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27/08/2020
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Cour d'appel Bruxelles (7e chambre), 27/08/2020


Jurisprudence - Généralités

J.L.M.B. 21/303
Avocat - Relations avec les clients - Honoraires - Honoraires de résultat - Lien direct entre le résultat et le travail de l'avocat .
En l'absence de disposition contraire, il peut être déduit de la convention que l'honoraire de résultat prévu suppose un résultat obtenu, ce qui revient à exiger un lien direct entre le résultat et le travail de l'avocat. Ce résultat peut consister en une victoire devant les cours et tribunaux ou en une victoire dans le cadre d'une négociation ou médiation menée de façon directe par l'avocat. Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé (article 1162 ancien Code civil).

(Romuald / Maître B. )


Vu le jugement entrepris, prononcé contradictoirement par le tribunal de première instance francophone de Bruxelles, ci-après dénommé « le premier juge », le 9 octobre 2018, (...).
I. Objet du litige, antécédents de la procédure et demande(s) devant la cour
1. Romuald conclut le 15 octobre 2015 une convention avec la société C., pour l'acquisition d'une participation dans la société de droit luxembourgeois S.A. S., et paie 282.000 euros pour cette acquisition. Réalisant dans le courant de l'année 2015 que la société cible n'est pas, comme il le croyait, propriétaire d'un immeuble hôtelier à la Côte d'Azur, Romuald cherche à se faire rembourser le prix qu'il a payé. Il obtient un premier remboursement, mais un solde de 240.000 euros reste dû.
Début octobre 2016, Romuald contacte Maître B., avocat, pour qu'il l'assiste et le conseille dans ce cadre. Le 3 octobre 2016, Joseph l'informe par écrit des modalités de calcul de ses honoraires, et Romuald lui retourne le document contresigné.
En décembre 2016, Maître B. contacte l'avocat luxembourgeois de Romuald, Maître P., pour l'interroger sur la possibilité pour celui-ci de se prévaloir de la clause résolutoire du contrat - soumis au droit luxembourgeois - afin d'obtenir la résolution de la vente des actions.
En mars 2017, Maître P. adresse à Maître B. un projet de lettre de mise en demeure et un projet d'assignation de la partie adverse devant le tribunal d'arrondissement de Luxembourg, et Maître B. fait valoir ses observations sur ces projets.
L'affaire est introduite au Luxembourg et, selon les informations transmises par Maître P., plaidée par celui-ci, en l'absence de la partie adverse [1].
En juin 2017, Maître P. informe Maître B. et Romuald que, suite à l'intervention de la partie adverse, l'affaire a été fixée pour être plaidée contradictoirement le 15 novembre 2017.
Le 4 septembre 2017, Romuald écrit à Maître B. :

« Je vous confirme être parvenu à régler amiablement le litige en direct par le remboursement des sommes que C. me devait. Partant, votre intervention n'est plus requise, le dossier pouvant être clôturé. Maître P. est lui-même informé de cette issue à votre dossier ».

