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17/04/2013
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Cour d'appel Mons (18e chambre), 17/04/2013


Jurisprudence - Droit fiscal

J.L.M.B. 13/574
Impôts - Revenus des personnes physiques - Taxation d'après des signes et
indices d'une aisance supérieure - Obligations pesant sur le contribuable .
Lorsque l'administration fiscale a légalement évalué la base imposable d'après des signes et indices établissant une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés, il appartient au contribuable d'établir par des éléments positifs et contrôlables que cette aisance provient de ressources autres que celles qui sont taxables aux impôts sur les revenus ou de revenus antérieurs à la période imposable.
Lorsque le contribuable se prévaut des fruits d'une épargne antérieure pour justifier l'insuffisance indiciaire décelée dans son chef, il doit démontrer au moyen de pièces contrôlables qu'il disposait, au 1er janvier de la période imposable sur laquelle s'étend la balance indiciaire, de liquidités permettant de couvrir les dépenses retenues à titre d'indice d'aisance.
Même si le contribuable ne doit pas prouver que les revenus disponibles pendant la période imposable, dont il a apporté la preuve et qui justifient le degré d'aisance supérieure dont il a bénéficié par rapport à ses revenus déclarés, ont été effectivement affectés au financement des accroissements d'avoirs ou utilisés pour payer les dépenses retenues comme éléments à justifier dans la taxation indiciaire, il doit cependant établir que cette aisance résulte de l'usage de capitaux provenant de l'épargne antérieure.

(C. / État belge, ministre des Finances )


