Jurisprudence - Droit pénal
Preuve - Matières pénales - Régularité des preuves - Preuves recueillies à l'étranger - Droits de l'homme - Procès équitable. . |
Les auditions de suspects français, placés en garde à vue et entendus sous serment en France, qui ont été recueillies en exécution de commissions rogatoires internationales adressées par le juge d'instruction belge aux autorités judiciaires françaises ne portent atteinte ni aux droits de la défense de ceux-ci et ni à leur droit à un procès équitable.
(Ministère public, Commission des Communautés européennes, Établissement national des produits de l'agriculture et de la mer, Union Invivo union de coopératives agricoles / Br. et autres )
(...)
2. |
Quant aux auditions de prévenus faites, en France, sous serment |
36. Les prévenus A., B., C., D., E. et Union Invivo expriment des réserves quant à la régularité de la procédure, demandent de faire déclarer nuls plusieurs procès-verbaux d'audition les concernant et invoquent l'irrecevabilité des poursuites en raison de la violation de leur droit au silence.
37. Trois commissions rogatoires internationales ont été adressées par le juge d'instruction belge aux autorités judiciaires françaises, soit :
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la commission rogatoire internationale du 27 mai 2003,
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la commission rogatoire internationale ampliative du 24 septembre 2003,
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une seconde commission rogatoire internationale ampliative du 13 octobre 2003.
Ces commissions rogatoires avaient pour but des devoirs d'enquête relatifs à la société Union Invivo et à plusieurs membres de son personnel, qu'il s'agisse de dirigeants ou de collaborateurs.
38. En vertu du réquisitoire de mise à l'instruction du 17 décembre 2001, les poursuites n'étaient dirigées que contre le prévenu B.
Par les réquisitions complémentaires du 17 janvier 2003, elles ont été étendues au prévenu V.
Dans le texte de la commission rogatoire internationale du 27 mai 2003, le juge d'instruction belge écrit qu'il découle de l'enquête que « les informations confidentielles en provenance de la Commission européenne, recueillies par J.-J. V. sont notamment répercutées par le biais de télécopies adressées [à un numéro qui] semble être attribué au groupe Sigma » et que « les destinataires présumés finaux de ces télécopies sont notamment les dénommés A., B., D. et E., lesquels occupent tous, semble-t-il, des fonctions dirigeantes au sein du groupe Sigma, récemment rebaptisé Invivo » (c'est la cour qui met en italiques)
Dans le texte de la commission rogatoire internationale du 13 octobre 2003, le même juge d'instruction écrit, notamment, que « des éléments complémentaires d'enquête, il appert qu'au sein du groupe [Invivo] les destinataires et utilisateurs des informations confidentielles en provenance du sieur Br. pourraient s'identifier notamment comme étant les prévenus A., B., C., D., E. et S. » (c'est à nouveau la cour qui met en italiques)
Il découle de l'ensemble de ces considérations qu'à la date du 15 octobre 2003, ces prévenus ne sont pas cités dans un réquisitoire et que, pour le juge d'instruction belge, ils pourraient être les destinataires des documents transmis par J.-J. V.
Ils sont donc, à ce stade soupçonnés à défaut d'être suspectés.
Le but des commissions rogatoires internationales qui seront exécutées entre le 14 et le 17 octobre 2003 est, par le biais de perquisitions et d'auditions de ces personnes, mais aussi d'autres qui ne sont pas nommément citées, de pouvoir identifier celles qui pourraient être les destinataires de documents émanant de la Commission européenne susceptibles d'être couverts par le secret professionnel.
39. En ce qui concerne l'exécution, à Paris, des commissions rogatoires internationales, telles que formulées par le juge d'instruction belge, la cour se réfère à la consultation juridique rédigée par l'association Corpus consultants, jointe aux conclusions d'appel in limine litis de la prévenue Union Invivo.
L'on en retiendra que :
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ces commissions rogatoires ont été exécutées par le doyen des juges d'instruction du tribunal de grande instance de Paris,
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le juge d'instruction français a délégué à un officier de police judiciaire ses pouvoirs propres d'auditionner,
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le juge d'instruction ne dispose pas du pouvoir de placer en garde à vue, ce pouvoir appartenant à l'officier de police judiciaire,
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ce dernier peut, en vertu de l'article 154 du Code de procédure pénale, exercer ses pouvoirs propres « tel que le placement en garde à vue, pour les nécessités de l'exécution de la commission rogatoire ».
