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13/02/2014
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Cour du travail Mons (5e chambre), 13/02/2014


Jurisprudence - Droit social

J.L.M.B. 14/563
Sécurité sociale - Travailleurs salariés - Régularisation d'office - O.N.S.S. - Charge de la preuve - Portée .
Si l'O.N.S.S. bénéficie du privilège du préalable et de l'exécution d'office, il n'en résulte pas que l'existence ou l'inexistence d'un contrat de travail soit érigée en une présomption le dispensant de toute preuve.
Lorsqu'une société demanderesse est chargée de travaux de sous-traitance consistant en la fourniture et la pose de cloisons et de faux-plafonds, il ne peut être déduit de la seule circonstance que le travailleur dont l'occupation entraîna la régularisation d'office était, lors du contrôle, occupé à des travaux pouvant constituer la phase préparatoire aux travaux de plafonnage dont il déclarait être chargé, qu'il était occupé à des travaux rentrant dans le cadre de ceux de la sous-traitance.

(S.P.R.L. B. / O.N.S.S. )


Vu le jugement contradictoire prononcé le 21 février 2013 par le tribunal du travail de Mons, (...)
Faits et antécédents de la procédure
La S.P.R.L. B., entreprise de parachèvement spécialisée dans la pose de faux-plafonds, de cloisons et d'isolation, s'est vue confier par la S.A. L. D. des travaux en sous-traitance sur le chantier « Crèche C. » situé à E. Ce chantier était composé de deux bâtiments, l'un situé rue G. L., l'autre rue du C. Ces travaux consistaient en la fourniture et la pose de cloisons et faux-plafonds.
Un contrôle a été effectué le 4 juin 2010 sur ledit chantier par différents services d'inspection et par des membres de la police locale. Au premier étage du bâtiment de la rue du C., un homme était occupé à placer des planches en bois autour des fenêtres. Il s'agissait de Monsieur E. H. D. C., de nationalité brésilienne. Des procès-verbaux ont été dressés par l'inspection régionale de l'emploi de la région de Bruxelles-capitale et par l'inspection sociale fédérale de Bruxelles, respectivement les 10 et 17 août 2010, le premier à charge de Monsieur A. D. et de la S.P.R.L. B., pour avoir fait ou laissé travailler un ressortissant brésilien n'étant pas admis à séjourner plus de trois mois en Belgique, le second à charge de Monsieur A. D., de Monsieur W. V. D. G. et de la S.P.R.L. B. pour défaut de déclaration immédiate d'embauche.
Par lettre recommandée du 6 janvier 2011, l'O.N.S.S. a notifié à la S.P.R.L. B. la régularisation d'office de la situation de Monsieur E. H. D. C. sur la base des articles 22 et 22bis de la loi du 27 juin 1969 et a annoncé l'envoi d'un avis rectificatif pour les cotisations dues à concurrence de 56,55 euros.
Par lettre recommandée du 17 janvier 2011, l'O.N.S.S. a notifié à la S.P.R.L. T. I. qu'une cotisation de solidarité de 2.443,45 euros était due pour le travailleur concerné en application de l'article 22quater de la loi du 27 juin 1969 (absence de déclaration immédiate de l'emploi).
Par lettre et télécopie du 7 février 2011, le conseil de la S.P.R.L. B. a mis l'O.N.S.S. en demeure d'annuler les décisions précitées.
Aucune suite n'ayant été réservée à cette demande, citation a été lancée le 5 avril 2011.
La demande originaire de la S.P.R.L. B., telle que modifiée en cours d'instance, avait pour objet :
  • d'entendre mettre à néant les décisions de l'O.N.S.S. des 6 janvier et 17 janvier 2011 ;
  • d'entendre dire pour droit qu'elle n'est redevable d'aucune cotisation pour le dénommé E. H. D. C. ;
  • d'entendre condamner l'O.N.S.S. à lui payer la somme de 1.000 euros au titre de dommages et intérêts du chef de régularisation ou demande téméraire et vexatoire ;
  • d'entendre condamner l'O.N.S.S. à lui rembourser la somme de 3.000 euros à majorer des intérêts compensatoires au taux légal à partir du 6 avril 2011.
Par jugement prononcé le 21 février 2013, le premier juge a débouté la S.P.R.L. B. de ses demandes relatives à la mise à néant des décisions des 6 et 17 janvier 2011 et à la somme de 1.000 euros au titre de dommages et intérêts. La réouverture des débats a été ordonnée d'office avant de statuer sur le remboursement de la somme de 3.000 euros.
Le premier juge a considéré qu'à défaut d'élément de nature à démontrer que la S.P.R.L. B. aurait sous-traité les travaux réalisés par Monsieur E. H. D. C., il s'imposait de constater qu'elle était la seule société à être chargée de ce travail en vertu du contrat de sous-traitance conclu avec l'entrepreneur général et était la seule à disposer du matériel utile pour ce faire. Il a également considéré qu'aucune faute ne pouvait être reprochée à l'O.N.S.S. dans la gestion du dossier.
Objet de l'appel
La S.P.R.L. B. a interjeté appel de ce jugement. Elle demande à la cour de faire droit intégralement à sa demande originaire.
Décision (...)
Fondement

