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12/11/2010
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Cour d'appel Mons (18e chambre), 12/11/2010


Jurisprudence - Droit fiscal

J.L.M.B. 13/205
Impôts - Revenus des personnes physiques - Rémunérations des dirigeants de sociétés - Avantages de toute nature - Notion - Évaluation .
S'agissant d'avantages en nature, l'administration fiscale a la charge de prouver, d'une part, l'existence d'un avantage, fût-il accordé par un tiers et, d'autre part, l'existence d'un lien causal entre l'exercice de l'activité professionnelle, en l'espèce celle d'un dirigeant d'entreprise, et l'avantage recueilli.
Il n'est toutefois pas exigé que l'avantage trouve son origine dans les prestations effectives que le contribuable a fournies en qualité de dirigeant d'entreprise. En d'autres termes, l'avantage ainsi accordé ne doit pas nécessairement constituer la contre-prestation du mandat du dirigeant.
Le transfert de la propriété d'importants travaux et aménagements réalisés par une société dans un immeuble que son dirigeant lui avait donné au titre d'un bail emphytéotique, dès lors que ce transfert a eu lieu sans aucune indemnité ou autre compensation à la suite de la résiliation amiable anticipée dudit bail seulement cinq ans après sa conclusion, constitue un avantage imposable à l'impôt sur les revenus du dirigeant, qui ne l'aurait jamais obtenu s'il n'avait pas exercé l'activité de gérant au sein de la société.
L'avantage doit être évalué en fonction du coût évité par le bénéficiaire. Le prix qu'aurait dû payer le dirigeant pour obtenir l'avantage correspond au prix des travaux et des aménagements réalisés par la société.

(C.V.D. et L.L. c. État belge, Administration des contributions de Charleroi )


(...)
II. L'objet et la recevabilité de l'appel
L'appel tend à :
• Mettre à néant le jugement entrepris en ce qu'il a déclaré non fondée la demande originaire tendant à entendre annuler et/ou dégrever la cotisation à l'impôt des personnes physiques et à la taxe communale additionnelle enrôlée au nom de monsieur C.V.D. et de madame L.L. le 17 décembre 2004 sous l'article 432.071 du rôle de l'exercice d'imposition 2002 par le troisième bureau de la recette des contributions directes de Charleroi pour un montant de 94.523,98 euros, en ce compris un accroissement d'impôt de 50 pour cent ;
• Entendre condamner l'État belge à rembourser aux appelants toutes sommes indûment perçues de ce chef, augmentées des intérêts moratoires à partir du premier jour suivant celui du paiement indu, conformément à l'article 418 du code des impôts sur les revenus (ci-après C.I.R.) 1992 ;
• Entendre condamner l'intimé aux frais et dépens des deux instances, liquidés en totalité à la somme de 6.000 euros (2 x 3.000 euros) ;
Attendu qu'à défaut de production d'un acte de signification du jugement a quo, l'appel, régulier en la forme et introduit dans le délai légal, est recevable.
III. Les faits
Par acte authentique reçu le 6 avril 1988 en l'étude du notaire P.H., monsieur C.V.D. et son épouse, madame L.L., mariés sous le régime de la communauté légale, ont acquis un immeuble sis à J., chaussée de B. (...), pour un prix de 2.100.000 anciens francs belges (soit 52.067,54 euros).
Par acte reçu le 21 (et non le 25) novembre 1988 par le notaire A.T. de résidence à Farciennes, monsieur C.V.D. a constitué la S.P.R.L. F.V.D., dont il était le seul associé et gérant.
Cette société a pris en location l'immeuble acquis par les époux V.D.-L. en vertu d'un bail verbal et y a fixé son siège social.
De 1993 à 2001, des travaux d'aménagement et de transformation - comportant, entre autres, la construction d'une annexe - ont été réalisés dans l'immeuble pour un montant total de 195.025,50 euros (transformation de l'immeuble privé en un immeuble de bureaux).
Par acte notarié reçu le 2 octobre 1996 en l'étude du notaire Ph.D. de résidence à G., monsieur C.V.D. et madame L.L. ont donné en location l'immeuble précité à la S.P.R.L. F.V.D. en vertu d'un bail emphytéotique conclu à partir du 1er octobre 1996 pour une durée de vingt-sept ans et moyennant le versement d'une redevance annuelle de 180.000 francs belges que le preneur s'oblige à payer au bailleur le 2 octobre de chaque année et pour la première fois le 2 octobre 1997.
En son article 3, ledit bail emphytéotique dispose que :

