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13/10/2021
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Cour d'assises Liège, 13/10/2021


Jurisprudence - Droit pénal - Procédure pénale

J.L.M.B. 21/412
Infractions diverses - Incitation à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe - Notion - Éléments matériel et moral - Injure sexiste (non) .
Un ensemble d'injures virulentes à destination des femmes, dirigées à leur encontre en raison de leur sexe, ne peut être considéré comme constitutif d'une incitation à la haine ou à la violence au sens de l'article 27, 4°, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes lorsque le message ne comporte pas une exhortation ou une instigation à agir et que l'auteur n'est pas animé par l'intention d'inciter à la haine ou à la violence. Toute injure sexiste n'implique pas nécessairement une incitation à la haine.
L'accusé n'expose pas non plus les motifs pour lesquels les femmes devraient être considérées comme des déchets ou des épaves, de sorte que ses propos ne s'analysent pas comme un plaidoyer incitant à la haine ou à la violence mais plutôt comme une réaction, certes inappropriée, aux critiques dont il aurait fait l'objet.

(M.P. / Samuel )


Vu les réponses données par le jury, en présence de la Cour, au questionnaire qui lui a été soumis.
Il apparaît de ces réponses que le jury s'est prononcé affirmativement sur les questions numéros 1 et 2 et négativement sur la question 3.
L'accusé est déclaré coupable d'avoir :
  1. à Flémalle, à plusieurs reprises entre le 12 octobre 2020 et le 20 octobre 2020, par écrit anonyme ou signé publié sur son compte Facebook sous le pseudonyme (...), menacé les féministes ainsi que la majorité des femmes d'un attentat punissable d'une peine criminelle, en l'espèce :
    • les avoir menacées de devenir le nouvel Elliot Rodger (lequel a tué six personnes et en a blessé quatorze autres à Isla Vista en Californie le 23 mai 2014 avant de se suicider après avoir détaillé dans des vidéos YouTube sa haine des femmes et son célibat involontaire),
    • les avoir menacées de leur faire payer sa misère sexuelle et affective le jour où l'occasion se présentera,
  2. (article 327, alinéa 2, du Code pénal),
  3. de connexité à Flémalle, le 17 octobre 2020, verbalement menacé d'un attentat contre les personnes, punissable d'une peine criminelle, les femmes qui le critiquaient suite à ses propos publiés sur Facebook via Bittube avec ordre ou condition, en l'espèce avec l'ordre verbal suivant :

« arrêtez de me critiquer parce que ça va aller mal, vous allez entendre parler de moi comme Elliot Rodger (lequel a tué six personnes et en a blessé quatorze autres à Isla Vista en Californie le 23 mai 2014 avant de se suicider après avoir détaillé dans des vidéos YouTube sa haine des femmes et son célibat involontaire), arrêtez parce que moi je vais péter un
câble un jour »

  1. (article 327, alinéa 1er, du Code pénal).
Invité par la cour à indiquer les principales raisons de son verdict, le jury a exposé les éléments qui, repris ci-après, démontrent la décision sur la culpabilité de l'accusé telle qu'elle sera retenue au dispositif, au-delà de tout doute raisonnable en ce qui concerne les chefs d'accusation 1 et 2.
Sur les menaces en général :
  • les propos ou écrits publiés sur l'internet par l'accusé sont de nature à inspirer une crainte sérieuse auprès d'une personne raisonnable quand bien même l'accusé désigne un groupe et non une personne nominative, quelle qu'ait été l'intention de l'accusé quant à la réalisation de l'attentat,
  • la publicité donnée aux propos sur l'internet a permis aux menaces d'être connues de destinataires désignés par l'accusé,
  • les aveux du prévenu quant à la matérialité des propos,
  • l'infraction se réalise dès le moment où la menace est exprimée sans que le retrait postérieur fasse disparaître l'infraction.
Sur les menaces par des écrits anonymes ou signés publiés par l'accusé sur son compte :
  • les mots utilisés par l'accusé dans ses écrits visés la question 1, à savoir l'utilisation des termes « ennemis » ou « l'augmentation de ma haine », « ne pas me tromper de cible », « je suis en guerre contre la majorité des femmes », « aucune pitié », « les femmes sont mes ennemies », notamment ou encore la référence à un certain Elliot Rodger, auteur d'une tuerie, constituent une menace claire d'un attentat punissable d'une peine criminelle à l'égard notamment des féministes et de la majorité des femmes,
  • si l'accusé prétend avoir utilisé des termes au conditionnel en indiquant qu'il y avait de fortes chances qu'il se transforme en Elliot Rodger, cela n'enlève rien au caractère menaçant de ses propos.
Sur les menaces verbales avec ordre ou sous conditions :
  • les recherches effectuées par les enquêteurs, menant à l'identification de l'accusé et à la saisie de son ordinateur dont l'analyse a confirmé les faits,
  • les mots utilisés par l'accusé dans ses publications sur l'internet annonçant un attentat et accompagnés d'un ordre ou d'une condition qu'il n'était pas en droit de poser :

« Arrêtez de me critiquer. (...) Arrêtez parce que je vais péter un câble. (...) Ca va aller mal et vous allez entendre parler de moi. Comme Elliot Rodger ou Alek Minasian ».