Évoquant la présente cause, les rédacteurs de cette consultation écrivent que c'est ainsi que « sur le fondement de subdélégations de commissions rogatoires internationales (...) les cadres et dirigeants de la société Union Invivo ont été auditionnés sous serment dans le cadre de gardes à vue ordonnées par un officier de police judiciaire et prolongées par le juge d'instruction ».
40. Il ressort de cette même consultation qu'à l'époque des auditions litigieuses, en octobre 2003, selon la loi pénale française, trois statuts étaient à la disposition du juge d'instruction : celui de « mis en examen », celui de « témoin assisté » et celui, résiduel, de « témoin » au sens large du terme.
41. Le juge d'instruction français ne peut placer sous le régime de la mise en examen que les personnes à l'encontre desquelles il existe des indices « graves ou concordants » rendant vraisemblables qu'elles aient pu participer, comme auteurs, coauteurs ou complices, à la commission des infractions dont il est saisi.
Si les indices recueillis à l'égard d'une personne sont « graves et concordants », le juge d'instruction doit mettre celle-ci en examen et ne peut pas l'entendre ou la faire entendre comme témoin.
42. En ce qui concerne le second statut, une personne nommément visée par un réquisitoire doit toujours être entendue comme « témoin assisté », en l'absence de mise en examen.
Elle ne peut être entendue comme simple témoin, à peine de nullité.
Si une personne est nommément visée dans une plainte ou simplement mise en cause par la victime, elle peut être entendue comme « témoin assisté » par le juge.
La personne mise en cause par un témoin ou contre laquelle il existe des indices rendant vraisemblable sa participation à l'infraction peut aussi être entendue comme « témoin assisté » par le juge d'instruction.
43. Le témoin, au sens large du terme, est donc la personne qui n'est pas mise en examen et qui n'est pas « témoin assisté ».
En d'autres mots, le juge d'instruction ne peut pas faire entendre comme témoin, au sens large du terme, une personne à l'encontre de laquelle il existe des indices graves et concordants ou une personne visée au réquisitoire du parquet.
44. L'association Corpus consultants analyse ensuite les termes de la commission rogatoire interne délivrée par le juge d'instruction français.
Selon l'officier de police judiciaire chargé de l'exécution de ce devoir, il existait « une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner » des cadres dirigeants de la société Union Invivo, motif pour lequel cet officier a décidé, de sa seule initiative, de les placer en garde à vue.
Les rédacteurs de la consultation écrivent qu'« une telle situation n'est pas, en théorie, irrégulière car, dans la gradation des soupçons, les raisons plausibles de soupçonner se situent en-deçà des indices graves et concordants rendant vraisemblable la participation à l'infraction ».
45. La cour retient, par ailleurs, de la circulaire d'application numéro 2000-16 du 20 décembre 2000 les critères retenus par les autorités judiciaires françaises pour considérer que des indices sont graves et/ou concordants.
Ainsi, constitue un indice grave, « une mise en cause formelle et argumentée de la victime ou d'un témoin ».
Constituent des indices concordants, « la preuve matérielle de la présence de l'intéressé sur le lieu des faits malgré ses dénégations, l'impossibilité pour la personne de préciser son emploi du temps au moment des faits ou sa reconnaissance par d'autres témoins ».
La mise en cause de la personne ne peut reposer sur un unique élément de preuve mais sur plusieurs et ceux-ci ne doivent pas être véritablement sujets à caution.
46. En application de ces éléments au cas d'espèce, la cour considère que :
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seuls K. B. et J.-J. V. ayant été poursuivis, par des réquisitoires du parquet, avant l'exécution des commissions rogatoires, les cadres et dirigeants de la société Union Invivo ne pouvaient bénéficier du statut de « témoins assistés »,
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aucun d'entre eux n'avait alors fait l'objet d'une « mise en cause formelle et argumentée de la victime ou d'un témoin », ce qui exclut l'indice grave tel qu'interprété par la circulaire d'application précitée du 20 décembre 2000,
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dès lors que la notion d'indices graves et concordants implique que « la culpabilité de la personne résulte avec un très haut degré de vraisemblance des éléments recueillis », tel n'était pas le cas en ce qui concerne les cadres et dirigeants de la société Union Invivo, le juge d'instruction belge n'ayant eu, à ce stade de l'enquête, que des informations suivant lesquelles des documents de la Commission européenne, éventuellement couverts par le secret professionnel, semblaient avoir été expédiés à ladite société et, plus particulièrement, à certains de ses dirigeants, ce qu'il convenait, à son sens, de vérifier ; il ne s'agissait alors que de soupçons et non d'une vraisemblable culpabilité,
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« les raisons plausibles [du juge d'instruction belge] de soupçonner se situent en-deçà des indices graves et concordants » qui, à tout le moins à ce stade de l'enquête, n'étaient pas réunis,
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à défaut d'indices graves et concordants, les dirigeants et cadres de la société Union Invivo ne devaient pas être mis en examen.
