Jurisprudence - Droit commercial - Transport
Transport - Transport ferroviaire - Conditions générales de transport de la S.N.C.B. - Nature réglementaire de la relation entre la S.N.C.B. et ses usagers - Indemnité forfaitaire imposée à un voyageur non muni d'un titre de transport - Contrôle de proportionnalité par le juge . |
La relation entre la S.N.C.B. et ses usagers a un caractère réglementaire.
Les conditions générales de transport de la S.N.C.B. sont obligatoires et opposables aux tiers, à raison de leur publication au Moniteur belge.
Comme pour tout acte administratif, le juge judiciaire est toutefois compétent pour en apprécier la légalité, en vertu de l'article 159 de la Constitution.
Le juge doit notamment vérifier à cet égard que le règlement est compatible avec le principe de proportionnalité.
(S.N.C.B. / A. L. D. )
(...)
II. |
Les faits et le jugement attaqué |
1. Il résulte du dossier répressif et de la décision du tribunal de police de Liège du 15 février 2010, non appelée au pénal, et donc définitive sur ce point, qu'A. L. D. a emprunté à cinq reprises un train de la S.N.C.B. sans s'être muni préalablement d'un titre de transport les 17 octobre 2007, 11 janvier 2008, 25 février 2008, 28 mars 2008 et 1er avril 2008.
2. Devant le premier juge, la partie civile S.N.C.B. réclamait la somme de 1.055 euros.
Le premier juge a condamné A. L. D. à payer à la S.N.C.B. la somme de 305 euros à titre définitif, à majorer des intérêts légaux
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depuis le 7 janvier 2008 sur 63,60 euros ;
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depuis le 14 mai 2008 sur 120,60 euros ;
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depuis le 16 juin 2008 sur 60,40 euros ;
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depuis le 19 juin 2008 sur 60,40 euros.
Le premier juge a, en effet, estimé que :
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le règlement général aux voyageurs de la S.N.C.B. était opposable à A. L. D. ;
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un contrat de transport était né entre la S.N.C.B. et A. L. D. à chaque infraction, du fait de la remise, le jour de la constatation de chacune de celles-ci, d'un constat d'irrégularité C 170, qui reprenait les conditions dans lesquelles il pouvait voyager et le prix de la surtaxe selon le moment où elle était payée ;
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la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce était bien applicable à ces contrats de transport ;
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le montant forfaitaire de 200 euros par infraction n'était néanmoins pas abusif au sens de la loi du 14 juillet 1991 ;
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la surtaxe appliquée par la S.N.C.B. était une clause pénale qui pouvait être réduite par le juge sur le pied de l'
article 1231 du Code civil «
lorsque cette somme excède manifestement le montant que les parties pouvaient fixer pour réparer le dommage résultant de l'inexécution de la convention » ;
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la surtaxe imposée par la S.N.C.B. était manifestement excessive au sens de cette disposition.
Par déclaration au greffe du 1er mars 2010, la partie civile S.N.C.B. a formé un appel contre les dispositions civiles du jugement du tribunal de police de Liège du 15 février 2010.
Par ses conclusions, elle demande qu'A. L. D. soit condamné à lui payer la somme de 1.055 euros correspondant au prix cumulé des titres de transport impayés (55 euros) et au montant total des surtaxes forfaitaires par infraction (1.000 euros), à majorer des dépens qu'elle liquide à 690 euros.
Les dispositions pénales du jugement, non attaquées, sont définitives.
IV. |
Position des parties en appel |
1. Selon la S.N.C.B., les conditions générales de transport seraient obligatoires et opposables à l'ensemble des voyageurs.
En l'absence d'achat, par A. L. D., d'un titre de transport, aucun contrat ne serait né entre la S.N.C.B. et celui-ci, de sorte que la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce ne serait pas applicable aux relations nées entre eux.
La S.N.C.B. ajoute, par ailleurs, que, si même la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce était applicable à la situation née entre A. L. D. et la S.N.C.B., la surtaxe forfaitaire de 200 euros par infraction ne serait pas abusive au sens de cette législation.
2. À l'audience, A. L. D. fait valoir qu'il connaissait à l'époque des faits de graves problèmes financiers et qu'il empruntait le train pour aller travailler et nourrir sa famille.
1. Lorsque la S.N.C.B., entreprise publique à laquelle la loi du 21 mars 1991 a accordé l'autonomie, exerce une mission de service public, comme le transport de personnes sur le réseau intérieur, elle exerce une parcelle de souveraineté et peut prendre unilatéralement des décisions qui peuvent affecter les tiers, parmi lesquels les usagers de ses services.
La nature fondamentalement réglementaire de la relation entre la S.N.C.B. et ses usagers n'est cependant pas incompatible avec l'existence de contrats de transport individuels qui se constatent par la délivrance d'un titre de transport. Dans ce cadre, la loi du 14 juillet 1991 sur les pratiques du commerce et, le cas échéant, les dispositions du Code civil relatives à la clause pénale, doivent pouvoir trouver à s'appliquer.
Cependant, aucun contrat de ce type ne peut naître entre la S.N.C.B. et celui qui, contre la volonté de cette entreprise et à son insu, monte dans un train sans avoir préalablement acquitté le prix de son transport et s'être signalé préalablement à l'accompagnateur de train.
2. Du fait de leur publication au Moniteur belge, les conditions générales de transport de la S.N.C.B. sont obligatoires et opposables aux tiers. Comme tout acte administratif, le juge judiciaire est cependant compétent pour en connaître la légalité, sur le pied de l'article 159 de la Constitution. Le juge doit notamment vérifier, à cet égard, que le règlement est compatible avec le principe de proportionnalité.
3. La progressivité de l'indemnité forfaitaire que la S.N.C.B. impose au contrevenant (12,50 euros en cas de paiement immédiat, 60 euros en cas de paiement dans les 14 jours calendrier, 200 euros en cas de non-paiement dans les 40 jours calendrier), le coût subi par la S.N.C.B. du fait de la fraude (perte de la recette de transport, coût de l'intervention de l'accompagnateur de train, coût de la rédaction d'un procès-verbal et, le cas échéant, coût de l'intervention du service juridique), et les importantes missions d'intérêt général assumée par la S.N.C.B. justifient à suffisance le montant de la surtaxe théorique imposée au voyageur qui ne s'est pas acquitté préalablement du prix du transport avant de monter dans le train.
4. Il y a, dès lors, lieu de réformer le jugement attaqué et de condamner A. L. D. à payer à la S.N.C.B. la somme de 1.055 euros. (...)
6. Compte tenu de la situation financière du prévenu, du caractère répétitif du contentieux, et du caractère type des conclusions, l'indemnité de procédure en instance et en appel sera réduite au montant de base, soit à 440 euros (2 x 220 euros).
Dispositif conforme aux motifs.
Siég. : Mme E. Rixhon, M. F. Abu Dalu et MeA. Römer.
Greffier : Mme D. Francoeur. |
Plaid. : MeD. Devillez (loco Cl. Philippart de Foy). |