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16/03/2009
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Cour d'appel Liège (3e chambre), 16/03/2009


Jurisprudence - Droit rural

J.L.M.B. 10/731
Droit rural - Baux à ferme - Droit de préemption - Vente d'un bien dont une partie est soumise au droit de préemption - Prix fixé en vue d'empêcher le titulaire du droit de préemption d'user de son droit .

(X. / V.H., S., V., F.H. )


Le droit de préemption visé par les articles 48, 50 et 51 de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme permet à celui qui en bénéficie d'acquérir le bien qui en fait l'objet dans les mêmes conditions que celles qui sont offertes par des tiers. Il se déduit de ces dispositions légales que, lorsque le bien loué ne constitue qu'une partie des biens mis en vente, le vendeur qui met en vente l'ensemble des biens ne peut fixer la valeur des biens loués et des biens qui ne sont pas loués d'une manière qui vise à empêcher le preneur d'exercer son droit de préemption.
Seconde décision
La procédure
Vu les jugements prononcés les 12 décembre 2006 et 16 février 2007 par le tribunal civil de Neufchâteau ...
Le fondement des demandes
Les faits de la cause et l'objet des demandes ont été correctement relatés par le premier juge dans les jugements entrepris auxquels la cour se réfère.
La demande de V. H.
1. Par une motivation judicieuse que la cour fait sienne le premier juge a parfaitement circonscrit la portée du droit de préemption litigieux - celui-ci est partiel -, étant donné qu'il convient de rappeler que l'acte de partage notarié a seul force authentique inspiré par le désir de F. H. et V. H. de sauvegarder dans le patrimoine familial les biens, dont ils avaient hérité de leur père, auxquels ils étaient attachés, soit des maisons et leur abord immédiat.
2. V. H. ne jouissait donc d'aucun droit de préemption sur la propriété de F. H. composée de quelque trente-cinq hectares de bois et friches ; il a néanmoins été averti par celle-ci de son intention de vendre la maison et les terrains suite au courrier qu'elle lui avait adressé le 15 décembre 2001 où il était invité, le cas échéant, à faire une offre, F. H. soulignant qu'étant donné que son frère possédait un droit de préemption elle préférait que la propriété reste en un bloc.
V. H. accusa réception de la lettre en invitant sa soeur à respecter le droit de préemption dont il était le titulaire.
Par courrier du 15 mars 2001 le notaire X. invitait V. H. à faire valoir éventuellement son droit de préemption, l'informant qu'un compromis avait été signé pour un montant de 11.250.000 de francs belges et qu'il disposait d'un délai d'un mois pour répondre. A ce courrier était annexé le compromis de vente où le nom de l'acquéreur n'apparaissait pas mais où la contenance et la description du bien vendu étaient détaillées précisément ; un plan dressé par le géomètre Thiry était également joint.
V. H. n'adressa aucun courrier manifestant son intention d'exercer son droit de préemption ou pour critiquer l'assiette du droit de préemption ou le prix offert par l'acquéreur. Il allègue avoir téléphoné au notaire X. pour contester un droit de préemption partiel, arguant d'un droit portant sur l'ensemble de la propriété de sa soeur. Le notaire ne conteste pas cette communication téléphonique mais affirme qu'il a répondu à son interlocuteur qu'il s'en tenait au texte de l'acte de partage établissant un droit de préemption partiel. L'allégation de V. H. selon laquelle le notaire lui aurait dit qu'il reprendrait contact avec lui pour vérifier la portée du droit de préemption n'est pas crédible car, d'une part, le notaire avait étudié l'acte de partage avant de rédiger le compromis de vente de sorte qu'il avait son opinion forgée quant au sens à donner aux mots et, d'autre part, il apparaît que V. H. sait manier la plume et aurait écrit au notaire en étant attentif au délai qui courait contre lui, si tant que sa relation des faits était correcte - quod non.
De cette absence d'exercice du droit de préemption par V. H., X. déduit qu'il doit être opposé à celui-ci un délai de forclusion d'un mois prévu à l'article 48, ancienne version, de la loi sur les baux à ferme applicable conventionnellement aux relations entre V. H. et sa soeur.
Etant donné que le demandeur invoque des manoeuvres, dont il n'aurait eu connaissance que postérieurement, qui auraient eu pour conséquence de méconnaître son droit de préemption la forclusion ne peut lui être opposée.
3. Plainte avec constitution de partie civile a été déposée par V. H. contre sa soeur, le notaire X. et les acquéreurs J. S. et C. V. pour faux en écritures authentiques et publiques par un fonctionnaire public avec détention illégale et arbitraire, escroquerie.
L'instruction aboutit à une ordonnance de non-lieu prononcée par la chambre du conseil de Neufchâteau le 14 octobre 2005.
Dans le décours de cette instruction le juge d'instruction a requis Alex Rossignol, géomètre-expert immobilier, selon réquisitoire du 12 novembre 2003, aux fins de procéder à l'estimation, à la date du 15 mars 2001, des biens immeubles tels que repris dans le plan du géomètre Thiry, d'une part, et du reste de la propriété ayant appartenu à F. H., d'autre part.
V. H. s'empare de cette expertise, laquelle conclut que l'ensemble de la propriété peut être globalement estimée à la somme de 13.050.000 de francs belges ventilée de la manière suivante : 7.900.000 de francs belges pour la partie soumise au droit de préemption et 5.150.000 de francs belges pour l'autre partie, soit les bois et les friches, pour dire que la diminution du prix de la partie boisée non soumise au droit de préemption a été reportée sur la partie soumise au droit de préemption dans le but de méconnaître son droit de préemption.
V. H. entend tirer de l'expertise que l'offre d'achat notifiée par sa soeur ne correspond à aucune réalité économique.