Par conséquent, ne bénéficiant pas du statut de « témoins assistés » et ne devant pas être mis en examen, A., B., C., D., E. et S. pouvaient être entendus en qualité de témoins, en vertu de la législation française applicable à l'époque de l'exécution des commissions rogatoires.
Il convient, par ailleurs, de souligner qu'au moment de leurs premières auditions, aucune de ces personnes n'avait été inculpée et qu'elles ne le seront, au plus tôt, que plus d'un an plus tard.
47. La cour constate que toute la démonstration des rédacteurs de la consultation de l'association Corpus consultants, quant à l'application au cas d'espèce des principes énoncés ci-dessus, répond à une question dont les prémisses ne sont pas correctes puisqu'il y est affirmé que « la société Union Invivo et certains de ses cadres dirigeants apparaissent comme suspects (...) et sont nommément visés comme tels dans la formulation des trois commissions rogatoires internationales » (c'est la cour qui met en italiques), ce qui est totalement inexact.
Les précités étaient, certes, « soupçonnés » mais non « suspects ».
Dans leur avis final, les rédacteurs de la consultation écrivent d'ailleurs que « dans la mesure où les personnes entendues en France étaient hautement suspectes, aux yeux du magistrat instructeur belge (ce qui est inexact) et mises en cause par un acte judiciaire (commission rogatoire internationale) et où il existait des indices graves et concordants à leur encontre (ce qui est également inexact), elles auraient dû être entendues sous le régime du mis en examen ou celui du témoin assisté », ce qui constitue, aux yeux de la cour, une réponse qui, pour les motifs énoncés plus haut, s'applique à la question posée incorrectement par la défense de la société Union Invivo et non à l'analyse faite par la cour.
De plus, la question précise qui est posée par la défense de la société Union Invivo est de savoir « si l'audition sous serment d'un suspect dans le cadre d'une garde à vue est régulière en droit français au moment de la procédure », hypothèse que la cour ne retient pas.
48. Il y a lieu, dès lors, d'examiner si, à l'époque des faits, des témoins pouvaient être placés en garde à vue.
L'article 154 du Code de procédure pénale français disposait que « lorsque l'officier de police judiciaire est amené, pour les nécessités d'exécution de la commission rogatoire, à garder à sa disposition une personne à l'encontre de laquelle il existe une ou plusieurs raisons plausibles de soupçonner (c'est la cour qui met en caractères droits) qu'elle a commis ou tenté de commettre une infraction, il en informe, dès le début de cette mesure, le juge d'instruction saisi des faits ».
En l'espèce, l'officier de police judiciaire chargé de l'exécution des commissions rogatoires internationales a considéré qu'il y avait lieu de placer en garde à vue plusieurs personnes dont les noms étaient cités, au regard de ce qu'il a considéré être des soupçons à leur encontre.
Personne ne conteste que des auditions sous serment de témoins placés en garde à vue étaient conformes au droit français de l'époque.
Ce système a d'ailleurs été réformé, quelques mois plus tard, par la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben, l'article 153 du Code de procédure pénale français étant complété comme suit : « l'obligation de prêter serment et de déposer n'est pas applicable aux personnes gardées à vue en application des dispositions de l'article 154 ».
49. Par conséquent, les auditions sous serment de A., B., C., D., E. et S. ont été recueillies régulièrement au regard de la loi française applicable en 2003.
Surabondamment, à supposer même qu'elles eussent été recueillies irrégulièrement en vertu des règles de procédure françaises, ces auditions n'ont pas été obtenues, comme cela sera précisé ci-dessous, en violation d'une règle prévue à peine de nullité.
50. La défense de ces prévenus invoque un arrêt du 14 octobre 2010 de la Cour européenne des droits de l'homme qui a considéré que l'obligation faite à la personne gardée à vue et placée sous le statut de témoin de prêter serment méconnaît son droit de garder le silence et que l'utilisation en Belgique des auditions litigieuses recueillies en France violerait leur droit à un procès équitable, motifs pour lesquels elles doivent, selon elle, être retirées des débats.
