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26/10/2020
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Commission administrative du règlement de la relation de travail, 26/10/2020


Jurisprudence - Contrat de travail

J.L.M.B. 21/124
Contrat de travail - Généralités - Nature de la relation de travail - Plateforme électronique - Chauffeur Uber - Commission de ruling social - Relation salariée .
Observations .
Compte tenu des éléments produits par un chauffeur exerçant ses activités de chauffeur V.T.C. pour la plateforme Uber, la relation de travail est présumée, jusqu'à preuve contraire, être exécutée dans les liens d'un contrat de travail. Les éléments produits ne permettent pas de renverser cette présomption au regard des critères généraux de la loi programme du 27 décembre 2006, car les modalités d'exécution de la relation de travail sont incompatibles avec la qualification de relation de travail indépendant.

(Koen )


Demande de qualification de la relation de travail
Vu l'article 329 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 ;
Vu l'article 338, paragraphe 1er, de la loi-programme (I) disposant que :

« Les chambres de la Commission visée à l'article 329 ont comme tâche de rendre des décisions relatives à la qualification d'une relation de travail déterminée (...) » ;

Vu l'arrêté royal du 12 juin 2019 relatif à la composition de la Commission administrative de règlement de la relation de travail ;
Vu la présence de la majorité des membres de la chambre de la Commission administrative de règlement de la relation de travail ;
Vu la demande introduite le 7 juillet 2020 ;
Vu les pièces déposées lors de l'introduction de la requête, à savoir le formulaire de demande et ses annexes numérotées 1 à 10, à savoir :
  • la procuration donnée par Koen à son représentant, Monsieur W. ;
  • le « contrat cadre de location de voiture avec chauffeur (L.V.C.) » ;
  • un argumentaire écrit concernant les critères de présomptions prévus à l'article 337/5, paragraphe 1er, de la loi ;
  • un argumentaire écrit concernant les critères généraux ;
  • « Gérez votre temps de conduite. Restez en sécurité au volant » (document publié par Uber) ;
  • un exemple d'accord spécifique relatif à un déplacement du 20 janvier 2020 ;
  • une description de l'assurance « Protection partenaires » souscrite par Uber ;
  • une présentation et les conditions générales d'Uber Pro ;
  • « Comment conserver votre accès à l'application Uber » et « Charte de la communauté Uber » (documents publiés par Uber) ;
  • l'arrêt de la Cour de cassation française du 4 mars 2020.
Vu les pièces complémentaires transmises par mail en date du 11 septembre 2020, avec le nouveau contrat cadre conclu entre Koen et la B.P.R.A. le 25 juillet 2020 ;
Attendu que Koen a comparu le 17 septembre 2020, assisté de Monsieur W. ;
Vu les pièces complémentaires transmises par mail en date du 21 septembre 2020 suite aux questions de la Commission du 18 septembre 2020, soit :
  • l'autorisation « exploitant limousine » délivrée à Koen par Bruxelles Mobilité ;
  • la réponse écrite du 21 septembre 2020 aux questions de la Commission ;
Vu la réponse écrite du 2 octobre 2020 aux questions de la Commission des 24 et 25 septembre 2020, ainsi que ses annexes, à savoir :
  • un exemplaire du « contrat de prestation de services » que la société de droit néerlandais Uber B.V. [1] conclut avec des sociétés indépendantes spécialisées dans la prestation de services de transport (le « Client »),
  • I'« Annexe de chauffeur au contrat de prestation de services »,
  • les « conditions supplémentaires au contrat de prestation de services » (mises à jour au 12 juillet 2020).
La Commission administrative de règlement de la relation du travail, composée de :
  • Monsieur Jérôme Martens, conseiller à la cour du travail de Liège, président ;
  • Madame Géraldine Elfathi, représentante du S.P.F. Sécurité sociale, direction générale indépendants, membre suppléante ;
  • Madame Anne Zimmermann, représentante du S.P.F. Emploi, membre effective ;
  • Madame Marie-Hélène Vrielinck, représentante de l'O.N.S.S., membre effective ;
  • Madame Doris Mulombe, représentante de l'INASTI, membre effective ;
Après avoir examiné la demande de règlement de la relation de travail qui lui a été soumise, la Commission décide à la majorité ;
Que la décision est donnée sur la base uniquement de la situation décrite dans le formulaire de demande dont question ci-dessus et des pièces y annexées.
I. Antécédents
Dans le formulaire de demande adressé à la Commission le 7 juillet 2020, Koen explique qu'il est « chauffeur V.T.C. pour la plateforme Uber. Son cocontractant est l'A.S.B.L. Belgian Platform Rider Association (...). "Uber" est le nom de l'application utilisée pour réceptionner les demandes de courses, les attribuer aux chauffeurs, communiquer avec eux, ... Plus généralement, "Uber" est également la dénomination utilisée vis-à-vis des tiers pour désigner l'activité effectuée par l'A.S.B.L. Belgian Platform Rider Association, comme en témoigne notamment le site internet www.uber.com, lequel reprend des informations à destination tant des clients que des chauffeurs ».
À la rubrique « précisez les motifs de votre demande », il explique qu'il « voulait être chauffeur indépendant, ce qu'il était par le passé (artisan-taxi en France) », mais que « dans le cadre de sa relation de travail avec la plateforme Uber, il n'a toutefois pas le sentiment d'exercer son travail en tant qu'indépendant, du fait des conditions de travail qui lui sont imposées. Il lui semble donc que cette relation de travail est en réalité une relation de travail salarié ».
Koen demande à la Commission de se prononcer sur la nature de cette relation de travail.
Koen exerce son activité avec sa propre voiture et possède une « autorisation exploitant limousine » délivrée par la Région bruxelloise (Bruxelles-Mobilité). Il est inscrit à la B.C.E. en tant que personne physique.
La relation de travail au sujet de laquelle il saisit la Commission a débuté lors de la conclusion d'un « contrat cadre de location de voiture avec chauffeur (L.V.C.) » conclu le (...) novembre 2019 entre lui (dénommé « le partenaire ») et l'A.S.B.L. Belgian Platform Rider Association [2] (dénommée « la cliente »), (...). Ce contrat a été suivi d'un deuxième contrat cadre identique signé le (...) juillet 2020.
Ce contrat cadre a pour objet « de déterminer les conditions et modalités pratiques auxquelles le partenaire s'engage à fournir les services de transport à la cliente et aux utilisateurs ». Il prévoit la mise à disposition à la cliente, par le partenaire, du véhicule décrit dans le contrat.
Le point 2 du contrat cadre fixe sa durée, qui s'étend du (...) décembre 2019 au (...) août 2020 (premier contrat cadre) puis du (...) août 2020 au (...) août 2021 (deuxième contrat cadre), et précise en outre :