Quant aux menaces (que l'accusé) a reçues et (a) déposées à l'audience de la cour, le jury relève que la plupart sont postérieures à ses propres menaces et qu'elles ne sont pas de nature suffisamment précises pour l'impressionner, correspondant plutôt à des injures ou réponses faites en réaction à chaud à des propos antérieurs de l'accusé, raison pour laquelle d'ailleurs il répond par ses propres menaces, plus précises et répétées, avec des références à des faits réels et dramatiques qui induisent une crainte légitime chez ceux qui en prennent connaissance. L'accusé n'avait aucune nécessité de répondre comme il l'a fait par de nouvelles menaces alors qu'il pouvait trouver diverses autres solutions efficaces et conformes à la loi, tel un dépôt de plainte par exemple.
Sur l'incitation à la haine ou à la violence à l'égard d'un groupe :
La retranscription des propos tenus par l'accusé dans la vidéo qu'il a publié sur Facebook via Bittube montre que ceux-ci constituent un ensemble d'injures virulentes à destination des femmes, dirigées à leur encontre en raison de leur sexe. De tels propos ne peuvent être considérés comme constitutifs d'une incitation à la haine ou à la violence au sens de la loi lorsque le message ne comporte pas une exhortation ou une instigation à agir et que l'auteur n'est pas animé par l'intention d'inciter à la haine ou à la violence. Toute injure sexiste n'implique pas nécessairement une incitation à la haine.
En l'espèce, le jury constate que les propos de l'accusé ne contiennent pas d'encouragement à adopter un comportement haineux ou violent à l'encontre des femmes, lesdits propos n'impliquant que l'auteur lui-même par l'utilisation répétée du « je ».
L'accusé n'expose pas non plus les motifs pour lesquels les femmes devraient être considérées comme des déchets ou des épaves de sorte que ses propos ne s'analysent pas comme un plaidoyer incitant à la haine ou à la violence mais plutôt comme une réaction, certes inappropriée, aux critiques dont il aurait fait l'objet.
La nature des propos tenus ne révèle, dès lors, ni encouragement à adopter un comportement haineux ou violent ni volonté de diffuser des idées en vue d'attiser la haine à l'égard d'un groupe en raison de son sexe.
(...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  MM. M. Charpentier, R. Leruth et Ph. Glaude.
Greffier : Mme S. Meuleneire.
M.P. : Mme B. Goblet.
Plaid. : Mes. Wilmotte et A. Lamy.
N.B. : Par un arrêt du même jour, la cour d'assises a condamné l'accusé à une peine de douze mois d'emprisonnement assortie d'une mesure de sursis probatoire d'une durée de deux ans pour ce qui excède la durée de la détention préventive.

 



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Un ensemble d'injures virulentes à destination des femmes, dirigées à leur encontre en raison de leur sexe, ne peut être considéré comme constitutif d'une incitation à la haine ou à la violence au sens de l'article 27, 4°, de la loi du 10 mai 2007 tendant à lutter contre la discrimination entre les femmes et les hommes lorsque le message ne comporte pas une exhortation ou une instigation à agir et que l'auteur n'est pas animé par l'intention d'inciter à la haine ou à la violence. Toute injure sexiste n'implique pas nécessairement une incitation à la haine.

L'accusé n'expose pas non plus les motifs pour lesquels les femmes devraient être considérées comme des déchets ou des épaves, de sorte que ses propos ne s'analysent pas comme un plaidoyer incitant à la haine ou à la violence mais plutôt comme une réaction, certes inappropriée, aux critiques dont il aurait fait l'objet.

Mots-clés

Infractions diverses - Incitation à la haine ou à la violence à l'égard d'une personne ou d'un groupe - Notion - Éléments matériel et moral - Injure sexiste (non)

Date(s)

  • Date de publication : 26/11/2021
  • Date de prononcé : 13/10/2021

Référence

Cour d'assises Liège, 13/10/2021, J.L.M.B., 2021/38, p. 1733-1735.

Branches du droit

  • Droit public et administratif > Poste et télécommunications > Télécommunications > Communication électronique - Internet
  • Droit pénal > Discrimination - Racisme - Xénophobie > Lois anti-racisme/discrimination > Dispositions pénales
  • Droit pénal > Infractions et leurs peines > Crimes et délits contre les personnes > Injure
  • Droit pénal > Infractions et leurs peines > Crimes et délits contre la sécurité publique > Attentat ou menace
  • Droit pénal > Droit pénal - Principes généraux > Infractions > Éléments constitutifs

Éditeur

Larcier

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