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15/09/2010
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Cour d'appel Bruxelles (14e chambre), 15/09/2010


Jurisprudence - Droit pénal et procédure pénale

J.L.M.B. 11/163
I. Infractions diverses - Titulaires de fonctions publiques - Liste des mandats et déclaration de patrimoine - Membre du conseil d'administration d'une intercommunale.
II. Infractions diverses - Titulaires de fonctions publiques - Liste des mandats et déclaration de patrimoine - Droit transitoire.
1. Toutes les intercommunales sont soumises à la loi spéciale du 2 mai 1995 relative à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions et une déclaration de patrimoine. Tous ceux qui exercent une fonction dans laquelle ils pourraient être amenés à confondre intérêt public et particulier sont tenus par cette obligation ; il en est ainsi d'un membre du conseil d'administration d'une intercommunale.
2. Les lois spéciale et ordinaire du 2 mai 1995 ne définissant que les principes généraux de l'obligation de déposer une liste de mandats et une déclaration de patrimoine, c'est la loi du 26 juin 2004 modifiée par les lois du 3 juin 2007 et du 12 mars 2009 qui en fixe les modalités concrètes d'exécution. Ne s'agissant pas de dispositions abrogatoires mais modificatives ou simplificatrices, ces lois peuvent s'appliquer à des faits commis en 2005.

(M.P. / D. )