« Pendant la durée du présent contrat cadre, les parties accumuleront des services de transport pour une durée minimale de trois (3) heures agrégées sur l'ensemble de la durée du présent contrat cadre. Il s'agit de la seule circonstance dans laquelle une location de voiture avec chauffeur est légalement autorisée. La durée minimale de trois (3) heures peut être fractionnée dans le temps. Les services de transport ne doivent pas avoir une durée de trois (3) heures consécutives. Afin de prévenir tout malentendu, par services de transport on entend le temps effectivement passé par un utilisateur avec lequel le partenaire a été mis en contact à bord du véhicule mis à disposition par le partenaire ».

Suivant le préambule du contrat cadre, la plateforme B.P.R.A. (« la cliente ») a pour objet « la représentation des intérêts de ses membres adhérents (les « utilisateurs »), soucieux de mobilité et souhaitant adopter des modes alternatifs de transport urbain, notamment grâce à des logiciels de type application installée dans des téléphones intelligents munis de systèmes G.P.S. (tels que par exemple l'application Uber) leur permettant d'être mis en contact avec des fournisseurs de services de transport (...) ».
Le « partenaire » (Koen) y est présenté comme une entreprise exploitant une activité L.V.C. au sens des articles 16 et suivants de l'ordonnance du 27 avril 1995 et souhaitant fournir des services de transport aux « utilisateurs », ceux-ci étant présentés comme des « membres adhérents » de « la cliente » (la plateforme B.P.R.A.).
La réglementation régionale [3] à laquelle il est fait référence prévoit notamment, pour les services de location de voitures avec chauffeur :
  • que le véhicule peut seulement être mis au service d'une personne physique ou morale déterminée en vertu d'un contrat écrit,
  • que la durée du service doit être de trois heures au moins et respecter un tarif minimum fixé à 90 euros H.T.V.A.,
  • que le véhicule ne peut se trouver sur la voie publique s'il n'a fait l'objet d'une location préalable au siège de l'entreprise,
  • que le contrat de location doit comporter la mention expresse de la durée de la prestation qui doit être d'au moins trois heures, avec la précision qu'il s'agit de la seule circonstance dans laquelle une location de voiture avec chauffeur est légalement autorisée [4].
L'exploitant d'un service de location de voitures avec chauffeur doit posséder un numéro d'entreprise [5]. Il doit justifier de son affiliation auprès d'une caisse d'assurances sociales pour travailleurs indépendants et être en ordre de paiement de cotisations [6].
Il semble que chaque passager-utilisateur visé au contrat cadre doit accepter de devenir membre adhérent de la B.P.R.A. lorsqu'il commande pour la première fois une course via l'application Uber [7].
Le préambule du contrat cadre précise également que « le partenaire a conclu, avec Uber B.V. un contrat de prestation de services, en vertu duquel et moyennant le respect de certaines conditions, lui et ses chauffeurs ont accès à l'application Uber leur permettant d'entrer en contact avec des utilisateurs ». Koen a produit ce « contrat de prestation de services » (mis à jour le (...) septembre 2015) ainsi que deux autres documents intitulés « Annexe de chauffeur au contrat de prestation de service » (mis à jour le 22 septembre 2015) et « conditions supplémentaires au contrat de prestation de services » (mis à jour au 12 juillet 2020). Dans ces documents, où le nom de Koen n'apparaît nulle part, les parties sont présentées comme étant, d'une part, « une société indépendante spécialisée dans la prestation de services de transport », désignée comme étant « le client », et d'autre part Uber B.V., société de droit néerlandais se présentant comme un prestataire de services technologiques qui ne fournit pas de services de transport.
Concernant ces documents, Koen précise :
  • qu'ils s'apparentent plutôt à des conditions générales et sont des documents génériques et impersonnels dans lesquels son nom n'apparaît pas (les deux premiers datent de 2015, soit avant le début de son activité) ;
  • qu'il n'a pas signé ces documents comme il l'a fait pour le contrat cadre avec la B.P.R.A. mais a dû les approuver par simple pression d'un bouton « J'accepte » pour pouvoir utiliser l'application Uber ; il renvoie au préambule des « conditions supplémentaires » où il est stipulé : « en cliquant sur "Oui, j'accepte" ou en continuant à utiliser l'application chauffeur après la date d'entrée en vigueur, vous acceptez de vous conformer aux présentes conditions supplémentaires »,
  • qu'il n'a pas reçu de version papier ni même électronique de ces documents qu'il a dû approuver pour pouvoir utiliser l'application, et qu'il y a eu accès en cherchant dans son compte Uber et en les demandant à Uber.
Outre le contrat cadre liant Koen à la B.P.R.A. et le contrat de prestation de services conclu avec Uber, il est également prévu (dans le contrat cadre) que chaque service de transport commandé par un utilisateur et accepté par le partenaire donnera lieu à un « contrat spécifique » généré automatiquement et reprenant la date, l'heure, le point de départ de chaque course ainsi qu'une estimation de son coût.
Koen produit un exemple de contrat spécifique généré à l'occasion d'une course effectuée le (...) janvier 2020 sur le territoire de la ville de Bruxelles et ayant duré 10 minutes. Ce document reprend la mention selon laquelle « le déplacement pour lequel cet accord est conclu fait partie d'un ensemble de déplacements qui ont une durée totale d'au moins trois heures et 90 euros (indexés le cas échéant). C'est la seule circonstance pour laquelle la location de voiture avec chauffeur est légalement permise. La durée de trois heures peut ne pas être consécutive. Elle peut également être fractionnée dans le temps. Les services de transport ne doivent pas nécessairement être conclus pour une durée de trois (3) heures consécutives ».
Concernant l'articulation de ces différents contrats, le contrat cadre prévoit :
  • que chaque contrat spécifique constituera un avenant au présent contrat cadre,
  • que le contrat cadre prendra automatiquement fin si le contrat de prestation de services conclu entre le partenaire et Uber B.V. prend fin.
II. Examen de la demande

