 22/03/2013

Référence

Cour d'appel Mons (6 echambre), 22/03/2013, J.L.M.B., 2014/29, p. 1387-1389.

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Barreau > Responsabilité de l'avocat
  • Droit civil > Obligations conventionnelles > Types d'obligations > Obligation de moyen - obligation de résultat

Éditeur

Larcier

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