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01/02/2021
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Cour d'appel Mons (1re chambre), 01/02/2021


Jurisprudence - Droit commercial

J.L.M.B. 21/228
I. Faillite - Effets - Obligation de tout créancier de déclarer sa créance - Étendue - Admission de créance - Caractère irrévocable.
II. Faillite - Effets - Créance hypothécaire - Admission au passif - Péremption de l'inscription hypothécaire survenant après le jugement déclaratif de faillite, mais avant la date de la vente - Obligation de renouveler l'inscription hypothécaire (non).
1. Pour participer à une répartition ou exercer un droit de préférence quelconque, les créanciers sont tenus de faire la déclaration de leurs créances, en énonçant les privilèges, hypothèques et gages y afférents [1].
L'admission d'une créance au passif de la faillite, sans réserve ni contredit manifesté dans le délai imparti, constitue, en principe, un acte juridique irrévocable. Elle englobe tout ce qui a fait l'objet de la vérification des créances, y compris les sûretés revendiquées par le créancier déclarant et acceptées par le curateur.
2. Si une créance hypothécaire a été admise au passif par le curateur, le principe de la créance, son montant et le droit d'hypothèque sont irrévocablement fixés.
Il en découle que si, dans ces circonstances, la péremption de l'inscription hypothécaire survient après la faillite et avant la date de vente du bien, le créancier hypothécaire ne doit pas procéder au renouvellement de son inscription afin de pouvoir bénéficier de son droit de préférence sur le prix de vente de l'immeuble.

(S.A. I.N.G. Belgique / Me A.-C. Sciamanna qualitate qua S.A. R., S.A. B.N.P. Paribas Fortis, T.I., T.R. et A. )


Vu le jugement dont appel rendu contradictoirement le 28 juin 2019 par la cinquième chambre civile du tribunal de première instance du Hainaut, division de Charleroi ;
(...)
I. Faits et antécédents de procédure
Le 30 juin 1983, la S.A. I.N.G. Belgique (ci-après « I.N.G. ») a consenti un crédit à la S.A. R. garanti par une hypothèque de premier rang portant sur un immeuble sis à (...), inscrite au registre de la conservation des hypothèques le 13 juillet 1983.
Le 12 septembre 2011, la faillite de R. a été prononcée par un jugement du tribunal de commerce de Charleroi et Maître A.-C. Sciamanna a été désignée en qualité de curateur.
L'inscription hypothécaire n'a pas été renouvelée après la faillite.
Le délai de 30 ans de l'inscription hypothécaire a expiré le 13 juillet 2013.
L'immeuble sur lequel portait l'hypothèque a été vendu de gré à gré par le curateur pour un prix de 110.00 euros, le 29 août 2016.
Le 2 juillet 2018, le notaire D. (...) a rédigé le procès-verbal d'ordre, conformément à l'article 1639 du Code judiciaire, dont le projet a été signifié le 17 juillet 2018. Dans ce procès-verbal, le notaire ne tient pas compte de l'inscription hypothécaire d'I.N.G.
Le 16 août 2018, I.N.G. a fait signifier au notaire une contestation au procès-verbal d'ordre, conformément à l'article 1644 du Code judiciaire.
Le 23 août 2018, le notaire a déposé une expédition du procès-verbal au greffe du tribunal de première instance (juge des saisies) du Hainaut, division de Charleroi.
Par jugement du 10 décembre 2018, le juge des saisies a renvoyé la cause au tribunal d'arrondissement du Hainaut.
Par jugement prononcé le 15 février 2019, le tribunal d'arrondissement du Hainaut a renvoyé la cause au tribunal de l'entreprise du Hainaut, division de Charleroi.
Aux termes de ses écrits de procédure, I.N.G. sollicitait du tribunal :
  • qu'il dise pour droit que le procès-verbal d'ordre du notaire D. concernant la distribution du prix de vente de l'immeuble (...) signifié le 17 juillet 2018, doit être rectifié en ce sens que l'inscription hypothécaire de premier rang à concurrence de 123.946,94 euros d'I.N.G. soit prise en compte ;
  • par conséquent, qu'il dise pour droit que le solde du prix de vente de 96.481,32 euros doit être affecté (i) au profit du curateur pour un montant de 5.000 euros, à titre d'honoraires, et (ii) en deuxième rang au profit d'I.N.G. pour un montant de 90.981,32 euros ;
  • qu'il délaisse les frais à charge de la masse.
Par jugement du 26 juin 2019, le tribunal de l'entreprise du Hainaut, division de Charleroi a déclaré le contredit non fondé.
Par requête déposée le 9 janvier 2020, I.N.G. a interjeté appel de ce jugement.
I.N.G. sollicite la réformation dudit jugement et le bénéfice de son dispositif tel que formulé devant le premier juge.
II. Recevabilité de l'appel
L'appel, interjeté dans les formes et dans le délai légal, est recevable. Sa recevabilité n'est, au demeurant, pas contestée.
III. Discussion
1. La question qui se pose est de savoir si, dans le cadre d'une faillite, un créancier hypothécaire doit procéder au renouvellement de son inscription hypothécaire afin de pouvoir bénéficier de son droit de préférence sur le prix de vente de l'immeuble, lorsque la période d'inscription de 30 ans expire après la date de la faillite mais avant la date de vente du bien.
2. L'article 81, alinéa 1er, de la loi hypothécaire dispose que :