Selon l'article 331 de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006, « Sans pouvoir contrevenir à l'ordre public, aux bonnes moeurs et aux lois impératives, les parties choisissent librement la nature de leur relation de travail, dont l'exécution effective doit être en concordance avec la nature de la relation. La priorité est à donner à la qualification qui se révèle de l'exercice effectif si celle-ci exclut la qualification juridique choisie par les parties ».

L'article 332 de cette loi-programme énonce :

« Soit lorsque l'exécution de la relation de travail laisse apparaître la réunion de suffisamment d'éléments incompatibles avec la qualification donnée par les parties à la relation de travail, appréciés conformément aux dispositions de la présente loi et de ses arrêtés d'exécution, soit lorsque la qualification donnée par les parties à la relation de travail ne correspond pas à la nature de la relation de travail présumée, conformément au chapitre V/1 et que cette présomption n'est pas renversée, il y aura une requalification de la relation de travail et application du régime de sécurité sociale correspondant (...) ».

Paragraphe 1er. Application de la présomption (article 337/2, paragraphe 1er, de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006)
Il résulte de l'article 337/1, paragraphe 1er, 3°, de la loi-programme qu'un mécanisme de présomption est applicable aux relations de travail qui se situent dans le cadre du transport de personnes pour le compte de tiers. Tel est bien le cas de la relation de travail ici en cause dans la mesure où Koen s'engage à fournir des services de transport à l'égard de parties contractantes (B.P.R.A. et Uber B.V.) dont l'intervention ne se limite pas à mettre en relation un chauffeur et des utilisateurs mais détermine les conditions de la relation contractuelle entre le chauffeur et les bénéficiaires des services [8].
Les neuf critères utilisés pour l'application de la présomption sont énumérés à l'article 337/2, paragraphe 1er, de la loi-programme précitée.
Selon l'article 337/2, paragraphe 3, des critères spécifiques peuvent toutefois être prévus pour un ou plusieurs secteurs d'activité. Ces critères remplacent ou complètent les critères visés au paragraphe 1er. Un arrêté royal du 29 octobre 2013 [9] pris en exécution de cet article 337/2, paragraphe 3, de la loi-programme a prévu des critères spécifiques applicables aux relations de travail qui se situent dans le cadre de l'exécution d'activités de location de voitures avec chauffeur.

Aux termes de l'article 1er de cet arrêté, « il faut entendra par "entreprise", l'entreprise titulaire d'une licence d'exploitation d'un service de taxis, d'un service de taxis collectifs ou d'un service de location avec chauffeur délivrée par l'autorité compétente sous couvert de laquelle le transport est effectué ».

