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26/01/2011
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Tribunal de police Bruxelles (4e chambre), 26/01/2011


Jurisprudence - Généralités

J.L.M.B. 11/245
I. Communes - Police administrative - Sécurité publique - Règlement communal interdisant de se dissimuler le visage - Voile intégral.
II. Libertés publiques - Généralités - Liberté religieuse - Droits de l'homme - Respect de la vie privée - Proportionnalité.
1. Un règlement communal interdisant de dissimuler son visage sur l'ensemble du domaine public restreint de manière importante la liberté de conviction dès lors qu'elle empêche tout simplement une personne portant le voile intégral de circuler n'importe où sur le territoire communal.
2. La commune ne démontre pas que la mesure est nécessaire pour assurer la sécurité publique, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une limitation à la liberté religieuse nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

(X / Commune d'Etterbeek )


Vu la décision administrative du 3 septembre 2009 prise par le fonctionnaire sanctionnateur de la commune d'Etterbeek ; ...
I. Rétroactes et objet des demandes
1. Des sanctions administratives ont été infligées à madame X par les décisions prises respectivement le 12 juin 2009 et le 3 septembre 2009 pour violation de l'article 12 du règlement général de police de la commune d'Etterbeek, eu égard à des faits survenus respectivement le 20 mars 2009 et le 5 mai 2009 et ce, pour le motif qu'elle circulait sur le territoire de la commune d'Etterbeek le visage dissimulé par un niqab, c'est-à-dire un voile intégral ne laissant apparaître que ses yeux.
L'appelante a été condamnée à une amende de 35 euros pour la première infraction, et de 200 euros pour la seconde.
Par la présente demande, elle fait appel contre cette seconde décision administrative, dont elle réclame la mise à néant. Il n'est pas contesté que cet appel a été interjeté dans le délai légal et est, dès lors, recevable.
II. En droit
1. L'infraction constatée
2. La sanction administrative dont appel a été prononcée sur la base d'un procès-verbal dressé le 5 mai 2009 par deux inspecteurs de la zone de police Montgomery. Ce procès-verbal mentionne :

« ... nous avons constaté que la nommée X circulait sur la voie publique, toute de noir vêtue, le visage caché par un voile. A la demande de ma collègue, l'intéressée nous a exhibé sa carte d'identité. L'intéressée a été verbalisée pour les mêmes raisons il y a quelques semaines. Suite à cette première infraction, X nous dit avoir écrit un courrier au bourgmestre où elle expliquait ses motivations. A ce jour, elle n'aurait pas encore reçu de réponse mais déclare rester sur ses positions, à savoir qu'elle agit par conviction religieuse et n'a pas l'intention d'enlever son voile ».

2. La législation applicable
3. C'est une infraction à l'article 12 du règlement général de police de la commune d'Etterbeek (ci-après, le règlement communal) qui est retenue par le fonctionnaire sanctionnateur. Cette disposition énonce :

« Sans autorisation de l'autorité compétente, il est interdit sur le domaine public de se dissimuler le visage par des grimages, le port d'un masque ou tout autre moyen, à l'exception du " temps du carnaval ". Par temps du carnaval, il faut entendre le mardi gras, le dimanche qui le précède, le dimanche qui le suit et le dimanche qui suit le jeudi de la mi-carême ».

3. La sanction administrative prononcée
4. La sanction administrative dont appel est motivée comme suit :

« Considérant qu'un dossier est déjà en cours auprès de l'administration etterbeekoise pour les mêmes raisons, et confirme qu'elle agit par conviction religieuse et n'a pas l'intention d'enlever son voile ;

» Considérant que, si l'article 9 de la Convention de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales consacre le droit à la liberté de pensée, de conscience et de religion, son paragraphe 2 précise que " la liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé, ou de la morale publique, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " ;

» Considérant qu'en insérant l'article 12 dans le règlement général de police, le conseil communal a souhaité lutter contre les problèmes de sécurité publique sur le territoire de la commune d'Etterbeek ;

» Considérant qu'un visage dissimulé sur la voie publique peut engendrer des problèmes de sécurité, l'identité de la personne n'étant vérifiable que par un contrôle individuel ;

» Considérant que l'infraction est donc établie ; que la gravité est renforcée par la volonté réitérée de la contrevenante de maintenir son attitude ;

» Considérant que cette infraction est passible d'une amende administrative d'un montant maximal de 250 euros ; qu'une amende lourde se justifie au regard de la gravité de l'infraction ».

