Jurisprudence - Faillite
Faillite - Effets - Saisie-arrêt - Sort des fonds saisis non encore distribués au moment de la déclaration de faillite - Remise au curateur . |
Le curateur à la faillite du débiteur saisi est en droit de se faire remettre par l'huissier de justice instrumentant les fonds saisis qui n'ont pas encore été distribués lors de la survenance de la faillite, soit toutes sommes non encore remises à ce moment aux créanciers bénéficiaires de la distribution.
(ONSS / Me J.L. Paquot qualitate qua faillite SA B. )
N°
C.08.0604.F
I. |
La procédure devant la Cour |
Le pourvoi en cassation est dirigé contre l'arrêt rendu le 26 juin 2008 par la cour d'appel de Liège.
II. |
Le moyen de cassation |
Le demandeur présente un moyen libellé dans les termes suivants :
Dispositions légales violées |
- articles 1627, 1629 et 1630 du code judiciaire ;
- articles 16, 18 et 25 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.
Décisions et motifs critiqués |
L'arrêt, réformant le jugement dont appel, condamne le demandeur à payer au défendeur 8.695,85 euros avec les intérêts au taux légal depuis le 23 janvier 2007, par les motifs suivants :
« (Le premier juge) a exposé les faits donnant lieu au litige, rappelant qu'une saisie-arrêt pratiquée à charge de la société (B.) avait produit 17.970,90 euros que l'huissier de justice a répartis suivant le procès-verbal de distribution par contribution qu'il avait établi le 7 novembre 2006 et qui, à défaut de contredit, était devenu définitif le 22 novembre 2006.
» L'huissier avait donc, conformément à son projet, viré les fonds disponibles le 24 novembre 2006, le paiement étant parvenu [au demandeur] le 28 novembre 2006, soit après la déclaration de faillite survenue le 27 novembre 2006.
» La procédure de distribution par contribution organisée par les articles 1627 et suivant du code judiciaire s'applique à la saisie-arrêt.
» Si une procédure collective, par exemple la faillite du débiteur saisi, survient alors que les fonds se trouvent chez l'huissier, la distribution par contribution ne devient pas sans objet et est diligentée par l'huissier qui, après prélèvement de ce qui revient aux créanciers privilégiés spéciaux, remettra les fonds destinés aux créanciers chirographaires et aux privilégiés généraux au représentant de la masse, soit le curateur, chargé d'effectuer pour celle-ci la répartition (...). Après la déclaration de faillite, il appartient au curateur de se faire remettre par l'huissier les fonds qui n'ont pas encore été distribués.
» Il s'agit donc essentiellement de vérifier en l'espèce si les fonds avaient été distribués, c'est-à-dire si le paiement aux créanciers avait été opéré avant ou après la survenance de la faillite, seule la première hypothèse permettant au créancier de conserver les fonds sortis du patrimoine du débiteur saisi. Ce n'est en effet que par la remise des fonds aux créanciers que la saisie prend fin et que le produit de la saisie sort du patrimoine du débiteur (Civ. Bruxelles, 2 juin 2000, J.L.M.B., 2001, 181) ».
Contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, ce n'est pas par la remise effective des fonds aux créanciers saisissants, en l'espèce, la remise de la somme de 8.695, 85 euros au demandeur, que la saisie-arrêt exécution prend fin et que le produit de la saisie sort du patrimoine du débiteur.
La saisie-arrêt exécution a en l'espèce pris fin et les deniers saisis sont sortis du patrimoine de la société faillie (la société B.) dès l'instant où, en l'absence de contredit, ils ont été remis à l'huissier instrumentant avec mission de les répartir conformément au projet de répartition définitivement approuvé.
L'article 1627 du code judiciaire prévoit à ce propos que, « quinze jours au plus tard après la vente ou la saisie des deniers, l'huissier de justice invite les créanciers saisissants ou opposants à faire parvenir en ses bureaux, dans les quinze jours, la déclaration et la justification de la créance en principal, intérêts et frais ».