Vu le jugement du 19 octobre 2011 du tribunal de première instance de Mons ; (...)
III. Les faits
Monsieur Fr. C., né à Charleroi le 8 novembre 1960, est gérant de sociétés commerciales, notamment de la S.A. I. C.
Dans le courant de l'année 1997, il a fait la connaissance de monsieur L. H., représentant la banque « L. » au Grand-duché de Luxembourg et gérant de la S.A. de droit luxembourgeois H.I.H.
Vantant le rendement de ses investissements, monsieur H. a convaincu monsieur C. de lui confier la gestion de ses avoirs mobiliers.
Monsieur C. a remis en liquide à monsieur H. des sommes d'argent de respectivement 3.500.000 francs belges en 1998 et 2.500.000 francs belges en 1999 qui ont été investies dans des obligations émises par la S.A. de droit luxembourgeois H.I.H.
Il est apparu plus tard que monsieur H. a en réalité détourné les fonds qui lui ont été confiés par l'appelant au principal et par d'autres personnes.
Une plainte pénale a été déposée à l'encontre de monsieur H.
Un dossier répressif a été ouvert au parquet du procureur du Roi de Bruxelles et a été mis à l'instruction au cabinet du juge bruxellois Van Aelst.
L'appelant au principal a été entendu le 7 mai 2003 par des officiers de police judiciaire dans le cadre de cette enquête pénale et déclara notamment qu'il n'avait jamais récupéré les capitaux remis à monsieur L. H.
Le septième bureau de l'administration de l'inspection spéciale des impôts de Bruxelles (ci-après, I.S.I.) a pris connaissance et copie du dossier répressif, après avoir obtenu le 11 décembre 2002 l'autorisation du procureur général de Bruxelles et entreprit de rectifier la situation fiscale des victimes de l'escroc L. H., parmi lesquelles monsieur Fr. C., en leur faisant grief de ne pas avoir déclaré tous leurs revenus imposables.
Par avis de rectification de la déclaration du 7 septembre 2005, l'administration fiscale précitée a notifié à monsieur C. son intention de rectifier les revenus et autres éléments mentionnés dans sa déclaration à l'impôt des personnes physiques de l'exercice d'imposition 2000 (revenus 1999) sur la base du délai d'imposition visé à l'article 358, paragraphe 1er, 3°, du C.I.R. (1992) et du moyen de preuve visé à l'article 341 du C.I.R. (1992) (procédure de taxation par signes et indices d'aisance).
L'évaluation de l'insuffisance indiciaire à justifier retenue par l'administration fiscale s'élevait à la somme de 3.030.678 francs belges, et fut qualifiée de revenus d'origine indéterminée.
Les indices d'aisance mis en évidence par l'administration fiscale s'appuyaient, d'une part, sur l'achat des obligations H.I.H. et, d'autre part, sur la variation du solde créditeur du compte-courant de monsieur C. dans les comptes de la S.P.R.L. I. C. dont il est dirigeant.
Par courrier du 7 octobre 2005, le conseil de l'appelant au principal marqua son désaccord sur la proposition de modification de la base imposable.
Le 8 décembre 2005, la direction régionale de l'administration de l'I.S.I. de Bruxelles notifia à l'appelant sa décision de taxation en acceptant toutefois de réduire le déficit indiciaire à justifier à la somme de 2.750.678 francs belges.
La recette des contributions directes de Courcelles enrôla le 23 décembre 2005 une cotisation à l'impôt des personnes physiques et à la taxe communale additionnelle à charge de l'appelant sous l'article 535.241 du rôle de l'exercice d'imposition 2000 pour un montant de 45.264,71 euros (en ce compris, un accroissement d'impôt de 10 pour cent).
Par lettre du 31 janvier 2006, parvenue le 1er février 2006 à la direction régionale des contributions directes de Charleroi, le conseil de monsieur Fr. C. a introduit une réclamation contre la cotisation litigieuse.
Par décision du 7 septembre 2006, directeur régional f.f. des contributions directes Charleroi déclara la réclamation introduite contre cette imposition non fondée.
Par jugement prononcé contradictoirement le 19 octobre 2011, le tribunal de première instance de Mons déclara la demande recevable et partiellement fondée, diminuant ainsi le déficit indiciaire à la somme de 2.500.308 francs belges et compensa les dépens de l'instance.
IV. Discussion
A. Quant à l'accroissement du solde créditeur du compte-courant de monsieur C.
Attendu qu'il est constant que l'administration fiscale a constaté en 1999 une variation du solde créditeur du compte-courant détenu par monsieur C. dans la S.P.R.L. I. C. dont il est le dirigeant (accroissement de 1.405.370 francs belges) ;
Qu'elle a retenu cet accroissement dans la balance indiciaire comme un indice d'aisance ;
Attendu que le premier juge a estimé que, pour être retenu comme indice d'aisance, le fisc doit « établir que l'augmentation du solde créditeur du compte courant de (l'appelant) résulte d'une remise de fonds effective de la part de (l'appelant) ... qui n'est établie en l'espèce qu'à concurrence de 1.300.000 francs belges, résultant du retrait par (l'appelant) de ce montant de son compte de dépôt et de la remise de ce montant à la société I. C. .... Quant au solde de 105.370 francs belges, (l'État belge) n'établit pas qu'il résulte d'une dépense effective dans le chef de (l'appelant). En conséquence, ce montant ne doit pas être pris en considération ... » ;
Attendu que l'État belge introduit un appel incident à cet égard, estimant que le premier juge a opéré un renversement illégal de la charge de la preuve en exigeant que l'administration fiscale démontre qu'un indice d'aisance établi avec certitude (à savoir l'augmentation du solde créditeur d'un compte-courant) correspond bien à une remise de fonds effective par monsieur C. ;
Attendu que l'accroissement du compte-courant de 1.405.370 francs belges peut constituer un signe d'aisance d'où résulte la preuve d'une aisance plus grande que celle que font apparaître les revenus déclarés par l'appelant au principal.
Qu'en se fondant sur l'augmentation du solde créditeur compte courant, le fisc n'a pas méconnu la notion de présomptions de l'homme et a pu établir l'existence d'un indice d'aisance (censé provenir d'avances du gérant à la société) sur la base d'un fait précis et pertinent ;
Que cette augmentation de compte-courant correspond à une augmentation d'avoirs à justifier et non à une justification de liquidités non taxable ;
Que si, comme le soutient l'appelant au principal, l'accroissement des avoirs du solde créditeur de son compte-courant trouve son fondement dans des opérations qui ne correspondent pas nécessairement à une dépense effective exposée dans son chef, telle, par exemple, l'enregistrement comptable d'une rémunération au profit de monsieur C., il appartient alors à ce contribuable, dans le respect de l'article 341 du C.I.R. (1992), de le prouver, quod non en l'espèce (voy. Cass., 4 octobre 1985, Pas., 1986, I, p. 106) ;