Prévenu de ou d'avoir, dans l'arrondissement judiciaire de Bruxelles, et de connexité ailleurs dans le Royaume, et notamment dans l'arrondissement judiciaire de Liège,
Entre le 30 mars 2005 et le 13 août 2005,
Attendu que la loi spéciale du 2 mai 1995 oblige diverses catégories de mandataires à déposer à la Cour des comptes et ce avant le 1er avril 2005, une liste de tous les mandats, fonctions et professions qu'ils ont exercés au cours de l'année 2004 ainsi qu'une déclaration de patrimoine ;
Attendu que le 30 avril 2005, la Cour des comptes a envoyé par courrier recommandé, une lettre de rappel aux assujettis en défaut de respecter leurs obligations ;
Attendu que la liste définitive des personnes en défaut de dépôt de liste de mandats et de déclaration de patrimoine a été publiée au Moniteur belge le 12 août 2005 ;
Que le prévenu est concerné par cette législation ;
A. le 31 mars 2005, ayant exercé au cours de l'année 2004 une des fonctions ou l'un des mandats visés à l'article premier de la loi spéciale du 2 mai 1995, avoir omis de déposer au greffe de la Cour des comptes une déclaration écrite dans laquelle il/elle mentionne, en précisant s'ils sont rémunérés ou non, tous les mandats, fonctions dirigeantes ou professions, qu'elle qu'en soit la nature qu'il/elle a exercé(e)s au cours de ladite année, tant dans le secteur public que pour le compte de toute personne physique ou morale, de tout organisme ou association de fait, établis en Belgique ou à l'étranger ;
B. le 31 mars 2005, avoir omis de déposer au greffe de la Cour des comptes, dans le mois qui suit sa première entrée en fonction ou sa première nomination à l'une des fonctions ou à l'un des mandats repris à l'article premier de la loi spéciale du 2 mai 1995, une déclaration de patrimoine relative à l'état de son patrimoine au jour de son entrée en fonction, qui fait état de toutes ses créances, tous ses immeubles et tous ses biens meubles de valeur ; ...
Quant aux préventions
Le prévenu est poursuivi du chef d'avoir, entre le 30 mars 2005 et le 13 août 2005, omis de déposer au greffe de la Cour des comptes une déclaration écrite dans laquelle il mentionne, en précisant s'ils sont rémunérés ou non, tous les mandats, fonctions dirigeantes ou professions, quelle qu'en soit la nature qu'il a exercés au cours de l'année 2004, tant dans le secteur public que pour le compte de toute personne physique ou morale, de tout organisme ou association de fait, établis en Belgique ou à l'étranger (prévention A) et, dans le mois qui suit sa première entrée en fonction ou sa première nomination à l'un des mandats repris à l'article premier de la loi du 2 mai 1995 relative à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions et une déclaration de patrimoine, une déclaration relative à l'état de son patrimoine au jour de son entrée en fonction, qui fait état de toutes ses créances, tous ses immeubles et tous ses biens meubles de valeur (prévention B).
Les faits des préventions A et B, à les supposer établis, constituent dans le chef du prévenu, la manifestation successive et continue de la même intention délictueuse pendant un temps supérieur à celui de la prescription, ceux-ci ayant été commis entre le 30 mars 2005 et, au plus tard, le 13 août 2005.
Le cours de la prescription de l'action publique a été régulièrement interrompu par des actes d'instruction ou de poursuite, et notamment par l'acte d'appel du procureur du Roi de Bruxelles du 3 novembre 2009.
Quant au droit applicable
Les lois ordinaire et spéciale du 2 mai 1995 obligent un grand nombre de titulaires de fonctions publiques à transmettre annuellement à la Cour des comptes la liste de leurs mandats, fonctions et professions ainsi qu'une déclaration de patrimoine.
L'obligation faite aux titulaires de fonctions publiques de déposer une liste de mandats et une déclaration de patrimoine est basée sur la considération que la transparence et l'égalité de traitement sont essentielles dans une démocratie. Ainsi, l'exercice d'une fonction ne peut injustement profiter à la personne qui l'exerce.
Selon le législateur, toute personne qui participe à l'exercice du pouvoir public ou qui a la possibilité d'abuser du pouvoir ou des deniers publics est soumise à l'obligation de dépôt d'une liste de mandats et d'une déclaration de patrimoine.
Les lois spéciale et ordinaire du 2 mai 1995 relatives à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions ainsi qu'une déclaration de patrimoine concrétisent le souci de rendre la démocratie plus transparente et obligent certaines personnes investies d'un mandat public de premier plan à faire connaître régulièrement les mandats, fonctions et professions qu'elles exercent. Le public peut ainsi vérifier quelle sphère d'influence les mandataires ont au sein de la société.
Pour les mandataires concernés, la déclaration constitue un moyen d'éviter de susciter l'impression qu'il y a confusion d'intérêts. La déclaration de patrimoine que ces mandataires sont tenus de déposer constitue la garantie que ces personnes n'ont tiré aucun avantage illicite de l'exercice de leurs mandats. Si un mandataire est accusé à tort de s'être enrichi de manière irrégulière, sa déclaration de patrimoine peut être un moyen de prouver son innocence [1].
Les lois spéciale et ordinaire du 2 mai 1995 (M.B. 26 juillet 1995) définissent uniquement les principes généraux de l'obligation de déposer une liste de mandats et une déclaration de patrimoine. Les modalités concrètes d'exécution sont reprises dans les lois spéciale et ordinaire du 26 juin 2004 (M.B. 30 juin 2004). Ces lois sont entrées en vigueur le 1er janvier 2005 et ont été modifiées par les lois spéciale et ordinaire du 3 juin 2007 (M.B. 27 juin 2007) et du 12 mars 2009 (M.B. 31 mars 2009).
Le législateur a clairement délimité le champ d'application de la loi spéciale et ordinaire du 2 mai 1995 en son article premier.
En ce qui concerne les associations intercommunales et interprovinciales, les membres du conseil d'administration, en ce compris lorsque les mandats ne sont exercés qu'avec voix consultative, et les membres du comité de direction y sont expressément visés (article premier, 4°).
L'article 2 de cette loi dispose que :

« Les personnes qui exercent au cours d'une année une des fonctions ou un des mandats visés à l'article premier déposent avant le 1er avril de l'année suivante une déclaration écrite dans laquelle elles mentionnent tous les mandats, fonctions dirigeantes ou professions, quelle qu'en soit la nature, qu'elles ont exercés au cours de l'année citée en premier lieu, tant dans le secteur public que pour le compte de toute personne physique ou morale, de tout organisme ou association de fait, établis en Belgique ou à l'étranger ».