L'article 1629 du code judiciaire dispose qu'« à l'expiration du délai prévu à l'article 1627, au plus tard dans les quinze jours de l'invitation qui lui est donnée par la partie la plus diligente, l'huissier de justice dresse un projet de répartition ».
Et l'article 1630 du code judiciaire ajoute que, « dès l'expiration du délai prévu à l'article 1629, lorsque aucun contredit n'a été formé, l'huissier de justice est tenu de répartir les deniers conformément au projet ».
Certes, en vertu de l'article 16 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, « le failli, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens [...]. Tous paiements faits par le failli depuis ce jour sont inopposables à la masse », tandis que l'article 25 énonce que « le jugement déclaratif de la faillite arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiaires d'un privilège général. Si antérieurement à ce jugement, le jour de la vente forcée des meubles ou immeubles saisis a déjà été fixé et publié par les affiches, cette vente a lieu pour le compte de la masse. Néanmoins, si l'intérêt de la masse l'exige, le juge-commissaire peut, sur la demande des curateurs, autoriser la remise ou l'abandon de la vente ».
Il ressort de ces dispositions que, ce qui est arrêté par le jugement déclaratif de la faillite, ce sont les ventes et autres actes d'exécution, telle une saisie-arrêt exécution.
Mais lorsque la vente a eu lieu, lorsque, comme en l'espèce, les deniers saisis ont été remis à l'huissier avec mission de les distribuer conformément à un projet de répartition définitif, l'exécution de la saisie-arrêt a pris fin et le jugement déclaratif de la faillite ne peut donc arrêter la distribution des deniers.
A tort, l'arrêt oppose-t-il que la distribution des deniers serait l'acte final de la saisie-arrêt exécution et qu'elle n'est accomplie que par la remise des fonds aux créanciers concernés.
La distribution par contribution du produit d'une vente ou d'une saisie-arrêt est, par nature même, postérieure à la saisie puisque, lorsqu'il y a distribution des deniers saisis, il n'y a plus de saisie. En effet, alors que la saisie-arrêt rendait les deniers indisponibles, leur distribution, plus précisément leur remise à l'huissier avec mission de les répartir, constitue un paiement du débiteur.
Ceci est indirectement confirmé par l'article 1630 du code judiciaire, qui impose à l'huissier instrumentant de répartir les deniers conformément au projet de répartition dès l'expiration du délai prévu à l'article 1629.
En l'occurrence, puisque la remise des fonds à l'huissier instrumentant a constitué un paiement qui a précédé la faillite, les deniers saisis ne se trouvaient plus dans le patrimoine de la société B. au moment de l'ouverture de la faillite.
En l'espèce, lorsque la faillite de la société B. a été déclarée, l'huissier instrumentant avait non seulement reçu mission de répartir les deniers selon un projet de répartition définitif, mais il les avait déjà virés aux créanciers concernés. Le paiement par la société et l'obligation de répartir les deniers reçus imposée à l'huissier par l'article 1630 étaient, par conséquent, entièrement accomplis et la saisie-arrêt exécution, entièrement terminée, sans égard au fait que les créanciers n'ont effectivement été crédités des fonds qu'après le jugement déclaratif de la faillite. Ce jugement ne pouvait en effet arrêter un paiement et une distribution des deniers par répartition déjà faits.
En résumé, ce n'est que si la saisie-arrêt litigieuse n'avait pas été entièrement terminée au moment du jugement déclaratif de la faillite de la société B. que le défendeur eût pu exiger que les deniers saisis lui soient remis. Ce n'était plus possible dès l'instant où le projet de répartition des fonds était devenu définitif et où l'huissier instrumentant avait reçu les deniers avec mission de les répartir entre les différents créanciers conformément audit projet.
