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29/03/2013
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Cour d'appel Mons (6e chambre), 29/03/2013


Jurisprudence - Marchés publics

J.L.M.B. 13/674
I. Marchés publics - Attribution - Responsabilité - Pouvoirs publics - Conseil d'Etat - Autorité - Arrêt d'annulation - Chose jugée - Erreur manifeste d'appréciation.
II. Marchés publics - Attribution - Illégalité éventuelle d'un critère d'attribution relatif aux références - Absence d'incidence au vu des points attribués - Circonstance purement hypothétique de non-sélection.
III. Marchés publics - Attribution - Dommage - Défaut d'obtention du marché - Indemnité en équité - Indemnité pour pertes de références - Intérêts compensatoires à dater de la décision d'attribution annulée.
IV. Marchés publics - Attribution - Architecte - Responsabilité avant réception - Devoir de conseil - Analyse des offres - Absence de devoir de vérification approfondie par le pouvoir adjudicateur.
L'annulation par le Conseil d'État de la décision d'attribution d'un marché public établit l'existence d'une faute du pouvoir adjudicateur sauf erreur invincible ou autre cause d'exonération de la responsabilité.
Si les motifs de l'arrêt d'annulation établissent que le rapport d'analyse des offres a été corrigé et qu'il y a eu erreurs dans la double prise en compte d'une remise de 6 pour cent et octroi abusif de points quant à un critère, l'erreur manifeste d'appréciation est établie.
Pour écarter le lien causal entre les fautes et le dommage, il n'y a pas lieu d'examiner des circonstances purement hypothétiques, tel le fait que la société aurait pu ou dû ne pas être sélectionnée dès lors qu'en l'espèce, elle l'a été.
L'éventuelle illégalité de l'attribution relative aux références du soumissionnaire ne doit pas être examinée dès lors que seul l'attributaire du marché a obtenu des points pour ce critère et qu'à supposer que cette cote n'ait pu être attribuée, il n'y aurait pas eu de changement dans le classement des offres.
Le dommage consistant dans l'absence de l'obtention d'un marché en appel d'offres constitue une perte de chance qui peut, à défaut de preuve contraire, être fixé en équité en s'inspirant de l'article 15 de la loi du 24 décembre 1993 fixant l'indemnité à 10 pour cent du montant de l'offre hors T.V.A.
À ce montant peut être ajoutée une indemnité réparant la perte de références.
Les intérêts compensatoires doivent être calculés à dater de la décision d'attribution annulée par le Conseil d'État.
Le bureau d'études a un devoir de conseil à l'égard d'un pouvoir adjudicateur qui n'a pas de compétence particulière quant à l'objet du marché, notamment en ce qui concerne les aspects techniques du marché, dont les critères d'attribution. Dans ce cadre, le pouvoir adjudicateur doit pouvoir faire confiance au rapport d'analyse des offres établi par l'auteur de projet, sans devoir procéder à une analyse approfondie de celui-ci.

(S.C.R.L. B. / S.C.R.L. X. et S.A. R. )