Décisions des 6 et 17 janvier 2011

1. De la circonstance que l'O.N.S.S. a le pouvoir de décider d'office, en vue de l'exécution correcte de sa mission légale, de l'assujettissement ou du désassujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés par une décision qui est, en vertu du privilège du préalable, exécutoire, il ne résulte pas que l'existence ou l'inexistence d'un contrat de travail soit érigée en une présomption le dispensant de toute preuve (Cass., 2 mai 2005, J.T.T., 2005, p. 330).
C'est dès lors l'O.N.S.S., qui a décidé d'office de l'assujettissement à la sécurité sociale des travailleurs salariés et qui a réclamé de ce chef des cotisations de sécurité sociale, qui doit apporter la preuve de cet assujettissement.
Il doit s'agir d'une preuve certaine.
2. En l'espèce, l'O.N.S.S. fait valoir qu'il est établi par les éléments du dossier (les déclarations de Monsieur E. H. D. C. et des responsables de la S.P.R.L. B. et de la S.P.R.L. B. P., ainsi que le contrat de sous-traitance conclu entre la S.A. L. D. et la S.P.R.L. B.) que Monsieur E. H. D. C. a été trouvé sur le chantier occupé à effectuer des travaux confiés par les entreprises L. D. à la S.P.R.L. B., au moyen de matériaux mis à disposition du personnel de celle-ci. Dans ces conditions, il estime qu'il appartient à la S.P.R.L. B., qui prétend ne pas être l'employeur de Monsieur E. H. D. C., d'établir avec vraisemblance le fait que l'intéressé travaillait pour quelqu'un d'autre. La S.P.R.L. B. étant en défaut de ce faire, les décisions des 6 janvier et 17 janvier 2011 sont parfaitement justifiées.
3. Entendu le 4 juin 2010, jour du contrôle, Monsieur E. H. D. C. a déclaré :

« ... À votre question, sur le chantier où vous m'avez constaté aujourd'hui, je fais des travaux de plafonnage, de finition en général, aussi bien les murs que les fenêtres. Je travaillais sur tout le chantier mais aujourd'hui j'étais au premier étage du côté de la rue de C. Je fais ces travaux pour une personne depuis une vingtaine de jours. C'était la première fois que je travaillais pour cette personne. Cette personne s'appelle "S.". Il s'agit d'un surnom. II s'agit d'un italien d'environ 35 à 38 ans. Un ami à moi avait passé mon n° de G.S.M. à "S." et c'est donc lui qui m'a contacté. II cache son numéro quand il m'appelle. La première fois on s'est donné rendez-vous à Shuman, de là nous sommes allés dans la voiture de "S.", une Mercedes "Vito" blanche vers le chantier. Là il m'a montré ce que je devais faire et depuis, il m'appelle tous les jours avec les instructions pour le
lendemain. (...)

"S." allait me payer entre le 5 et le 10 du mois. J'allais être payé 50 euros par jour mais je n'ai encore rien reçu.

À votre question, j'utilisais mon propre matériel sur le chantier, les matériaux étaient fournis par "S.". En fait les matériaux nécessaires se trouvaient dans le patio où je pouvais me servir ainsi que les Portugais de l'autre société sur le chantier. J'ignore le nom de cette société.

À votre question, je n'ai signé aucun document avec "S." avant de commencer à travailler pour lui.