Il s'ensuit que l'arrêt n'a pu légalement décider que le demandeur devait remettre au défendeur la somme de 8.695,85 euros que l'huissier instrumentant lui avait déjà versée au motif que la saisie-arrêt n'avait pas pris fin lors de ce versement et que les fonds se trouvaient par conséquent encore dans le patrimoine du failli lors du jugement déclaratif de la faillite de la société B. (violation de l'ensemble des dispositions légales citées en tête du moyen).
III. |
La décision de la Cour |
En vertu de l'article 16, alinéa premier, de la loi du 8 août 1997 sur les faillites, le failli est, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens et tous paiements, opérations et actes faits par le failli depuis ce jour sont inopposables à la masse.
Aux termes de l'article 25, alinéa premier, de la même loi, le jugement déclaratif de la faillite arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiant d'un privilège général.
Il suit de ces dispositions que le curateur à la faillite du débiteur saisi est en droit de se faire remettre par l'huissier de justice instrumentant les fonds saisis qui n'ont pas encore été distribués lors de la survenance de la faillite, soit toutes sommes non encore remises à ce moment aux créanciers bénéficiaires de la distribution.
Le moyen, qui soutient que les deniers saisis ne doivent plus être remis au curateur lorsque, avant l'ouverture de la faillite, le projet de répartition de l'huissier de justice est devenu définitif par l'expiration du délai prévu à l'
article 1629 du code judiciaire pour former un contredit, manque en droit.
Par ces motifs, ...
Rejette le pourvoi ; ...
Siég. : MM. Ch. Storck (prés.), D. Batselé, A. Fettweis (rapp.), Mme Ch. Matray et M. G.
Steffens.
Greffier : Mme P. De Wadripont. |
M.P. : M. A. Henkes. |
Plaid. : MesA. De Bruyn et Fr. T'Kint. |
I. |
Faits de la cause et antécédents de la procédure |
1. Est à l'origine du litige, une saisie-arrêt pratiquée à charge de la société B., qui avait produit 17.970,90 euros.
L'huissier de justice a établi le 7 novembre 2006 un procès-verbal de distribution par contribution, qui, à défaut de contredit, est devenu définitif le 22 novembre 2006.
Conformément à son projet, il a viré les fonds disponibles le 24 novembre 2006, le paiement étant parvenu au demandeur le 28 novembre 2006, soit après la déclaration de faillite survenue le 27 novembre 2006.
2. L'arrêt attaqué, réformant le jugement dont appel prononcé le 31 octobre 2007 par le juge des saisies de Liège, a condamné le demandeur à payer au défendeur 8.695,85 euros avec les intérêts au taux légal depuis le 23 janvier 2007.
Cette décision est motivée comme suit :
« La procédure de distribution par contribution organisée par les articles 1627 et suivant(s) du code judiciaire s'applique à la saisie-arrêt.
» Si une procédure collective, par exemple la faillite du débiteur saisi, survient alors que les fonds se trouvent chez l'huissier, la distribution par contribution ne devient pas sans objet et est diligentée par l'huissier qui après prélèvement de ce qui revient aux créanciers privilégiés spéciaux remettra les fonds destinés aux créanciers chirographaires et aux privilégiés généraux au représentant de la masse, soit le curateur, chargé d'effectuer pour celle-ci la répartition (...) Après la déclaration de faillite, il appartient au curateur de se faire remettre par l'huissier les fonds qui n'ont pas encore été distribués.
» Il s'agit donc essentiellement de vérifier en l'espèce si les fonds avaient été distribués, c'est-à-dire si le paiement aux créanciers avait été opéré avant ou après la survenance de la faillite, seule la première hypothèse permettant au créancier de conserver les fonds sortis du patrimoine du débiteur saisi. Ce n'est en effet que par la remise des fonds aux créanciers que la saisie prend fin et que le produit de la saisie sort du patrimoine du débiteur (Civ. Bruxelles, 2 juin 2000,
J.L.M.B., 2001,
p. 181) ».