Vu l'arrêt rendu par la cour de céans le 23 novembre 2012 (...) ;
Attendu que, comme le soutient la S.A. R., l'exigence, au titre de la sélection qualitative, de références consistant dans la réalisation, en Belgique et au cours des cinq dernières années précédant la date d'ouverture des offres, d'au moins trois installations de puissance comparable est entachée d'illégalité pour ne pas avoir été formulée dans l'avis de marché mais bien dans le cahier spécial des charges, contrairement à ce que prévoit l'article 19, avant-dernier alinéa, et l'article 45, avant-dernier alinéa, de l'arrêté royal du 8 janvier 1996 (en ce qui concerne respectivement les marchés de travaux et les marchés de fournitures) ;
Que, partant, l'appelante au principal et X. ne démontrent pas l'illégalité (même partielle) de la décision de sélectionner les quatre soumissionnaires, au seul motif que l'un d'entre eux, à savoir la société R., n'aurait pas satisfait à l'exigence précitée, elle-même entachée d'illégalité ;
Attendu que l'annulation par le Conseil d'État de la décision d'attribution du marché établit l'existence d'une faute du pouvoir adjudicateur, sauf lorsque celui-ci peut se prévaloir d'une erreur invincible ou d'une autre cause d'exonération de la responsabilité (Cass., 13 mai 1982, J.T., 1982, pp. 772 et s.) ;
Attendu qu'en l'espèce, c'est vainement que l'appelante au principal invoque le fait qu'elle n'était pas partie à la procédure diligentée devant le Conseil d'État ;
Qu'en effet, la cour de céans fait siens les motifs de l'arrêt rendu le 7 juin 2006, par le Conseil d'État, suite au recours en annulation formé par la S.A. R., à l'encontre de la décision d'attribution du marché litigieux ;
Attendu que, suivant les motifs de cet arrêt, l'appelante au principal a établi, le 28 mai 2001 (soit postérieurement à la décision d'attribution du marché litigieux), un « avenant » à son rapport d'analyse des offres, dans lequel elle reconnaissait avoir commis une erreur ayant consisté à prendre deux fois en considération une remise de 6 pour cent accordée par l'attributaire du marché, et ce en ce qui concerne le critère relatif au montant de l'offre ;
Que dans le cadre de cet « avenant », l'appelante au principal a, elle-même, admis que seize points supplémentaires devaient être accordés à chacun des trois soumissionnaires, autres que l'attributaire du marché litigieux, la société Ba. ;
Que l'appelante au principal a dès lors dressé un nouveau tableau récapitulatif, suivant lequel la S.A. R. a obtenu 222 points (sur 300), au lieu de 206 précédemment ;
Attendu que, toujours d'après les motifs de l'arrêt précité, l'offre de l'attributaire du marché litigieux ne comprenait aucune rubrique relative au critère concernant le service après-vente du soumissionnaire ou de son fournisseur tandis que l'offre de la société R. contenait de nombreuses garanties quant à ce, en manière telle que dix points devaient être accordés à cette dernière relativement audit critère ;
Attendu que, suivant les mêmes motifs, c'est à tort que l'attributaire du marché a obtenu 20 points pour le critère de fabrication et d'exécution alors que la société R. était la seule à avoir proposé une réduction de ce délai ;
Que, contrairement à ce que soutient l'appelante au principal (en se référant à cette fin au rapport de l'auditeur au Conseil d'État), le libellé de ce critère prévoyait bien qu'il devait s'apprécier sur la base de la réduction du délai maximum d'exécution, fixé en l'espèce à cent quatre-vingts jours calendrier, en manière telle que le soumissionnaire qui ne proposait aucune réduction du délai maximum ne pouvait obtenir aucun point pour ce critère ;
Attendu que c'est dès lors à bon droit et par de judicieux motifs que la cour adopte que le Conseil d'État a considéré que l'attributaire du marché aurait dû obtenir 220 points au lieu de 240 et que la société R. aurait dû obtenir 232 points au lieu de 206 ;
Attendu qu'il suit des considérations qui précèdent qu'il est bien question ici d'erreurs manifestes d'appréciation, dès lors que celles-ci résultent de constatations matériellement inexactes ;
Attendu que les droits de la défense de l'appelante au principal ont été respectés, dès lors que celle-ci a eu la possibilité de s'expliquer dans le cadre de la présente cause sur les erreurs manifestes d'appréciation décrites dans l'arrêt précité rendu par le Conseil d'État ;
Attendu qu'il n'est pas nécessaire que la cour ordonne une seconde réouverture des débats pour permettre aux parties de s'expliquer sur l'éventuelle illégalité du critère d'attribution relatif aux références du soumissionnaire, dès lors que seul l'attributaire du marché a obtenu des points (au nombre de 20, en l'espèce) pour ce critère ;
Qu'à supposer que cette cote ne puisse pas être prise en considération eu égard à l'illégalité dudit critère, l'écart entre la société R. et l'attributaire du marché aurait dû être encore plus important que celui qui vient d'être précisé ;
Que c'est dès lors vainement que l'appelante au principal invoque la jurisprudence consacrée par l'arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 juin 2012, suivant laquelle les références du soumissionnaire ne peuvent constituer qu'un critère de sélection qualitative et non un critère d'attribution ;
Attendu que les erreurs manifestes d'appréciation décrites ci-dessus sont constitutives de fautes dans le chef du pouvoir adjudicateur ;