Sur le chantier, personne ne m'a jamais demandé pour qui je travaille ou je n'ai jamais dû signer une liste de présences.

À votre question, aujourd'hui je faisais exactement le placement de planches en bois en haut et en bas des fenêtres, les carreaux étaient déjà placés. Je fais ce travail depuis toute la semaine sur différents étages sur tout le chantier. Les planches en bois se trouvaient dans le bâtiment en face de celui de rue de C. Les Portugais faisaient la même chose mais à chaque fois quand eux étaient dans un bâtiment, moi j'étais dans l'autre à faire la même chose. Les Portugais étaient trois et ne portaient pas de tenue de travail avec un nom dessus. (...)

À votre question, le nom de "B. L." ne me dit rien. (...) ».

Le contrat de sous-traitance conclu entre la S.A. L. D. et la S.P.R.L. B. prévoit en son article 3 que les « travaux », objet dudit contrat, consistent en la fourniture et pose de cloisons et faux-plafonds, dans le cadre du projet Crèche C. La S.P.R.L. B. était également chargée de la pose de caches rideaux en M.D.F. blanc.
4. Des déclarations de Monsieur E. H. D. C., il y a lieu de retenir que :
  • l'intéressé effectuait des travaux de plafonnage, de finition en général, depuis une vingtaine de jours sur tout le chantier ;
  • le jour du contrôle il était occupé à placer des planches en bois en haut et en bas des fenêtres ;
  • il effectuait ces travaux pour le compte d'un dénommé - ou surnommé - « S. », qui l'avait contacté par téléphone portable, lui avait donné les premières explications sur le travail à effectuer lors d'un rendez-vous dans le métro et l'avait ensuite appelé chaque jour pour lui donner les instructions pour le lendemain ;
  • il utilisait son propre matériel sur le chantier, les matériaux étant fournis par « S. » ; ceux-ci se trouvaient dans un patio où les « portugais de l'autre société » se servaient également.
Le postulat de départ de l'O.N.S.S. n'est pas correct : Monsieur E. H. D. C. ne fait aucune allusion à la pose de cloisons et faux-plafonds. Le placement de planches en bois en haut et en bas des fenêtres peut parfaitement constituer la phase préparatoire aux travaux de plafonnage dont l'intéressé déclare être chargé. C'est ce qu'a précisé Monsieur A. D., associé actif de la S.P.R.L. B., dans sa déclaration du 7 juillet 2010. C'est à tort que l'O.N.S.S. tient pour acquis que Monsieur E. H. D. C. était occupé à effectuer des travaux confiés par les entreprises L. D. à la S.P.R.L. B.
Dans ces conditions il ne peut être imposé à la S.P.R.L. B. d'établir que Monsieur E. H. D.C. travaillait pour une autre société ou un autre commettant.
5. La preuve qui incombe à l'O.N.S.S. ne peut se déduire ni des constatations des verbalisants ni des autres déclarations recueillies par ceux-ci.
Les verbalisants ont constaté à leur arrivée sur le chantier que Monsieur E. H. D.C. était occupé à « mettre des lattes en bois autour des fenêtres », ce qui corrobore les déclarations de l'intéressé. C'est en contradiction avec ce constat que le premier juge retient que Monsieur E. H. D.C. plaçait des « planches de finition » au-dessus des fenêtres du premier étage du bâtiment situé rue du C.
C'est également à tort que le premier juge tire des conclusions décisives du fait que Monsieur E. H. D.C. était en possession de vis noires à gyproc. Monsieur Philippe G., employé de la S.A. L. D. et responsable du chantier C., déclare que de telles vis étaient utilisées tant par la S.P.R.L. B. que par ses sous-traitants. Selon Monsieur E. H. D.C., les matériaux fournis par « S. » se trouvaient dans un patio entre les deux bâtiments où il pouvait se servir, ainsi que des ouvriers portugais dont il ignore pour qui ils travaillaient (la S.P.R.L. B. n'occupe pas de personnel portugais). Celle-ci fait utilement observer que le chantier concerné portait sur la construction d'une crèche de taille pour le compte de la Commission européenne, et qu'y circulaient en moyenne 80 à 130 ouvriers travaillant pour divers corps de métier : électriciens, plafonneurs, chauffagistes, charpentiers, maçons, poseurs de châssis, ...
Enfin, il résulte des déclarations de Monsieur A. D., associé actif de la S.P.R.L. B. et de Monsieur J. A. T. C., gérant de la S.P.R.L. B. P., que le 4 juin 2010 les travaux n'avaient pas encore débuté au premier étage du bâtiment situé rue du C., hormis le placement de demi cloisons dans les toilettes effectué par la S.P.R.L. B. P.
6. Il résulte de ce qui précède que l'O.N.S.S. est en défaut d'établir que, le jour du contrôle, Monsieur E. H. D.C. travaillait pour le compte de la S.P.R.L. B., et qu'à tout le moins un doute sérieux subsiste qui doit être retenu au détriment de la partie qui a la charge de la preuve.
L'appel est fondé sur ce point. Les décisions des 6 janvier et 17 janvier 2011 doivent être mises à néant.

