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07/02/2013
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Tribunal du travail Mons (7e chambre), 07/02/2013


Jurisprudence - Droit social

J.L.M.B. 13/331
Revenu d'intégration sociale - Suppression - Contestation - Pouvoirs du juge - Manque de collaboration du C.P.A.S. - Mesures provisoires .
Le tribunal qui n'est pas en mesure de statuer définitivement, en raison du manque de collaboration du C.P.A.S. et qui relève que le C.P.A.S. qui s'estime territorialement incompétent doit accorder le revenu d'intégration tant qu'il n'a pas transmis la demande au C.P.A.S. compétent, est fondé, vu l'urgence inhérente à la demande, de mettre à néant provisoirement la décision par laquelle le C.P.A.S. cesse d'accorder au demandeur le revenu d'intégration sociale.

(G. / C.P.A.S. de B. )


(...)
2. Objet de la demande et position des parties
Par requête entrée au greffe le 23 août 2012, monsieur B. G. conteste la décision prise le 4 juillet 2012 et notifiée par courtier du 6 juillet 2012, par laquelle le C.P.A.S. de B. cesse d'octroyer à monsieur B. G. le revenu d'intégration sociale « complément taux isolé à revenu cadastral et loyers » au 1er juillet 2012 (pour le motif suivant « étant donné que vous avez déclaré résider à Bruxelles sans avoir toutefois préciser {sic} l'adresse de votre nouvelle résidence (...) »).
Le C.P.A.S. de B. sollicite la confirmation de la décision précitée.
3. Faits et antécédents
Il ressort du dossier d'information de l'auditorat du travail ainsi que des pièces déposées et des explications fournies lors de l'audience du 13 décembre 2012 que :
  • le C.P.A.S. de B. verse à monsieur B. G. un revenu d'intégration sociale « complément taux isolé à revenu cadastral et loyers », depuis une date indéterminée (la décision originaire n'est pas produite) et d'un montant indéterminé (s'agit-il de la somme de 300 euros par mois, à laquelle il est fait référence dans la requête introductive d'instance ?) ;
  • monsieur B. G. est en règlement collectif de dettes ;
  • il est propriétaire d'un immeuble, actuellement mis en vente, dont une partie est donnée en location à monsieur E. ;
  • ce dernier souhaite racheter l'immeuble (à un prix toutefois considéré trop bas par monsieur B. G.) ;
  • monsieur E. est une personne réputée malhonnête, violente, agressive et qui profère régulièrement des menaces ;
  • le 20 avril 2012, monsieur B. G. dépose plainte contre monsieur E. ;
  • le 23 avril 2012, monsieur B. G. relate à l'assistante sociale qui gère son dossier au sein du C.P.A.S. de B., madame I. B., qu'il a été victime d'une agression de la part de monsieur E., et sollicite une information quant à une aide psychologique ou autre ;
  • le 25 juin 2012, monsieur B. G. précise à l'assistante sociale qui gère son dossier au sein du C.P.A.S. de B., madame I. B., qu'il est toujours menacé par monsieur E. et que, pour ce motif, « (...) il est de plus en plus souvent à Bruxelles (copine et/ou soeur) (...) » ;
  • le 4 juillet 2012, l'assistante sociale qi gère son dossier au sein du C.P.A.S. de B., madame I. B., rédige un « rapport social » aux termes duquel « (...) les deux hommes ne sont plus d'accord, l'entente est gravement perturbée et monsieur G. est même mené [N.D.L.R. : lire menacé] par monsieur E., qui a déjà essayé de le renverser avec sa voiture. Monsieur G. a porté plainte contre monsieur E., mais ne se sent plus en sécurité chez lui à la rue (...). Il ne vit donc plus de façon régulière à B. De fait, la résidence effective de monsieur G. n'a pas pu être vérifiée pour la prolongation. Mais monsieur G. déclare être à Bruxelles, chez son amie ou chez sa soeur. Toutes les deux occupent un appartement à Bruxelles. Il ne veut plus revenir dans son logement car il s'y sent menacé (...). Proposition : de supprimer le RIS taux I en complément aux loyers et au R.C. étant donné que la condition de résidence n'est plus remplie puisque monsieur G. a déclaré ne plus être à B. en raison de son conflit avec monsieur E. et des menaces proférées à son égard. Vous aves [sic] le droit d'être entendu par le comité social du service social sur demande écrite à la secrétaire du comité spécial (...) » ;
  • par décision prise le 4 juillet 2012 et notifiée par courrier du 6 juillet 2012, le C.P.A.S. de B. cesse d'octroyer à monsieur B. G. le revenu d'intégration sociale « complément taux isolé à revenu cadastral et loyers » au 1er juillet 2012 (pour le motif suivant : « (...) étant donné que vous avez déclaré résider à Bruxelles sans avoir toutefois préciser [sic] l'adresse de votre nouvelle résidence (...) ») ;
  • monsieur B. G. se sent actuellement en danger, ayant été, selon ses allégations, victime de menaces de la part de monsieur E. ;
  • monsieur B. G. ne séjourne pas de manière permanente à B., se rendant un ou deux jours par semaine à Bruxelles chez sa soeur ou chez un ami, et ce pour des raisons de sécurité, car monsieur E., dont il a peur, travaille à côté de son logement, en manière telle qu'ils sont amenés à se rencontrer journellement.
4. Position du tribunal
4.1. Décision de suppression