Ni l'A.S.B.L. B.P.R.A. ni Uber n'étant titulaires de la licence d'exploitation visée à cet article, cet arrêté royal ne trouve pas à s'appliquer. Ce sont donc les critères de présomption énumérés à l'article 337/2, paragraphe 1er, de la loi-programme précitée qui s'appliquent.
Cet article dispose :

Article 337/2, paragraphe 1er. Les relations de travail visées à l'article 337/1, sont présumées jusqu'à preuve du contraire, être exécutées dans les liens d'un contrat de travail, lorsque de l'analyse de la relation de travail il apparaît que plus de la moitié des critères suivants sont remplis :

a. défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, d'un quelconque risque financier ou économique, comme c'est notamment le cas :

- à défaut d'investissement personnel et substantiel dans l'entreprise avec du capital propre, ou,

- à défaut de participation personnelle et substantielle dans les gains et les pertes de l'entreprise ;

b. défaut dans le chef de l'exécutant des travaux, de responsabilité et de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de l'entreprise dans le chef de l'exécutant des travaux ;

c. défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de tout pouvoir de décision concernant la politique d'achat de l'entreprise ;

d. défaut, dans le chef de l'exécutant des travaux, de pouvoir de décision concernant la politique des prix de l'entreprise, sauf si les prix sont légalement fixés ;

e. défaut d'une obligation de résultats concernant le travail convenu ;

f. la garantie du paiement d'une indemnité fixe quel que soient les résultats de l'entreprise ou le volume des prestations fournies dans le chef de l'exécutant des travaux ;

g. ne pas être soi-même l'employeur de personnel recruté personnellement et librement ou ne pas avoir la possibilité d'engager du personnel ou de se faire remplacer pour l'exécution du travail convenu ;

h. ne pas apparaître comme une entreprise vis-à-vis d'autres personnes ou de son cocontractant ou travailler principalement ou habituellement pour un seul cocontractant ;

i. travailler dans des locaux dont on n'est pas le propriétaire ou le locataire ou avec du matériel mis à sa disposition, financé ou garanti par le cocontractant.

Paragraphe 2. Lorsqu'il apparaît que plus de la moitié des critères, visés au paragraphe 1er ne sont pas remplis, la relation de travail est présumée de manière réfragable être un contrat d'indépendant.

Cette présomption peut être renversée par toutes voies de droit et notamment sur la base des critères généraux fixés dans la présente loi ».

Concernant les critères a. à d., la Commission constate :
  • que Koen ne prend aucun risque financier ou économique au sein de la B.P.R.A./d'Uber ;
  • qu'il ne dispose pas de responsabilité ni de pouvoir de décision concernant les moyens financiers de la B.P.R.A./d'Uber ;
  • qu'il n'a pas de pouvoir de décision concernant la politique d'achat de la B.P.R.A./d'Uber ;
  • qu'il n'a pas de pouvoir de décision concernant la politique des prix : les courses sont tarifées unilatéralement et exclusivement par Uber et Koen ne dispose pas du moindre pouvoir de négociation.
Concernant le critère e., Koen considère qu'il n'est pas tenu par des obligations de résultat à l'égard d'Uber (nombre de courses à accomplir, durée des courses, ...) mais uniquement par une obligation de moyen. Le fait de devoir assurer un service déterminé au client ne suffit pas, selon lui, à générer une obligation de résultat.
Compte tenu des horaires variables et surtout de la quantité variable de courses qui peuvent être proposées à Koen lorsqu'il est connecté à l'application, l'on ne peut considérer qu'il serait tenu d'assurer un nombre déterminé de courses par semaine. Ce qui lui est imposé, c'est d'être disponible pour effectuer des courses lorsqu'elles se présentent et d'effectuer ces courses le plus rapidement possible. Il s'agit là d'une obligation de moyen.
Concernant le critère f., Koen expose qu'il n'a aucune garantie de paiement, ni même d'un volume de travail. Il est payé en fonction du nombre de courses.
Concernant le critère g., Koen n'est pas l'employeur de personnel recruté personnellement. Si le contrat cadre prévoit la possibilité pour « le partenaire » de faire travailler des chauffeurs sous contrat de travail (ou comme associés actifs) qui auraient accès à l'application Uber, Koen qui exerce son activité en personne physique, n'a pas la possibilité de se faire remplacer pour l'exécution du travail convenu : chaque chauffeur effectue les courses en se connectant à son compte individuel sur l'application Uber et la « Charte Uber » précise que le partage de comptes n'est pas permis. Le non-respect de cette interdiction peut entraîner l'exclusion définitive de la plateforme. Les modalités d'utilisation de l'application Uber excluent toute possibilité de se faire remplacer.
Concernant le critère h., Koen explique qu'il possède un numéro d'entreprise parce que c'est une condition exigée pour pouvoir travailler avec Uber. Il peut donc théoriquement, en raison de son affiliation à la B.C.E., apparaître comme une entreprise vis-à-vis de ses fournisseurs (son concessionnaire auto) et des administrations.
Pour le reste, en tant que chauffeur, il n'apparaît pas comme une entreprise vis-à-vis des utilisateurs (les clients d'Uber) :
  • le client réserve sa course via l'application Uber sans aucun contact direct avec le chauffeur,
  • le client ne choisit jamais son chauffeur (celui-ci étant désigné par l'algorithme),
  • il ne peut jamais convenir avec le chauffeur d'une modification de l'itinéraire emprunté mais doit nécessairement passer par l'application,
  • il paie sa course via l'application et jamais au chauffeur, lequel ne peut jamais accepter un paiement du client,
  • l'évaluation de la course et toute plainte éventuelle du client est à introduire via la plateforme Uber,
  • le chauffeur ne peut pas être contacté directement par le client : même si un passager oublie un effet personnel dans le véhicule, il doit contacter Uber qui invitera le chauffeur à le contacter,
  • le chauffeur ne peut donner ses coordonnées aux clients et ne peut donc développer une clientèle propre.
Il apparaît ainsi que, pendant toute la durée de la prestation, celle-ci est réglée par l'intermédiaire d'Uber, non par Koen qui n'apparaît que comme un « chauffeur Uber » aux yeux des clients.
Koen déclare travailler uniquement pour Uber. Son autorisation d'« exploitant limousine » lui permet uniquement d'effectuer des services de location de voiture avec chauffeur dans les limites posées par la réglementation évoquée plus haut (location de trois heures au moins, facturée au minimum à 90 euros, exigence d'un contrat de location préalable pour accéder à la voie publique). Cette autorisation ne lui permet pas d'effectuer un service similaire à celui des services de taxis comme il le fait dans le cadre de sa relation avec Uber et la B.P.R.A.
Concernant le dernier critère i., Koen utilise sa propre voiture et l'application fournie par Uber. Il ne travaille pas « dans des locaux » de son cocontractant. Comme l'explique son représentant à l'audience, Koen évolue toutefois dans un environnement de travail digital régi par l'application Uber, qui est le canal par lequel il reçoit ses instructions.
À l'estime de la Commission et sur la base des documents et des renseignements fournis, sept critères peuvent être considérés comme remplis : il s'agit des critères a., b., c., d., e., g. et h.
Un critère pourrait donner lieu à discussion et justifierait une analyse plus approfondie : le critère f.
Enfin, le critère i. ne paraît pas entièrement rempli si on l'interprète littéralement.
L'analyse qui précède permet d'apercevoir que plus de la moitié des neuf critères peuvent être considérés comme remplis.
La relation de travail est donc présumée, jusqu'à preuve du contraire, être exécutée dans les liens d'un contrat de travail.
Paragraphe 2. Application des critères généraux
La présomption de contrat de travail peut être renversée par tous moyens de droit et notamment sur la base des critères généraux prévus à l'article 333, paragraphe 1er, de la loi-programme précitée. Ces critères sont :
  • la volonté des parties telle qu'exprimée dans leur convention, pour autant que cette dernière soit exécutée conformément aux dispositions de l'article 331 ;
  • la liberté d'organisation du temps de travail ;
  • la liberté d'organisation du travail ;
  • la possibilité d'exercer un contrôle hiérarchique.

