Me Connecter
Me connecter
PartagerPartager
Fermer
Linked InTwitter
Partager
Partager

Recherche dans la JLMB

Retour aux résultatsDocument précédentDocument suivant
Information
03/01/2014
Version PDF
-A +A

La réforme de la loi sur la continuité des entreprises : le portail se resserre !


Jurisprudence - Droit commercial - Continuité des entreprises

Continuité des entreprises - Réorganisation judiciaire - Absence de documents essentiels devant être joints à la requête en réorganisation - Irrecevabilité de la requête .

La loi sur la continuité des entreprises du 31 janvier 2009 était attendue tant par le monde judiciaire que dans les milieux économiques à la suite de l'échec cuisant de la loi du 17 juillet 1997, puisqu'en 2008, dernière année de son application, seulement septante-huit requêtes en concordats judiciaires avaient été déposées.
En outre, depuis septembre 2008, la crise économique faisait rage à la suite de la faillite de Lehmann Brothers.
La loi relative à la continuité des entreprises (L.C.E.) vint donc à point nommé et rencontra un succès certain. En 2009, six cent trente-trois requêtes en réorganisation judiciaire furent déposées. En 2012, le nombre de procédures en réorganisation judiciaire s'élèva à mille cinq cent trente-sept (ci-après dénommées P.R.J.).
Ce succès apparent doit toutefois être mis en perspective avec d'autres données moins encourageantes :
  • Par rapport aux faillites, le nombre de P.R.J. fut encore peu important.
  • Les chiffres nationaux doivent être affinés par arrondissement judiciaire. En effet, certaines imprécisions de la loi entraînèrent des pratiques parfois fort différentes.
  • Le caractère angélique de la législation de 2009 donna lieu incontestablement à des abus qui furent dénoncés surtout par le milieu des classes moyennes au nord du pays.
  • Last but not least, près de septante pour cent des entreprises qui avaient déposé une P.R.J. furent déclarées en faillite par la suite.
C'est pourquoi dès 2011, pour éviter que les abus décrits et les imperfections de cette loi ne la fassent disparaître, le ministre de la Justice demanda à la F.E.B. de former des groupes de travail qui lui rendirent un rapport le 28 mars 2012.
S'ensuivit la rédaction d'un projet de loi sous la houlette de Monsieur Ivan Verougstraete.
Un projet de loi fut déposé le 12 mars 2013 à la Chambre (document 53 2692/001) et fut voté en audience publique du 2 mai 2013. La loi fut promulguée le 27 mai 2013 après que le Sénat ne l'évoqua point. Elle fut publiée au Moniteur du 22 juillet et, conformément à ses articles 61 et 62, elle entra en vigueur le 1er août 2013, à l'exception des articles 7 et 42 à 46.
Cette loi étant une loi de procédure, elle est d'application immédiate, c'est-à-dire non seulement pour les procédures à venir, mais également pour les procédures en cours.
La loi du 27 mai 2013 est donc à la fois une loi de préparation, mais également une loi qui vise à refréner certains abus constatés par le passé, tout au long de la procédure.
Ainsi, et bien que la disposition ne soit pas encore d'application, l'article 44 de la loi modifie l'article 269/4 du Code des droits d'enregistrement, d'hypothèque et de greffe et établit un droit de 1.000 euros pour tout dépôt de requête en P.R.J.
Il ressort des travaux préparatoires qu'il s'agit très clairement d'une mesure anti-abus face à des dépôts faits par des entreprises qui sont « en coma dépassé ».
Le jugement annoté et que nous approuvons fait écho à d'autres dispositions anti-abus lors du dépôt de la requête.
Ainsi, il est maintenant précisé au paragraphe 2 de l'article 17 que le débiteur doit joindre à sa requête toutes les annexes et ce « à peine d'irrecevabilité ».
Dans ces annexes se trouvent notamment :