Dommages et intérêts

Les autorités administratives sont soumises aux règles du droit civil et notamment à l'obligation résultant des articles 1382 et 1383 du Code civil de réparer le dommage causé à autrui par leur faute. La faute extracontractuelle peut se présenter sous deux aspects : ou bien, c'est un acte ou une abstention qui méconnaît une norme de droit international ayant des effets directs dans l'ordre juridique national ou une norme de droit interne imposant à des sujets de droit de s'abstenir ou d'agir de manière déterminée, ou bien, c'est un acte ou une abstention qui, sans constituer un manquement à de telles normes, s'analyse en une erreur de conduite, laquelle doit être appréciée suivant le critère d'une personne normalement raisonnable et prudente placée dans les mêmes conditions (conclusions de l'Avocat général J. Velu sous Cass., 13 mai 1982, J.T., 1982, p. 780). La faute de l'administration doit être par ailleurs en relation causale avec le dommage dont la réparation est demandée.
En l'espèce, l'O.N.S.S. n'a commis aucune faute en prenant les deux décisions querellées sur la base du rapport d'enquête qui lui a été transmis, pas plus qu'en ne donnant pas suite à la demande de retrait formulée par le conseil de la S.P.R.L. B. Cette constatation s'impose d'autant plus que le premier juge a tiré les mêmes conclusions des éléments du rapport d'enquête.
L'appel n'est pas fondé sur ce point.

Remboursement de la somme de 3.000 euros

La S.P.R.L. B. s'est vue contrainte de verser à l'O.N.S.S., en date du 6 avril 2011, une somme de 3.000 euros afin d'échapper au système de retenue prévu à l'article 30bis de la loi du 27 juin 1969.
Les décisions des 6 janvier et 17 janvier 2011 étant mises à néant, cette somme doit être remboursée à la S.P.R.L. B., majorée des intérêts au taux légal depuis le 6 avril 2011.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mmes J. Baudart, M. Brancato et M. Th. Josephy.
Greffier : M. S. Barme.
M.P. : M. Ch. Vanderlinden.
Plaid. : MesPolet et Brkojewitsch.

 



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Sommaire

  • Si l'ONSS bénéficie du privilège du préalable et de l'exécution d'office, il n'en résulte pas que l'existence ou l'inexistence d'un contrat de travail soit érigée en une présomption le dispensant de toute preuve. - Lorsqu'une société demanderesse est chargée de travaux de sous-traitance consistant en la fourniture et la pose de cloisons et de faux-plafonds, il ne peut être déduit de la seule circonstance que le travailleur dont l'occupation entraîna la régularisation d'office était, lors du contrôle, occupé à des travaux pouvant constituer la phase préparatoire aux travaux de plafonnage dont il déclarait être chargé, qu'il était occupé à des travaux rentrant dans le cadre de ceux de la sous-traitance.

Mots-clés

  • Sécurité sociale - Travailleurs salariés - Régularisation d'office - O.N.S.S. - Charge de la preuve - Portée

Date(s)

  • Date de publication : 05/09/2014
  • Date de prononcé : 13/02/2014

Référence

Cour du travail Mons (5 echambre), 13/02/2014, J.L.M.B., 2014/27, p. 1287-1291.

Branches du droit

  • Droit social > Sécurité sociale-généralités > Sécurité sociale-autres > Travailleurs salariés
  • Droit public et administratif > Droit administratif > Acte administratif > Exécution d'office (privilège du préalable)

Éditeur

Larcier

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