1. La volonté des parties

Koen a expliqué qu'il voulait être chauffeur indépendant. Le « contrat cadre de location de voiture avec chauffeur (L.V.C.) » qu'il a conclu avec la B.P.R.A. désigne les parties sous les vocables partenaire et cliente. Bien que ce document ne reprenne expressément aucune qualification particulière, il s'apparente à une convention de collaboration indépendante, et la volonté des parties paraît bien avoir été de travailler dans le cadre d'une telle relation. Ceci est confirmé par l'article 13.1. du « contrat de prestation de services » établi par Uber qui prévoit que la relation entre les parties doit être une relation entre prestataires indépendants.

2. La liberté d'organisation du temps de travail

Koen a exposé n'être astreint à aucun horaire et être libre de se connecter à la plateforme Uber lorsqu'il le souhaite. Il estime toutefois ne pas disposer de la liberté d'organiser son temps de travail à partir du moment où il se connecte à la plateforme.
La Commission rappelle que, selon la Cour de cassation :

« La liberté d'organisation du temps de travail qui, en vertu de l'article 333, paragraphe 1er, de la loi programme (I) du 27 décembre 2006, est l'un des critères généraux permettant d'apprécier l'existence ou l'absence du lien d'autorité requis pour un contrat de travail, concerne la question de l'indépendance ou non en matière d'emploi du temps au cours de la plage de travail pendant laquelle le travail doit être effectué ou l'exécutant du travail doit être disponible selon l'accord conclu entre les parties.

La circonstance que celui qui exécute le travail dispose de la liberté de donner suite ou non à une offre de travail de son employeur et qu'il peut, le cas échéant, la refuser, n'empêche donc pas que, dès qu'il a accepté le travail, l'employeur dispose de sa main-d'oeuvre et affecte celle-ci selon les dispositions du contrat.

Le simple fait qu'il ait toute liberté de donner suite ou non à l'offre de travail n'implique pas que celui qui exécute le travail soit également libre dans l'organisation de son temps de travail une fois la mission acceptée » (Cass., 18 octobre 2010, R.G. n° S. 10.0023.N).