L'article 3 prévoit l'obligation également de déposer dans les mêmes conditions, une déclaration de patrimoine relative à l'état de leur patrimoine au 31 décembre de l'année citée, certifiée sur l'honneur exacte et sincère. Il vise les personnes qui exercent au cours d'une année une des fonctions ou un des mandats visés à l'article premier.
Les personnes qui auraient entamé l'exercice d'un mandat avant l'entrée en vigueur de la loi devront également déposer la déclaration de patrimoine, même s'il ne s'agit pas vraiment de leur « premier » mandat ou de leur « première » nomination. Les travaux parlementaires à la Chambre des représentants se prononcent en ce sens (voy. Doc. parl., rapport, proposition de loi, Chambre des représentants du 27 février 1995). C'est la position de la Cour des comptes et cette position a été confirmée après l'entrée en vigueur de la loi du 26 juin 2004, notamment par la Commission de suivi de la Chambre des représentants et la Commission de suivi du Parlement wallon.
Il y a lieu de rappeler que les dispositions légales relatives à l'obligation de déposer une déclaration de patrimoine visent à permettre une comparaison entre une première et une deuxième déclarations, celle-ci devant être déposée à l'expiration de chaque nouveau mandat donnant lieu à l'obligation de déclaration.
Il en découle que toutes les personnes assujetties à cette obligation doivent également déposer une première déclaration de patrimoine lors de l'entrée en vigueur desdites lois.
Cette déclaration fait état de toutes les créances (telles que comptes bancaires, les actions et obligations), de tous les immeubles ainsi que de tous les biens meubles de valeur, tels que les antiquités et les oeuvres d'art (article 3, paragraphe premier, alinéa 4).
La liste ainsi que la déclaration doivent être déposées au greffe de la Cour des comptes.
Les sanctions sont prévues à l'article 6 de la loi spéciale du 2 mai 1995.
Le code pénal, en son article 194, s'applique pour sanctionner le faux et usage de faux (article 6, paragraphe premier). Celui qui omet de faire les déclarations est puni d'une amende de 100 à 1.000 francs et son nom publié au Moniteur belge en même temps que la liste des mandats prévue à l'article 2, paragraphe 2.
La loi spéciale du 26 juin 2004 exécute et complète la loi spéciale du 2 mai 1995. Elle précise les modalités relatives au dépôt des déclarations prévues aux articles 2 et 3 de la loi spéciale du 2 mai 1995.
Son article 5 stipule que, dans le courant du mois de janvier de chaque année, la liste des intercommunales et interprovinciales et des organismes d'intérêt public sur lesquels une communauté ou une région exerce la tutelle est adressée à la Cour des comptes par le fonctionnaire désigné à cette fin par le président du gouvernement de la Communauté ou de la Région concernée.
Son article 7 prévoit un recours pour celui qui ne s'estime pas visé par la loi spéciale du 2 mai 1995.
La Cour des comptes établit, le 30 avril de chaque année, une liste provisoire des personnes, qui, assujetties à la loi spéciale du 2 mai 1995, ne lui ont pas fait parvenir la liste prévue à l'article 2 de cette loi ou la déclaration prévue à l'article 3. Elle adresse alors un rappel écrit, par lettre recommandée, à chacune de ces personnes. (article 7, paragraphe premier, alinéa premier).
Il appartient à celui qui ne se considère pas visé par cette loi d'en aviser la Cour des comptes par lettre recommandée, au plus tard le 15 mai de chaque année. La Cour des comptes examine alors les motifs exposés et fait part à l'intéressé de sa position, par lettre recommandée, au plus tard le 31 mai (article 7, paragraphe premier, alinéa premier). La procédure est identique en ce qui concerne une liste inexacte ou incomplète.
Si la Cour des comptes conclut qu'une personne est assujettie à la loi spéciale du
2 mai 1995 ou lui a fait parvenir une déclaration inexacte ou incomplète, cette personne peut s'adresser, par lettre recommandée, au (parlement) de la Communauté ou de la Région concernée, au plus tard le 15 juin (article 7, paragraphe 2).
Le législateur a estimé irréaliste de demander à la Cour des comptes d'établir et de tenir à jour elle-même la liste des personnes tenues de déposer une liste de mandats et une déclaration de patrimoine.
C'est pourquoi le législateur a prévu que chaque institution concernée remette chaque année à la Cour des comptes une liste des personnes qui doivent déposer une liste de mandats et une déclaration de patrimoine.
Les lois d'exécution du 26 juin 2004 confient cette mission à des personnes spécifiques au sein des institutions dénommées les « informateurs institutionnels ». Ces informateurs ont pour mission d'établir la liste des personnes visées par la loi et de communiquer cette liste à la Cour des comptes. La Cour des comptes ne modifie en aucun cas la composition des listes qui lui sont communiquées.
Les travaux parlementaires de la loi spéciale du 2 mai 1995 révèlent qu'il convient de soumettre l'obligation de déclaration de patrimoine et de dépôt d'une liste de mandats à toute personne qui participe de quelque manière que ce soit à l'exercice du pouvoir public ou qui, en quelque qualité que ce soit, a la possibilité d'abuser du pouvoir ou des deniers publics [2].
Dans les commentaires de l'article premier, il est précisé que :