A. Exposé
3. Le moyen est pris de la violation des
- articles 1627, 1629 et 1630 du code judiciaire ;
- articles 16, 18 et 25 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites.
Il fait valoir que
« contrairement à ce qu'affirme l'arrêt, ce n'est pas par la remise effective des fonds aux créanciers saisissants, en l'espèce la remise de la somme de 8.695,85 euros au demandeur que la saisie-arrêt exécution prend fin et que le produit de la saisie sort du patrimoine du débiteur.
» La saisie-arrêt exécution a en l'espèce pris fin et les deniers saisis sont sortis du patrimoine de la société faillie (la société B.l) dès l'instant où en l'absence de contredit, ils ont été remis à l'huissier instrumentant avec mission de les répartir conformément au projet de répartition définitivement approuvé ».
Suivant le demandeur, il ressortirait des articles 1629 et 1630 du code judiciaire et 16 et 24 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites
« que ce qui est arrêté par le jugement déclaratif de la faillite, ce sont les ventes et autres actes d'exécution, telle une saisie-arrêt exécution.
» Mais lorsque la vente a eu lieu, lorsque, comme en l'espèce, les deniers saisis ont été remis à l'huissier avec mission de les distribuer conformément à un projet de répartition définitif, l'exécution de la saisie-arrêt a pris fin et le jugement déclaratif de la faillite ne peut donc arrêter la distribution des deniers.
» A tort, l'arrêt oppose-t-il que la distribution des deniers serait l'acte final de la saisie-arrêt exécution et qu'elle n'est accomplie que par la remise des fonds aux créanciers concernés.
» La distribution par contribution du produit d'une vente ou d'une saisie-arrêt est, par nature même, postérieure à la saisie puisque lorsqu'il y a distribution des deniers saisis, il n'y a plus de saisie. En effet, alors que la saisie-arrêt rendait les deniers indisponibles, leur distribution, plus précisément leur remise à l'huissier avec mission de les répartir, constitue un paiement du débiteur.
» Ceci est indirectement confirmé par l'
article 1630 du code judiciaire qui impose à l'huissier instrumentant de répartir les deniers conformément au projet de répartition dès l'expiration du délai prévu à l'article 1629.
» En l'occurrence, puisque la remise des fonds à l'huissier instrumentant a constitué un paiement qui a précédé la faillite, les deniers saisis ne se trouvaient plus dans le patrimoine de la société B. au moment de l'ouverture de la faillite.
» En l'espèce, lorsque la faillite de la société B. a été déclarée, l'huissier instrumentant avait non seulement reçu mission de répartir les deniers selon un projet de répartition définitif, mais il les avait déjà virés aux créanciers concernés. Le paiement par la société et l'obligation de répartir les deniers reçus imposée à l'huissier par l'article 1630 étaient, par conséquent, entièrement accomplis et la saisie-arrêt exécution, entièrement terminée, sans égard au fait que les créanciers n'ont effectivement été crédités des fonds qu'après le jugement déclaratif de la faillite. Ce jugement ne pouvait en effet arrêter un paiement et une distribution des deniers par répartition déjà faits.
» En résumé, ce n'est que si la saisie-arrêt litigieuse n'avait pas été entièrement terminée au moment du jugement déclaratif de la faillite de la société B. que le défendeur eut pu exiger que les deniers saisis lui soient remis. Ce n'était plus possible dès l'instant où le projet de répartition des fonds était devenu définitif et où l'huissier instrumentant avait reçu les deniers avec mission de les répartir entre les différents créanciers conformément audit projet ».
B. Discussion
4. Je suis d'avis, avec le défendeur, auquel j'emprunte le raisonnement et l'essentiel des fondements doctrinaux et jurisprudentiels, et que je m'autorise à reproduire en de très larges extraits non marqués, que le moyen ne saurait être accueilli car il manque en droit.
