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29/06/2010
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Cour d'appel Mons (2e chambre), 29/06/2010


Jurisprudence - Droit des assurances

J.L.M.B. 10/656
Assurances - Vol - Preuve - Matières civiles - Charge de la preuve du vol - Objet - Appréciation in concreto .
Il appartient à l'assuré d'établir, par tous moyens de preuve admissibles, la réalité du vol dont il se prétend victime.

(O.C. / SA A. B. )


Vu le jugement dont appel prononcé le 14 novembre 2008 par la deuxième chambre du tribunal de commerce de Charleroi ; (...)
Faits et antécédents de procédure
Monsieur Olivier C. produit une facture du 19 septembre 1999 selon laquelle il aurait acquis un véhicule Porsche Boxster au prix de 1.488.300 francs financé auprès de la SA BBL, qu'il assure à son nom auprès de la SA A.B.
Le 5 avril 2000 vers vingt-trois heures quinze, alors qu'il sortait du restaurant Bellaria à Chatelineau, il aurait été victime du vol de ce véhicule qu'il avait stationné devant la façade dudit restaurant.
Un dossier répressif est établi, dans lequel il sera entendu, ainsi que son compagnon, Natalino D. Ce dossier répressif sera classé sans suite.
Le 11 avril 2000, il fait une déclaration de sinistre à sa compagnie d'assurances et mentionne à la case 14 « je suis sorti du restaurant lorsque je me suis fait braqué par deux individus dont un m'a menacé de son arme et m'a dérobé mon véhicule ».
La compagnie d'assurances refuse l'indemnisation et par citation du 9 août 2000 devant le tribunal de commerce de Charleroi, monsieur Olivier C. sollicite la condamnation de la SA W. E. A. au paiement de la somme de 1.700.000 francs (42.141,90 euros), outre les intérêts.
Par acte déposé et visé au greffe du tribunal le 12 mars 2004, madame Natalie T., compagne de monsieur Olivier C. déclare intervenir volontairement en l'instance.
Dans ses conclusions de synthèse déposées et visées le 12 juin 2007, monsieur Olivier C. sollicite, à titre subsidiaire, d'être autorisé à tenir des enquêtes pour rapporter la preuve du fait de car-jacking.
Par acte déposé et visé au greffe le 7 avril 2008, la SA A.B. reprend l'instance initialement mue contre la SA W.
Par son jugement du 14 novembre 2008, le tribunal déclare la demande de madame T. prescrite, la demande de monsieur Olivier C. recevable mais non fondée et les condamne aux dépens de la SA A.B. liquidés à la somme de 2.000 euros.
Par requête déposée et visée au greffe de la cour le 5 mars 2009, monsieur Olivier C. interjette appel de cette décision.
Par ses conclusions de synthèse déposées et visées le 23 février 2010, la SA A.B. déclare faire appel incident en ce qui concerne un point de la motivation du premier juge.
Recevabilité des appels
Il ne résulte pas du dossier que la décision entreprise ait été signifiée. L'appel principal, recevable dans la forme l'est aussi dans le temps. Madame T. n'a pas interjeté appel, en manière telle que la cour statue dans les limites de sa saisine.
L'appel incident peut être considéré comme recevable si la SA A.B. a intérêt à faire dire pour droit que la garantie d'assurance est nulle à défaut d'intérêt à la conservation du véhicule.
Discussion
La SA A.B., dans le cadre de son appel incident, fait grief au premier juge d'avoir dit pour droit que monsieur Olivier C. avait un intérêt à la conservation du véhicule.
Il résulte du dossier produit que monsieur Olivier C. était l'acheteur dudit véhicule ; il produit une facture dont la SA A.B. ne démontre pas qu'elle serait fausse.
Ce véhicule était assuré et remboursé par ses soins.
Il l'utilisait puisque le jour des faits, il était en sa possession.
Le fait que monsieur Olivier C. ait fait une déclaration confuse au moment de son audition par la police, selon laquelle le véhicule serait la propriété de madame T., ne résulte d'aucun document explicite du dossier.