« Cet article détermine les personnes visées par la publication de la liste des mandats, fonctions et professions ainsi que par la déclaration de patrimoine. Il s'agit non seulement des détenteurs d'un mandat électif mais aussi des personnes qui, en vertu de leur fonction, pourraient être amenées à confondre intérêt collectif et intérêt particulier, cela ne voulant évidemment pas dire qu'il y a présomption de fraude dans le chef des personnes visées mais tout simplement qu'un contrôle doit pouvoir s'exercer dans le cadre d'une action pénale » [3].

Par « fonctions dirigeantes », la loi entend une fonction importante : « les personnes qui ne déposeront pas leur déclaration alors qu'elles occupent une fonction importante seront sanctionnées par l'opinion publique » [4].
Quant à la loi du 12 mars 2009, elle n'a fait que modifier en simplifiant les obligations visées à la loi du 2 mai 1995, en son chapitre 2, et celle du 26 juin 2004, en son chapitre 3. Selon les travaux préparatoires, cette simplification ne change rien au fond de la réglementation, dès lors qu'il s'agit d'une simplification pour les assujettis et d'une optimalisation des possibilités de contrôle pour la Cour des comptes (voy. propositions déposées à la Chambre des représentants, doc. Chambre, n° 52-1507/1 et 1508/1).
L'article 7 de la loi spéciale et l'article 9 de ladite loi précisent qu'elles entreront en vigueur le 1er janvier 2009, soit une rétroactivité explicite d'un peu plus de trois mois. L'on peut raisonnablement considérer que l'objectif poursuivi par le législateur, en fixant cette date, était de permettre une évaluation annuelle de l'année qui précédait.
La loi simplifie donc la procédure quant au dépôt de la déclaration de patrimoine, mais pour l'année 2009 et celles à venir.
Ainsi, les assujettis qui exerçaient déjà avant le 1er janvier 2009 un ou plusieurs mandats ou fonctions assujettissables et dont la situation est demeurée inchangée au cours de l'année 2009 ne doivent déposer aucune déclaration de patrimoine en 2010.
Les personnes assujetties, dont la situation a été modifiée en cours de l'année 2009 (début, achèvement ou renouvellement d'un ou plusieurs mandats ou fonctions assujettissables), doivent déposer, entre le 1er janvier et le 31 mars 2010, une et une seule déclaration de patrimoine (même si plusieurs événements se sont produits au cours de l'année 2009).
Cette déclaration de patrimoine doit décrire l'état du patrimoine mobilier et immobilier de l'assujetti au 31 décembre 2009.
Ces nouvelles règles ont pour conséquence que les déclarations de patrimoine transmises par des assujettis dans le courant de l'année 2009, en raison d'un événement survenu au cours de l'année 2009, ne sont pas valables. Les intéressés doivent, dans ce cas, déposer, entre le 1er janvier et le 31 mars 2010, une nouvelle déclaration de patrimoine, décrivant l'état du patrimoine au 31 décembre 2009.
Au surplus, les règles suivantes demeurent pleinement en vigueur :
  • une déclaration de patrimoine doit toujours être transmise au greffe de la Cour des comptes sous enveloppe fermée, distincte de celle qui est affranchie, en raison de la confidentialité de celle-ci ;
  • une liste de mandats et une déclaration de patrimoine ne peuvent jamais être placées dans la même enveloppe fermée. Une liste de mandats ne peut comporter aucun renseignement d'ordre patrimonial ;
  • la déclaration est strictement confidentielle, et ne peut être ouverte que par un juge d'instruction dans le cadre d'une procédure judiciaire ;
  • les déclarations de patrimoine déposées par une personne assujettie décédée sont détruites à la Cour des comptes dès que son greffe est officiellement informé du décès par l'informateur institutionnel compétent ;
  • les déclarations de patrimoine sont renvoyées à l'assujetti à l'issue d'une période ininterrompue de non-assujettissement de cinq ans, prenant cours à la date de l'achèvement de son dernier mandat assujettissable.
Quant aux faits
Il résulte des éléments du dossier répressif soumis à l'appréciation de la cour que le prévenu a travaillé en qualité d'agent statutaire pour le compte de l'A.L.E. devenue Tecteo, du 2 octobre 1967 jusqu'au 1er septembre 2005.
Il a été, pendant de longues années, en qualité de directeur général adjoint puis, à partir du 1er mai 2000, directeur général, représentant auprès d'Inter-Régies, notamment au sein de son conseil d'administration, dont il a démissionné le 14 juin 2007.