La question, que la Cour n'a pas encore été amenée à connaître, divise jurisprudence et doctrine.
Suivant la jurisprudence et la doctrine classique, le curateur peut réclamer les fonds saisis au profit de la masse lorsque ces fonds n'ont pas encore été répartis au moment de l'ouverture de la faillite, c'est-à-dire payés aux créanciers bénéficiaires de la répartition. Ce n'est qu'à ce moment que les fonds saisis sortent du patrimoine du débiteur saisi
[1].
La doctrine contemporaine, qui traite plus spécialement du droit de la faillite, ne s'étend guère sur la question. Toutefois, aucun auteur ne soutient que le curateur ne peut plus récupérer les fonds saisis en main de l'huissier de justice lorsque le projet de répartition est arrêté ou devenu définitif
[2]. Au contraire, cette doctrine, approuvant la jurisprudence des juges du fond, considère que si la faillite survient alors que les biens saisis-exécutés ont été réalisés, c'est le curateur et lui seul qui percevra les fonds que détient l'huissier et qui n'ont pas encore été effectivement remis en mains du créancier
[3].
6. Suivant une doctrine émergente, par contre, et, certes, de poids, le curateur ne peut plus réclamer les sommes saisies-arrêtées, versées à l'huissier de justice, lorsque la faillite intervient après l'expiration du délai prévu pour permettre aux créanciers de former un contredit contre le projet de répartition. Autrement dit, même si les montants saisis-arrêtés versés à l'huissier demeurent dans le patrimoine du débiteur jusqu'au moment du paiement des créanciers bénéficiaires de la répartition, ces montants ne doivent plus être versés au curateur au profit de la masse lorsque la faillite intervient à un moment où la répartition est devenue définitive. Un argument en ce sens est tiré de l'
article 1637 du code judiciaire, qui dispose que les intérêts des sommes admises en distribution cessent à l'expiration du délai dans lequel le contredit doit être formé
[4].
7. Pour ma part, il importe tout d'abord de rappeler, comme le fait le défendeur, que les biens du débiteur constituent le gage commun de ses créanciers. Les articles 7 et 8 de la loi hypothécaire consacrent le principe d'égalité des créanciers, que votre Cour à qualifié de « règle fondamentale de l'exécution forcée »
[5].
La saisie ne confère au créancier saisissant aucun droit de préférence. Ainsi M. Sénéchal souligne que
« à l'ouverture d'une procédure collective, un certain nombre de règles nouvelles viennent régir les rapports que le débiteur entretient avec ses créanciers. Parmi elles, figure le principe d'égalité des créanciers dont l'objectif est d'assurer un accès égal au gage commun. Le paiement des créances n'est plus le prix de la course. Les créanciers les mieux informés et les plus organisés ne sont plus les seuls à être payés puisque tous ceux qui sont admis au passif participent à la procédure de distribution universelle qui clôture la procédure collective »
[6].
Le principe d'égalité gouverne les saisies de l'acte initial de celles-ci jusqu'à clôture définitive
[7]. C'est à tout le moins une règle impérative
[8].
8. La procédure de distribution par contribution, régie par les articles 1627 à 1638 du code judiciaire, a pour objet la répartition, entre créanciers en concours, du prix de vente d'objets mobiliers ou de deniers saisis. Ainsi que le souligne le professeur
Linsmeau [9], « le caractère collectif des saisies et de leurs suites et la possibilité pour les créanciers d'y intervenir jusqu'à la distribution des deniers font que la procédure doit être ouverte dans tous les cas » : elle « régit la répartition du produit des saisies mobilières » au sens de l'
article 1506 du code judiciaire, mais aussi des " deniers saisis " notamment dans le cadre des saisies-arrêts exécution
[10], d'autant qu'il n'existe qu'une procédure unique et commune à tous les créanciers dans cette dernière hypothèse
[11].
