Me Connecter
Me connecter
PartagerPartager
Fermer
Linked InTwitter
Partager
Partager

Recherche dans la JLMB

Retour aux résultatsDocument précédentDocument suivant
Information
19/10/2020
Version PDF
-A +A

Justice de paix Huy (1er canton), 19/10/2020


Jurisprudence - Covid-19

J.L.M.B. 20/500
Baux - Bail commercial - Coronavirus - Impossibilité d'exécution (non) - Force majeure (non) - Abus de droit (non) .
Le bailleur qui réclame le paiement de son loyer ne peut être considéré comme faisant un usage méchant de son droit, nonobstant les mesures de confinement ordonnées dans le cadre de la crise sanitaire engendrée par la pandémie liée au coronavirus Covid-19. Le débat porte uniquement sur le déséquilibre qui existerait entre l'avantage pour le bailleur de percevoir le loyer et le désavantage pour le preneur de le payer. Ce déséquilibre éventuel ne peut s'appréhender de manière théorique, mais doit au contraire faire l'objet d'un examen concret. Lorsque la situation économique du preneur paraît plus solide que celle du bailleur, il n'y a aucune raison de suspendre le paiement des loyers.

(S.N.C. G. et S.A. A. / S.A. B. )


(...)
Motivation
(...)
b. Le litige est relatif à l'occupation de la « Maison Godin », à Huy, désormais mieux connue localement sous son enseigne de « Quick ».
L'immeuble, dont les parties reconnaissent l'intérêt patrimonial, a eu plusieurs propriétaires successifs. La S.N.C. G. et la S.A. A. en sont les actuels propriétaires. Il n'est pas contesté que ces sociétés ont repris de leurs auteurs successifs la qualité de bailleur de l'ensemble de l'immeuble et de ses dépendances.
(...)
d. À l'audience, la S.A. B. a demandé que la question des loyers soit réservée, afin de vérifier les décomptes. La S.N.C. G. et la S.A. A. s'y sont opposées.
Le juge de paix suivra une voix moyenne, en tablant sur la bonne foi des parties : il tranchera les questions de principe, laissant aux parties le soin de s'accorder sur les décomptes précis. Il reste bien sûr à la disposition de celles-ci pour trancher les querelles de chiffres qui naîtraient des décomptes (la question ne sera pas vidée).
La principale question qui se pose juridiquement est la question de savoir si la situation de confinement, qui a entraîné la fermeture du « restaurant », est une cause de suspension et/ou de suppression de l'obligation du preneur de payer son loyer.
Le juge de paix constate à cet égard que la question ne doit en l'espèce en aucun cas être appréhendée sous l'angle de la « force majeure » (ou du « fait du prince ») car l'activité commerciale exercée dans les lieux (restauration rapide) est de celles qui n'ont pas été radicalement interdites par la réglementation sanitaire, notamment dans le cadre de la vente à emporter.
Certes, il est possible que l'activité ait été ralentie (mais cela doit être objectivé), et il est surtout possible que la S.A. B. ait dû prendre légitimement des mesures de prudence susceptibles d'amoindrir son chiffre d'affaires (comme par exemple la fermeture de son drive-in) mais ces décisions commerciales, pour explicables qu'elles soient en raison, d'un point de vue économique ou d'un point de vue sanitaire, n'en restent pas moins des choix faits par le preneur, et qui ne peuvent donc être juridiquement considérés comme extérieurs à lui et s'imposant à lui.
Par ailleurs, et en l'espèce toujours, le juge de paix se dispensera de trancher la question toujours controversée de l'éventuelle intégration en droit belge de la théorie du bouleversement de l'économie contractuelle. Il suffira à cet égard d'indiquer que le loyer était fixé en pourcentage du chiffre d'affaires et que les parties ont donc conventionnellement appréhendés a priori l'effet de la variation du chiffre d'affaires dans le temps sur l'obligation du preneur (article 1134, alinéa 1er, du Code civil). Certes, un loyer minimum était fixé (140.000,00 euros par an en valeur 2013) mais la S.A. B., qui en reste aux questions de principe, n'apporte aucun élément concret permettant de démontrer que son chiffre d'affaires réel aurait rendu impossible, ou en tout cas anormalement difficile, la réalisation de cet objectif minimal.
la S.A. B. excipe encore de l'abus de droit.
Selon les théories actuellement reçues, abuse de son droit celui qui exerce son action avec l'intention exclusive de nuire à son débiteur ; celui qui opte, entre différentes manières d'exercer son droit également satisfaisantes pour lui, pour celle qui serait la plus préjudiciable à son débiteur ; ou encore celui qui crée, par l'exercice de son droit, un préjudice dans le chef de son débiteur manifestement hors de proportion avec l'avantage recherché et obtenu.
Il n'est en l'espèce pas question d'un usage méchant du droit de la S.N.C. G. et la S.A. A., ni d'un choix que celles-ci auraient opéré entre deux manières également satisfaisantes pour elles d'exercer celui-ci.
Le débat porte uniquement sur le déséquilibre qui existerait entre l'avantage pour la S.N.C. G. et la S.A. A. de percevoir leur loyer et le désavantage pour la S.A. B. de le payer.
Ce déséquilibre éventuel ne peut s'appréhender de manière théorique, mais doit au contraire faire l'objet d'un examen concret. Or, le juge de paix constate que la S.A. B. est une société dont la solidité économique n'est pas comparable à celle de tout locataire commercial généralement quelconque exerçant un métier de bouche dans des circonstances analogues. Aucun chiffre concret n'est en tout cas apporté pour démontrer que le paiement du loyer litigieux mettrait en péril la viabilité économique de la S.A. B., alors même que la S.N.C. G. et la S.A. A. déclarent sans être contredites devoir supporter d'importantes charges d'emprunt hypothécaire en rapport avec le bâtiment et alors même qu'il n'est pas non plus contesté que le sous-locataire et franchisé de la S.A. B. lui a, quant à lui, payé le sous-loyer pendant la période litigieuse.
Quant au fait, soulevé oralement à l'audience par la S.A. B., que la situation d'équilibre économique devrait être appréhendée au niveau non du bâtiment ou des contrats en cause, mais au niveau du marché belge, les sommes reçues de son sous-locataire ici servant à éponger les éventuellement pertes survenues là-bas, et à assurer ainsi la pérennité de son réseau de « restaurants » en Belgique, à le considérer prouvé (sur ce point comme sur tous les autres, la S.A. B. en reste à des considérations théoriques sur un dommage qui n'est jamais objectivé par pièce, ni même chiffré), il ferait supporter par un bailleur particulier la charge d'une situation générale qui ne le regarde pas, et dont il n'est en aucun cas responsable.
L'abus de droit n'est pas prouvé, et les loyers retenus sont dus, conformément aux clauses du bail.
(...)