Que sans celles-ci, le marché litigieux aurait été attribué à la société R. ;
Attendu qu'il a été exposé que la cour ne devait pas faire application de l'article 159 de la Constitution et refuser d'appliquer la décision de sélection qualitative prise par le pouvoir adjudicateur, en ce que celle-ci concerne la société R. ;
Que, dans le même contexte, la cour n'a pas à prendre en considération, pour écarter le lien causal entre les fautes et le dommage, une circonstance purement hypothétique, à savoir que la société précitée aurait pu ou dû ne pas être sélectionnée dès lors qu'en l'espèce, elle a été effectivement sélectionnée, tout comme d'ailleurs les trois autres soumissionnaires ;
Attendu que le dommage subi par celle-ci ne consiste pas dans la perte d'une chance d'obtenir le marché mais bien dans le défaut d'obtention de celui-ci, dès lors que les corrections décrites ci-dessus procèdent d'un calcul purement mathématique et visent à redresser des constatations matériellement inexactes ;
Attendu que la S.A. R. soutient, sans le démontrer, que sa marge bénéficiaire pour un marché comparable serait de l'ordre de 14 pour cent ;
Qu'en effet, celle-ci, pour justifier l'importance des coûts dont il faut tenir compte pour apprécier cette marge bénéficiaire, produit des listes de dépenses relatives à cet autre marché, listes dont rien n'établit le caractère exhaustif ;
Qu'en outre, la société R. ne produit aucune pièce justificative en ce qui concerne les coûts plus précisément relatifs à son personnel d'étude et d'encadrement, pris en considération pour déterminer sa marge bénéficiaire ;
Attendu qu'aucune partie ne sollicite de mesure d'expertise judiciaire ;
Attendu qu'il s'impose dès lors de fixer en équité l'indemnité revenant à la S.A. R. en s'inspirant, à cette fin, de la règle contenue dans l'article 15 de la loi du 24 décembre 1993 (ce qui ne constitue pas, à proprement parler, une application par analogie de cette disposition) ;
Qu'au vu des pièces produites aux débats, l'offre de la S.A. R. s'élevait à la somme de 21.689.466 francs belges, hors T.V.A., et non à celle de 21.965.466 francs belges renseignée erronément par celle-ci, dans ses conclusions ;
Que l'indemnité précitée doit dès lors être fixée en équité à la somme en principal de 53.766,78 euros ;
Attendu que c'est à bon droit et par de judicieux motifs que la cour adopte que le premier juge a accordé à la S.A. R. des indemnités destinées, d'une part, à réparer la perte de la possibilité d'obtenir une référence utile à la soumission d'autres marchés ayant un objet similaire et, d'autre part, à couvrir ses frais de défense ;
Que le premier juge a exactement évalué en équité l'importance de ces deux indemnités en fixant leurs montants respectifs aux sommes de 2.000 euros et de 1.000 euros ;
Attendu que la demande originaire principale ayant pour fondement légal l'article 1382 du Code civil, les intérêts compensatoires doivent être calculés à partir de la décision d'attribution annulée par le Conseil d'État ;
Attendu que c'est également à bon droit et par de judicieux motifs que la cour adopte que le tribunal a fait droit à la demande en garantie de X. ;
Que l'appelante au principal est l'auteur du rapport d'analyse des offres ;
Que, comme exposé ci-dessus, ce rapport contient plusieurs erreurs manifestes d'appréciation, lesquelles résultent de constatations matériellement inexactes ;
Que ledit rapport a été entériné par la décision d'attribution du marché litigieux ;
Que X. est une institution hospitalière et n'a pas de compétence particulière en ce qui concerne les groupes électrogènes destinés à équiper ses installations ;
Que c'est bien pour cette raison qu'elle a fait appel à un auteur de projet ;
Que c'est à tort que l'appelante au principal soutient que X. devait procéder, ni plus ni moins, à une analyse administrative de son avis ;
Qu'en effet, l'appelante au principal, qui se présente comme étant un bureau d'ingénieurs-conseils en équipements, avait un devoir de conseil à l'égard de X., particulièrement en ce qui concerne les aspects techniques du marché litigieux, en manière telle que le rapport d'analyse des offres ne peut pas être considéré comme un simple avis ;
Que, par ailleurs, l'appelante au principal, doit, comme tout professionnel, répondre de la qualité de son travail ;
Que les critères d'attribution dont il a été question concernent plus les aspects techniques que les aspects administratifs du marché litigieux puisqu'ils sont notamment relatifs au service après-vente et au délai d'exécution ;
Qu'en outre seul un examen particulièrement fouillé du rapport d'analyse des offres aurait permis de déceler l'erreur ayant consisté à déduire deux fois la même remise de prix ;
Que le pouvoir adjudicateur devait pouvoir faire confiance à son auteur de projet sans devoir procéder à une vérification aussi approfondie du rapport d'analyse des offres établi par celui-ci ; (...)
Par ces motifs, (...)
Confirme le jugement entrepris sous les deux émendations suivantes :
  • le montant en principal de la condamnation prononcée à charge de X. est porté à la somme de 56.766,78 euros (au lieu de 53.000 euros) ;
  • les intérêts compensatoires seront calculés à partir du 2 juillet 1999 (au lieu du 11 janvier 2001) ; (...)
Siég. :  MM. P. Delatte, B. Bouteiller et O. Bertin.
Greffier : Mme C. Vanbel.
Plaid. : MesJ. Pirotte (loco B. Vincent), P.-Y. Durvaux (loco P. Bertrand) et M. Thomas (loco A. Stevenart).

