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15/12/2020
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Justice de paix Liège (4e canton), 15/12/2020


Jurisprudence - Baux

J.L.M.B. 21/174
Baux - Bail commercial - Arriérés de loyer - Coronavirus - Force majeure - Cause étrangère libératoire (partielle) - Impossibilité de jouir du bien loué .
Les arrêtés ministériels de confinement pris pendant la pandémie de coronavirus constituent un cas de force majeure, entraînant l'impossibilité dans le chef du bailleur de fournir la jouissance des lieux loués et, corrélativement, dispense du paiement du loyer. Dans la mesure toutefois où une activité de boulangerie restait autorisée dans le commerce fermé, le locataire demeure redevable d'une partie du loyer (30 pour cent).

(Pierre / S.P.R.L. T. )


(...)
II. Discussion
1. Quant aux arriérés de loyers
La locataire reste redevable des sommes suivantes :
  • loyer de mars 2020 : 854,64 euros (soit le loyer dû pour la période du 17 mars 2020 au 31 mars 2020) ;
  • loyer d'avril 2020 : 1.892,15 euros ;
  • loyer de mai 2020 : 610,52 euros (soit le loyer dû pour la période du 1er mai 2020 au 10 mai 2020) ;
  • loyer de novembre 2020 :1.892,15 euros.
Total : 5.249,46 euros
La défenderesse conteste la demande et invoque les circonstances exceptionnelles résultant de l'épidémie de coronavirus ; elle expose avoir fermé son commerce du 17 mars 2020 au 10 mai 2020 (premier confinement) puis à nouveau, à partir du 2 novembre 2020 (deuxième confinement).
Les mesures suivantes ont été prises par l'arrêté ministériel du 18 mars 2020 partant des mesures d'urgence pour limiter la propagation du coronavirus Covid-19 et les arrêtés ministériels subséquents :
  • article 1er, paragraphe 1er : fermeture des commerces et magasins à l'exception des magasins d'alimentation ;
  • article 1er, paragraphe 5 : fermeture des établissements horeca ;
  • article 2 : télétravail obligatoire dans les entreprises non essentielles ;
  • article 6 : enseignement à distance dans les universités ;
  • article 8 : les personnes sont tenues de rester chez elles.
Ces mesures ont été d'application du 19 mars 2020 au 10 mai 2020.
Par arrêté ministériel du 28 octobre 2020, des mesures de fermeture des établissements horeca ont à nouveau été prises à partir du 29 octobre 2020.
Attendu qu'il y a lieu de considérer que les arrêtés ministériels précités entraînent :
  • pour le bailleur, l'impossibilité de fournir la jouissance des lieux loués en raison d'un cas de force majeure, plus précisément le fait du Prince, ce qui a entraîné une perte juridique temporaire des lieux loués ;
  • pour le preneur, la libération temporaire de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, dont le paiement du loyer et des charges (M. Higny, Le paiement du loyer et des charges au bailleur dans le bail d'un bien immeuble face ou coronavirus, J.T., 2020, p. 265).
Attendu que la demanderesse conteste que la défenderesse puisse invoquer une cause étrangère libératoire entraînant la libération de ses obligations, et invoque divers arguments :

1° Quant à la cause étrangère libératoire

La demanderesse conteste l'existence d'une cause étrangère libératoire dans le chef de la défenderesse, et plus spécialement le fait du Prince ; elle soutient que la demanderesse aurait pu continuer à ouvrir son commerce durant les périodes de confinement, son activité (boulangerie) étant un commerce essentiel dont l'ouverture restait autorisée.
La défenderesse expose que l'essentiel de son chiffre d'affaires est constitué d'un salon de dégustation et de restauration rapide, qui, relevant du secteur horeca, a dû être fermé ; le commerce de détail (boulangerie) est accessoire et en outre, la clientèle habituelle constituée d'une clientèle de passage (les lieux loués sont situés sur la (...), des étudiants de l'université et des travailleurs du parc scientifique du (...), a fait l'objet d'un confinement à domicile, de sorte que la clientèle se présentant sur les lieux aurait en tout état de cause été fort peu importante.
Attendu qu'il y a lieu de relever que l'activité de la défenderesse ressort à la fois de l'horeca (salon de dégustation et de restauration rapide) et du secteur de la boulangerie.
Attendu que les arrêtés ministériels précités ont eu pour effet d'empêcher en grande partie la défenderesse d'exercer ses activités habituelles (horeca), mais lui permettaient toutefois de continuer d'exercer son commerce de boulangerie ;
Que, s'il est vrai que la clientèle de passage habituelle a été réduite par les effets du confinement, la défenderesse pouvait toutefois compter sur la clientèle du quartier, elle aussi confinée.
Attendu qu'au vu de ces éléments, le tribunal estimera que les arrêtés ministériels précités ont entraîné une impossibilité pour la demanderesse de fournir la jouissance des lieux loués pour une partie des activités habituelles (horeca) de la locataire, de sorte que celle-ci est elle-même libérée de ses obligations de payer le loyer réclamé dans une proportion que la tribunal évaluera à 70 pour cent, l'activité de boulangerie restant toutefois possible.
Attendu qu'au vu de ces circonstances, seule une part du loyer correspondant à 30 pour cent de celui-ci pourrait être exigée de la défenderesse.