Inter-Régies, association de coordination du secteur public de l'électricité, du gaz et de la télédistribution, a, conformément aux dispositions légales susvisées, envoyé à la Cour des comptes la liste des mandats au 1er janvier 2005 et, à la demande écrite de la Cour des comptes, le 31 janvier 2005, a précisé ce qu'il en était de la structure interne et de la nature desdits mandats.
Se basant sur les renseignements fournis par Inter-Régies, la Cour des comptes a envoyé, le 30 avril 2005, un rappel au prévenu, par courrier recommandé, lui enjoignant, pour le 15 mai 2005, de se conformer à la double obligation telle que prévue aux lois susvisées, en l'espèce, déposer la liste de ses mandats et faire une déclaration de patrimoine.
La liste définitive des personnes en défaut de dépôt de liste de mandat et de déclaration de patrimoine a été publiée au Moniteur belge, le 12 août 2005. Le nom du prévenu y figurait.
Entendu le 28 juin 2007 par la police locale de Beyne-Fléron-Soumagne, le prévenu reconnaît avoir reçu des courriers recommandés émanant de la Cour des comptes, en 2006 et 2007, l'invitant à se mettre en règle avec la loi.
Le prévenu a reçu, par ailleurs, le 22 mai 2008, un dernier courrier émanant de la Cour des comptes, qui, pour la troisième fois consécutive, lui a rappelé sa position en la matière et les conséquences pénales en cas de carence persistante de sa part.
Le prévenu a introduit un recours devant la Commission du suivi du Parlement wallon pour contester la position de la Cour des comptes, recours qui a été rejeté le 26 juin 2008.
Par courrier du 16 février 2009, la Cour des compte a fait connaître au procureur du Roi de Bruxelles sa réaction par rapport aux déclarations du prévenu qui soutenait qu'il n'était pas concerné par cette législation.
Le prévenu a été cité directement, le 27 juillet 2009, par le procureur du Roi de Bruxelles du chef des infractions telles que libellées aux préventions A et B susvisées.
Quant au fondement des préventions A et B
Le prévenu ne conteste pas avoir été directeur général adjoint, puis directeur général de l'Intercommunale A.L.E. Tecteo, et administrateur de l'Association de coordination Inter-Régies, mais il soutient que sa responsabilité pénale n'est pas engagée par rapport aux faits des préventions A et B retenues à sa charge.
Dans ses conclusions, il développe trois arguments à l'appui de sa thèse en contestant avoir exercé une fonction visée par la loi spéciale, en mettant en cause le statut d'intercommunale d'Inter-Régies et, en tout état de cause, en niant avoir donné son accord pour être désigné en tant qu'administrateur d'Inter-Régies, nonobstant les déclarations de cette « association ».
Il en conclut qu'il n'y a pas, dans son chef, d'intention délictueuse, quand bien même il serait considéré qu'il aurait bien fait partie d'un comité de direction et qu'Inter-Régies serait une intercommunale dont il aurait été l'administrateur.
En ce qui concerne la notion d'intercommunale, il y a lieu de préciser qu'une intercommunale est une association de communes qui a un ou plusieurs objets déterminés d'intérêt communal.
Elle exerce une mission de service public et, à ce titre, est une personne morale de droit public. Elle peut prendre la forme de la société anonyme (SA), de la société coopérative à responsabilité limitée (SCRL) ou de l'association sans but lucratif (ASBL).
Un minimum de deux communes est requis pour la création d'une intercommunale. Les communes sont libres de s'associer entre elles ainsi qu'avec toute autre personne morale de droit public ou privé.
Quand l'intercommunale est constituée uniquement de personnes de droit public (communes, régions, intercommunales, province, etc...), elle est qualifiée de « pure ».
Quand elle associe également des personnes de droit privé, elle est qualifiée de « mixte ».
Les communes qui désirent constituer entre elles une intercommunale le font pour exercer une activité d'intérêt communal, c'est-à-dire une mission intéressant les habitants de la commune. Cette activité est alors gérée en dehors de l'administration communale puisque son sort est confié à une entité publique distincte dotée de la personnalité juridique.
La situation belge est complexe. Les intercommunales actives sur le sol de la Région de Bruxelles-Capitale peuvent être soit exclusivement actives sur le territoire des dix-neuf communes, soit actives sur le territoire de la Région Bruxelles-Capitale et de l'une (ou des deux) autres régions.
Pour les intercommunales dont le ressort ne dépasse pas les frontières de la Région wallonne, le décret du 5 décembre 1996 trouve à s'appliquer.
