Jurisprudence - Droit des assurances
Assurances - R.C. Exploitation - Clause d'exclusion - Faute lourde - Travaux de terrassement au moyen d'engins mécaniques sans consultation des plans . |
1. On sait qu'en vertu de l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992, l'assureur ne peut se soustraire à son obligation de principe de couvrir la faute lourde de l'assuré que pour « certains cas de fautes lourdes déterminés expressément et limitativement dans le contrat ».
Par ailleurs, en son article 11, alinéa 1er, la loi du 25 juin 1992 dispose que « le contrat d'assurance ne peut prévoir la déchéance partielle ou totale du droit à la prestation d'assurance qu'en raison de l'inexécution d'une obligation déterminée imposée par le contrat et à la condition que le manquement soit en relation causale avec la survenance du sinistre ».
2. Au
visa de ces deux dispositions impératives, la Cour de cassation a, par un arrêt du 12 janvier 2007, considéré que « l'arrêt, qui donne un effet à une clause de déchéance qui sanctionne la violation d'une obligation de diligence formulée de manière générale, ne justifie pas légalement sa décision »
[1].
Par un arrêt ultérieur du 29 juin 2009, la Cour a dit pour droit que l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992 « exclut l'exonération de l'assureur pour des cas de faute lourde déterminés en termes généraux »
[2].
3. Dans la grande majorité des cas, les juges du fond apprécient avec sévérité les exclusions conventionnelles de couverture des cas de fautes lourdes qui seraient formulées en termes trop généraux, notamment lorsque la clause sanctionne la méconnaissance d'une obligation de prudence ou exclut de la couverture un manquement aux lois, règlements et usages qui régissent l'activité concernée
[3].
4. En dépit des articles 8, alinéa 2 et 11, alinéa 1
er, de la loi du 25 juin 1992 et de la rigueur de la jurisprudence, il n'est pas rare de trouver encore spécialement, dans des polices R.C. exploitation, des clauses de déchéance qui méconnaissent l'exigence de précision qui résultent de l'application de ces dispositions impératives
[4].
La clause litigieuse, qui définit la faute lourde comme « un manquement tel aux normes de prudence ou de sécurité, aux lois, règles ou usages propres aux activités assurées de l'entreprise, que les conséquences dommageables de ce manquement sont, suivant l'avis de toute personne normalement compétente en la matière, presque inévitables », illustre à nouveau cette réalité.
5. En tant qu'il décide que cette clause, pourtant formulée en des termes très généraux, respecte le prescrit de l'article 8, alinéa 2, de la loi du 25 juin 1992, l'arrêt annoté s'inscrit manifestement dans un courant jurisprudentiel minoritaire qui ne peut, au regard des développements qui précèdent, être approuvé.
[1] |
Cass. (1re ch.), 12 janvier 2007, N.j.W., 2007, p. 845, note G. Jocqué ; Pas., 2007, p. 62 ; Entr. et dr., 2007, p. 172 ; R.D.C., 2007, p. 786, note C. Van Schoubroeck. |
[2] |
Cass. (3e ch.), 29 juin 2009, Pas., 2009, p. 1701 ; R.G.A.R., 2010, n° 14636 ; R.W., 2010-11 (som.), p. 1177 ; R.D.C., 2010, p. 75. |
[3] |
Voy. les illustrations citées par V. Callewaert, « L'exigence de détermination des clauses de déchéance », note sous Liège (3e ch.), 28 mai 2008, R.G.A.R., 2010, n° 14626², note (4) ; M. Fontaine, Droit des assurances, 4e édition, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 274, n° 374, note (983) ; M. Fontaine, « Faute lourde et sinistres répétitifs », obs. sous Mons (18e ch.), 16 juin 2011, Rec. jur. ass., 2011, spéc. pp. 214-215, n° 9. Pour des illustrations plus récentes, voy. notamment Anvers, 18 février 2013, N.j.W., 2013, p. 654, obs. J. De Bruyne ; Anvers (2e ch.), 18 septembre 2013, Limb. Rechtsl., 2014, p. 46, note Y. Thiery, « Over de verzekerbaarheid van de zware fout...de grenzen van artikel 8, lid 2 WLVO ». |
[4] |
En ce sens, voy. notamment V. Callewaert, « L'exigence de détermination des clauses de déchéance », op. cit., n° 14626², spéc. n° 1 ; Y. Thiery, « Over de verzekerbaarheid van de zware fout...de grenzen van artikel 8, lid 2 WLVO », op. cit., p. 56. |
[5] |
Les opinions exprimées le sont à titre strictement personnel. |