4. Discussion
5. Les éléments invoqués par l'appelante à l'appui de sa demande de mise à néant de la sanction administrative, et appuyés par le parquet dans son avis rendu le 10 novembre 2010, consistent en substance en trois arguments :
  • une violation, par l'article 12 du règlement communal précité, de normes qui lui sont supérieures hiérarchiquement, à savoir les articles 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et 19 de la Constitution (liberté de conviction et de culte, également protégée par de nombreuses autres dispositions citées par le parquet), les articles 10 et 11 de la Constitution, 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, et la loi du 10 mai 2007 ( interdiction de la discrimination), ainsi que les articles 151 du code pénal, 17 de la Convention européenne des droits de l'homme, et 34, paragraphe premier, de la loi du 5 août 1992 (acte attentatoire aux libertés par un agent de la force publique, spécialement dans le cadre d'un contrôle d'identité) ;
  • une violation de l'obligation de motivation formelle des actes administratifs (loi du 29 juillet 1991) ;
  • une violation du principe de proportionnalité entre la sanction et l'infraction commise.

4.1. Violation des normes supérieures par l'article 12 du
règlement communal

6. En vertu de l'article 119bis de la nouvelle loi communale, le conseil communal d'Etterbeek est en droit de compléter les normes pénales existantes et de créer des infractions concernant des comportements qui sont une forme légère d'atteinte à la tranquillité ou la sécurité publique, que les communes ont l'obligation de garantir en vertu de l'article 135, paragraphe 2, de la même loi.
Cependant, dans ce cadre comme dans tout autre, le conseil communal a l'obligation de respecter la hiérarchie des normes qui exige que toute norme de rang inférieur respecte toutes celles qui lui sont supérieures, comme en l'espèce la loi, la Constitution et les conventions internationales directement applicables.
En vertu de l'article 159 de la Constitution, les cours et tribunaux ne peuvent appliquer les règlements locaux que s'ils sont conformes aux lois. Par conséquent, en tant que juge de la légalité de l'amende imposée, le tribunal de police ne pourrait que conclure à la mise à néant d'une sanction administrative prononcée sur le fondement d'une disposition illégale d'un règlement communal.
Il convient, par conséquent, d'examiner si l'article 12 du règlement communal, tel qu'appliqué par le fonctionnaire sanctionnateur, viole les normes qui lui sont supérieures.
Le tribunal remarque à cet égard que de nombreuses initiatives législatives ont été déposées, visant à inclure dans le code pénal une infraction pour port, dans des lieux publics, de tenues masquant le visage ; l'une d'entre elles avait été adoptée par la Chambre en avril 2010 (proposition de loi visant à interdire le port de tout vêtement cachant totalement ou de manière principale le visage, Ch. 52-2289/S.4-1762) mais la dissolution prématurée des assemblées a rendu son vote par le Sénat impossible. Tant que le législateur ne s'est pas expressément et définitivement prononcé sur cette question, le tribunal ne peut examiner le règlement communal qu'à l'aune de la Convention européenne des droits de l'homme et de la Constitution, ainsi que d'autres lois abordant des matières connexes.
7. La violation des articles 9 de la Convention européenne des droits de l'homme et 19 de la Constitution est tout d'abord invoquée, dispositions qui consacrent la liberté d'opinion, de conscience et de religion, ce qui implique notamment la liberté de « manifester sa religion ou sa conviction individuellement ou collectivement, en public ou en privé, par le culte, l'enseignement, les pratiques et l'accomplissement des rites » (article 9, paragraphe premier, de la Convention européenne des droits de l'homme).
Selon la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme, une norme ou une mesure qui aboutit à restreindre le port du voile ou d'autres habits ou attributs liés à une confession a effectivement trait à l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme qui énonce :

« La liberté de manifester sa religion ou ses convictions ne peut faire l'objet d'autres restrictions que celles qui, prévues par la loi, constituent des mesures nécessaires, dans une société démocratique, à la sécurité publique, à la protection de l'ordre, de la santé ou de la morale publiques, ou à la protection des droits et libertés d'autrui » (Dogru c./ France, 4 décembre 2008, aff. 27058/07, n° 47 ; Leyla Sahin c./ Turquie, 10 novembre 2005, aff. 44774/98, n° 76 ; El Morsli c./ France (déc.), aff. 15585/06 ; Phull c./ France (déc.), aff. 35753/03).