Le prévenu prétend qu'on ne peut classer Inter-Régies en Wallonie ou à Bruxelles. Or, même si elle est effectivement active sur plusieurs communes de la Région de Bruxelles-Capitale et de la Région wallonne, son siège social est établi à Bruxelles comme l'attestent la page d'accueil de son site Internet ainsi que la liste des intercommunales.
Le code des sociétés et la loi du 22 décembre 1986 relative aux intercommunales trouve donc à s'appliquer et en considérant l'esprit de la loi spéciale du 2 mai 1995, il est légitime de penser que toutes les intercommunales du Royaume sont visées par cette obligation, qu'elles soient soumises à la loi du 22 décembre 1986 ou à un autre décret.
Eu égard aux principes rappelés ci-avant, il y a lieu de considérer qu'en droit, Inter-Régies est bien une intercommunale, ainsi qu'elle apparaît comme telle sur la liste des intercommunales publiées en 2000. Et, comme le souligne la Cour des comptes dans son courrier du 22 mai 2008, le prévenu est bien le seul à avoir avancé cet argument.
Le prévenu doit, nonobstant ses dénégations, être considéré comme une personne qui a exercé, au sein de cet organisme, une fonction qui le soumettait à l'obligation de déposer une liste et une déclaration de patrimoine.
Les travaux parlementaires parlent de fonctions importantes.
Tous ceux qui exercent une fonction dans laquelle ils pourraient être amenés à confondre intérêt public et particulier sont tenus par cette obligation selon l'esprit de la loi spéciale du 2 mai 1995 [5].
Il y a lieu de préciser que le mandat de membre du conseil d'administration est également assujettissable lorsqu'il n'est exercé qu'avec voix consultative.
En fait, il résulte des éléments du dossier que, selon les procès-verbaux des assemblées générales d'Inter-Régies, qui se sont tenues les 31 mai 2001 et 14 juin 2007, le prévenu a bien été effectivement membre du conseil d'administration d'Inter-Régies et que ce mandat a pris fin le 14 juin 2007.
Eu égard aux éléments de droit et de fait précisés ci-avant, il s'ensuit que le prévenu était bien tenu au dépôt d'une liste de mandats et d'une déclaration de patrimoine, aussi bien pour l'A.L.E que pour Inter-Régies, en ce compris pour l'année 2007, et, notamment, à l'expiration de son mandat en sa qualité de membre du conseil d'administration d'Inter-Régies.
Le prévenu a fait, à juste titre, l'objet de publications dans les listes d'assujettis en défaut, au Moniteur belge des 11 août 2006 (p. 40416), 13 août 2007 (p. 42882) et 14 août 2008 (p. 43289 et 43304) pour n'avoir produit ni ses listes de mandats afférentes respectivement à 2005, 2006 et 2007, ni la déclaration de patrimoine qu'il était tenu de déposer au plus tard le 14 juillet 2007 en raison de la cessation de son mandat d'administrateur d'Inter-Régies le 14 juin 2007.
Cette obligation légale lui a été explicitée et rappelée à plusieurs reprises par toutes les autorités compétentes en la matière. Certes, il a reçu des courriers en langue néerlandaise, mais il aurait pu et aurait dû demander que ces courriers lui soient adressées en langue française, ce qu'il ne semble pas avoir fait.
Le prévenu a reçu un rappel, sous pli recommandé à la poste, le 30 avril 2005, de la Cour des comptes qui attirait son attention sur la qualité d'assujetti et sur les obligations qui en découlaient. Il a reçu des courriers en 2006 et en 2007 l'invitant à se mettre en règle avec la législation. Il n'a pas répondu au courrier de 2006 et a répondu au courrier de la Cour des comptes en 2007 en soutenant, à tort, qu'il n'était pas concerné par cette législation.
En effet, et contrairement à la décision du premier juge qui a considéré que la prévention B n'était pas établie, le prévenu était tenu de faire la déclaration de patrimoine visée par l'article 3, paragraphe premier, de la loi du 2 mai 1995, nonobstant la modification intervenue par la loi du 12 mars 2009.
Cette considération repose, notamment, sur une mauvaise appréhension du principe de l'application de la loi pénale dans le temps.
Certes, presque dix ans séparent la loi qui pose les principes généraux (1995) de celle reprenant les modalités d'exécution (2004) relatives au dépôt des déclarations prévues aux articles 2 et 3 de la loi spéciale du 2 mai 1995. Et il n' ya pas de dispositions transitoires.
Mais la « ratio legis », telle que rappelée ci-avant, et notamment par la Cour des comptes, est claire et les lois postérieures à celle de 1995 ne l'ont pas abrogée mais l'ont explicitée et simplifiée. Les modalités apportées à une loi n'en font pas cesser les effets.
Il s'agit donc d'une modification et non d'une abrogation, qui ne peut être prévue que par un texte. Il s'ensuit que l'article 2 du code pénal ne fait pas obstacle à ce que le prévenu puisse encore être condamné du chef des préventions libellées sur le pied desdites dispositions.