La liberté d'organisation du temps de travail est limitée par le fait que le chauffeur qui, une fois connecté à l'application, se voit proposer une course n'est pas informé de l'endroit où se trouve le client (il est informé de la distance qui le sépare du client et de la durée du trajet jusqu'à celui-ci) ni de la destination à laquelle il souhaite se rendre. Ces informations ne lui sont en effet fournies qu'une fois la course acceptée (voire lors de la prise en charge effective du passager pour ce qui concerne la destination).
Or, Koen explique qu'après deux refus d'une proposition de course, l'application lui demande de confirmer sa disponibilité, et qu'après trois refus successifs, il est déconnecté de l'application (même s'il a confirmé sa disponibilité). Les conséquences de l'annulation lorsque la course est déjà acceptée (mais avant la prise en charge du passager) sont plus importantes car au-delà d'un certain taux d'annulation (dont la détermination n'est pas connue des chauffeurs) et après un avertissement, le chauffeur est définitivement exclu de la plateforme.
Compte tenu du risque de déconnexion en cas de refus d'une course ou d'exclusion de la plateforme en cas d'annulation d'une course acceptée, le chauffeur est ainsi amené à devoir accepter toute proposition de course à l'aveugle, sans pouvoir apprécier si la course proposée, en fonction de l'itinéraire à suivre et de sa durée, est compatible avec sa disponibilité, et sans possibilité d'évaluer la rentabilité de la course proposée.
Ce déficit d'information ne permet pas au chauffeur de décider librement et en connaissance de cause s'il accepte ou non la prestation comme le ferait un cocontractant indépendant.
La liberté d'organisation du temps de travail est donc plus limitée que celle d'un chauffeur de taxi indépendant abonné à une centrale de taxi, lequel peut sans risquer de sanction et sans perdre de possibilités effectives de travail, accepter ou refuser une course en fonction de l'importance du déplacement ou du temps qu'elle impliquera, ou, par exemple, parce qu'il estime plus rentable de rester à l'endroit où il se trouve (par exemple, près d'une gare).

3. La liberté d'organisation du travail

La convention de prestation de services établie par Uber présente le prestataire de services de transport (dénommé « le client ») et ses chauffeurs comme étant « seuls responsables de déterminer la manière la plus efficace, efficiente et sûre pour exécuter chacun des services de transport » (point 2.2.) ; il est précisé que « le client reconnaît et accepte avoir entière discrétion pour exercer son activité de manière indépendante » (point 2.4.).
En pratique, Koen apparaît toutefois comme totalement dépossédé de l'organisation de son travail.
La Commission relève qu'une fois la course acceptée, le chauffeur doit impérativement suivre l'itinéraire indiqué par l'application et ne dispose d'aucune marge de manoeuvre quant à la façon dont la prestation est exercée.
En cas de non-respect de l'itinéraire, si le prix de la course ne correspond pas à l'estimation initialement communiquée au passager, le prix de la course pourra être « ajusté » a posteriori par Uber. Le passager pourra alors obtenir le remboursement de la différence mais le chauffeur ne sera payé que sur la base du prix qui avait été annoncé au client.
Même si, en cours de route, le passager souhaite faire un détour ou modifier sa course, il doit introduire sa demande dans l'application Uber, laquelle adressera une nouvelle instruction au chauffeur.
La façon dont le trajet est organisé ne peut ainsi à aucun moment dépendre d'un dialogue direct entre le chauffeur et son passager.
Par ailleurs, le prix de la course est fixé unilatéralement par l'application Uber et est payé directement par le client sur l'application Uber. Le chauffeur ne peut quant à lui percevoir directement aucun paiement ni pourboire quelconque. Il n'établit pas de facture : c'est Uber qui calcule les montants gagnés pour les différentes courses et les reverse ensuite à intervalles réguliers au chauffeur [10].
De telles modalités d'organisation du travail obligent le chauffeur à fournir une prestation entièrement standardisée et sont incompatibles avec la qualification de relation de travail indépendante.