A cet égard, contrairement à ce qu'affirme l'intimée, il ne peut être requis de la part de l'appelante que celle-ci démontre que le port du voile intégral serait une obligation liée à la religion musulmane et non une interprétation personnelle qu'elle opère de ses convictions.
L'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est nullement limité à la protection de manifestations codifiées afférentes aux religions existantes, mais protège toute manifestation de ses croyances et de sa foi, qu'elles soient personnelles ou plus codifiées, moyennant bien sûr les restrictions rendues nécessaires notamment par la sécurité publique, comme il sera précité ci-après. Par conséquent, le fait que le port du voile dit intégral, et non simplement du tchador, ne soit pas une pratique unanimement suivie ou rendue obligatoire dans l'ensemble du monde musulman, est totalement irrelevant, et n'a nullement pour conséquence que l'article 12 du règlement communal ne devrait pas être examiné à l'aune de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme. La Cour européenne des droits de l'homme a ainsi précisé, à propos du port du foulard, que :

« il s'agit d'un acte motivé ou inspiré par une religion ou une conviction et, sans se prononcer sur la question de savoir si cet acte, dans tous les cas, constitue l'accomplissement d'un devoir religieux, la Cour partira du principe que la réglementation litigieuse, qui soumet le port du foulard islamique à des restrictions de lieu et de forme dans les universités, a constitué une ingérence dans l'exercice par la requérante du droit de manifester sa religion » (nous soulignons - arrêt Leyla sahin c./ Turquie, précité, n° 78).