Que l'appel incident est fondé sur ce point.
B. Quant aux justifications du déficit indiciaire
Attendu que monsieur Fr. C. soutient tout d'abord qu'il disposait d'une somme de 2.078.283 francs belges au 1er janvier de la période imposable 1999, ce qui réduirait, selon lui, le déficit indiciaire à la somme de 422.025 francs belges ;
Que l'appelant verse à son dossier une pièce n° 9 faisant état du solde au 1er janvier 1999 de deux comptes bancaires ouverts à son nom :
  • solde du carnet de dépôt Dexia n° 083-...-86 : 1.351.367 francs belges
  • intérêts nets de l'année 1998 crédités le 11 janvier 1999 : 42.818 francs belges
  • solde du carnet de dépôt Dexia n° 083-...-94 : 667.807 francs belges
  • intérêts nets de l'année 1998 crédités le 11 janvier 1999 : 16.291 francs belges
Attendu que l'État belge soutient que le déficit indiciaire ne peut être réduit qu'à concurrence de la différence entre le solde au 1er janvier et au 31 décembre (de la période imposable sur laquelle s'étend la balance indiciaire) des comptes bancaires de monsieur C. et qu'en l'absence de toute information sur le solde à tout le moins du premier compte bancaire (se terminant par les chiffres 86) précité au 31 décembre 1999, les informations apportées par les deux extraits de compte figurant en pièce n° 9 du dossier de l'appelant au principal ne constituent pas la preuve contraire requise par l'article 341 du C.I.R. (1992) ;
Attendu que, lorsque l'administration fiscale a légalement évalué la base imposable d'après des signes et indices établissant une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés, il appartient au contribuable d'établir par des éléments positifs et contrôlables que cette aisance provient de ressources autres que celles qui sont taxables aux impôts sur les revenus ou de revenus antérieurs à la période imposable (voy. Cass. (1re ch.), 2 janvier 1997, Pas., 1997, I, p. 7) ;
Que lorsque le contribuable se prévaut des fruits d'une épargne antérieure pour justifier l'insuffisance indiciaire décelée dans son chef, il doit démontrer au moyen de pièces contrôlables qu'il disposait, au 1er janvier de la période imposable sur laquelle s'étend la balance indiciaire, de liquidités permettant de couvrir les dépenses retenues à titre d'indice d'aisance (Bruxelles, 30 juin 1994, Bull. contr., n° 750,
p. 1462 ; Liège, 21 février 1990, Bull. contr., 1993, p. 799 ; Bruxelles, 11 décembre 1998, F.J.F., 1999, p. 196) ;
Que, même si le contribuable ne doit pas prouver que les revenus disponibles pendant la période imposable dont il a apporté la preuve et qui justifient le degré d'aisance supérieur dont il a bénéficié par rapport à ses revenus déclarés, ont été effectivement affectés au financement des accroissements d'avoirs ou utilisés pour payer les dépenses retenues comme éléments à justifier dans la taxation indiciaire (Cass., 5 septembre 1986, Pas., 1986, n° 11), il doit cependant établir que cette aisance résulte de l'usage de capitaux provenant de l'épargne antérieure (Anvers, 14 septembre 1993, F.J.F., 1994 , p. 142) ;
Qu'en conséquence, pour renverser la présomption visée à l'article 341 du C.I.R. (1992), le contribuable doit prouver non seulement qu'il avait encore ces sommes à sa disposition au début de la période imposable envisagée, soit au 1er janvier 1999, mais aussi démontrer le décaissement de ces sommes durant cette période, preuve qui ne peut être rapportée en l'espèce que par la production des extraits de compte, respectivement au 1er janvier 1999 et au 31 décembre 1999 ;
Qu'en effet, seule une diminution du solde au 31 décembre par rapport à celui existant au 1er janvier de l'année civile envisagée constitue une justification des dépenses supportées, puisque le contribuable prouve ainsi qu'il a puisé dans ses avoirs antérieurs pour faire face à des dépenses ;
Qu'il ne peut être soutenu par l'appelant au principal que ce raisonnement doit être limité à l'établissement du déficit indiciaire par l'administration fiscale, mais serait étranger à la preuve contraire que doit rapporter le contribuable lorsqu'il est confronté à une taxation indiciaire ;
Que c'est dès lors à bon droit que l'État belge estime qu'il y a lieu de reprendre parmi les éléments justifiés à retenir, sur la base de deux extraits de 1999 et 2000, une somme de 284.453 francs belges, correspondant à la différence du compte livret-intérêt de l'appelant n°083-...-94 entre le 1er janvier 1999 (667.807 francs belges) et le 31 décembre 1999 (383.354 francs belges) ;
Que c'est également à bon escient que l'administration fiscale souligne que le premier juge n'a apporté aucun élément de nature à retenir une somme de 145.000 francs à titre de justifications ;
Que son appel incident est également fondé sur ce point ;
Attendu que monsieur C. tente ensuite de justifier le solde du déficit indiciaire de
la manière suivante : suite à un ordre de vente en septembre 1996 de deux cent soixante-trois parts de SICAV CG Multi International CAP pour une somme de 4.400.000 francs belges, il aurait acheté dans le courant de l'année 1997 des titres à monsieur L. H. moyennant versement en liquide de 2.500.000 francs belges et aurait déposé le solde de 1.900.000 francs belges dans un coffre à la banque dans l'attente de réaliser un investissement ;
Attendu que, contrairement à ce qu'il soutient en termes de conclusions, l'appelant au principal ne justifie pas la location d'un coffre dans une banque ;
Que, d'une part, dans la décision de taxation du 8 décembre 2005, le fonctionnaire taxateur a clairement mentionné qu'il n'était pas démontré qu'une vente de parts de SICAV avait eu lieu au mois de septembre 1996 pour un prix de 4.400.000 francs belges ;
Que, d'autre part, le produit de la vente des parts de SICAV n'est pas établi par
un bordereau nominatif de vente établi au nom de l'appelant : aucune indication ne permet de connaître avec exactitude le produit de la réalisation de ces titres ;
Qu'il n'est pas plausible que l'appelant au principal, gérant de sociétés avisé, disposant de plusieurs comptes bancaires, ait laissé dans un coffre, improductives de revenus, des sommes aussi importantes en espèces ;
Que l'appel principal est non fondé ;
Que l'appel incident est fondé, et la cotisation à l'impôt des personnes physiques et à la taxe communale additionnelle établie le 23 décembre 2005 à charge de l'appelant au principal sous l'article 535.241 du rôle de l'exercice d'imposition 2000 doit être dégrevée dans la mesure où elle intègre dans les revenus imposables globalement, un revenu d'origine indéterminée supérieur à la somme de 2.466.225 francs belges (soit 2.750.678 francs belges - 284.453 francs belges).