« Il [le locataire] laissera et abandonnera au bailleur ou à ses représentants, à l'expiration du bail toutes les augmentations et embellissements qu'il aurait pu faire sans pouvoir répéter, ni pour les unes ni pour les autres, aucune espèce d'indemnité ni compensations ».

Au terme d'un acte authentique reçu le 14 décembre 2001 en l'étude du notaire Ph. D. de résidence à G., le bail emphytéotique a été résilié anticipativement de commun accord à compter du 14 décembre 2001 et ce, sans indemnité quelconque.
Par convention sous seing privé du 10 janvier 2002, monsieur C.V.D. a cédé l'intégralité de ses parts sociales de la S.P.R.L. F.V.D. à trois fiduciaires - à savoir la S.P.R.L. F.R.B., la S.A. FID L.C.I. et monsieur C.L., chacune à concurrence d'un tiers pour un prix de cession fixé à 120 pour cent du chiffre d'affaires réalisé pendant l'année 2000 (soit 16.300.000 francs belges), sous la condition suspensive de vendre à la S.P.R.L. F.V.D. l'immeuble sis à J., chaussée de B., (...) pour un prix de 12.000.000 anciens francs belges (soit 297.472,23 euros), hors taxes et impôts, avant le 31 mars 2002.
Monsieur C.V.D. a démissionné de ses fonctions de gérant statutaire lors de l'assemblée générale extraordinaire du 18 janvier 2002.
Par acte authentique reçu le même jour, soit le 18 janvier 2002 en l'étude du notaire Ph. D. de résidence à G., l'immeuble susvisé a été cédé par les appelants à la S.P.R.L. F.V.D. pour le prix convenu de 12.000.000 francs belges.
Par un avis de notification d'imposition d'office relatif à l'exercice d'imposition 2002, envoyé le 9 novembre 2004 suite à l'absence de réponse à une demande de renseignements du 21 mai 2003, le Contrôle des contributions directes de Charleroi 6 a informé les appelants de son intention d'imposer comme un avantage en nature taxable au titre de rémunérations de dirigeant d'entreprise dans le chef de monsieur C.V.D. le montant total des travaux effectués par la S.P.R.L. F.V.D. dans l'immeuble des contribuables, soit 97.512,75 euros, en application de l'article 32, alinéa 2, 2°, du C.I.R. 1992 :

« ... Le bail emphytéotique évoqué a été conclu le 2 octobre 1996, soit postérieurement à la réalisation de la plus grosse partie des travaux d'agrandissement.

Le nouveau revenu cadastral a été fixé le 1er janvier 1996.

La société a donc sciemment octroyé un avantage de toute nature à monsieur C.V.D.

Lors de la résiliation du bail emphytéotique, la société a bien accordé un avantage aux époux V.D.- L., déterminé comme suit :

• Valeur vénale de l'immeuble au 14 décembre 2001 : 297.472,23 euros

• Valeur vénale lors de l'acquisition le 6 avril 1988 : 52.067.54 euros

Différence : 245.404,69 euros

Cette différence représente l'avantage accordé.

Cependant il convient de limiter celui-ci au montant total des travaux qui ont été effectués par la société : 195.025,50 euros, les valeurs vénales de l'immeuble ayant été déterminées en 1988, lors de l'acquisition et en 2001, lors de la vente.