9. Ni le projet de répartition ni la clôture ou le règlement des contredits ne mettent un terme à la saisie. Et, à défaut de contredit dans le délai légal, « l'huissier est tenu de répartir les deniers conformément au projet (
article 1630 du code judiciaire). C'est à ce moment seulement qu'ils sortent du patrimoine du débiteur »
[12].
10. Ni la saisie elle-même
[13] ni la réalisation des bien saisis ni la perception par l'huissier ou le notaire des fonds saisis ni l'établissement du procès-verbal de répartition, fût-il définitif à défaut de contredits, n'ont pour effet que les sommes faisant l'objet de la saisie-arrêt disparaissent du patrimoine du débiteur saisi et seraient, de la sorte, attribuées au saisissant.
Ainsi, sous réserve du cas des créanciers privilégiés spéciaux, les effets de toute saisie-arrêt, qui n'est pas définitivement accomplie par la remise effective des fonds entre les mains du créancier, sont tenus en échec par le jugement déclaratif : les paiements du débiteur
[14] ne peuvent donc plus être réalisés entre les mains du créancier dès que le jugement déclaratif de faillite est intervenu.
11. Le défendeur observe pertinemment que les créanciers, qui n'ont pas été sommés, peuvent produire jusqu'à la tradition des deniers
[15].
Cette tradition s'opère par le paiement effectif des deniers en main du créancier. Et ce paiement, lorsqu'il est effectué par virement, n'est effectivement réalisé qu'au moment où le compte du bénéficiaire est crédité, le virement étant un mécanisme formel destiné à exécuter un rapport de base entre le donneur d'ordre et le bénéficiaire
[16].
12. L'arrêt attaqué, qui constate que le compte du demandeur n'a été crédité des fonds saisis-arrêtés à charge de la société faillie que le lendemain du jour du jugement déclaratif de la faillite et qui condamne, en conséquence, le demandeur à restituer ces fonds au défendeur qualitate qua est légalement justifié.
En vertu de l'article 16, alinéa premier, de la loi sur les faillites :
« Le failli, à compter du jour du jugement déclaratif de la faillite, est dessaisi de plein droit de l'administration de tous ses biens, même de ceux qui peuvent lui échoir tant qu'il est en état de faillite. Tous paiements, opérations et actes faits par le failli, et tous paiements faits au failli depuis ce jour sont inopposables à la masse ».
Aux termes de l'article 25, alinéa premier, de la même loi, le jugement déclaratif de la faillite arrête toute saisie faite à la requête des créanciers chirographaires et des créanciers bénéficiant d'un privilège général.
Il suit de ces dispositions qu'il appartient au curateur à la faillite du débiteur saisi de se faire remettre par l'huissier de justice instrumentant les fonds saisis qui n'ont pas encore été distribués lors de la survenance de la faillite, soit toutes sommes non encore remises à ce moment aux créanciers bénéficiaires de la distribution.
Le moyen, qui revient à soutenir que les deniers saisis ne doivent plus être remis au curateur de la faillite du débiteur saisi lorsque, avant l'ouverture de la faillite, le projet de répartition de l'huissier de justice est devenu définitif par l'expiration du délai prévu à l'
article 1629 du code judiciaire pour former un contredit, manque donc en droit
[17], me semble-t-il.
Au demeurant, la conception dont il paraît se faire l'écho, suivant laquelle l'on se trouverait en présence d'un « micro-concours » engendré par la saisie, qui ne pourrait être anéanti par le « macro-concours » de la faillite lorsque le projet de répartition est devenu définitif par l'expiration du délai prévu par la loi pour former contredit, n'emporte pas ma conviction dès lors qu'elle me paraît aller à l'encontre du principe d'égalité des créanciers dont l'objectif est d'assurer un accès égal au gage commun rappelé ci-dessus (n° 7 et suivants).