Ce ne serait que dans l'hypothèse où un fait qualifié infraction au jour où il a été commis ne constituait plus une infraction au jour où le prévenu est jugé, qu'aucune peine ne pourrait plus lui être infligée.
Par ailleurs, le législateur a pris la précaution de prévoir expressément la rétroactivité de la nouvelle loi du 12 mars 2009 puisque la date d'entrée en vigueur est le 1er janvier 2009 et ce, dans le but très précis de pouvoir appliquer cette nouvelle loi pour l'année 2009. En effet, la date d'entrée en vigueur d'une loi intervient dix jours après sa publication. En l'espèce, la publication ayant eu lieu le 31 mars 2009, la loi eut dû entrer en vigueur le 10 avril 2009. Le fait d'avoir mentionné une autre date démontre la volonté du législateur de faire rétroagir cette loi, à tout le moins, pour l'année en cours.
Il s'ensuit que la prévention A, déclarée établie par le premier juge, est demeurée telle et que la prévention B, déclarée non établie par le premier juge, est établie à l'issue de l'instruction et des débats menés devant la cour.
Quant à la sanction
Les infractions qui font l'objet des préventions A et B, déclarées établies dans le chef du prévenu constituent un délit collectif par unité d'intention à ne sanctionner que par une seule peine, la plus forte de celles applicables.
Il y a lieu, dans l'application de la peine, de tenir compte de la nature intrinsèque et de la gravité des faits des préventions déclarées établies dans son chef.
Comme le relève le premier juge, la faute du prévenu est d'autant plus grave que, selon la procédure instaurée par la loi spéciale du 26 juin 2004 exécutant et complétant la loi spéciale du 2 mai 1995, relative à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions et une déclaration de patrimoine, la Cour des comptes adresse un rappel écrit, par lettre recommandée à la poste, aux mandataires qui n'ont pas fait parvenir la liste prévue à l'article 2 de la loi du 2 mai 1995 ou la déclaration prévue à l'article 3 de la même loi, et que la loi organise, en son article 7, un recours leur permettant, le cas échéant, de dire qu'ils ne sont pas soumis aux dispositions légales, recours qui a été introduit et rejeté par décision motivée, en l'espèce.
Il ne peut être nié que la loi du 2 mai 1995 est une loi d'ordre public de bonne gouvernance et d'éthique et que sa ratio legis destinée, sinon à rétablir, du moins à affermir les liens de confiance qui doivent unir les mandataires publics aux citoyens en renforçant le contrôle du processus démocratique, repose sur les principes de transparence et d'égalité.
Le principe de transparence doit permettre aux citoyens d'apprécier les champs de force de ses mandataires publics. Le principe d'égalité doit leur permettre de vérifier que l'exercice d'une fonction publique n'a pas généré d'enrichissement illicite dans le chef de celui qui l'exerce (Doc. parl. Sénat, 1997-1998, n° 1-621/12, 16 ; Doc. parl. Ch., 1994-1995, n° 1697/1).
Le prévenu a sollicité, à titre subsidiaire, que la cour limite l'amende à lui infligée par le premier juge au minimum légal prescrit, assorti d'un sursis.
Eu égard à l'ancienneté desdits faits et à l'absence totale d'antécédents judiciaires dans le chef du prévenu, il y a lieu de confirmer la peine d'amende de deux cent cinquante euros, prononcée par le premier juge, qui est légale, adéquate et qui a un caractère suffisamment dissuasif, tout en étant modérée, dès lors qu'elle sanctionnera désormais les préventions A et B réunies. Sa hauteur devrait permettre au prévenu de prendre conscience du strict respect qu'il convient de réserver aux dispositions légales.
Il n'y a pas lieu cependant d'assortir cette peine d'amende d'une quelconque mesure de sursis qui ne s'indique pas, eu égard aux éléments rappelés ci-avant, et qui ne serait pas de nature à garantir la finalité des poursuites répressives.
C'est à bon droit que le premier juge a condamné le prévenu au paiement d'une indemnité de 25 euros en vertu de l'arrêté royal du 28 décembre 1950 portant règlement général des frais de justice en matière répressive et a réservé d'office à statuer en ce qui concerne les intérêts civils, la cause n'étant pas en état.
Il y a lieu également de condamner le prévenu à la totalité des frais de l'action publique et au paiement d'une somme de 25 euros, augmentée des décimes additionnels
(5 x 5,5 = 137,50 euros) à titre de contribution au Fonds spécial pour l'aide aux Victimes d'actes intentionnels de violence.