« Entre les créanciers, l'hypothèque n'a de rang que du jour de l'inscription prise sur les registres de la publicité hypothécaire dans la forme et de la manière prescrites par la loi ».

L'article 90, alinéa 1er, de la loi hypothécaire prévoit que :

« Les inscriptions conservent l'hypothèque et le privilège pendant trente années à compter du jour de leur date ; leur effet cesse si les inscriptions n'ont pas été renouvelées avant l'expiration de ce délai ».

Par ailleurs, l'article 8 de la loi hypothécaire dispose que :

« Les biens du débiteur sont le gage commun de ses créanciers, et le prix s'en distribue entre eux par contribution, à moins qu'il n'y ait entre les créanciers des causes légitimes de préférence ».

L'article 9 de cette même loi précise que « les causes légitimes de préférence sont les privilèges et les hypothèques ».
3. Du principe de l'égalité des créanciers, qui trouve son fondement dans l'article 8 de la loi hypothécaire, découle la cristallisation du passif au jour du jugement déclaratif de faillite donnant naissance à une situation de concours entre les créanciers du failli.
L'égalité des créanciers résulte de l'opposabilité réciproque des créances participant à une procédure d'exécution forcée sur les mêmes biens, concomitante du dessaisissement du failli. Dès qu'ils prennent ensemble leur emprise sur les mêmes biens du débiteur, chacun des créanciers s'empare théoriquement de la part de la valeur des biens saisis qui lui reviendra après la réalisation. À l'instant de ce partage intellectuel, les droits concurrents se figent et s'érodent mutuellement. Le caractère instantané de ce partage intellectuel implique que les créanciers appelés à participer aux répartitions voient leurs droits figés au moment du concours. Les droits des créanciers en concours sont, dans leurs rapports réciproques, cristallisés (M. Grégoire, Procédures collectives d'insolvabilité, Bruylant, 2012, pp. 263- 264 ; M. Lemal, « La faillite », in Guide juridique de l'entreprise - Traité théorique et pratique, 2e éd., Kluwer, 2014, p. 81).
Cette cristallisation a pour conséquences principales de rendre exigibles à l'égard du failli les dettes non échues et d'arrêter le cours des intérêts à l'égard de la masse de toutes les créances non garanties par un privilège spécial, un nantissement ou une hypothèque, à compter du jugement déclaratif de faillite.
En vertu des articles 62 et 63 de la loi sur les faillites - tels qu'applicables aux faits de la cause -, tous les créanciers « pour participer à une répartition ou pour exercer personnellement un droit de préférence quelconque » sont tenus de faire la déclaration de leur créance et, le cas échéant, des privilèges, hypothèques ou gages y afférents :

« La déclaration de chaque créancier énonce (...) le montant et les causes de sa créance, les privilèges, hypothèques ou gages qui y sont affectés et le titre d'où elle résulte, faute de quoi les curateurs peuvent rejeter la créance ou la considérer comme chirographaire ».