4.1.1. Audition préalable

a. En droit

Un C.P.A.S. est tenu d'entendre le demandeur, si celui-ci le demande, avant de prendre une décision relative à la révision d'un revenu d'intégration sociale, selon l'article 20, alinéa 1er, de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l'intégration sociale.
Le C.P.A.S. est tenu d'informer le demandeur de ce droit, selon l'article 20, alinéa 2, de la loi du 26 mai 2002.
L'information concernant le droit d'être entendu doit être communiquée expressément et dans des termes compréhensibles selon l'article 7, alinéa 2, de l'arrêté royal du 11 juillet 2002 portant règlement général en matière de droit à l'intégration sociale.
La communication mentionne expressément la possibilité pour le demandeur de se faire assister ou représenter par une personne de son choix lors de son audition, selon l'article 7, alinéa 3, de l'arrêté royal du 11 juillet 2002.

b. En l'espèce

Le « rapport social » dressé le 4 juillet 2012 par l'assistante sociale qui gère le dossier de monsieur B. G. au sein du C.P.A.S. de B., madame I. B., contient la mention suivante « ( ... ) Vous aves {sic} le droit d'être entendu par le comité social du service social sur demande écrite à la secrétaire du comité spécial ( ... ) ».
Il n'est pas fait référence à la faculté de se faire assister ou représenter par une personne de son choix lors de son audition.
Pour le surplus, le document est daté du 4 juillet 2012, soit du même jour que celui lors duquel la décision de suppression a été prise par le C.P.A.S. de B.
Enfin, il n'est même pas établi que ledit document ait été transmis à monsieur B. G.
Le tribunal souhaite savoir si monsieur B. G. a été informé par le C.P.A.S. de B. qu'il avait le droit d'être entendu concernant l'éventuel retrait de son revenu d'intégration sociale ainsi que de se faire assister ou représenter par une personne de son choix lors de son audition, conformément à l'article 20, alinéas 1er et 2, de la loi du 26 mai 2002, et à l'article 7, alinéas 2 et 3, de l'arrêté royal du 11 juillet 2002.
Le principe général du contradictoire et le principe général du respect des droits de la défense commandent d'ordonner la réouverture des débats afin que les parties puissent faire valoir leurs observations quant à cette question.
Le tribunal ordonne la réouverture des débats pour les fins précitées et dit qu'un débat interactif aura lieu lors de l'audience de réouverture des débats, conformément à l'article 756ter du code judiciaire.

4.1.2. Incompétence territoriale

a. En droit

Lorsqu'un C.P.A.S. est saisi d'une demande pour laquelle il ne se considère pas compétent, il transmet cette demande dans les cinq jours calendrier par écrit au centre qu'il estime être compétent et, dans le même délai, il avertit le demandeur par écrit de cette transmission, selon l'article 18, paragraphe 4, alinéa 1er, de la loi du 26 mai 2002.
À peine de nullité, la transmission de la demande au C.P.A.S. considéré comme étant compétent, ainsi que la notification au demandeur de la transmission, se font au moyen d'une lettre mentionnant les raisons de l'incompétence, selon l'article 18, paragraphe 4, alinéa 1er, de la loi du 26 mai 2002.
Le C.P.A.S. qui manque aux obligations décrites ci-avant doit accorder le revenu d'intégration tant qu'il n'a pas transmis la demande ni communiqué les raisons invoquées pour justifier l'incompétence, selon l'article 18, paragraphe 4, alinéa 3, de la loi du 26 mai 2002.
Lorsqu'un C.P.A.S. conteste sa compétence territoriale, le tribunal du travail convoque d'office le C.P.A.S. présumé compétent par pli judiciaire afin que celui-ci comparaisse à la prochaine audience utile, selon l'article 47, paragraphe 4, alinéa 1er, de la loi du 26 mai 2002.

