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03/10/2013
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Cour d'appel Bruxelles (9e chambre), 03/10/2013


Jurisprudence - Droits intellectuels

J.L.M.B. 14/3
l. Marque et nom commercial - Refus d'enregistrement - « Het dagboek van Anne Frank » - Produits visés en relation avec une oeuvre littéraire - Pas de caractère distinctif - Refus d'enregistrement en tant que marque - Droit d'auteur - Intérêt général - Interdiction de créer un monopole de fait survivant à l'expiration des droits d'auteur.
ll. Marque et nom commercial - Compétence - Refus d'enregistrement par l'O.B.P.I. - Recours - Pouvoirs de la cour d'appel - Modification de la liste des produits visés.
1. Le caractère distinctif d'une marque est essentiellement son aptitude plus ou moins grande à identifier les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d'une entreprise déterminée, et donc à distinguer ses produits ou services de ceux d'autres entreprises. Il s'ensuit que le pouvoir distinctif de la marque ne peut être évalué que par rapport aux produits et services visés dans la demande d'enregistrement.
Le titre d'un livre fait partie intégrante de l'oeuvre littéraire et donc du produit lui-même, et n'est dès lors pas apte à indiquer l'origine des produits ou services utilisés en relation avec cette oeuvre. Ainsi, le signe « Het dagboek van Anne Frank » (le journal d'Anne Frank) n'a pas de caractère distinctif en ce qui concerne les produits et services des classes 9, 16, 39 et 41.
En outre, un des objectifs du refus d'enregistrement d'une marque peut être d'éviter que le droit exclusif et permanent que confère la marque serve à perpétuer d'autres droits que le législateur a voulu soumettre à des délais de péremption. L'enregistrement du signe précité aurait pour conséquence de créer en faveur du déposant, Anne Frank-Fonds, un monopole de fait sur cette oeuvre interdisant à tout opérateur économique d'encore publier l'oeuvre sous son titre original, après l'expiration des droits d'auteur dont ce fonds est titulaire. Une telle appropriation heurte l'intérêt général. C'est donc à bon droit que l'Office Benelux de la propriété intellectuelle a refusé l'enregistrement de ce signe comme marque.
2. La cour d'appel, appelée à se prononcer sur le bien-fondé d'un refus d'enregistrement par l'office Benelux de la propriété intellectuelle, ne peut, ni à la demande du déposant ni d'office, apporter une modification à la liste des produits ou services introduite par le déposant en supprimant certains produits et services. Elle n'est pas davantage autorisée à donner un ordre d'enregistrement qui comporterait d'autres restrictions par rapport au dépôt examiné puis refusé par l'office.

(Anne Frank-Fonds / Organisation Benelux de la propriété intellectuelle )


L'appel est dirigé contre la décision définitive de refus du 7 juin 2012 de l'O.B.P.I. concernant la marque verbale « Het dagboek van Anne Frank » pour les produits et services en classes 9, 16, 39 et 41. (...)
III. Faits et antécédents de la procédure
1. Le 13 juillet 2011, le Anne Frank-Fonds dépose auprès de l'O.B.P.I. une demande d'enregistrement à titre de marque verbale du signe « Het dagboek van Anne Frank ».
Le même jour, le Anne Frank-Fonds dépose également une demande d'enregistrement du signe « Het achterhuis », correspondant au titre principalement employé en néerlandais pour désigner l'oeuvre littéraire d'Anne Frank.
Ces demandes d'enregistrement visent les classes :
Classe 9 : Supports de données optiques, magnétiques ou électroniques enregistrés contenant des sons et/ou images, notamment disques compacts, disques D.V.D., disques acoustiques, cassettes vidéo, bandes magnétiques audio, films impressionnés, films cinématographiques impressionnés, publications électroniques.
Classe 16 : Produits de l'imprimerie, périodiques, magazines, journaux et livres.
Classe 39 : Organisation de visites guidées à buts culturels ou éducatifs.
Classe 41 : Représentations théâtrales, projection de films.
Par lettre du 18 novembre 2011, l'O.B.P.I. informe Novagraaf Belgium, mandataire en marques du Anne Frank-Fonds, de son refus provisoire d'enregistrement au Benelux du signe « Het dagboek van Anne Frank » pour les produits et services visés, dans les termes suivants :