 



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  • L'annulation par le Conseil d'État de la décision d'attribution d'un marché public établit l'existence d'une faute du pouvoir adjudicateur sauf erreur invincible ou autre cause d'exonération de la responsabilité. - Si les motifs de l'arrêt d'annulation établissent que le rapport d'analyse des offres a été corrigé et qu'il y a eu erreurs dans la double prise en compte d'une remise de 6 pour cent et octroi abusif de points quant à un critère, l'erreur manifeste d'appréciation est établie. - Pour écarter le lien causal entre les fautes et le dommage, il n'y a pas lieu d'examiner des circonstances purement hypothétiques, tel le fait que la société aurait pu ou dû ne pas être sélectionnée dès lors qu'en l'espèce, elle l'a été. - L'éventuelle illégalité de l'attribution relative aux références du soumissionnaire ne doit pas être examinée dès lors que seul l'attributaire du marché a obtenu des points pour ce critère et qu'à supposer que cette cote n'ait pu être attribuée, il n'y aurait pas eu de changement dans le classement des offres. - Le dommage consistant dans l'absence de l'obtention d'un marché en appel d'offres constitue une perte de chance qui peut, à défaut de preuve contraire, être fixé en équité en s'inspirant de l'article 15 de la loi du 24 décembre 1993 relative aux marchés publics de travaux, de fournitures et de services et aux concessions de travaux publics fixant l'indemnité à 10 pour cent du montant de l'offre hors TVA. - À ce montant peut être ajoutée une indemnité réparant la perte de références. - Les intérêts compensatoires doivent être calculés à dater de la décision d'attribution annulée par le Conseil d'État. - Le bureau d'études a un devoir de conseil à l'égard d'un pouvoir adjudicateur qui n'a pas de compétence particulière quant à l'objet du marché, notamment en ce qui concerne les aspects techniques du marché, dont les critères d'attribution. Dans ce cadre, le pouvoir adjudicateur doit pouvoir faire confiance au rapport d'analyse des offres établi par l'auteur de projet, sans devoir procéder à une analyse approfondie de celui-ci.

Mots-clés

  • Marchés publics - Attribution - Responsabilité - Pouvoirs publics - Conseil d'Etat - Autorité - Arrêt d'annulation - Chose jugée - Erreur manifeste d'appréciation
  • Marchés publics - Attribution - Illégalité éventuelle d'un critère d'attribution relatif aux références - Absence d'incidence au vu des points attribués - Circonstance purement hypothétique de non-sélection
  • Marchés publics - Attribution - Dommage - Défaut d'obtention du marché - Indemnité en équité - Indemnité pour pertes de références - Intérêts compensatoires à dater de la décision d'attribution annulée
  • Marchés publics - Attribution - Architecte - Responsabilité avant réception - Devoir de conseil - Analyse des offres - Absence de devoir de vérification approfondie par le pouvoir adjudicateur

Date(s)

  • Date de publication : 28/11/2014
  • Date de prononcé : 29/03/2013

Référence

Cour d'appel Mons (6 echambre), 29/03/2013, J.L.M.B., 2014/39, p. 1853-1857.

Branches du droit

  • Droit civil > Contrats spéciaux > Construction - Entreprise de travaux > Ingénieur et bureau d'étude
  • Droit public et administratif > Marchés publics > Procédure et modes de passation > Modes de passation

Éditeur

Larcier

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