Le bien appartenant aux époux V.D.-L., l'avantage doit être réparti par moitié pour monsieur V.D.C. et par moitié à madame L., soit 97.512,75 euros.

Avantage accordé à monsieur V.D. : 97.512,75 euros ... ».

À défaut de réponse de la part des contribuables, la recette de Charleroi 3 a enrôlé le 17 décembre 2004 la cotisation litigieuse à charge des appelants, en imposant un montant total de 186.566,03 euros à titre de rémunération de dirigeant d'entreprise de monsieur C.V.D., en ce compris l'avantage de toute nature précité de 97.512,75 euros.
Par lettre recommandée du 18 mars 2005, parvenue le 21 mars 2005 à la direction régionale des contributions directes de Charleroi, le conseil des appelants a introduit une réclamation contre cette cotisation litigieuse.
En l'absence de décision directoriale, une requête contradictoire introductive d'instance a été déposée le 24 mai 2007 au greffe du tribunal de première instance de Mons.
Par jugement prononcé contradictoirement le 12 mars 2009, le tribunal de première instance de Mons a déclaré la demande recevable, mais non fondée, sauf en ce qu'elle porte sur une réduction de l'accroissement d'impôt appliqué.
Partant, il a réduit l'accroissement d'impôt de 50 pour cent à 10 pour cent et délaissa à chacune des parties ses frais et dépens de l'instance.
IV. La discussion (...)
2. Quant à l'existence d'un avantage de toute nature
Attendu que les appelants contestent l'imposition dans leur chef de l'avantage retenu par l'administration fiscale au motif qu'il résulte des actes authentiques passés que l'avantage qui consiste pour le tréfoncier à recevoir, à l'issue du bail emphytéotique, résilié anticipativement en vertu d'un acte authentique notarié, les embellissements et autres travaux effectués par l'emphytéote sur le tréfonds lui appartenant, résulte d'un acte qui ne présente aucun lien avec la qualité de dirigeant d'entreprise de monsieur C.V.D. ;
Attendu qu'aux termes de l'article 32, alinéa 2, 2°, du C.I.R. 1992, les rémunérations des dirigeants d'entreprise comprennent notamment « les avantages, indemnités et rémunérations d'une nature analogue à celles qui sont visées à l'article 31, alinéa 2, 2° à 5° » ;
Que l'article 31, alinéa 2, 2° du C.I.R. 1992 range dans la catégorie des rétributions imposables (de travailleur salarié) « les avantages de toute nature obtenus en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle » ;
Attendu que l'administration fiscale supporte, en principe, la charge de la preuve de
  1. l'existence d'un avantage, fût-il accordé par un tiers : monsieur C.V.D., gérant de la S.P.R.L. F.V.D. a bénéficié d'un enrichissement patrimonial au moment de la résiliation anticipée du bail emphytéotique emportant remembrement du droit de propriété dans son chef, résultant d'une plus-value (latente dans un premier temps) de l'immeuble litigieux suite à la réalisation d'importantes dépenses (travaux d'aménagement et d'embellissement) prises en charge par la société dans laquelle il exerce son mandat social ;
  2. l'existence d'un lien causal entre l'exercice de l'activité professionnelle (de dirigeant d'entreprise, en l'espèce) et l'avantage recueilli ;
Qu'il n'est toutefois pas exigé que l'administration démontre que l'avantage trouve son origine dans les prestations effectives que le contribuable a fournies en sa qualité de dirigeant d'entreprise et que l'avantage constitue une rémunération complémentaire pour ce dirigeant (Liège, 15 mars 1995, F.J.F., n° 1996/6) ;
Qu'en d'autres termes, il n'est pas nécessaire que l'avantage accordé à l'administrateur ou au gérant constitue la contre-prestation du mandat ou de la mission (Civ. Anvers, 21 mars 2003, inédit cité par Th. Afschrift et M. Daube, Chronique de jurisprudence - L'impôt des personnes physiques (2000-2008), Les Dossiers du Journal des tribunaux, Bruxelles, Larcier, 2010, p. 582, n° 319) ;