Il est, en outre, interpellant de voir l'intimée contester devant ce tribunal le lien entre la situation et les convictions religieuses de l'appelante alors que la sanction administrative y fait longuement référence et est motivée par référence à l'article 9, paragraphe 2, précité.
Par conséquent, il appartient au tribunal d'examiner si la restriction apportée par l'article 12 du règlement communal à la liberté de manifester sa religion par l'appelante respecte ou non le second paragraphe de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.
8. L'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme exige tout d'abord que la restriction soit prévue par une loi, terme entendu dans son acception matérielle et non formelle et qui inclut donc également les textes de rang infra-législatif, les actes réglementaires pris par des ordres professionnels par délégation du législateur, ou encore la jurisprudence (arrêt Leyla Sahin c./ Turquie, précité,
n° 88). Par conséquent, il n'est pas douteux que le règlement communal soit une loi au sens de la Convention européenne des droits de l'homme.
Il est également requis que cette « loi » soit accessible aux personnes concernées et soit formulée de manière qu'il soit possible de prévoir avec un degré raisonnable de certitude les conséquences pouvant résulter d'une conduite déterminée (arrêt Leyla Sahin c./ Turquie, précité, n° 84). L'appelante invoque, à cet égard, le caractère dissimulé et peu clair de l'article 12 du règlement communal, qui interdit le port de masque et le grimage, et non le port du voile.
Le tribunal ne peut partager ce point de vue. En effet, quoiqu'ayant vraisemblablement été adopté sans envisager ce cas de figure (l'intimée indique que le précédent règlement communal d'Etterbeek, coordonné en 1979, prévoyait déjà une disposition formulée dans les mêmes termes que l'actuel article 12), la disposition incriminée est formulée de façon générale, visant, outre les masques et grimages, l'usage de « tout autre moyen » de dissimulation du visage, de sorte que son application potentielle au port du niqab était suffisamment claire.
9. L'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme exige ensuite que la restriction à la liberté de religion poursuive un but légitime. L'intimée invoque la sécurité publique, comme l'avait déjà précisé le fonctionnaire sanctionnateur.
L'appelante estime que ce but n'est pas légitime en l'espèce en raison du fait que des exceptions sont prévues pour le carnaval, soit une fête traditionnelle d'inspiration religieuse, de sorte qu'elle n'aperçoit pas pourquoi sa liberté de religion ne mériterait pas une même exception. Elle ajoute que voir une menace pour la sécurité publique dans le port du voile relève d'un préjugé consistant à confondre la pratique de la religion musulmane avec le fondamentalisme et les actes de terrorisme auquel il mène.
Ce faisant, l'appelante confond toutefois la question de la légitimité du but poursuivi et celle de la proportionnalité de la mesure adoptée, qui sera examinée infra.
En soi, la sécurité publique est bien entendu un but légitime à poursuivre, qui est d'ailleurs expressément mentionné dans l'article 9, paragraphe 2, de la Convention européenne des droits de l'homme : l'objectif d'assurer la sécurité peut conduire légitimement à apporter certaines limitations à l'expression de la liberté de religion.
10. Il convient, par conséquent, d'examiner la dernière condition posée par l'article 9, paragraphe 2, précité : le caractère nécessaire dans une société démocratique de la limitation. Cette condition est appréciée par la Cour européenne des droits de l'homme au regard du principe de proportionnalité : la restriction doit être appropriée, c'est-à-dire à même de protéger l'intérêt légitime poursuivi (ici la sécurité publique), et ne doit pas porter excessivement atteinte à la liberté de religion, les deux intérêts devant être mis en balance. La Cour a précisé que, pour apprécier cette condition, il convient de tenir compte de l'ensemble des circonstances de l'affaire, y compris la portée des actes incriminés et le contexte dans lequel ils ont été accomplis, afin de déterminer si les motifs invoqués par les autorités pour la justifier apparaissent pertinents et suffisants (Ahmet Arslan et autres c./ Turquie, aff. 41135/98, 23 février 2010, n° 45).
Il convient donc d'apprécier si l'interdiction de circuler en portant un niqab est à même d'assurer la sécurité publique, et si le choix de cette mesure est proportionné par rapport au but poursuivi dans le cas d'espèce.
Dans plusieurs décisions, la Cour européenne des droits de l'homme a estimé que des restrictions à la liberté de religion étaient justifiées pour protéger la sécurité publique, si ces restrictions étaient momentanées, afin de permettre l'identification de la personne concernée : elle a ainsi rejeté des requêtes où il était invoqué que la liberté de culte avait été illégitimement restreinte par l'obligation pour une femme de confession musulmane d'ôter son voile lorsqu'elle se rendait au consulat pour obtenir un visa (El Morsli c./France (déc.), aff. 15585/06), ou l'obligation pour un homme de confession sikhe d'ôter son turban en passant le contrôle de sécurité dans un aéroport (Phull c./ France (déc.), aff. 35753/03). La Cour a, en effet, considéré que, dans ces deux cas de figure, les contrôles étaient nécessaires pour assurer la sécurité publique, et que l'obligation d'ôter les attributs dissimulant partiellement le visage respectaient le prescrit de l'article 9, paragraphe 2, en ce que cette obligation était tout à fait ponctuelle et limitée dans le temps.
En l'espèce, en revanche la mesure choisie par la commune d'Etterbeek conduit à restreindre de façon nettement plus importante la liberté de conviction de l'appelante dès lors qu'elle l'empêche tout simplement de circuler n'importe où et à n'importe quel moment sur le territoire communal dans tout lieu relevant du « domaine public ». C'est donc l'intégralité de la liberté d'aller et venir dans tout lieu public etterbeekois qui est supprimée par la restriction apportée par le règlement communal tel qu'interprété dans la sanction dont appel.
L'intimée ne démontre pas qu'une restriction d'une telle ampleur était nécessaire pour assurer la sécurité publique (voy. Ahmet Arslan et autres c./ Turquie, précité, n° 48 et suivants). Elle se limite à affirmer que le fait de pouvoir identifier toute personne circulant sur la voie publique à tout moment est indispensable pour assurer le respect de l'ordre public, sans le démontrer. Or, il existe de nombreuses autres situations dans lesquelles des personnes peuvent être amenées à dissimuler leur visage ou à perturber leur identification immédiate, qui ne sont pourtant pas considérées comme des risques pour la sécurité publique justifiant une intervention communale : que l'on songe notamment aux grands froids récents qui ont amené nombre de citoyens à dissimuler jusqu'à leur nez sous des cagoules et autres écharpes montantes sans être inquiétés. Comme le souligne, en outre, l'appelante, le carnaval a de tout temps été considéré comme une exception à l'interdiction de dissimuler son visage, alors qu'en cette période également, les autorités publiques parviennent à maintenir la sécurité.
L'appelante ne conteste pas la nécessité d'ôter son voile intégral en de nombreuses circonstances où son identification est requise pour diverses raisons, comme auprès des enseignants et autorités scolaires lorsqu'elle va chercher ses enfants à l'école, afin d'éviter tout risque de rapt, ou auprès de la police lorsqu'un contrôle d'identité est justifié par les circonstances, conformément aux conditions posées par l'article 34, paragraphe premier, de la loi du 5 août 1992, qui n'interdit nullement de dissimuler son visage, mais rend seulement nécessaire, dans les cas autorisés, l'identification de la personne afin de vérifier si elle correspond à la pièce d'identité dont elle est porteuse.
L'article 34, paragraphe premier, de cette loi énonce en effet :