4. La possibilité d'exercer un contrôle hiérarchique

Selon la convention de prestation de services, Uber « ne contrôle ni ne dirige le client ou ses chauffeurs » (point 2.4.).
En pratique toutefois, ainsi que la Commission l'a relevé, l'application Uber impose au chauffeur de respecter un itinéraire déterminé, et le respect de cette obligation, qui peut être sanctionnée par un ajustement unilatéral du prix de la course (point 4.3. du contrat de prestation de services), est surveillé en permanence au moyen d'un système de collecte et d'analyse des données de géolocalisation des chauffeurs (point 2.8. du contrat de prestation de services et point 2.6. de l'annexe chauffeur).
La lecture des documents produits par Koen le 2 octobre 2020 laisse également apparaître que des instructions précises sont données au chauffeur, lequel s'engage à ce que tous les utilisateurs soient transportés directement vers la destination convenue, sans interruption ou arrêts non autorisés, et à ne pas permettre la présence d'une autre personne dans le véhicule (point 2.2. de l'annexe chauffeur).
Uber contrôle également le nombre de courses acceptées, refusées ou annulées, et prévoit expressément que « le chauffeur s'engage, lorsqu'il est connecté à l'application chauffeur, à s'efforcer d'accepter une part substantielle des demandes des utilisateurs, et s'il ne souhaite pas accepter de demandes de services de transport d'utilisateurs pendant un certain temps, à se déconnecter de l'application chauffeur » (point 2.4.2. de l'Annexe chauffeur). Uber se réserve le droit discrétionnaire de désactiver ou de restreindre l'accès à l'application, notamment en cas de violation du contrat de prestation de services ou de son annexe, en cas « d'action ou d'omission (...) qui cause un préjudice pour la marque, la réputation ou l'activité d'Uber ou d'un de ses affiliés, sur détermination d'Uber à sa seule discrétion », ou encore « pour toute autre raison, à la discrétion raisonnable d'Uber » (point 2.4. du contrat de prestation de services et point 2.3. de l'annexe chauffeur).
Le chauffeur doit également veiller à maintenir une évaluation moyenne par les utilisateurs supérieure à l'évaluation minimale moyenne fixée par Uber. Si son évaluation tombe en dessous de l'évaluation minimale moyenne, le chauffeur en est averti par Uber et peut éventuellement se voir accorder un temps limité pour rehausser son évaluation. S'il n'améliore pas son évaluation moyenne, son accès à la plateforme pourra être désactivé (point 2.6.2. du contrat de prestation de services et point 2.4.2. de l'annexe chauffeur).
Ce système de notation par les utilisateurs est décrit plus en détail dans la « Charte de la communauté Uber » [11]. Celle-ci prévoit que la note moyenne du chauffeur, qui est établie sur une échelle d'évaluation allant de 1 à 5 étoiles sur la base des 500 dernières courses (ou moins si le chauffeur a effectué moins de 500 courses), ne doit pas descendre en dessous de la note minimale de 4,65 pour UberX (4,85 pour UberBerline). Si la note moyenne tombe en-dessous du seuil de 4,65, plusieurs étapes sont prévues avant la déconnexion :
  • si la note est proche ou inférieure à la note minimale requise, le chauffeur est informé à plusieurs reprises qu'il risque de perdre l'accès à l'application,
  • le chauffeur recevra des messages contenant des « astuces » en vue d'améliorer la qualité de ses services,
  • si la note reste trop basse, le chauffeur est invité à se rendre dans le centre de support où un agent l'aidera à comprendre les commentaires et attentes des clients, dans le but d'améliorer ses services,
  • si, après cela, la note reste encore trop basse et après un dernier message, le chauffeur perd l'accès à l'application.
Cette évaluation du chauffeur par les utilisateurs ne sert pas à informer les passagers afin de leur permettre de choisir entre différents chauffeurs sur la base de leur note moyenne. Le passager ne choisit en effet jamais son chauffeur, celui-ci étant désigné par l'application. L'évaluation par les utilisateurs est utilisée ici comme un instrument de surveillance de chaque prestation des chauffeurs, incitant ceux-ci à tout faire pour maintenir une note élevée sous peine de risquer d'être exclus de la plateforme.
La charte prévoit également que si le taux d'annulation des courses est jugé trop élevé, le chauffeur recevra plusieurs avertissements et sera ensuite invité dans les bureaux d'Uber pour recevoir des explications et des réponses à ses questions. Si le taux d'annulation reste supérieur au seuil fixé par Uber, le chauffeur recevra un dernier avertissement et son compte sera ensuite désactivé [12].
Cette charte interdit aux chauffeurs d'avoir des contacts physiques avec les passagers et d'adopter envers eux un langage grossier ou des gestes déplacés. En cas de plainte, une enquête est réalisée pendant laquelle l'accès à la plate-forme peut-être temporairement interdit, et cette enquête peut aboutir un avertissement ou à une désactivation.
Koen signale également qu'en cas de plainte d'un passager concernant un quelconque aspect de sa prestation, il peut faire l'objet d'une déconnexion préventive, indépendamment du caractère manifestement mal fondé de la plainte. Il relate le cas d'un passager pris en charge à Bruxelles pour se rendre à Londres et qui s'est plaint de devoir payer l'accès à l'Eurotunnel. Cette plainte a donné lieu à une enquête pendant laquelle le compte de Koen a été suspendu. Uber a confirmé que le prix de la traversée n'était pas inclus dans le prix de la course et devait bien être payé par le passager. Koen a néanmoins reçu un message lui indiquant que « d'autres retours similaires pourraient entraîner la désactivation permanente de (son) compte ».
Il apparaît de ce qui précède que les prestations effectuées par Koen sont régies par des instructions dont le non-respect peut donner lieu à des sanctions allant jusqu'à la suppression de son accès à l'application Uber. Il en est ainsi lorsqu'il s'écarte de l'itinéraire imposé, présente un taux de refus ou d'annulation de courses jugé trop élevé, obtient une note moyenne inférieure à 4,65/5 par les utilisateurs, ou adopte des comportements interdits par la Charte de la communauté. Koen est évalué en permanence, tant par Uber (acceptation, refus et annulations des courses, respect de l'itinéraire, ...) que par les utilisateurs, et ces évaluations sont utilisées par Uber comme paramètres dans un processus de décision largement discrétionnaire pouvant aboutir à la déconnexion définitive du chauffeur. C'est également Uber qui instruit les plaintes des utilisateurs et statue sur celles-ci, de façon très discrétionnaire.
La Commission rappelle que le « lien de subordination qui est la caractéristique du contrat de travail existe dès qu'une personne peut, en fait, exercer son autorité sur les actes d'une autre personne » (Cass., 10 septembre 2001, R.G. n° S.00.0187.F ; Cass., 27 avril 1998, R.G. n° S.97.0090.F ; Cass., 23 juin 1997, R.G. n° S.96.0140.F ; Cass., 9 janvier 1995, Pas., 1995, p. 28 ; Cass., 14 novembre 1994, Pas., 1994, p. 936 ; C. trav. Liège, 21 janvier 1997, J.T.T., 1997, p. 497).
La faculté de donner des instructions, de contrôler leur respect et d'exclure un chauffeur de l'accès à l'application en cas de non-respect de ces instructions révèle un contrôle hiérarchique incompatible avec la qualification de relation de travail indépendante.
Paragraphe 3. Conclusion
Tant au regard de la présomption établie par l'article 337/2, paragraphe 1er, de la loi-programme précitée que des critères généraux, les modalités d'exécution de la relation travail sont incompatibles avec la qualification de relation de travail indépendant.
La Commission a relevé plus haut les liens étroits qu'entretenaient les différents contrats en cause : le contrat cadre liant Koen à B.P.R.A., les contrats spécifiques entre Uber, l'utilisateur membre adhérent de la B.P.R.A. et Koen générés à l'occasion de chaque course et constituant des avenants au contrat cadre, et enfin le contrat de prestation de services conclu entre Koen et Uber et dont l'existence conditionne la validité du contrat cadre. La Commission a également relevé que la prestation de travail est entièrement réglée par Uber et que c'est par Uber que Koen est payé.
Dans ces conditions, compte tenu des liens étroits qu'entretiennent ces différents contrats, il y a lieu de considérer que l'A.S.B.L. B.P.R.A. et Uber B.V. sont l'une et l'autre employeur de Koen. II a en effet été jugé que pour apprécier l'existence d'un contrat de travail, il y a lieu de s'en tenir à la réalité du lien de subordination et de déterminer qui, en fait, est susceptible d'exercer l'autorité, indépendamment de la présentation qui aurait été donnée de la relation de travail dans le contrat ou dans d'autres documents (C. trav. Bruxelles, 13 février 2018, R.G. n° 2015/AB/834).
Par ces motifs, la Commission administrative estime que la demande de qualification de la relation de travail est recevable et fondée et que les éléments qui lui ont été soumis sont incompatibles avec la qualification de relation de travail indépendante.
Siég. :  M. J. Martens.