En tout état de cause, c'est à bon droit que le tribunal a interprété de manière large l'article 37 de la loi du 25 juin 1992 sur le contrat d'assurances terrestres qui dispose que « l'assuré doit pouvoir justifier d'un intérêt économique à la conservation de la chose ou à l'intégrité du patrimoine ».
La demande est donc recevable dans le chef de monsieur Olivier C.
Monsieur Olivier C. fait grief au jugement entrepris d'avoir considéré qu'il ne rapportait pas la preuve de la réalité du vol dont il fut victime.
Il soutient que l'enquête n'a pas été correctement réalisée et qu'aucun témoin n'a été entendu, à part son compagnon et en déduit que les verbalisateurs ont fait preuve de parti-pris à son encontre dès lors qu'ils mentionnent dans leurs observations qu'il est connu de la police.
La charge de la preuve de la réalité du sinistre incombe à l'assuré
Il n'est plus exact de dire qu'en matière de vol, la jurisprudence admet une plus grande souplesse en matière de preuve à rapporter par l'assuré.
La Cour de cassation, dans un arrêt du 10 avril 2003, dit qu'il appartient à l'assuré d'établir, par tous moyens de preuve admissibles, la réalité du vol dont il se prétend victime (Pas., 2003, I, 779 ; R.G.A.R., 2004, n° 13917 ; Bull. ass., 2004, p.124, note D. De Masenaire, " De la charge de la preuve en matière d'assurance vol ", cité par C. Paris et J.L. Fagnart, Actualités du droit des assurances, Formation permanente CUP, vol. 106).
Selon les renseignements apportés par les verbalisateurs, dans le dossier répressif classé sans suite, au verbo « éléments nouveaux », le véhicule est équipé d'un système anti car-jacking constitué de deux manettes placées sous le volant. II faut manipuler les deux manettes d'une certaine façon pour démarrer le véhicule. Si le système n'est pas désactivé préalablement à la mise en fonctionnement du véhicule, celui-ci ne peut démarrer et l'avertisseur sonore se déclenche automatiquement.
Selon les verbalisateurs, monsieur Olivier C. déclare que l'auteur du vol n'a « probablement » pas désactivé le système mais a pu démarrer l'engin sans le moindre problème.
Monsieur Olivier C. ne conteste pas ce fait.
Il soutient que ce système d'alarme peut être neutralisé facilement par un tiers, mais ne produit aucun élément de nature à étayer ses dires et notamment une description technique du système posé à l'époque sur son véhicule.
Cette thèse n'est par ailleurs pas très crédible lorsque l'on voit le coût d'achat et d'installation d'un tel système : on peut espérer qu'il soit efficace.
Dans l'hypothèse où ce système était branché comme le soutient monsieur Olivier C., cela met à mal sa thèse d'un car-jacking, d'autant qu'il ne résulte pas du témoignage de Natalino D. ou de la déclaration de l'intéressé lui-même que les voleurs aient fait une quelconque manipulation pour démarrer le véhicule ou pour extorquer le code au propriétaire.
A cela s'ajoute qu'il n'est pas contesté que le véhicule se trouvait stationné en face de l'établissement, qui était éclairé, au moment du vol, puisqu'il y avait encore des clients.
Comme le relatent les verbalisateurs, des clients se trouvaient assis près de la fenêtre et personne n'a rien remarqué.
Monsieur Olivier C. tente de mettre en cause l'objectivité des enquêteurs qui selon lui n'auraient auditionné personne dans la salle. Ce n'est pas ce qui résulte des renseignements donnés par les policiers qui indiquent :

« Deuxième élément, au moment des faits le restaurant est occupé par une dizaine de clients, certains étaient assis près de la grande fenêtre permettant la vision dans la rue où était stationné le véhicule en question. Aucun parmi eux n'a vu ou assisté à la scène ».