Il convient de considérer le prix de l'immeuble et des terrains soumis au droit de préemption, 11.250.000 de francs belges, pour voir si celui-ci n'engloberait pas une partie du prix des bois et des friches non soumis au droit de préemption qui ont été vendus pour la somme de 1.500.000 de francs belges.
L'expert définit la valeur vénale normale d'un immeuble comme étant le prix ou la somme d'argent qui pourrait être obtenu par un propriétaire dans une vente publique faite dans des conditions normales de publicité et de sincérité ; l'expert poursuit en disant que la valeur vénale est fonction pour un bâtiment d'éléments internes tels parmi d'autres, la situation et d'éléments externes tels parmi d'autres, la loi de l'offre et de la demande, la conjoncture du marché immobilier.
Il ajoute que le prix obtenu dans une vente de gré à gré est souvent un prix supérieur à celui d'une vente publique normale car il comprend souvent une valeur de convenance pour l'acquéreur qui a été attendu ou recherché, précisant que cette valeur ne peut fournir qu'une certaine indication de tendance sauf pour des cas bien précis et connus.
L'expert énonce enfin que, dans le cadre de son expertise, il considérera la valeur vénale en vente publique normale à la date du 15 mars 2001.
La cour observe que :
  • la vente litigieuse s'est réalisée de gré à gré ; il n'était dès lors pas logique de retenir la valeur d'une vente publique normale d'autant que celle-ci aboutit à des prix moindres pour deux raisons : celle retenue par l'expert, la vente de gré à gré retient la valeur de convenance dans le chef de l'acquéreur et la seconde qui tient au fait que les frais d'une vente publique étant plus élevés que ceux d'une vente de gré à gré ceux-ci s'imputent sur le prix d'acquisition proprement dit que l'acheteur est prêt à consentir ;
  • l'annexe E de l'expertise reprend les points de comparaison peu sont pertinents.
En effet l'immeuble litigieux était vendu avec une superficie de terres avoisinantes d'une contenance de trois hectares et plus de nonante-cinq ares. Cette surface très étendue participait au charme bucolique et sylvestre de la propriété et donnait tout apaisement aux acquéreurs sur le fait qu'en achetant la maison logée dans pareille superficie ils resteraient à l'abri de tout voisin, regards indiscrets ou autres inconvénients que celui qui cherche à acquérir un bien pareillement situé veut éviter. Il n'est donc pas relevant de prendre comme points de comparaison un immeuble sur une parcelle de douze ares (E9 et E11), un autre sur une parcelle de huit ares (E10), un autre sur une parcelle de cinquante-sept ares (E13), un autre sur une parcelle de onze ares (El 4), un autre sur une parcelle de seize ares (E15), une autre sur une parcelle de vingt-cinq ares (E17), un autre sur une superficie de quarante-trois ares (E18) et un dernier sur une superficie de dix-sept ares (E 19).
Deux propriétés s'étendant sur une superficie plus large ont été retenues par l'expert : une villa à Bertogne avec huit chambres sur une parcelle d'un hectare trente-six ares trente centiares (E12) vendue le 2 janvier 2004 pour le prix de 11.295.172 de francs belges, une maison d'habitation à Wardin (E16) rénovée en 1992 sur une parcelle d'un hectare septante-huit ares septante-six centiares vendue le 10 février 2003 - soit vingt-trois mois après la vente litigieuse - pour le prix de 5.775.000 de francs belges.
L'immeuble litigieux était composé de cuisine, salon, salle à manger, bureau, trois chambres à coucher, salle de bains, trois garages, caves dans un cadre de verdure remarquable par sa taille et sa beauté, objet de la vente également, de plus de trois hectares (soit le triple des deux surfaces visées au paragraphe précédent) et a été vendu pour la somme de 11.250.000 de francs belges le 15 mars 2001.
La méthode choisie par l'expert qui consiste à fixer la valeur de l'immeuble à 6.800.000 de francs belges et à ajouter les terres qui forment ensemble l'assiette du droit de préemption pour arriver à un total de 7.886.398 de francs belges en retenant des prix variables selon la localisation desdites terres est tout à fait artificielle ; cette méthode arrive à un résultat absurde puisque l'immeuble logé dans plus de trois hectares n'aurait que trois cinquièmes de la valeur des bois et des friches. Il convenait de prendre en considération l'offre telle qu'elle était faite : un immeuble dans un vaste écrin de verdure.
En outre, la vente s'étant faite de gré à gré, pour apprécier le montant de celle-ci il fallait tenir compte du marché tel qu'il existait au moment de la vente [1] en ne négligeant pas le poids des acheteurs hollandais qui, subissant l'attrait des Ardennes et des prix immobiliers moins élevés que dans leur pays, font monter l'intersection des courbes d'offre et de demande de sorte que les prix obtenus par les vendeurs peuvent dans un premier temps paraître élevés mais correspondent néanmoins à la réalité du marché.
Il convient, dès lors, de constater qu'il n'est pas démontré que le prix de l'ensemble immobilier faisant l'objet du droit de préemption était en dehors de toute réalité économique de sorte qu'il n'y a pas lieu de chercher à savoir si ce prix est le fruit de manoeuvres frauduleuses entre les parties défenderesses en vue de léser V. H.
Les jugements entrepris seront réformés : la demande de V. H. n'est pas fondée.
Les demandes en garantie manquent dès lors d'objet.
La demande de F. H.
En termes de dispositif F. H. demande laconiquement la condamnation de V. H. à lui payer la somme de 5.000 euros à titre de préjudice subi par sa faute, sans déterminer sa faute ni démontrer le préjudice qui serait le sien - ses frais d'avocat seront compensés par l'octroi de l'indemnité de procédure d'appel telle que visée par la loi du 21 avril 2007.
Sa demande n'est dès lors pas fondée.
La demande de X.
Cette partie impute à V. H. un comportement judiciaire fautif :