 


[1] La société Uber B.V. a son siège social (...), Amsterdam, inscrite auprès de la Chambre de commerce d'Amsterdam (...).
[2] Nommée B.P.R.A. dans la suite de la présente décision.
[3] Voir l'ordonnance de la Région de Bruxelles-Capitale du 27 avril 1995 relative aux services de taxis et aux services de location voitures avec chauffeur, article 17, paragraphe 1er, 4° et 5°, et l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 20 mars 2008 fixant les tarifs minima applicables aux services de location de voitures avec chauffeur.
[4] Article 79, paragraphe 1er, 3°, de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 29 mars 2007 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur.
[5] Article 91 de l'arrêté du Gouvernement de la Région de Bruxelles-Capitale du 29 mars 2007 relatif aux services de taxis et aux services de location de voitures avec chauffeur.
[6] https://mobilite-mobiliteit.brussels/sites/default/files/note_relative_aux_demandes_dautorisation.pdf.
[7] Voir les statuts de la B.P.R.A. points 3.1.3. et 3.4.2. (M.B., 29 novembre 2019) ; voir également le jugement du tribunal de l'entreprise francophone de Bruxelles du 16 janvier 2019, R.G. n° A/18/02920, p. 9.
[8] Voy. infra ; voir C.J.U.E., 20 décembre 2017, Asociacion Profesional Elite Taxi, C-434/15, paragraphes 38-40.
[9] Arrêté royal du 29 octobre 2013 pris en exécution de cet article 337/2, paragraphe 3, de la loi-programme (I) du 27 décembre 2006 en ce qui concerne la nature des relations de travail qui se situent dans le cadre de l'exécution des activités qui ressortent du champ d'application de la sous-commission paritaire pour les taxis et de la commission paritaire du transport et de la logistique, uniquement pour les activités de location de voitures avec chauffeur et de taxis collectifs.
[10] Koen précise qu'Uber n'effectue le paiement que lorsqu'une certaine somme est atteinte, ce afin de respecter l'exigence d'une prestation d'au moins trois heures et de minimum 90 euros imposée par la réglementation régionale relative aux locations de voitures avec chauffeur.
[11] Cette « Charte de la communauté » vise à « assurer une expérience agréable et sûre tant pour les chauffeurs que pour les passagers ». Elle « détaille clairement les comportements qui peuvent amener les chauffeurs et passagers à perdre leur accès à l'application Uber ». Il est prévu que « toute personne qui crée un compte Uber doit se conformer à la Charte de la communauté Uber » et que le non-respect de cette Charte pourra entraîner la perte de l'accès aux applications Uber.
[12] En ce qui concerne la détermination de ce seuil, il est seulement précisé qu'un taux d'annulation inférieur à 5 pour cent est considéré comme bon.


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Sommaire

Compte tenu des éléments produits par un chauffeur exerçant ses activités de chauffeur V.T.C. pour la plateforme Uber, la relation de travail est présumée, jusqu'à preuve contraire, être exécutée dans les liens d'un contrat de travail. Les éléments produits ne permettent pas de renverser cette présomption au regard des critères généraux de la loi programme du 27 décembre 2006, car les modalités d'exécution de la relation de travail sont incompatibles avec la qualification de relation de travail indépendant.

Mots-clés

Contrat de travail - Généralités - Nature de la relation de travail - Plateforme électronique - Chauffeur Uber - Commission de ruling social - Relation salariée - Observations

Date(s)

  • Date de publication : 16/04/2021
  • Date de prononcé : 26/10/2020

Référence

Commission administrative du règlement de la relation de travail, 26/10/2020, J.L.M.B., 2021/15, p. 680-692.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit social > Contrat de travail > Notion - Conditions d'existence > Présomption existence contrat de travail
  • Droit social > Travail > Nature de la relation de travail
  • Droit économique, commercial et financier > Transport > Transport de personnes par route > Taxi

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