« Le signe " Het dagboek van Anne Frank" est descriptif. Il est composé du nom "het dagboek" ("le journal" en néerlandais) et des prénom et nom "Anne Frank", jeune fille mondialement connue, associée à la Seconde guerre mondiale pour ses écrits durant l'occupation. Plus précisément, l'office constate que le signe déposé est une traduction fidèle en néerlandais du titre français des écrits d'Anne Frank (Le Journal d'Anne Frank), également publié en néerlandais sous le titre Het Achterhuis. Le journal d'Anne Frank est une compilation d'extraits du journal intime tenu par Anne Frank durant la Seconde guerre mondiale. Le signe « Het dagboek van Anne Frank » peut donc servir à désigner les caractéristiques des produits et services repris en classes 9, 16, 39 et 41. Le signe est dès lors également dépourvu de caractère distinctif conformément à la jurisprudence européenne dans l'affaire Postkantoor (C.J.U.E., 12 février 2004, C-363/99). En effet, une telle indication ne permet donc pas au consommateur de distinguer les produits et services revendiqués de ceux provenant d'une autre entreprise. Nous renvoyons à cet égard aux motifs de refus visés à l'article 2.11, alinéa 1er, sous b et c de la C.B.P.I. ».

Après un échange de courriers entre Novagraaf Belgium et l'O.B.P.I., ce dernier lui notifie, par lettre du 7 juin 2012, sa décision de refus définitif dans les termes suivants :

« Nous nous référons à notre correspondance concernant la décision provisoire de refus du 18 novembre 2011.

Étant donné que nos objections n'ont pas été levées dans le délai imparti, l'enregistrement du dépôt est refusé ».

2. Le Anne Frank-Fonds interjette appel contre cette décision. Aux termes de ses dernières conclusions, il demande à la cour :

« De déclarer le présent appel recevable et fondé ;

En conséquence, à titre principal, d'ordonner à I'O.B.P.I. de procéder à l'enregistrement de la marque verbale « Het dagboek van Anne Frank » déposée auprès de I'O.B.P.I. sous le numéro 1229129, pour les produits des classes 9, 16, 39 et 41 ;

À titre subsidiaire, de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne, rédigée comme suit :

"Est-ce que le titre d'un livre peut être apte à distinguer des produits et services dans les classes 9,16, 39 et 41 au sens de l'article 3, paragraphe 1er, b, et 3, paragraphe 1er, c, de la Directive n° 2008/95 du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres sur les marques (version codifiée) ?".

À titre très subsidiaire, d'ordonner à l'O.B.P.I. de procéder à l'enregistrement de la marque verbale « Het dagboek van Anne Frank » déposée auprès de I'O.B.P.I. sous le numéro 1229129, pour les produits et services des classes 9, 39 et 41.

En tout cas, de condamner I'O.B.P.I. au paiement des frais d'instance, en ce compris l'indemnité de procédure ».

IV. Discussion
3. Aux termes de l'article 2.1. de la Convention Benelux en matière de propriété intellectuelle,

« sont considérés comme marques individuelles les dénominations, dessins, empreintes, cachets, lettres, chiffres, formes de produits ou de conditionnement et tous autres signes susceptibles d'une représentation graphique servant à distinguer les produits ou services d'une entreprise ».

L'article 2.11. dispose, quant à lui, que l'office refuse d'enregistrer une marque lorsqu'il considère que :

« a. (...) ;

b. la marque est dépourvue de caractère distinctif ;

c. la marque est composée exclusivement de signes ou d'indications pouvant servir, dans le commerce, pour désigner l'espèce, la qualité, la quantité, la destination, la valeur, la provenance géographique ou l'époque de la production du produit ou de la prestation, ou d'autres caractéristiques de ceux-ci ».