L'article 153, in fine, du Code de procédure pénale français, introduit, pour rappel, par la loi du 9 mars 2004, dite loi Perben, et dont le texte ne paraît pas avoir été modifié depuis lors, dispose que « le fait que les personnes gardées à vue aient été entendues après avoir prêté serment ne constitue toutefois pas une nullité de la procédure ».
Pour apprécier si une cause a été entendue équitablement au sens de l'article 6 de la Convention des droits de l'homme, il convient de rechercher si cette cause, prise dans son ensemble, a fait l'objet d'un procès équitable devant une juridiction impartiale.
Dans cette optique, si le droit à un procès équitable, garanti aux prévenus par cette disposition, implique que ceux-ci ne peuvent être forcés de témoigner contre eux-mêmes ou de s'avouer coupables, une violation de ce droit ne peut se déduire du seul fait de la jonction au dossier d'auditions sous serment de personnes qui, à l'époque, suivant l'analyse de la cour, étaient seulement soupçonnées d'avoir commis des infractions et ne devaient ni être mises en examen ni bénéficier du statut de « témoins assistés », les prévenus ayant eu ultérieurement la possibilité, devant les juridictions de jugement, d'en combattre librement la pertinence (voy., en ce sens, Cass., 23 mars 2004, Cass.be, R.G.
P.04.0012.N).
51. La défense du prévenu C. fait, par ailleurs, état de l'arrêt dit Salduz rendu également par la Cour européenne des droits de l'homme postérieurement aux auditions litigieuses et qui dispose qu'il faut « en règle générale que l'accès à un avocat soit consenti dès le premier interrogatoire d'un suspect par la police ».
Or, pour rappel, la cour a considéré, qu'en l'espèce, les prévenus qui ont été placés en garde à vue n'ont pas été auditionnés en qualité de suspects mais en qualité de témoins.
52. La cour constate, en outre, qu'aucun des dirigeants ou cadres de la S.A. Union Invivo, présent en degré d'appel, ne s'est auto-incriminé.
Aucun d'entre eux n'a été interrogé par le premier juge et par la cour à propos du contenu de ses auditions recueillies sous serment.
Tous ont pu, dès l'instruction d'audience, donner toutes les explications voulues et exposer leur version des faits.
Le seul cadre de cette société à s'être auto-incriminé et à avoir donné des informations relatives à certains prévenus présents devant la cour est le coprévenu, non en appel, S.
Celui-ci réentendu par le premier juge, ne s'est jamais rétracté.
En ce qui concerne les déclarations de celui-ci, il y a lieu de rappeler que « lorsque la (...) personne, (...) sans avocat (...), consent des déclarations qui incriminent également des tiers, la preuve ainsi recueillie à charge de ceux-ci n'est pas, en soi, irrégulière. Le suspect n'agit alors que comme un témoin dont la déposition, pour être reçue, ne doit pas être faite en la présence d'un conseil. Il n'en va pas de même, cependant, lorsque le prévenu s'est accusé lui-même et a dénoncé ses coauteurs par une seule et même déclaration irrégulière sur le contenu de laquelle
il est ensuite revenu. Si l'irrégularité liée à l'absence de l'avocat est avérée et que ce prévenu conteste tant l'aveu que la dénonciation, le juge du fond qui ne peut pas utiliser l'audition pour condamner celui qui l'a faite, ne peut pas davantage l'utiliser pour condamner les personnes mises en cause
par la dénonciation rétractée » (c'est la cour qui met en italiques) (Cass., 5 septembre 2012,
P.12.0418.F)
[1].
Enfin, à l'instar du premier juge, la cour n'attachera que peu d'intérêt aux auditions des cadres et dirigeants d'Union Invivo présents en degré d'appel, aucune, à elle seule, ne paraissant de nature à fonder une quelconque prévention à charge de l'un des prévenus concernés.
53. Contrairement à une autre demande de la défense de dirigeants ou anciens dirigeants de la société Union Invivo, il n'y a pas lieu, en toutes hypothèses, d'écarter d'autres pièces qui seraient la suite des auditions litigieuses.
Dans plusieurs arrêts récents et postérieurs à l'arrêt précité de la Cour européenne des droits de l'homme, dont celui du 11 décembre 2012, la Cour de cassation française a dit pour droit que si les déclarations faites par un prévenu - et non par un témoin (c'est la cour qui ajoute ceci) - au cours de sa garde à vue devaient être annulées, il n'en était pas de même des auditions et témoignages recueillis au cours de la procédure subséquente.
