Jurisprudence - Droit de la construction - L'entrepreneur
Entrepreneur - Loi Breyne - Convention d'étude - Conditions de licéité - Non-respect - Conséquences - Nullité - Restitution . |
La loi Breyne ne s'applique pas aux conventions d'étude qui remplissent toutes les conditions imposées par l'article 2, alinéa 2, de ladite loi, sauf le cas de fraude destinée à contourner ses dispositions impératives. L'existence de ces conditions doit se vérifier au moment de la conclusion du contrat d'étude.
Quand bien même la loi Breyne ne prévoit pas de sanction spécifique ou de nullité du contrat d'étude qui ne répond pas au prescrit légal, il y a lieu de prononcer cette nullité dès lors que la loi est impérative et qu'en l'espèce, la convention d'étude non conforme est étroitement liée à un contrat de construction, lui-même frappé de nullité, dont elle constitue un élément indissociable.
(S.P.R.L. B. / F. F. )
Vu le jugement prononcé le 26 mai 2011 par le tribunal de première instance de Dinant (...)
Objet du litige et antécédents de la cause |
(...) L'appelante est un promoteur immobilier, elle a remis une offre de prix le 5 juillet 2008 acceptée par Monsieur F. pour la construction d'une maison « de style menthe » selon cahier des charges et plans annexés. Le 5 juillet 2008, l'appelante a également conclu un contrat d'études avec F. F., actuel intimé. Le 4 décembre 2008, l'appelante a signé un contrat de construction avec la S.P.R.L. civile Fa.
La S.P.R.L. Fa. a assigné en nullité des différentes conventions de construction, d'études d'offre de prix par citation signifiée le 30 décembre 2009 pour contrariété aux dispositions de la loi Breyne, et demandait la condamnation du promoteur au paiement de 12.000 euros à titre de dommages et intérêts. F. F. est intervenu volontairement à la cause pour postuler la nullité de la mission d'études laquelle faisait, selon lui, partie intégrante du contrat de construction, et a réclamé le remboursement des frais d'études payés à concurrence de la somme de 10.373,58 euros. L'appelante a introduit une action reconventionnelle en paiement d'une indemnité de dédit de 60.000 euros.
Le premier juge a prononcé la nullité du contrat d'entreprise conclu avec la S.P.R.L. Fa. et a considéré que la mission d'études conclue avec F. F. était nulle également, dès lors qu'elle fait partie intégrante du contrat de construction, la nullité de l'un entraînant la nullité de l'autre. Il condamne l'appelante à rembourser à l'intimé les frais d'études de 10.373,58 euros à majorer des intérêts judiciaires depuis le 30 décembre 2009. Il la déboute de son action reconventionnelle.
L'appelante ne conteste pas la nullité du contrat de construction conclu avec la S.P.R.L. Fa. Elle dirige son appel contre la partie du jugement relative à la mission d'étude laquelle ne serait pas nulle, postulant la réformation de sa condamnation à rembourser les frais d'études payés par F. F.
F. F. demande la confirmation pure et simple du jugement entrepris.
1. L'article 2, alinéa 2, de la loi du 9 juillet 1971, dite Loi Breyne, exclut explicitement de son champ d'application les missions d'études à condition que la convention contienne une description des travaux sur lesquels porte l'étude ainsi qu'un relevé des besoins du maître de l'ouvrage. La loi prévoit que cette mission peut être rémunérée à concurrence de 2 pour cent maximum de la valeur de la construction et le maître de l'ouvrage devra toujours disposer d'un délai de réflexion de sept jours au moins avant que la convention ne devienne définitive. Cette disposition n'est cependant pas prescrite à peine de nullité de la convention d'étude.
La licéité d'une convention d'études répondant aux conditions légales n'est pas en cause, sauf la démonstration d'une fiction ou d'une fraude destinées à contourner les dispositions impératives de la loi Breyne.
La charge de la preuve de la fraude incombe à l'intimé qui s'en prévaut. Il convient dès lors d'examiner les conditions dans lesquelles cette mission a été conclue et son mode d'exécution.
2. En l'espèce, l'indépendance des deux contrats n'est pas démontrée. La mission d'études est destinée à préparer en connaissance de cause le contrat d'entreprise. Or, la particularité de la cause réside en ce que le jour même de la signature de la convention d'étude, l'intimé F. F. a signé une promesse d'achat du terrain et approuvé une offre de prix pour la construction d'un immeuble-type d'une valeur de 171.464,11 euros.
À la suite de l'étude menée, et de la signature d'un contrat d'architecture, une deuxième offre de prix a été émise par l'appelante et approuvée par la S.P.R.L. civile Fa. pour le prix de 400.000 euros. Le contrat de construction a donc été conclu le 4 décembre 2008 sur cette base, sous la condition suspensive d'obtention du permis d'urbanisme dans un délai de vingt-trois mois à dater de la signature de la convention et la condition résolutoire du résultat d'une étude de sol à remettre par le maître de l'ouvrage.