Le signe dont il est demandé l'enregistrement est le titre d'une oeuvre littéraire mondialement connue et il convient de vérifier s'il a pour fonction essentielle de garantir au consommateur ou à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service désigné par la marque, en lui permettant de distinguer sans confusion possible ce produit ou ce service de ceux qui ont une autre provenance (C.J.U.E., 29 septembre 1998, Canon, Rec. 1998, I-5507 n° 28 ; C.J.U.E., 4 octobre 2001, Metz & Krell, n° 22).
1. Sur le caractère distinctif
4. Ainsi que cela a été rappelé plus haut, le caractère distinctif est essentiellement l'aptitude plus ou moins grande de la marque à identifier les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ses produits ou services de ceux d'autres entreprises (C.J.U.E., 22 juin 1999, Lloyd, Ing.-Cons., 1999, p. 350). Il s'ensuit que le pouvoir distinctif de la marque ne peut être évalué que par rapport aux produits et services visés dans la demande d'enregistrement (T.P.I.C.E., 12 janvier 2000, Companyline, Ing.-Cons., 2000, p. 95, n° 24) et à la perception que le public pertinent en a (C.J.U.E., 8 mai 2008, Eurohypo, C-304/06 P, n° 67).
Il convient également de préciser qu'un mot n'acquiert un caractère distinctif que s'il présente un caractère inhabituel par rapport au produit pour lequel il doit servir de moyen d'identification (F. Gotzen, M.-C. Janssens, Handboek merkenrecht, Bruylant, 2008, p. 70).
5. En ce qui concerne le pouvoir distinctif d'un titre d'ouvrage, la doctrine considère généralement qu'un tel signe fait partie intégrante de l'oeuvre littéraire et n'est donc pas apte à indiquer l'origine des produits ou des services visés dans la demande d'enregistrement, du moins lorsqu'ils sont utilisés en relation avec l'oeuvre littéraire, au motif qu'il individualise une oeuvre intellectuelle, créant ainsi un lien, plus ou moins étroit, entre le titre et l'oeuvre elle-même (L. Van Bunnen, Aspects actuels du droit des marques dans le Marché commun, Bruxelles, C.I.D.C., 1967, point 160 ; L. Wichers Hoeth, Kort begrip van het intellectuele eigendomsrecht, 9° édition, 2007, point 262 ; M. Frequin et H. Vanhees, Auteursrechtgids voor Nederland en België, 1999, p. 24 ; A. Braun, E. Cornu, Précis des marques, 5° édition, Bruxelles, Larcier, 2009, point 60).
Faisant partie du produit lui-même, les titres de livres individuels, de chapitres, de poèmes, de chansons, de films ne seront pas acceptés comme marque, vu qu'ils n'ont pas l'habitude de servir à indiquer ces produits comme provenant d'une entreprise déterminée (J.H. Spoor, D.W.F. Verkade, D.J.G. Visser, Auteursrecht, naburige rechten en databankenrecht, Kluwer 2005, pp. 119 - 120 ; T. Cohen Jehoram, C.J.J.C. Van Nispen, J.L.R.A. Huydecoper, Industriële eigendom, Kluwer, 2008, point 5.3.4.1.).
Certes, le titre d'une oeuvre peut faire l'objet d'une exploitation commerciale ou industrielle (comme le merchandising) indépendante de celle de l'oeuvre dans laquelle ils sont apparus.
Devenus titre de magazine, de jeux ou de produits, utilisés comme objets ou dans des slogans publicitaires, ils peuvent alors être déposés comme marques lorsqu'ils sont utilisés indépendamment de l'oeuvre qui les a révélés. Mais, lorsqu'ils sont exploités dans le cadre de l'ouvrage artistique qui les contient, ces éléments et signes ne sont protégés que par la loi sur le droit d'auteur (A. Berenboom, Le nouveau droit d'auteur et les droits voisins, Larcier, 3e édition, point 25).
6. Confronté au signe « Het dagboek van Anne Frank » apposé sur les produits pour lesquels l'enregistrement est demandé ou désignant les services proposés, le consommateur concerné percevra immédiatement celui-ci comme le titre de l'oeuvre d'Anne Frank mondialement connue, telle qu'elle est incorporée dans un livre, un D.V.D. ou tout autre support physique ou faisant l'objet d'une représentation théâtrale ou d'une exposition, mais pas comme l'indication de l'entreprise qui propose ces produits et services.