« Alors qu'il n'avait manifesté aucun intérêt à la proposition de sa soeur d'adresser à cette dernière une offre pour l'acquisition de la propriété litigieuse, ni répondu au pli recommandé du 15 mars 2001 du concluant contenant offre de préemption, ni contesté l'assiette de ce droit, ni répondu de façon circonstanciée aux premières conclusions communiquées par le conseil du concluant, le demandeur V. H. a accusé ce dernier, officier public et ministériel, de manoeuvres frauduleuses et a déposé plainte contre lui entre les mains d'un juge d'instruction.

» Cette attitude est constitutive d'un comportement fautif ».

Il convient de constater avec X. que V. H. ne s'est pas comporté comme tout homme normalement prudent et diligent, de son âge et de sa condition, en déposant plainte de manière aussi légère contre le notaire X. qui en a subi, à tout le moins, un dommage moral, jusqu'au moment où il a obtenu une ordonnance de non-lieu. Ce dommage sera réparé par l'octroi de la somme de 1.500 euros. ...

Dispositif conforme aux motifs.

Siég. :  Mmes B. Prignon, M.-A. Lange et M. J. Cloes.
Greffier : Mme Y. Germain.
Plaid. : MesFr. Georges, V. Lamal, I. Mathieu et P. Renier.

 


[1] A cet égard, aucune information n'est donnée quant au marché immobilier dans les Ardennes belges au premier trimestre 2001.


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Date(s)

  • Date de publication : 02/12/2011
  • Date de prononcé : 16/03/2009

Référence

Cour d'appel Liège (3 echambre), 16/03/2009, J.L.M.B., 2011/40, p. 1983-1988.

Sommaire

  • Le droit de préemption visé par les articles 48, 50 et 51 de la loi du 4 novembre 1969 sur le bail à ferme permet à celui qui en bénéficie d'acquérir le bien qui en fait l'objet dans les mêmes conditions que celles qui sont offertes par des tiers. Il se déduit de ces dispositions légales que, lorsque le bien loué ne constitue qu'une partie des biens mis en vente, le vendeur qui met en vente l'ensemble des biens ne peut fixer la valeur des biens loués et des biens qui ne sont pas loués d'une manière qui vise à empêcher le preneur d'exercer son droit de préemption.

Branches du droit

  • Droit civil > Contrats spéciaux > Location/louage > Bail à ferme

Éditeur

Larcier

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