2° Quant à l'absence de faute du débiteur

La demanderesse estime que la défenderesse était déjà en état d'inexécution contractuelle avant la période litigieuse, les loyers de janvier et février 2020 ayant été payés avec retard, et le loyer de mars n'ayant été payé qu'en juin 2020.
Attendu que la demanderesse ne sera pas suivie à cet égard : les parties sont en relations contractuelles depuis ... 18 ans ; les retards invoqués sont minimes (paiements au cours du mois et non le premier du mois) et en ce qui concerne le mois de mars, il s'agit du mois au cours duquel le confinement a débuté.

3° Quant à l'impossibilité d'exécution

La demanderesse estime que la défenderesse n'était pas dans l'impossibilité d'exploiter son commerce horeca, dans la mesure où elle aurait pu selon elle préparer des repas à emporter ou les livrer ...
Attendu qu'il ne peut être exigé de la défenderesse d'opérer une reconversion de son activité (livraison à domicile, repas à emporter plutôt qu'à consommer sur place...) pour faire face à ses obligations financières vis-à-vis de la demanderesse ; de telles activités ne s'improvisent pas, demandent des investissements et un savoir-faire ...
Attendu qu'au vu des considérations exposées ci-avant, le tribunal estimera que les arrêtés ministériels pris dans le cadre de la lutte contre la pandémie de coronavirus ont constitué un cas de force majeure (fait du Prince) dans le chef du bailleur, entraînant l'impossibilité de fournir la jouissance totale des lieux loués, et dès lors, une perte juridique temporaire partielle des lieux loués ;
Que la locataire peut dès lors se prévaloir de la libération temporaire partielle de l'exécution de ses propres obligations contractuelles, dont le paiement du loyer et des charges à concurrence de 70 pour cent durant la période litigieuse.
Attendu que la locataire reste dès lors redevable de la somme de 5.249,46 euros X 30 pour cent = 1.574,83 euros.
2. Demande de résolution
Attendu que le tribunal relève que la demande de résolution est fondée exclusivement sur des arriérés de loyers intervenus durant la période de confinement dans le contexte de la crise sanitaire due au coronavirus.
Que par ailleurs, les relations contractuelles des parties ont débuté il y a 18 ans et n'avaient pas connu de difficultés particulières jusqu'à ce jour.
Attendu que la demande de résolution du contrat de bail ne se justifie dès lors pas.
(...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mme M. Frankinet.
Greffier : Mme C. Thirion.
Plaid. : MesC. Delforge et Ph. Culot.

 



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Les arrêtés ministériels de confinement pris pendant la pandémie de coronavirus constituent un cas de force majeure, entraînant l'impossibilité dans le chef du bailleur de fournir la jouissance des lieux loués et, corrélativement, dispense du paiement du loyer. Dans la mesure toutefois où une activité de boulangerie restait autorisée dans le commerce fermé, le locataire demeure redevable d'une partie du loyer (30 pour cent).

Mots-clés

Baux - Bail commercial - Arriérés de loyer - Coronavirus - Force majeure - Cause étrangère libératoire (partielle) - Impossibilité de jouir du bien loué

Date(s)

  • Date de publication : 07/05/2021
  • Date de prononcé : 15/12/2020

Référence

Justice de paix Liège (4e canton), 15/12/2020, J.L.M.B., 2021/18, p. 832-834.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit civil > Contrats spéciaux > Location/louage > Bail commercial
  • Droit civil > Contrats spéciaux > Location/louage > Baux biens immeubles
  • Droit civil > Obligations conventionnelles > Exécution/inexécution de l'obligation > Exonération
  • Droit civil > Obligations conventionnelles > Exécution/inexécution de l'obligation > Force majeure

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