Ce signe n'est donc pas apte à permettre au consommateur de distinguer, sans confusion possible, les produits et les services de ceux qui ont une autre provenance (C.J.U.E., 26 avril 2007, Alcon, C-412/05 P, n° 53), d'autant que l'activité du Anne Frank-Fonds ne consiste qu'en des oeuvres de bienfaisance, financées au moyen des royalties qu'elle perçoit à l'occasion de l'octroi d'autorisations de reproduction de l'oeuvre dont elle détient les droits d'auteur. La marque sollicitée ne pourra donc jouer son rôle d'élément essentiel du système de concurrence non faussée que le traité entend établir, puisqu'elle ne peut constituer la garantie que tous les produits ou les services qui en seraient revêtus ont été fabriqués sous le contrôle d'une entreprise unique, à laquelle peut être attribuée la responsabilité de leur qualité (C.J.U.E., 26 avril 2007, Alcon, C412/05 P, n° 54 ; C.J.U.E., 29 septembre 1998, Canon, C-39/97, n° 28).
Il s'en déduit que le signe « Het dagboek van Anne Frank » n'est pas distinctif en ce qui concerne les produits et services visés dans la demande d'enregistrement qui constituent le support matériel dans lequel est incorporée l'oeuvre littéraire désignée par le signe.
Dans ces conditions, il est inutile de poser une question préjudicielle à la Cour de justice de l'Union européenne.
L'appel sur ce point n'est pas fondé.
2. Sur le caractère descriptif
7. Dès lors que la cour a dit que le signe en cause n'était pas distinctif, il est sans utilité de vérifier s'il est éventuellement descriptif.
En tout état de cause, cette vérification s'impose d'autant moins, dès lors qu'il convient de rappeler que l'article 3, paragraphe 1er, sous c, de la directive poursuit un but d'intérêt général, lequel exige que les signes visés dans cette disposition puissent être librement utilisés par tous et qu'ils ne peuvent être réservés à une seule entreprise en raison de leur enregistrement en tant que marque. Or, cet intérêt n'est pas uniquement celui des concurrents du demandeur, mais il s'agit de l'intérêt de tous (C.J.U.E., 25 février 2010, Lancôme, C408/08 P, n° 43).
À cet égard, il convient d'observer que, même si l'O.B.P.I. n'a pas fondé sa décision sur le droit d'auteur, les droits d'auteur détenus par le Anne Frank-Fonds viendront bientôt à expiration et que cette oeuvre, qui fait déjà partie du patrimoine culturel de l'humanité, entrera sous peu dans le domaine public. L'enregistrement du signe, s'il était ordonné, aura donc pour conséquence de créer en faveur du Anne Frank-Fonds un monopole de fait perpétuel sur cette oeuvre (sous réserve de renouvellement), interdisant à tout opérateur économique d'encore publier l'oeuvre sous son titre original. Or, un des objectifs du refus d'enregistrement d'une marque peut être d'éviter que le droit exclusif et permanent que confère une marque puisse servir à perpétuer d'autres droits que le législateur a voulu soumettre à des délais de péremption (conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, Philips, C-299/99, n° 30). En effet, il ne peut être accepté qu'une personne s'approprie, de manière indéfinie, une création de l'esprit faisant partie du patrimoine culturel universel aux fins de l'utiliser sur le marché pour distinguer les produits qu'elle fabrique ou les services qu'elle offre, en jouissant d'une exclusivité dont ne bénéficient même pas les héritiers de l'auteur de cette création (conclusions de l'avocat général Ruiz-Jarabo Colomer, Shield Mark, C-283/01, n° 52).
Une telle appropriation heurte l'intérêt général et rien ne prouve que cet intérêt serait mieux garanti si l'oeuvre d'Anne Frank n'était diffusée que par une seule entreprise, comme le soutient le Anne Frank-Fonds. Contrairement à ce qu'il affirme, l'octroi d'une marque ne garantit évidemment pas l'authenticité de l'oeuvre incorporée dans le produit.