  • 5. « une situation comptable qui reflète l'actif et le passif et le compte de résultat ne datant pas de plus de trois mois, établie sous la supervision d'un reviseur d'entreprise, d'un expert-comptable externe, d'un expert agréé externe ou d'un comptable fiscaliste agréé externe » ;
  • 6. « un budget contenant une estimation des recettes et dépenses pour la durée minimale du sursis demandé, préparé avec l'assistance d'un comptable externe, d'un comptable fiscaliste agréé externe et d'un reviseur d'entreprise ; (...) » ;
  • 8. « les mesures des propositions qu'il envisage pour rétablir la rentabilité et la solvabilité de son entreprise, pour mettre en oeuvre un éventuel plan social et pour satisfaire les créanciers ».
Le tribunal de commerce de Nivelles fait une juste application de la loi du 31 janvier 2009 telle qu'elle a été modifiée par la loi du 27 mai 2013, en déclarant irrecevable la requête en P.R.J. :
« Une affirmation vague et générale faisant état de difficultés, non étayées par (i) une situation comptable à moins de trois mois certifiée fidèle par un professionnel du chiffre externe à l'entreprise, ni par (ii) une prévision de recettes et dépenses pour à tout le moins la durée demandée du sursis - deux conditions pourtant implicitement requises à peine d'irrecevabilité par la loi depuis le 1er août 2013 - ne permettent pas au tribunal d'examiner si la continuité de l'entreprise est menacée ».
Ce faisant, le tribunal n'a pas fait application du nouvel article 24, paragraphe 1er, alinéa 4, de la loi du 27 mai 2013 qui dispose que :
« Si une omission ou une irrégularité dans le dépôt des documents n'est pas d'une nature telle qu'elle empêche le tribunal d'examiner si les conditions prévues à l'article 23 sont remplies et si elle peut être réparée par le débiteur, le tribunal peut, après avoir entendu le débiteur, mettre l'affaire en continuation ou faire application de l'article 769, alinéa 2, du Code judiciaire ».
Cette possibilité a été donnée par le législateur au juge en contrepartie de la sévérité accrue face au dépôt des annexes et ceci afin d'éviter « un formalisme excessif » [1].
Le tribunal n'a pas usé de cette faculté de l'article 24 car il a jugé à raison que les deux conditions fixées par l'article 24 pour permettre au débiteur de réparer un oubli devaient être toutes les deux réunies. Le pénultième paragraphe de la motivation est à cet égard très clair :
« La première des deux conditions cumulatives auxquelles l'article 24, paragraphe 1er, de la loi subordonne la mise en continuation de la cause en vue de la régularisation du dossier n'étant ainsi pas rencontrée, la cause ne peut être mise en continuation ».
Ces différentes mesures anti-abus qui sont, comme nous l'avons indiqué, d'application immédiate, ont eu un effet instantané sur le nombre de dépôt de requêtes. En effet, depuis le 1er août dernier, tous les arrondissements judiciaires interrogés connaissent soit une baisse, soit un statu quo du nombre de dépôt des requêtes en P.R.J. par rapport au nombre de faillites qui continuent à progresser.
Ceci n'est pas en soi un mal, compte tenu des abus qui furent rencontrés sur l'application de la loi de 2009, avant la réforme de 2013, mais ne faut-il pas craindre que nous arrivions sinon à la situation du concordat judiciaire 1997 du moins à une fermeture du « portail » pour les P.M.E. ?
Il est trop tôt pour le dire mais nous reviendrons sous peu à ce sujet.

 


[1] Voy. C. Alter, « Les modifications dans la procédure de réorganisation judiciaire », dans Séminaire Vanham du 25 septembre 2013 sur la réforme de la continuité des entreprises, n° 7, p. 4.


Fermer

Date(s)

  • Date de publication : 03/01/2014

Auteur(s)

  • Renard, J.-P.

Référence

Renard, J.-P., « La réforme de la loi sur la continuité des entreprises : le portail se resserre !», J.L.M.B., 2014/1, p. 23-25.

Branches du droit

  • Droit économique, commercial et financier > Insolvabilité > Continuité des entreprises(abrogé)

Éditeur

Larcier

User login