« Les fonctionnaires de police contrôlent l'identité de toute personne qui est privée de sa liberté ou qui a commis une infraction.

» Ils peuvent contrôler l'identité de toute personne s'ils ont des motifs raisonnables de croire, en fonction de son comportement, d'indices matériels ou de circonstances de temps et de lieu, qu'elle est recherchée, qu'elle a tenté de commettre, qu'elle pourrait troubler l'ordre public ou qu'elle l'a troublé ».

En l'espèce, cependant, l'appelante circulait simplement sur la voie publique, sans que le moindre trouble de l'ordre public puisse lui être reproché, ce qui, aux yeux du tribunal, ne rend pas nécessaire pour assurer la sécurité publique le fait de pouvoir l'identifier au premier regard. Comme le souligne le ministère public, l'article 34, paragraphe premier, de la loi du 5 août 1992 suffit à la satisfaction du besoin social de contrôler les citoyens dans l'espace public et de prévenir d'éventuels débordements ; dans les autres cas, il n'est pas indispensable de pouvoir les identifier.
L'affirmation de l'intimée à cet égard, selon laquelle la proximité d'une école rendait le risque pour la sécurité publique plus élevé, n'est nullement attestée par le procès-verbal dressé ni par les circonstances de la cause, ni encore par la motivation de la sanction dont appel. Il apparaît, en effet, que c'est le simple fait d'avoir circulé sur la voie publique qui a justifié le prononcé de l'amende administrative, et non un risque spécifique au cas d'espèce. L'article 12 du règlement communal prévoit d'ailleurs une interdiction générale de dissimuler son visage, sans distinction liée aux circonstances. En outre, le simple fait de se trouver à proximité d'une école ne suffit pas à lui seul pour permettre, sans autres circonstances particulières, un contrôle d'identité par application de l'article 34, paragraphe premier, alinéa 2, précité (Corr. Anvers, 12 mai 1998, Vigiles, 1998, liv. 4, p. 37).
Par conséquent, le tribunal estime que l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme n'est pas respecté par l'article 12 du règlement communal tel qu'interprété par l'intimée. La sanction administrative prononcée sur cette base est donc illégale et doit être mise à néant.
11. Il est, dans ces circonstances, inutile d'examiner les autres dispositions dont la violation est alléguée par l'appelante, de même que les autres arguments soulevés, tenant à l'obligation de motivation et à la proportionnalité de la sanction.

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  M. P. Lenvain.
Greffier : Mme M. Delaunoit.
M.P. : M. E. Dehon.
Plaid. : MesI. Wouters, A. Moyaerts et T. Schneider.

 



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Sommaire

  • 1. Un règlement communal interdisant de dissimuler son visage sur l'ensemble du domaine public restreint de manière importante la liberté de conviction dès lors qu'elle empêche tout simplement une personne portant le voile intégral de circuler n'importe où sur le territoire communal.

    2. La commune ne démontre pas que la mesure est nécessaire pour assurer la sécurité publique, de sorte qu'il ne s'agit pas d'une limitation à la liberté religieuse nécessaire dans une société démocratique au sens de l'article 9 de la Convention européenne des droits de l'homme.

Mots-clés

  • Communes - Police administrative - Sécurité publique - Règlement communal interdisant de se dissimuler le visage - Voile intégralLibertés publiques Généralités - Liberté religieuse - Droits de l'homme Respect de la vie privée - Proportionnalité

Date(s)

  • Date de publication : 03/06/2011
  • Date de prononcé : 26/01/2011

Référence

Tribunal de police Bruxelles (4 echambre), 26/01/2011, J.L.M.B., 2011/22, p. 1066-1072.

Branches du droit

  • Droit international
  • Droit international > Droits de l'homme

Éditeur

Larcier

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