Que, selon le rapport de la Commission des finances préparatoires à la loi du 8 août 1980 cité au Com.I.R. n° 25/7, il faut, mais il suffit qu'ils proviennent de - c'est-à-dire trouvent leur source - dans l'exercice par celui qui les obtient de son activité professionnelle ; qu'ils se rattachent à cette activité ; qu'ils en constituent un produit direct ou indirect, principal ou accessoire ;
Que, selon la Cour de cassation, « il ressort des travaux préparatoires de la loi du 8 août 1980 que le législateur a entendu taxer tous les avantages obtenus sous quelque forme que ce soit et trouvant directement ou non leur origine dans l'exercice de l'activité professionnelle du bénéficiaire et, s'agissant d'un administrateur de société, de l'exercice de son mandat d'administrateur ; qu'il n 'est point nécessaire que la rémunération versée à l'administrateur soit la contrepartie d'une prestation professionnelles (Cass., 16 janvier 2002, Pas., 1992, I, p. 420, J.L.M.B., 1992, p. 1233) ;
Attendu qu'en l'espèce, il convient de relever que monsieur C.V.D. était associé et gérant unique de la S.P.R.L. F.V.D. ;
Qu'il y a lieu de considérer que l'avantage obtenu par monsieur C.V.D. - à savoir le transfert de la propriété d'importants travaux et aménagements réalisés entre 1993 et 2001 dans l'immeuble pour un montant de 195.025,50 euros, sans aucune indemnité ou autre compensation, suite à la résiliation amiable anticipée d'une convention de bail emphytéotique d'une durée minimale de vingt-sept ans (la durée du bail emphytéotique est une règle d'ordre public) seulement cinq ans après sa conclusion - n'aurait jamais été accordé par la S.P.R.L. F.V.D. si monsieur C.V.D. n'en avait pas été l'unique dirigeant ;
Qu'en effet, l'article 8 de la loi du 10 janvier 1824 concernant le droit d'emphytéose, selon laquelle le tréfoncier recouvre la pleine propriété du bien à l'exception du bail emphytéotique et acquiert la propriété des ouvrages et constructions réalisés par l'emphytéote, sans être tenu au paiement d'une indemnité, sauf si elle est prévue contractuellement (quod non, en l'espèce) ne fait pas obstacle à la naissance éventuelle d'un avantage de toute nature sur le plan des impôts sur les revenus ;
Que contrairement à ce que soutiennent les appelants, l'avantage ne résulte pas simplement de l'application normale des dispositions du code civil relatives à l'extinction du droit d'emphytéose ;
Que l'avantage est imposable à l'impôt sur les revenus dans le chef d'un bénéficiaire dirigeant d'entreprises, car le remembrement anticipé du droit de propriété, sans compensation ou indemnisation financière, suite à la signature de l'acte de renonciation du bail emphytéotique portant sur un immeuble entièrement restauré par l'emphytéote à peine cinq ans après la constitution de ce droit réel, n'aurait jamais été obtenu par monsieur C.V.D. s'il n'avait pas exercé son activité de gérant au sein de la société (voy. aussi Gand, 31 janvier 2002, Fiscologue, n° 838, 22 mars 2002, p. 10) ;
Que la circonstance malheureuse justifiant la résiliation anticipée du bail emphytéotique (c'est-à-dire la dégradation progressive de l'état de santé de monsieur C.V.D., combinée avec la cession ultérieure de ses parts sociales dans la S.P.R.L. F.V.D.) n'est pas de nature à modifier la règle de l'imposition de l'avantage de toute nature constaté au moment de la signature de l'acte de résiliation du bail emphytéotique ;