Surabondamment, il convient encore moins de suivre la défense lorsqu'elle demande de déclarer toutes les poursuites irrecevables en ce qu'elles se baseraient sur ces auditions.
À supposer même que les déclarations faites sous serment étaient illégales, cette illégalité « n'entraîne pas nécessairement la nullité de tous les actes d'instruction ultérieurs ; il appartient au juge qui constate l'illégalité d'une preuve de considérer en fait et dès lors souverainement si, et dans quelle mesure, cette preuve illégale se trouve ou non à l'origine des autres actes d'instruction, de sorte que le droit à un procès équitable est compromis de manière irréparable » (J. De Codt, Des nullités de l'instruction et du jugement, p. 145, in fine).
54. Comme l'a souligné, à bon escient, le premier juge, dès lors que les auditions litigieuses ont eu lieu conformément aux règles de procédure française, le juge belge ne doit plus s'interroger que sur la question de savoir si l'utilisation de ces auditions, dans le cadre de la procédure belge, est susceptible de porter atteinte aux droits de la défense des prévenus concernés.
Il ne résulte d'aucune disposition légale que la preuve qui a été obtenue en méconnaissance d'un des droits fondamentaux garantis par la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est toujours inadmissible.
Sauf dans le cas où une disposition conventionnelle ou légale prévoit elle-même la conséquence de la méconnaissance d'une formalité prescrite par la loi relative à l'obtention de la preuve, le juge décide quelles sont les conséquences de cette irrégularité (Cass., 16 novembre 2004,
P.04.0644.N).
L'équité d'un procès pénal s'appréciant par rapport à l'ensemble de la procédure, les préventions retenues à charge des prévenus seront analysées à la lumière des nombreux devoirs réalisés et dans le respect des droits de la défense.
3. |
Quant aux auditions sous serment de membres du personnel de Union Invivo |
55. La prévenue Union Invivo soutient que les auditions sous serment de certains des membres ou anciens membres de son personnel, non poursuivis, constitue également une violation de son droit au silence.
S'il est exact qu'une personne morale jouit a priori du même droit au silence qu'une personne physique, la cour ne peut, pour les motifs déjà exposés plus haut, suivre la défense de la société Union Invivo lorsqu'elle affirme qu'elle était, à l'époque des auditions, accusée alors que, comme l'a écrit le premier juge, elle n'était que « potentiellement soupçonnée de s'être livrée à des infractions ».
56. Les membres du personnel de la société Union Invivo, non poursuivis, ont été interrogés en France conformément au droit français.
Ils ont, en leur qualité de témoins, prêté serment mais, au contraire de dirigeants et cadres de la société, n'ont pas été placés en garde à vue.
Leur situation est donc différente de celle de ces derniers.
À suivre la défense de la société Union Invivo, le droit au silence et le droit de ne pas s'accuser serait à ce point extensible que devrait être immédiatement écarté du dossier tout témoignage recueilli régulièrement sous serment d'une personne physique travaillant pour le compte d'une entreprise, dès lors que ledit témoignage contiendrait le moindre élément potentiellement à charge de cette entreprise, quand bien même, comme en l'espèce, celle-ci n'était, à ce moment ni suspectée ni inculpée mais uniquement soupçonnée, ce qui ressort du texte des commissions rogatoires exécutées en France.
Une telle interprétation ne peut être suivie.
57. La société Union Invivo ainsi que ses dirigeants ou anciens dirigeants poursuivis ont pu, par ailleurs, tant devant le premier juge que devant la cour contredire le contenu de ces témoignages dont la cour appréciera la crédibilité à l'aune de l'ensemble des éléments portés à sa connaissance. (...)
(La suite sans intérêt)
Siég. : MM. Maes, De Grève et Van der Noot.
Greffier : Mme Haesevoets. |
M.P. : M. Thoreau. |
Plaid. : MesJ. Waldron, Y. Goutal, E. Corazza, M. Hirsch, A. Lemaire, K. Merten Lentz, B.
Lemal, A. Risopoulos, A. Verheylesonne, P. Vanderveeren, Q. Wauters, J.-
F. Terlinden, V. Asselineau, O. Metzner (†), A. Andine, I. Bollingh, J. Verbist, R.
Tournicourt, F. Lettany, J. Scheers et S. Claeys. |
[1] |
N.D.L.R. : cette revue, 2012, p. 1511. |