Le 15 septembre 2017, Maître B. lui répond qu'il est ravi qu'il ait pu obtenir le paiement des sommes dues mais qu'il est inexact de penser que ce résultat a été obtenu amiablement « puisque ce n'est évidemment qu'après les lettres de mises en demeure et les correspondances avec l'avocat adverse et surtout l'assignation que nous avions longuement discutée avec l'avocat luxembourgeois, l'introduction de l'action judiciaire au Luxembourg et la fixation d'une audience de plaidoiries qui ont poussé la partie adverse à vous rembourser le montant qu'il vous devait (...). Il s'agit donc d'un succès qui nous est dû, même indirectement, et il est prévu qu'en cas de succès vous avez à régler un success fee conformément à la convention signée entre nous ».
2. Par exploit du 28 mars 2018, Maître B., cite Romuald en récupération d'honoraires devant le premier juge, sollicitant sa condamnation à lui payer (i) un solde d'honoraires de 5.149,38 euros et (ii) un honoraire de résultat (« success fee ») de 24.000 euros, le tout à majorer d'intérêts.
Romuald conclut au non fondement de la demande et à la condamnation de Maître B. aux dépens.
3. Faisant droit à la demande, le premier juge condamne Romuald à payer à Maître B. la somme de 29.149,38 euros T.V.A.C., à majorer des intérêts moratoires au taux légal depuis le 28 mars 2018 jusqu'à complet paiement et des dépens.
4. Romuald relève appel de ce jugement dont il postule la réformation. Il invite la cour à dire la demande originaire non fondée et à condamner Maître B. aux dépens.
5. Maître B. conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris. Il forme une demande nouvelle en degré d'appel, sollicitant la condamnation de Romuald à lui payer des dommages et intérêts évalués à 10.000 euros, outre sa condamnation à une indemnité de procédure maximale.
II. Discussion
6. L'appel de Romuald ne contient aucun grief relatif à la décision du premier juge de le condamner au paiement du solde d'honoraires de 5.149,38 euros T.V.A.C., alors que le premier juge relevait que ce poste de la demande ne faisait l'objet d'aucune contestation.
L'appel n'est pas fondé, Romuald étant incontestablement débiteur de ce montant en rémunération du travail accompli par Maître B., et ayant de surcroit, par son attitude procédurale, implicitement reconnu cette dette.
7. Par son appel, Romuald critique la décision du premier juge de faire droit à la demande visant l'honoraire de résultat (« success fee ») de 24.000 euros, estimant que cet honoraire de résultat n'est pas dû, le résultat favorable du litige par un accord intervenu avec la partie adverse étant le fruit d'une négociation menée avec cette partie par lui-même et son avocat luxembourgeois, sans l'intervention de Maître B.
8. En vertu de l'article 446ter, alinéa 1er, du Code judiciaire, les avocats taxent leurs honoraires avec la discrétion qu'on doit attendre d'eux dans l'exercice de leur fonction. En vertu de l'alinéa 2 de cette disposition légale, dans le cas où la fixation excède les bornes d'une juste modération, le conseil de l'Ordre la réduit, en ayant égard notamment à l'importance de la cause et à la nature du travail, le tout sans préjudice du droit de la partie de se pourvoir en justice si la cause n'est pas soumise à arbitrage.
L'avocat établit donc en principe unilatéralement ses honoraires et frais, sans devoir recueillir l'accord de son client sur celui-ci. Traditionnellement, il est admis que l'avocat fixe ses honoraires en ayant égard aux cinq critères suivants : (i) l'importance de la cause, (ii) le résultat obtenu, (iii) la nature du travail, (iv) la notoriété de l'avocat et (v) la capacité financière du client. À côté de ces cinq critères traditionnels, il convient d'ajouter le temps de travail consacré par l'avocat. Ce critère est actuellement généralement devenu le critère essentiel de fixation des honoraires (voy. Fr. Glansdorff, « À la recherche du temps passé », in Pourquoi Antigone ? Liber Amicorum Edouard Jakhian, Bruylant, 2010, pp. 177 et s.).
Si le critère du résultat obtenu figure parmi les critères traditionnels, il ne peut jamais être le seul critère. Comme le prévoit l'article 446ter du Code judiciaire, toute convention prévoyant de lier les honoraires exclusivement au résultat de la contestation est nulle.
La pratique consistant pour l'avocat à demander des honoraires selon une certaine méthode, par exemple celle du tarif horaire, ainsi qu'un complément d'honoraire en cas de succès de l'affaire (« success fee ») peut être admise dès lors qu'il ne s'agit que d'un complément d'honoraires. Il faut cependant que le client ait marqué son accord sur cette pratique du complément d'honoraires de succès.
10. Maître B. a dûment informé son client que ses honoraires seraient calculés sur la base d'une rémunération horaire de 242 euros T.V.A.C. et que cette rémunération horaire serait « selon les circonstances, majorée d'un pourcentage sur les intérêts en cause » :

« il s'agit de ce que l'on appelle usuellement le "success fee" qui est réclamé lors de la clôture du dossier. Si des résultats sont obtenus de manière partielle en cours de dossier, il est également normal qu'un "success fee" soit réclamé sur ce résultat partiel. Ce "success fee" est calculé en tenant compte des critères habituels, c'est-à-dire des intérêts financiers en cause, du résultat obtenu, de la complexité du dossier, des diligences urgentes, etc... Le taux de ce "success fee" est fixé forfaitairement à dix pour cent. L'établissement du "success fee" n'intervient, le cas échéant, qu'à la clôture du dossier, lors de l'établissement de l'état de frais et honoraires final. Il est rappelé également qu'en cas "d'absence de résultat", les montants versés sur la base des relevés de frais et honoraires périodiques (time-sheet) constituent en définitive l'honoraire et qu'il n'y a pas de complément réclamé ».