Si les policiers peuvent indiquer qu'aucun des clients n'a été témoin de la scène, c'est qu'ils ont posé la question. A tout le moins, un témoin oculaire se serait manifesté de lui-même.
Les renseignements donnés par les verbalisateurs dans leur procès-verbal font foi jusqu'à preuve du contraire. Contrairement à ce que soutient monsieur Olivier C., ces renseignements ne sont pas en contradiction avec sa déclaration, ils y ajoutent des éléments périphériques dont monsieur Olivier C. ne démontre pas qu'ils seraient faux.
Il aurait pu, par lui-même, demander des devoirs complémentaires, comme par exemple l'audition du patron de l'établissement ou de Natalino D. sur ce point, ce qu'il n'a pas fait.
Ces renseignements seront donc pris en compte par la cour.
Les verbalisateurs indiquent au verbo « prise de contact » :

« la victime nous raconte qu'elle était venue pour manger au restaurant [...] vers vingt-trois heures quinze, lorsqu'elle a voulu reprendre possession du véhicule, celui-ci ne se trouvait plus à l'endroit où elle l'avait laissé ».

Ils ajoutent au verbo « éléments nouveaux » :

« Après quelques minutes d'entretien, la victime nous fait savoir avec hésitation qu'elle vient d'être victime d'un car-jacking ».

Monsieur Olivier C. déclare :

« [...] Le même jour, lorsque j'ai voulu reprendre possession du véhicule, un autre véhicule de marque BMW [...] s'est arrêté à ma hauteur. Le passager est sorti, il était cagoulé et armé d'une arme de poing de type pistolet à carcasse noire. L'individu m'a menacé avec son arme et m'a déclaré en ces termes : " Donne-moi tes clés et pousse-toi ". J'ai obtempéré à sa demande. Je lui ai remis les clés, l'individu est monté dans la voiture (Porsche) en pointant toujours l'arme en ma direction. Il a démarré la Porsche et a quitté les lieux en descendant la rue susmentionnée vers la rue des Charbonnages suivie par la BMW ».

Cette déclaration prise dans son ensemble, avec les éléments rapportés par les enquêteurs est suspecte puisqu'elle révèle un changement de version surprenant dans le chef de monsieur Olivier C.
La déclaration du témoin Natalino D. n'est pas déterminante, compte tenu des incohérences relevées ci-dessus. En outre, le fait qu'il soit l'ami de monsieur Olivier C. et qu'il a selon toute vraisemblance assisté à la prise de contact avec les policiers, ôte tout caractère d'objectivité à son témoignage.
Il est sans intérêt de retenir que monsieur Olivier C. soit ou non connu de la police ; cet élément est sans incidence, dès lors que sur le plan civil il lui est demandé de rapporter la preuve du fait qu'il allègue et qu'il ne rapporte pas cette preuve.
La demande n'est donc pas fondée.
Par ces motifs, (...)
Reçoit les appels principal et incident, les déclare non fondés,
Confirme la décision entreprise en son dispositif,
Condamne monsieur Olivier C. à l'indemnité de procédure d'appel envers la SA A.B., taxée à 2.000 euros.
Siég. :  MM. J. Gillardin, J.-Fr. Malengreau et Mme Fr. Thonet.
Greffier : Mme M. Ducrotois.
Plaid. : MesP. Lemaire et M. Tassin.

 



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Sommaire

  • Il appartient à l'assuré d'établir, par tous moyens de preuve admissibles, la réalité du vol dont il se prétend victime.

Mots-clés

  • Assurances - Vol - Preuve - Matières civiles - Charge de la preuve du vol - Objet - Appréciation in concreto

Date(s)

  • Date de publication : 21/12/2012
  • Date de prononcé : 29/06/2010

Référence

Cour d'appel Mons (2 echambre), 29/06/2010, J.L.M.B., 2012/42, p. 2011-2014.

Branches du droit

  • Droit civil > Preuve des obligations > Charge de la preuve
  • Droit économique, commercial et financier > Assurances > Assurances terrestres > Assurances de dommage

Éditeur

Larcier

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