Il y a lieu de dire l'appel non fondé pour ce motif également.
3. Sur la consécration par l'usage
8. Un signe peut acquérir, par l'usage qui en est fait, un caractère distinctif qu'il n'avait pas initialement et peut donc être enregistré en tant que marque. Il convient d'apprécier globalement que la marque est devenue apte à identifier le produit concerné comme provenant d'une entreprise déterminée et donc à distinguer ce produit de ceux d'autres entreprises (C.J.U.E., 4 mai 1999, Windsurfing, C-108/97, nos 44 et 49). Cette consécration par l'usage doit intervenir avant la demande d'enregistrement (C.J.U.E., 11 juin 2009, Imagination Technologies, C-542/07 P, n° 49) notamment en raison d'un processus normal de familiarisation du public concerné (C.J.U.E., 22 juin 2006, August Storck, C-24/07 P, n° 70).
Or, il a été dit plus haut que le public concerné perçoit le signe comme le titre de l'oeuvre d'Anne Frank et pas comme une marque permettant de distinguer les produits et les services incorporant cette oeuvre. Il s'ensuit que le moyen n'est pas fondé.
En tout état de cause, les pièces produites par le Anne Frank-Fonds ne permettent pas de prouver l'inverse dans la mesure où, notamment en ce qui concerne les contrats d'édition, ces documents établissent au contraire un lien entre le signe et l'oeuvre pour laquelle un droit de reproduction est concédé sur la base du droit d'auteur.
4. Sur la limitation des classes
9. À titre subsidiaire, le Anne Frank-Fonds renonce à la demande d'enregistrement pour les produits de la classe 16 (produits de l'imprimerie, périodiques, magazines, journaux et livres) et sollicite l'enregistrement pour les autres classes de produits et de services.
Le pouvoir des juridictions visées à l'article 2.17. de la C.B.P.I. est limité au contrôle du bien-fondé de la décision de l'O.B.P.I. de refuser l'enregistrement du dépôt, tel qu'il lui a été soumis et tel qu'il a été éventuellement adapté par le déposant après que l'O.B.P.I. a notifié son intention de refuser l'enregistrement en tout ou en partie. Celle limitation implique que ces juridictions ne peuvent, ni à la demande du déposant ni d'office, apporter aucune modification à la liste des produits ou services introduite par le déposant en y supprimant certains produits et services et qu'elles ne sont pas davantage autorisées à donner un ordre d'enregistrement qui comporterait d'autres restrictions par rapport au dépôt examiné puis refusé par l'O.B.P.I. Leur pouvoir étant ainsi limité, ces juridictions ne peuvent avoir égard aux éléments qui sont avancés à l'appui de prétentions sortant du cadre de la décision de l'O.B.P.I. ou qui ne lui ont pas été soumises (C.J. Benelux, 29 juin 2006, A 2005/19, Europolis).
La cour ne peut, dans ces conditions, prendre en considération la demande subsidiaire.
10. En toute hypothèse, une telle limitation n'est pas de nature à modifier l'appréciation de la cour puisqu'elle a confirmé la décision de l'O.B.P.I. en ce que le signe n'était pas distinctif au motif que, confronté à ce dernier, le consommateur concerné percevra immédiatement celui-ci comme le titre de l'oeuvre d'Anne Frank, mais pas comme l'indication de l'entreprise qui propose ces produits et services. Cette appréciation est valable pour tous les produits et services concernés.
Par ailleurs, en ce qui concerne le caractère descriptif, la cour n'a pas admis l'enregistrement au motif que l'intérêt général de tous s'opposait à ce qu'une entreprise puisse jouir d'une exclusivité sur le titre d'une oeuvre littéraire dont ne bénéficient même pas les héritiers de l'auteur de cette création. Une telle appréciation est également valable pour tous les produits et services concernés.
La demande est, dès lors, en tout cas non fondée.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. H. Mackelbert, Mme M.-Fr. Carlier et M. M. van der Haegen.
Greffier : Mme P. Delguste.
M.P. : M. M. Palumbo.
Plaid. : MesO. Sasserath, I. Vernimme et O. Hottat.