Par ces motifs, ...
Confirme le jugement dont appel en toutes ses dispositions sous les modifications suivantes, décidées à l'unanimité :
  • la prévention B est déclarée établie dans le chef de Jacques D. ;
  • la peine d'amende de 250 euros sanctionne désormais les préventions A et B
    réunies ...
Siég. :  Mme Hauzeur, MM. De Grève et Van der Noot.
Greffier : Mme Haesevoets.
M.P. : M. Nolet de Brauwere.
Plaid. : MeJ.-M. Rigaux.

 


[1] Doc. parl., session 1994-1995, n° 1697/1, p. 1, et 1697/4, p. 5.
[2] Doc. parl., session 1994-1995, 1697/4, p. 5.
[3] Doc. parl.., session 1994-1995, 1697/1, p. 2.
[4] Doc. parl., session 1994-1995, 1697/10, p. 2.
[5] Doc. parl., session 1994-1995, 1697/1, p. 2.


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Sommaire

  • Toutes les intercommunales sont soumises à la loi spéciale du 2 mai 1995 relative à l'obligation de déposer une liste de mandats, fonctions et professions et une déclaration de patrimoine. Tous ceux qui exercent une fonction dans laquelle ils pourraient être amenés à confondre intérêt public et particulier sont tenus par cette obligation ; il en est ainsi d'un membre du conseil d'administration d'une intercommunale. - Les lois spéciale et ordinaire du 2 mai 1995 ne définissant que les principes généraux de l'obligation de déposer une liste de mandats et une déclaration de patrimoine, c'est la loi du 26 juin 2004 modifiée par les lois du 3 juin 2007 et du 12 mars 2009 qui en fixe les modalités concrètes d'exécution. Ne s'agissant pas de dispositions abrogatoires mais modificatives ou simplificatrices, ces lois peuvent s'appliquer à des faits commis en 2005.

Mots-clés

  • Infractions diverses - Titulaires de fonctions publiques - Liste des mandats et déclaration de patrimoine - Membre du conseil d'administration d'une intercommunale
  • Infractions diverses - Titulaires de fonctions publiques - Liste des mandats et déclaration de patrimoine - Droit transitoire

Date(s)

  • Date de publication : 29/04/2011
  • Date de prononcé : 15/09/2010

Référence

Cour d'appel Bruxelles (14 echambre), 15/09/2010, J.L.M.B., 2011/17, p. 807-817.

Branches du droit

  • Droit public et administratif > Intercommunales > Généralités

Éditeur

Larcier

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