Cette obligation s'impose à tous les créanciers, en ce compris les créanciers bénéficiant d'une hypothèque, d'un privilège spécial ou d'un nantissement (en ce sens : Cass., 17 septembre 2015, C.15.0143.N).
La créance et l'opposabilité de la sûreté la garantissant doivent être examinés au jour de la déclaration de la faillite et de la naissance de la situation de concours (Anvers, 27 novembre 2000, R.W., 2001-2002, pp. 494-495 ; E. Dirix, « Overzicht van rechtspraak-Zekerheden (1998- 2003) », T.P.R., 2004, p. 1238 ; R. Jansen et V. Sagaert, « Overzicht van rechtspraak - Zakelijke zekerheden (2004-2010) », T.P.R., 2012, p. 1253 ; F. Thierens et P. François, « Commentaar bij art. 90 Hyp. W. », in Voorrechten en hypotheken. Artikelgewijze commentaar met overzicht van rechtspraak en rechtsleer, Kluwer, 2014, pp. 34 et 47).
4. Il est de jurisprudence constante de la Cour de cassation, à laquelle la cour se rallie, que la finalité de la procédure de déclaration des créances dans le cadre d'une faillite a pour but « de permettre le règlement collectif de la masse des créances avec le maximum de célérité et de sécurité possible » et que « à la lumière de cette finalité, il apparaît que l'admission d'une créance au passif d'une faillite, sans réserve ni contredit manifesté dans le délai imparti, (...), constitue en principe, suivant la volonté du législateur, un acte juridique irrévocable faisant obstacle à ce que la créance admise puisse encore être contestée ; que cette finalité, toutefois, ne saurait justifier l'irrévocabilité de l'admission, soit lorsque celle-ci résulte du dol ou de la fraude du produisant ou a été faite sur la base d'actes viciés par le dol ou la fraude, soit lorsque des règles d'ordre public ont été méconnues, soit encore lorsque la force majeure a empêché la manifestation de la vérité » (Cass., 13 juin 1985, R.G.B., 1987, pp. 542 et s. et note de J.-M. Nelissen Grade, « Observations relatives à l'irrévocabilité de l'admission de créance à la faillite », pp. 546 et s.).
L'admission d'une créance au passif de la faillite, sans réserve ni contredit manifesté dans le délai imparti, constitue, en principe, un acte juridique irrévocable.
Le principe de l'irrévocabilité de l'admission d'une créance dans le procès-verbal de vérification des créances implique que la créance ne puisse « plus être contestée ni quant à son montant ni quant aux sûretés y attachées ni quant à l'opposabilité des opérations qu'elle recouvre » (I. Verougstraete, Manuel de la faillite et du concordat, Kluwer, 2003, n° 720, p. 436).
Le caractère irrévocable de l'admission d'une créance au passif d'une faillite porte non seulement sur le principe de la créance et son montant mais également sur les sûretés revendiquées par le déclarant et acceptées par le curateur. L'admission englobe, en effet, tout ce qui est l'objet de la vérification, en ce compris, le cas échéant, la sûreté dont la créance est assortie (J. Van Ryn et J. Heenen, Principes de droit commercial, t. IV, 1965, n° 2827, pp. 356-357 ; J.-M. Nelissen Grade, « Observations relatives à l'irrévocabilité de l'admission de créance à la faillite », op. cit., p. 569 ; P. Coppens et Fr. T'Kint, « Examen de jurisprudence (1997 à 2003) - Les faillites, les concordats et les privilèges », R.C.J.B., 2003, p. 637 ; M. Grégoire, « Procédures collectives d'insolvabilité », op. cit., p. 262).
5. Par conséquent, si une créance hypothécaire a été admise au passif d'une faillite par le curateur, le principe de la créance, son montant et le droit d'hypothèque sont irrévocablement fixés. Il en découle que si, dans ces circonstances, la péremption de l'inscription hypothécaire survient après la faillite et avant la date de vente du bien, le créancier hypothécaire ne doit pas procéder au renouvellement de son inscription hypothécaire afin de pouvoir bénéficier de son droit de préférence sur le prix de vente de l'immeuble (dans le même sens : Anvers, 27 novembre 2000, op. cit. ; E. Dirx, « Overzicht van rechtspraak - Zekerheden (1998-2003) », op. cit., p. 1238 ; F. Thierens et P. François, « Commentaar bij art. 90 Hyp. W. », op. cit., pp. 34 et 48).
6. En l'espèce, I.N.G. ne démontre ni sa déclaration de créance ni l'admission par le curateur de sa créance hypothécaire au passif de la faillite de R.
Avant de statuer plus amplement, la cour invite I.N.G. à verser aux débats la preuve de sa déclaration de créance et de l'admission par le curateur de sa créance hypothécaire au passif de la faillite de R. et invite les parties à s'expliquer, le cas échéant, sur les implications d'un défaut de déclaration de créance dans son chef, notamment au regard de l'arrêt de la Cour de cassation du 12 mars 2020 (C.19.0437.N) vanté par I.N.G.
À cette fin et dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice et du strict respect des droits de la défense, il y a lieu de réserver à statuer et d'ordonner d'office la réouverture des débats.
(...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. J. Matagne, Mmes C. Knoops et N. Mosselmans.
Greffier : Mme V. Smoos.
Plaid. : MeM. Grégoire.