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. F. Abu Dalu.
Greffier : M. J. Sarlet.
Plaid. : MesP.-F. Vandendriesche et Kr. Vanhove.

 



Fermer

Sommaire

Le bailleur qui réclame le paiement de son loyer ne peut être considéré comme faisant un usage méchant de son droit, nonobstant les mesures de confinement ordonnées dans le cadre de la crise sanitaire engendrée par la pandémie liée au coronavirus Covid-19. Le débat porte uniquement sur le déséquilibre qui existerait entre l'avantage pour le bailleur de percevoir le loyer et le désavantage pour le preneur de le payer. Ce déséquilibre éventuel ne peut s'appréhender de manière théorique, mais doit au contraire faire l'objet d'un examen concret. Lorsque la situation économique du preneur paraît plus solide que celle du bailleur, il n'y a aucune raison de suspendre le paiement des loyers.

Mots-clés

Baux - Bail commercial - Coronavirus - Impossibilité d'exécution (non) - Force majeure (non) - Abus de droit (non)

Date(s)

  • Date de publication : 08/01/2021
  • Date de prononcé : 19/10/2020

Référence

Justice de paix Huy (1 er canton), 19/10/2020, J.L.M.B., 2021/1, p. 27-29.

Éditeur

Larcier

Branches du droit

  • Droit civil > Contrats spéciaux > Location/louage > Bail commercial
  • Droit civil > Droit civil - Principes généraux > Abus de droit
  • Droit civil > Obligations conventionnelles > Exécution/inexécution de l'obligation > Force majeure

User login