b. En l'espèce

Le C.P.A.S. de B. a supprimé le revenu d'intégration sociale de monsieur B. G., en considérant qu'il n'était plus le C.P.A.S. territorialement compétent pour intervenir dans le dossier.
Le C.P.A.S. de B. ne précise pas à quelle(s) adresse(s) ou du moins sur quelle(s)
commune(s) résiderait désormais monsieur G., se limitant à indiquer qu'il réside à Bruxelles (s'agit-il de la ville de Bruxelles ou de la région de Bruxelles-Capitale ?).
Le C.P.A.S. de B. ne produit pas davantage des courriers qui assurent la transmission du dossier au C.P.A.S. considéré comme étant compétent, ainsi que la notification au demandeur de la transmission, avec mention des raisons de l'incompétence, conformément à l'article 18, paragraphe 4, alinéa 1er, de la loi du 26 mai 2002.
Le principe général du contradictoire et le principe général du respect des droits de la défense commandent d'ordonner la réouverture des débats afin que les parties puissent faire valoir leurs observations quant à ces questions.
Le tribunal ordonne la réouverture des débats pour les fins précitées et dit qu'un débat interactif aura lieu lors de l'audience de réouverture des débats, conformément à l'article 756ter du code judiciaire.

4.1.3. Décision avant dire droit

a. En droit

Le juge peut, avant dire droit, à tout stade de la procédure, ordonner une mesure préalable destinée à régler provisoirement la situation des parties, selon l'article 19, alinéa 2, du code judiciaire.
Trois conditions sont requises pour que le juge puisse statuer, avant dire droit, de manière provisoire, dans le cadre de l'article 19, alinéa 2, du code judiciaire.
Premièrement, le juge ne peut être en mesure de statuer de manière définitive, par le biais d'un jugement qui épuise sa juridiction, sur une question litigieuse, conformément à l'article 19, alinéa 1er, du code judiciaire.
C'est la raison pour laquelle les mesures préalables destinées à régler provisoirement la situation des parties découlent le plus souvent de décisions « mixtes » ordonnant d'autres mesures avant dire droit, telles qu'une réouverture des débats (Trib. trav. Liège, 4 octobre 2006, et 14 juin 2006, inédits, R.G. n° 358.176-362.617) ou une expertise (C. trav. Liège, 26 avril 2006, R.G. n° 33.715/05, http://jure.juridat.just.fgov.be).
Deuxièmement, le litige dont le juge est saisi doit justifier qu'une mesure préalable soit adoptée à titre provisoire.
L'urgence peut justifier une mesure provisoire (C. trav. Liège, 26 avril 2006, R.G.
n° 33.715/05, http://jure.juridat.just.fgov.be ; C. trav. Bruxelles, 19 mai 2011, R.G. n° 2010/AB/1193, http://jure.juridat.just.fgov.be).
D'autres circonstances (manque de collaboration dans le cadre d'une information menée par l'auditorat du travail ; manque de loyauté au cours d'une mise en état ; etc.) peuvent également justifier une mesure provisoire.
Troisièmement, la créance sur la base de laquelle se fonde la demande doit présenter, en fonction des éléments du dossier soumis au juge, un caractère indiscutable ou à tout le moins non sérieusement contestable (C. trav. Liège, 26 avril 2006, R.G. n° 33.715/05, http://jure.juridat.just.fgov.be).
La reconnaissance, fût-ce à titre provisoire, d'un droit suppose que celui-ci ne soit pas, de manière manifeste, sujet à contestation.