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. Fr. Stevenart Meeûs.
Greffier : Mme C. Vanbel.
Plaid. : MeP. Desenfans (loco S. Wilmet) et Mme S. Corvilain.

 



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  • Lorsque l'administration fiscale a légalement évalué la base imposable d'après des signes et indices établissant une aisance supérieure à celle qu'attestent les revenus déclarés, il appartient au contribuable d'établir par des éléments positifs et contrôlables que cette aisance provient de ressources autres que celles qui sont taxables aux impôts sur les revenus ou de revenus antérieurs à la période imposable. - Lorsque le contribuable se prévaut des fruits d'une épargne antérieure pour justifier l'insuffisance indiciaire décelée dans son chef, il doit démontrer au moyen de pièces contrôlables qu'il disposait, au 1er janvier de la période imposable sur laquelle s'étend la balance indiciaire, de liquidités permettant de couvrir les dépenses retenues à titre d'indice d'aisance. - Même si le contribuable ne doit pas prouver que les revenus disponibles pendant la période imposable, dont il a apporté la preuve et qui justifient le degré d'aisance supérieure dont il a bénéficié par rapport à ses revenus déclarés, ont été effectivement affectés au financement des accroissements d'avoirs ou utilisés pour payer les dépenses retenues comme éléments à justifier dans la taxation indiciaire, il doit cependant établir que cette aisance résulte de l'usage de capitaux provenant de l'épargne antérieure.

Mots-clés

  • Impôts - Revenus des personnes physiques - Taxation d'après des signes et indices d'une aisance supérieure - Obligations pesant sur le contribuable

Date(s)

  • Date de publication : 18/10/2013
  • Date de prononcé : 17/04/2013

Référence

Cour d'appel Mons (18 e chambre), 17/04/2013, J.L.M.B., 2013/32, p. 1666-1671.

Branches du droit

  • Droit fiscal > Droit fiscal - Principes généraux > Principes généraux du droit fiscal > Charge de la preuve droit fiscal
  • Droit fiscal > Impôt sur les revenus > Impôt sur les revenus - Établissement et recouvrement > Moyens de preuve de l'administration

Éditeur

Larcier

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