L'intimé soutient que la convention d'études souscrite le 5 juillet 2008 serait nulle, pour des raisons propres aux seules conditions dans lesquelles elle fut souscrite.
3. Les frais d'étude ont été engagés par l'intimé dans le cadre de la construction d'un immeuble à (...), immeuble dont la construction avait en un premier temps été envisagée par l'intimé agissant en personne physique, avant de l'être en personne morale, et contenant in fine du contrat d'étude une clause qui précise que son coût est déductible du prix de l'entreprise.
L'intimé prétend que le paiement réclamé de 10.373,58 euros correspond à 5 pour cent du montant initial des travaux de 207.471,57 euros T.V.A.C. conventionnellement arrêté entre parties. En soi, ce montant dépasserait les 2 pour cent admis par la loi Breyne et correspondrait davantage à un acompte demandé en fraude de l'article 10 de la loi. En outre, le contrat d'étude n'énonce pas les besoins du maître de l'ouvrage et, contrairement à ce qu'il précise, ne lui laisse pas réellement un délai de sept jours pour se décider puisque que l'offre de prix pour la construction-type est acceptée le même jour que celui de la signature du contrat d'étude.
L'intimé prétend encore que pour apprécier la licéité de ces honoraires, il y a lieu de s'en tenir aux seuls liens contractuels qui l'ont personnellement uni à l'appelante, la S.P.R.L. Fa. n'étant pas cocontractante du contrat d'étude.
4. La cour constate que les contractants du contrat d'étude et du contrat d'entreprise sont en effet deux personnes différentes.
Le seul cocontractant de la S.P.R.L. B. pour le contrat d'étude est Monsieur F. en personne physique. Quand bien même le projet a-t-il évolué, le budget ayant doublé, et le plan choisi initialement ayant été adapté pour la S.P.R.L. Fa., cette circonstance n'exclut pas qu'il faille examiner si, au moment de la conclusion du contrat d'étude, les conditions de validité de celui-ci étaient effectivement réunies.
La question de l'indépendance de l'architecte est également étrangère à la seule question qui est en cause ici, celle de la légalité du contrat de mission d'étude.
5. La première condition légale relative à la description précise des travaux et besoins du maître de l'ouvrage est insuffisamment remplie. En effet, le contrat énonce que la mission d'étude portera sur l'ensemble des travaux de terrassement, maçonnerie et béton, charpente, couverture et zinguerie, menuiserie extérieure, sanitaire, électricité et chauffage. Mais la rubrique relative aux besoins du maître de l'ouvrage n'est pas complétée.
La deuxième condition relative au coût de l'étude n'est pas remplie ; en effet, le même jour, une offre fut acceptée par le maitre de l'ouvrage pour un montant de 207.471,57 euros et le coût de l'étude, d'un import de 10.373,58 euros T.V.A.C., dépasse largement les 2 pour cent maximum du coût du projet imposés par la loi.
La troisième condition relative à la stipulation d'un délai de réflexion de sept jours avant que la convention ne devienne définitive est effectivement remplie, la clause figurant dans le contrat.
L'appelante a nécessairement entendu lier irrévocablement l'intimé à sa société par un contrat de promotion-construction en lui soumettant un bon de commande d'un immeuble-type signé concomitamment au contrat d'étude, lequel apparaît dès lors très étroitement lié à la convention d'entreprise qu'il était censé préparer.
La convention d'étude ne répondait pas au prescrit de la loi Breyne, l'objectif certain recherché par le promoteur étant d'obtenir un acompte de 5 pour cent avant la conclusion du contrat d'entreprise proprement dit, ce que la loi Breyne interdit en son article 10.
6. La loi Breyne ne prévoit pas de sanction spécifique ou de nullité du contrat d'étude qui ne répondrait pas au prescrit légal. Ses dispositions sont cependant impératives et il doit être admis en l'espèce que la convention d'étude qui ne répond pas au prescrit légal et qui est étroitement liée à un contrat de construction d'une habitation à construire frappé de nullité, constitue un élément indissociable de ce contrat, et est donc nulle également.
L'appelante est donc tenue de rembourser 10.373,58 euros à l'intimé à majorer des intérêts au taux légal depuis la date de la première demande de remboursement émise par conclusions déposées le 29 avril 2010. (...)
Siég. : Mmes C. Dumortier, E. Dehant et B. Wauthy.
Greffier : M. O. Toussaint. |
Plaid. : MesF. Coton (loco J.-Fr. Henrotte) et J.-M. Verjus (loco Ph. Koutny). |