b. En l'espèce

Les trois conditions pour statuer au provisoire sont remplies.
Premièrement, le tribunal n'est pas en mesure de statuer de manière définitive (voy. supra).
Deuxièmement, le manque de collaboration du C.P.A.S. de B. dans le cadre de l'information menée par l'auditorat du travail et l'urgence inhérente à la demande articulée sur un revenu d'intégration sociale justifient qu'une mesure préalable soit adoptée à titre provisoire.
Ainsi, alors que le dossier administratif a été sollicité par courrier du 10 septembre 2012 et qu'un rappel a été adressé en date du 10 octobre 2012, ce n'est que par courrier du 19 octobre 2012, entré au greffe le 31 octobre 2012, que le C.P.A.S. de B. a envoyé quelques pièces éparses de son dossier à l'auditorat du travail.
Pour le surplus, la décision contestée du 4 juillet 2012 a seulement été déposée, sur l'interpellation expresse du tribunal, lors de l'audience du 13 décembre 2012.
À ce jour, le dossier reste incomplet, puisque de nombreuses questions, revêtant une importance primordiale, subsistent :
  • à combien s'élève le revenu d'intégration sociale qui a été versé par le C.P.A.S. de B. à monsieur B. G. jusqu'au 30 juin 2012 ?
  • un courrier circonstancié a-t-il été adressé à monsieur B. G. concernant son droit d'audition préalable (voy. supra) ?
  • dans quelle(s) commune(s) bruxelloise(s) résiderait, selon le C.P.A.S. de B., monsieur B. G. ?
  • des courriers circonstanciés ont-ils été adressés au C.P.A.S. considéré comme étant compétent ainsi qu'à monsieur B. G. en raison de la prétendue incompétence territoriale (voy. supra) ?
Monsieur B. G. ne peut être préjudicié par le manque de collaboration du C.P.A.S. de B. dans la mise en état du dossier.
Pour le surplus, la demande porte sur un revenu d'intégration sociale qui, par définition, nécessite un traitement judiciaire rapide.
Troisièmement, même en suivant la thèse de l'incompétence territoriale, telle qu'elle est défendue par le C.P.A.S. de B., force est de constater que ce dernier ne peut cesser d'accorder le revenu d'intégration sociale à monsieur B. G.
En effet, le C.P.A.S. qui s'estime territorialement incompétent doit accorder le revenu d'intégration tant qu'il n'a pas transmis la demande au C.P.A.S. considéré comme étant compétent ni communiqué les raisons invoquées pour justifier l'incompétence, selon l'article 18, paragraphe 4, alinéa 3, de la loi du 26 mai 2002.
Or, dans l'état actuel du dossier, il n'est nullement établi que le C.P.A.S. de B. ait rempli les tâches susnommées.
Dans ces conditions, monsieur B. G. est habilité à prétendre à la poursuite du versement du revenu d'intégration sociale par le C.P.A.S de B.
Par voie de conséquence, le tribunal met à néant provisoirement la décision contestée, conformément à l'article 19, alinéa 2, du code judiciaire.
Par ces motifs, (...)
Met à néant provisoirement la décision prise le 4 juillet 2012 et notifiée par courrier du 6 juillet 2012, par laquelle le C.P.A.S. de B. cesse d'octroyer à monsieur B. G. le revenu d'intégration sociale « complément taux isolé à revenu cadastral et loyers » au 1er juillet 2012.
Siég. :  MM. Ch. Bédoret, A. Amphiarus et Ph. Honorez.
Greffier : M. Ch. Laitat.
M.P. : M. G. Mary.
Plaid. : Mmes P. De Bartolo et F. Baivy.

 



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  • Le tribunal qui n'est pas en mesure de statuer définitivement, en raison du manque de collaboration du CPAS et qui relève que le CPAS qui s'estime territorialement incompétent doit accorder le revenu d'intégration tant qu'il n'a pas transmis la demande au CPAS compétent, est fondé, vu l'urgence inhérente à la demande, de mettre à néant provisoirement la décision par laquelle le CPAS cesse d'accorder au demandeur le revenu d'intégration sociale.

Mots-clés

  • Revenu d'intégration sociale - Suppression - Contestation - Pouvoirs du juge - Manque de collaboration du C.P.A.S. - Mesures provisoires

Date(s)

  • Date de publication : 26/04/2013
  • Date de prononcé : 07/02/2013

Référence

Tribunal du travail Mons (7 echambre), 07/02/2013, J.L.M.B., 2013/16, p. 898-902.

Branches du droit

  • Droit social > Intégration sociale ? l. 26 mai 2002 > Généralités

Éditeur

Larcier

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