Romuald a accepté ces conditions.
Les parties divergent sur le point de savoir si, en vertu des termes de leur convention d'honoraires rappelés ci-avant, l'honoraire de résultat est dû dans le cas d'espèce où le succès de l'affaire a résulté d'une négociation amiable menée par Romuald lui-même avec son conseil luxembourgeois, en dehors de toute intervention directe de Maître B., fait qui n'est pas contesté.
Il incombe à la cour d'interpréter la convention des parties, pour déterminer si celle-ci permet à Maître B. d'obtenir le paiement d'un honoraire de résultat en sus du paiement de ses prestations par la méthode de l'honoraire horaire.
Le principe fondamental en vertu duquel un acte doit être interprété est celui de la recherche de la commune intention des parties, au-delà, le cas échéant, de la forme littérale exprimée (article 1156 du Code civil). À côté de cette règle fondamentale, et en vue de rechercher la commune intention des parties, le juge peut se laisser guider par un certain nombre de préceptes d'interprétation (voy. P. Van Ommeslaghe, Traité de droit civil belge, Les Obligations, volume 1, Bruylant, 2013, pp. 624 et s.).
En l'espèce, il n'est pas possible de déterminer si l'intention des parties était que l'honoraire de résultat soit dû en cas de résultat positif obtenu par le client sans intervention directe de Maître B., ce qui a été le cas en l'espèce, puisque Romuald a directement négocié le résultat avec la partie adverse et la seule intervention de son conseil luxembourgeois et ce, même si la négociation avec la partie adverse a pu être indirectement influencée par la qualité du travail d'analyse, de conseil et de rédaction fourni par Maître B. aux côtés de l'avocat luxembourgeois durant la période de son intervention, entre octobre 2016 et mai 2017.
Il peut être déduit de la rédaction de la convention que l'honoraire de résultat prévu suppose un « résultat obtenu », ce qui implique, implicitement mais nécessairement selon la cour, en l'absence de disposition contraire, un lien direct entre ce résultat et le travail de l'avocat, que cela soit une victoire devant les cours et tribunaux sur conclusions et plaidoiries de l'avocat, ou dars le cadre d'une négociation ou médiation menée avec intervention directe de l'avocat.
En vertu de l'article 1162 du Code civil, dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé, et en faveur de celui qui a contracté l'obligation, ce qui conduit également à la conclusion, s'il devait y avoir un doute, que la convention doit être interprétée comme ne prévoyant pas le paiement d'un honoraire de résultat dans les circonstances de l'espèce.
Le cas dans lequel le client négocie directement avec l'adversaire une solution pour mettre fin au litige revient d'ailleurs, pour le client, à mettre un terme à sa relation avec son avocat, ce qu'il est libre de faire, et qui n'implique pas de désintéressement de l'avocat pour les honoraires qu'il ne percevra pas, du fait de la fin anticipée de son mandat.
L'appel est donc fondé sur ce point.
(...)
12. L'appel étant fondé en grande partie, Maître B. doit être débouté de sa demande nouvelle invoquant le caractère téméraire et vexatoire de l'appel.

Par ces motifs,
(...)
Dit l'appel de Romuald non fondé en ce qu'il vise la décision du premier juge impliquant sa condamnation à payer à Maître B. la somme de 5.149,38 euros T.V.A.C., à majorer des intérêts moratoires au taux légal depuis le 28 mars 2018 jusqu'à complet paiement,
Dit pour le surplus l'appel recevable et fondé,
Déboute Maître B. de sa demande visant la condamnation de Romuald à lui payer un honoraire de résultat de 24.000 euros, ainsi que de sa demande nouvelle,
Compense intégralement les dépens des deux instances entre les parties, sous la seule réserve que Romuald est tenu envers Maître B. des frais de citation (341,74 euros H.T.V.A.), et que Maître B. est tenu envers Romuald des frais de la requête d'appel, non liquidés,
(...)
Siég. :  Mmes A. Bouché, C. Verbruggen et M. M. Bernard.
Greffier : Mme L. Willem.
Plaid. : MeD. Spreutels.

 


[1] Les éléments soumis à la cour ne comportent cependant aucun jugement par défaut qui aurait été prononcé suite à ces plaidoiries.


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En l'absence de disposition contraire, il peut être déduit de la convention que l'honoraire de résultat prévu suppose un résultat obtenu, ce qui revient à exiger un lien direct entre le résultat et le travail de l'avocat. Ce résultat peut consister en une victoire devant les cours et tribunaux ou en une victoire dans le cadre d'une négociation ou médiation menée de façon directe par l'avocat. Dans le doute, la convention s'interprète contre celui qui a stipulé (art. 1162 ancien C. civ.).

Mots-clés

Avocat - Relations avec les clients - Honoraires - Honoraires de résultat - Lien direct entre le résultat et le travail de l'avocat

Date(s)

  • Date de publication : 17/09/2021
  • Date de prononcé : 27/08/2020

Auteur(s)

  • Janssens, K.

Référence

Cour d'appel Bruxelles (7e chambre), 27/08/2020, J.L.M.B., 2021/28, p. 1270-1274.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit civil > Obligations conventionnelles > Interprétation des conventions
  • Droit judiciaire > Barreau > Droits et devoirs des avocats > Honoraires

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