Que, s'il procède de l'application de la loi civile, le remembrement du droit de propriété par accession trouve en l'espèce sa cause dans un acte volontaire du tréfoncier, à savoir la renonciation anticipée au droit d'emphytéose constitué au profit de la S.P.R.L. F.V.D. ;
Que l'absence de taxation à l'impôt des sociétés d'un avantage anormal ou bénévole à concurrence d'un montant équivalent à 97.512,75 euros dans le chef de la S.P.R.L. F.V.D., en raison de la quote-part de propriété de madame L.L. (qui n'est pas dirigeante de cette entreprise) dans l'immeuble litigieux, est sans incidence sur le présent litige fiscal ;
Qu'il y a lieu de considérer que les travaux d'aménagement immobiliers constituent un avantage taxable qui a été obtenu en raison ou à l'occasion de l'exercice de l'activité professionnelle de monsieur V.D. dans la société (Civ. Bruxelles, 14 mai 2004, T.F.R., 2005, n° 289, p. 862, et les pénétrantes observations de maître H. Van Outryve dans une note intitulée « Kosteloze eigendomsverkrijging gebouw door natuurlijke persoon-bedrijfsleider bij einde recht van opstal ») ;
Que la cour ne peut se rallier à l'enseignement de l'arrêt vanté par les appelants, rendu par la cour d'appel d'Anvers le 27 septembre 2005 confirmant un jugement du tribunal de première instance d'Anvers du 19 mars 2002, dès lors qu'en cette espèce, il s'agissait d'un droit de superficie accordé pour un canon annuel symbolique de 0,02 euro (1 franc belge) et pour une durée de quinze ans alors qu'en la présente cause, le loyer annuel convenu était de 180.000 anciens francs belges, porté dans les faits à 240.000 anciens francs, et la durée du contrat d'emphytéose, initialement prévue pour vingt-sept ans, a été ramenée à cinq ans de l'accord de monsieur C.V.D. et de la société dont il était le seul gérant et associé (Anvers, 27 septembre 2005, R.G. n° 2002/AR/1829, T.F.R., 2006, p. 359, et la note d'observations de M. Delanote ; Civ. Anvers, 19 mars 2002, commenté dans le Fiscologue,
n° 854, p. 7) ;
Qu'en effet, dans ce dossier, la cour d'appel d'Anvers a estimé que l'absence de versement de toute indemnité au moment de l'accession compensait la perte de revenus pour l'administrateur, compte tenu de la durée de la convention de superficie de quinze ans (jugée non anormalement longue) et du fait que le propriétaire du terrain n'avait pas perçu un revenu normal tout au long de la période contractuelle (un franc belge par an) ;
Que, par conséquent, c'est à bon droit que l'administration fiscale a estimé que monsieur C.V.D. a obtenu un avantage de toute nature à l'occasion de cette opération de résiliation anticipée du bail emphytéotique, taxable dans son chef en application de l'article 32, alinéa 2, 2°, du C.I.R. 1992 (dans le sens d'une taxation de l'avantage obtenu de la sorte : A. Culot, C. Mostin et B. Goffaux, « Emphytéose et superficie - Aspects civils et fiscaux », Rép. not., tome II, Les biens, livre VI, Bruxelles, Larcier ; 2004, p. 279, n° 370, et les références citées ; Q. R. n° 271 du 27 juin 1997 du sénateur Léo Delcroix, site internet Fiscalnet.be, Q. R., Sénat, session ord., 1997-1998, n° 1-53, p. 2701).
3. Quant à l'évaluation de l'avantage de toute nature
Attendu que les appelants font grief au premier juge d'avoir retenu comme base de l'avantage de toute nature imposable dans le chef du dirigeant d'entreprise, le montant des travaux et aménagements réalisés par l'emphytéote : ce faisant, ils estiment que le premier juge a manifestement violé les dispositions légales régissant la détermination du montant de l'avantage taxable qui aurait dû être fixé à sa valeur réelle dans le chef du bénéficiaire en vertu de l'article 36 du C.I.R. 1992 ;