 



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  • Le caractère distinctif d'une marque est essentiellement son aptitude plus ou moins grande à identifier les produits ou services pour lesquels elle a été enregistrée comme provenant d'une entreprise déterminée, et donc à distinguer ses produits ou services de ceux d'autres entreprises. Il s'ensuit que le pouvoir distinctif de la marque ne peut être évalué que par rapport aux produits et services visés dans la demande d'enregistrement. - Le titre d'un livre fait partie intégrante de l'œuvre littéraire et donc du produit lui-même, et n'est dès lors pas apte à indiquer l'origine des produits ou services utilisés en relation avec cette œuvre. Ainsi, le signe « Het dagboek van Anne Frank » (le journal d'Anne Frank) n'a pas de caractère distinctif en ce qui concerne les produits et services des classes 9, 16, 39 et 41. - En outre, un des objectifs du refus d'enregistrement d'une marque peut être d'éviter que le droit exclusif et permanent que confère la marque serve à perpétuer d'autres droits que le législateur a voulu soumettre à des délais de péremption. L'enregistrement du signe précité aurait pour conséquence de créer en faveur du déposant, Anne Frank-Fonds, un monopole de fait sur cette œuvre interdisant à tout opérateur économique d'encore publier l'œuvre sous son titre original, après l'expiration des droits d'auteur dont ce fonds est titulaire. Une telle appropriation heurte l'intérêt général. C'est donc à bon droit que l'Office Benelux de la propriété intellectuelle a refusé l'enregistrement de ce signe comme marque. - La cour d'appel, appelée à se prononcer sur le bien-fondé d'un refus d'enregistrement par l'office Benelux de la propriété intellectuelle, ne peut, ni à la demande du déposant ni d'office, apporter une modification à la liste des produits ou services introduite par le déposant en supprimant certains produits et services. Elle n'est pas davantage autorisée à donner un ordre d'enregistrement qui comporterait d'autres restrictions par rapport au dépôt examiné puis refusé par l'office.

Mots-clés

  • Marque et nom commercial - Refus d'enregistrement - « Het dagboek van Anne Frank » - Produits visés en relation avec une œuvre littéraire - Pas de caractère distinctif - Refus d'enregistrement en tant que marque - Droit d'auteur - Intérêt général - Interdiction de créer un monopole de fait survivant à l'expiration des droits d'auteur
  • Marque et nom commercial - Compétence - Refus d'enregistrement par l'O.B.P.I. - Recours - Pouvoirs de la cour d'appel - Modification de la liste des produits visés

Date(s)

  • Date de publication : 07/03/2014
  • Date de prononcé : 03/10/2013

Référence

Cour d'appel Bruxelles (9 echambre), 03/10/2013, J.L.M.B., 2014/10, p. 457-462.

Branches du droit

  • Droit économique, commercial et financier > Droits intellectuels > Dessin ou modèle > Dessin ou modèle - Benelux
  • Droit économique, commercial et financier > Droits intellectuels > Droits d'auteur et droits voisins > Droit d'auteur et droits voisins - Droit d'auteur

Éditeur

Larcier

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