 


[1] L'arrêt fait application des articles 62 et 63 de la loi du 8 août 1997 sur les faillites. La matière est aujourd'hui régie de façon quasiment identique par les articles XX.155, paragraphe 1er, et XX.156 du Code de droit économique (I. Verougstraete et divers, Manuel de l'insolvabilité de l'entreprise, Kluwer, 2019, n° 1201).


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1. Pour participer à une répartition ou exercer un droit de préférence quelconque, les créanciers sont tenus de faire la déclaration de leurs créances, en énonçant les privilèges, hypothèques et gages y afférents.

L'admission d'une créance au passif de la faillite, sans réserve ni contredit manifesté dans le délai imparti, constitue, en principe, un acte juridique irrévocable. Elle englobe tout ce qui a fait l'objet de la vérification des créances, y compris les sûretés revendiquées par le créancier déclarant et acceptées par le curateur.

2. Si une créance hypothécaire a été admise au passif par le curateur, le principe de la créance, son montant et le droit d'hypothèque sont irrévocablement fixés.

Il en découle que si, dans ces circonstances, la péremption de l'inscription hypothécaire survient après la faillite et avant la date de vente du bien, le créancier hypothécaire ne doit pas procéder au renouvellement de son inscription afin de pouvoir bénéficier de son droit de préférence sur le prix de vente de l'immeuble.

Mots-clés

Faillite - Effets - Obligation de tout créancier de déclarer sa créance - Étendue - Admission de créance - Caractère irrévocable - Faillite - Effets - Créance hypothécaire - Admission au passif - Péremption de l'inscription hypothécaire survenant après le jugement déclaratif de faillite, mais avant la date de la vente - Obligation de renouveler l'inscription hypothécaire (non)

Date(s)

  • Date de publication : 18/06/2021
  • Date de prononcé : 01/02/2021

Auteur(s)

  • de Liedekerke, F.

Référence

Cour d'appel Mons (1re chambre), 01/02/2021, J.L.M.B., 2021/24, p. 1066-1070.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit civil > Privilèges et hypothèques > Concours entre créanciers
  • Droit civil > Privilèges et hypothèques > Hypothèque > Inscription
  • Droit économique, commercial et financier > Insolvabilité > Faillite > Déclaration et vérification des créances

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