14. Rejet.
[1] |
Mons, 6 mai 1992, J.L.M.B., 1992, p. 889 ; Civ. Bruxelles, 2 juin 2000, J.L.M.B., 2001, p. 181 ; Civ. Liège, 20 décembre 1989, J.L.M.B., 1991, p. 87 ; Frédéricq, Traité de droit commercial belge, VII, n° 157 ; R.P.D.B., Distribution par contribution, n° 116. |
[2] |
T'kint et Derijck, La faillite, Rép. not., XII (2006), n° 258 ; Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat (2003), n° 539 ; Coppens et T'kint, " Examen de jurisprudence - Les faillites, les concordats et les privilèges ", R.C.J.B., 2005, n° 89, p. 554. |
[3] |
Coppens et T'kint, op. cit. ; Linsmeau, op. cit., n° 38, p. 768 ; Verougstraete, op. cit. ; T'kint et Derijck, op. cit. ; Comm. Gand, 1er mars 1996, T.G.R., 1996, p. 96 ; Civ. Liège, 20 décembre 1989, J.L.M.B., 1991, p. 87 ; Mons, 6 mai 1992, op. cit. |
[4] |
E. Dirix et K. Broeckx, " Beslag ", A.P.R., 2001, n° 132, p. 95 ; E. Dirix, " Grensconflicten tussen beslag en faillissement, note sous Gand, 29 mai 2002, R.W., 2004-2005, p. 1265, spéc. p. 1266, n° 3, alinéa 4 ; F. Georges, " Questions d'acutalité à la croisée du droit des sûretés et du droit de l'exécution ", in Formation permanente CUP, Droit des sûretés, vol. 20, novembre 2007, p. 72 à 74 ; G. De Leval, L'Ordre, Rép. not., 2009,
p. 71, note 4 ; Gand, 2 janvier 1996, R.W., 1996-1997, p. 441 ; Anvers, 5 novembre 1996, R.W., 1997-1998, p. 22 ; Anvers, 14 mars 2002, R.W., 2003-2004, p. 796 ; Civ. Bruxelles (sais.), 22 septembre 1998, R.G. n° 97/ 5870/A, inédit, cité par G. De Leval, loc. cit. ; Civ. Liège, 31 octobre 2007 [le jugement dont appel en la présente cause], Rev. not. b., 2008, p. 372, et obs. G. De Leval. |
[5] |
Cass., 2 mai 1985, Bull., 1985, p. 1078, et les conclusions de l'avocat général Janssens De Bisthoven, in R.D.C., 1985, p. 531 ; in R.C.J.B., 1989, p. 420, et la note de Forges et T'kint, " Egalité des créanciers et concordat judiciaire ". |
[6] |
M. Sénéchal, " L'effet réel de la procédure collective : essai sur la saisie collective du gage commun des créanciers ", n° 418, p. 436, cité par le défendeur, mémoire en réponse, p. 4 ; voy. aussi Polliaud-Dulian, " Le principe d'égalité des procédures collectives ", J.C.P.? 1998, I, n° 138, également cité par le défendeur, id. |
[7] |
Gérard et Windey, " Action directe des sous-traitants, faillite et concordat judiciaire ; à contre-courant ", in Liber amicorum Lucien Simont, p. 392 et 393, n° 10 ; De Leval, " Opposabilité d'une convention tenant lieu de cautionnement sur exécution provisoire ", note sous Mons, 20 juin 1989, Ann. dr. Liège, 1990, p. 65 et suivantes ; Biquet-Mathieu, " Les sûretés réelles - Chronique de jurisprudence (1994-2002) ", Dossiers du J.T., 2003, n° 43, n° 1 (Cass., 17 octobre 1996, Bull., 1996, p. 992, et les conclusions du procureur général Piret, alors avocat général ; Cass., 9 mars 2000, Bull., 2000, p. 537 ; pour une critique sans consistance de votre arrêt du 17 octobre 1996, Zenner et Peeters, " L'opposabilité des garanties permettant d'échapper au concours. Les déclarations récentes des hauts magistrats de la Cour de cassation augurent d'une plus grande sécurité juridique ", J.T., 2004, p. 865 et suivantes, spéc. n° 59). |
[8] |
Cass., 17 octobre 1996, Bull., 1996, p. 992, et les conclusions du procureur général Piret, alors avocat général ; Cass., 9 mars 2000, Bull., 2000, p. 537 ; pour un commentaire devinatoire de votre arrêt du 17 octobre 1996, Zenner et Peeters, " L'opposabilité des garanties permettant d'échapper au concours.