Attendu qu'aux termes de l'article 36, alinéa 1er, du C.I.R. 1992, les avantages de toute nature obtenus autrement qu'en espèce, sont évalués pour la valeur réelle qu'ils ont dans le chef du bénéficiaire, c'est-à-dire le prix qui devrait être payé sur le marché par ce dernier pour obtenir l'avantage (Th. Afschrift, L'impôt des personnes physiques, Bibliothèque fiscale de la Solvay Business School, Bruxelles, Larcier, 2005, p. 375, n° 351) ;
Que le principe de l'évaluation de l'avantage est fixé en fonction du coût évité par le bénéficiaire (Th. Afschrift et M. Daube, op. cit., Bruxelles, Larcier, 2010, n° 306) ;
Attendu que les amortissements pratiqués par la S.P.R.L. F.V.D. sur les travaux et les aménagements réalisés par elle ne peuvent avoir aucune incidence sur l'évaluation de l'avantage accordé ;
Qu'en effet, les amortissements servent, pour l'entreprise, à reconstituer les valeurs des actifs immobilisés et à répartir le coût d'un élément d'actif sur la durée de vie (voy. P. Coppens et A. Bailleux, Droit fiscal : les impôts sur les revenus, Précis de la Faculté de droit de l'U.C.L., Bruxelles, Larcier, 1985, pp. 185 et 186) ;
Que le prix qu'auraient dû payer les appelants pour obtenir ledit avantage correspond bien au prix des travaux et des aménagements réalisés par la société à concurrence de la somme de 195.025,50 euros ;
Que la plus-value réalisée lors de la revente de l'immeuble par rapport au prix d'acquisition payé treize ans plus tôt, soit 245.404,69 euros, si elle ne représente effectivement pas l'avantage accordé, est néanmoins révélatrice de l'existence de l'avantage évalué à bon droit aux coûts des travaux et aménagements ;
Que c'est à bon droit que le premier juge a déclaré que la demande n'était pas fondée sur ce point.
4. Quant au moment de l'accroissement d'impôt appliqué
Attendu que si monsieur C.V.D. a réalisé plusieurs opérations juridiques qui lui ont permis d'obtenir un enrichissement économique de la part de la société dont il était le seul dirigeant, tout en pensant - à tort - pouvoir éviter l'impôt sans, toutefois recourir à une simulation, rien ne permet de retenir dans son chef une intention frauduleuse ou une volonté d'éluder l'impôt à dessein de nuire ;
Que le premier juge a estimé à bon droit que le litige portait sur une question de principe et qu'il n'y avait donc pas lieu de maintenir l'accroissement d'impôt au taux appliqué de 50 pour cent ;
Qu'il se justifiait dès lors de réduire l'accroissement d'impôt à 10 pour cent pour déclaration incomplète ou inexacte conformément à l'échelle de réduction prévue à l'article 226, B, de l'arrêté royal d'exécution du C.I.R. 1992 ;
Que la suppression complète de l'accroissement d'impôt en cas de déclaration incomplète ou inexacte due, selon les termes de l'arrêté royal précité, à des circonstances indépendantes de la volonté du contribuable ne peut cependant être accordée, compte tenu de la profession du premier appelant (expert-comptable et conseil fiscal) et de la connaissance qu'il aurait dû avoir de l'existence d'un avantage de toute nature suite aux opérations juridiques effectuées ;
Que l'appel est non fondé ; (...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mme Berton, M. Stevenart Meeûs et Mme Hanssens.
Plaid. : MesForestini et Taquin.

 



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Mots-clés

  • Impôts - Revenus des personnes physiques - Rémunérations des dirigeants de sociétés - Avantages de toute nature - Notion - Évaluation

Date(s)

  • Date de publication : 15/03/2013
  • Date de prononcé : 12/11/2010

Référence

Cour d'appel Mons (18 echambre), 12/11/2010, J.L.M.B., 2013/10, p. 613-619.

Branches du droit

  • Droit fiscal > Impôt sur les revenus > Impôt sur les revenus - Impôt des personnes physiques > Revenus professionnels

Éditeur

Larcier

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