Les déclarations récentes des hauts magistrats de la Cour de cassation augurent d'une plus grande sécurité juridique ", J.T., 2004, p. 865 et suivantes, spéc. n° 59. |
[9] |
J. Linsmeau, " La distribution par contribution et l'ordre ", in R.P.D.B., compl. tome VIII, n° 5, p. 763 ; F. Georges, " Jurisprudence récente en matière de distribution par contribution ", in Droit de l'exécution - Formation permanente huissiers de justice, p. 217 et suivantes ; Leroy, " Saisie-arrêt et distribution par contribution ", in Droit de l'exécution, Formation permanente CUP, vol. XVIII, p. 109 et suivantes ; Van Compernolle, " Sûretés réelles et voie d'exécution ", in Le droit des sûretés, p. 355 et suivantes, spéc. n° 12, p. 360. |
[10] |
Van Compernolle, " Examen de jurisprudence - Droit judiciaire privé ", R.J.J.B., 1987, p. 493 et références ; De Leval, v° Distribution par contribution, Rép. not., n° 12 et références. |
[11] |
M. Grégoire, " Théorie générale du concours des créanciers en droit belge ", n° 547, p. 396. |
[12] |
J. Linsmeau, R.P.D.B., compl. VIII, n° 98. |
[13] |
Cass., 4 mai 2000, Pas., 2000, n° 270. |
[14] |
Cass., 25 mai 1978, Pas., 1978, I, 1090. |
[15] |
J. Linsmeau, " Le concours, les saisies multiples et leurs solutions ", in Les voies conservatoires et d'exécution - Bilan et perspectives, p. 306 ; Dirix et Broeckx, " Overzicht van rechtspraak - Beslagrecht (1970-1990) ", T.P.R., 1991, p. 79 et suivantes, spéc. n° 270. |
[16] |
Wéry, " La nature juridique du virement bancaire de fonds ", J.T., 1988, p. 385 et suivantes, spéc. n° 24 ; Braeckmans, " Bankrekeningen, betaal - en kredietverrichtingen ", in Handels- en economisch recht, par W. Van Gerven e.a., tome I, p. 562 ; C. trav. Mons, 1er juin 1994, C.D.S., 1995, p. 437 ; Van Wuystwinkel, " Les effets de commerce et les instruments scripturaux de paiement ", in Traité pratique de droit commercial, tome II, n° 220). |
[17] |
Comparez Cass., 4 mai 2000, R.G. C.97.0344.N, Pas., 2000, n° 270 : la notification visée à l'article 434 du code des impôts sur les revenus (1992) équivaut à une saisie-arrêt pratiquée entre les mains du notaire sur les sommes et valeurs qu'il détient en vertu de l'acte pour le compte ou au bénéfice du redevable ; toutefois, cette mesure n'a pas pour effet que les sommes faisant l'objet de la saisie-arrêt disparaissent du patrimoine du redevable pour être définitivement attribuées au Trésor ; en conséquence, elles restent soumises aux règles relatives au concours des créanciers du redevable. Il s'ensuit que, lorsque le notaire n'a pas payé la somme au receveur avant la prononciation du jugement de faillite, il ne peut plus, en principe, procéder au paiement après la prononciation dudit jugement, en vertu de la seule notification précitée. |