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26/01/2011
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Cour d'appel Bruxelles (mises acc.), 26/01/2011


Jurisprudence - Avocat

J.L.M.B. 11/60
Secret professionnel - Avocat - Statut - Droits de la défense - Matières pénales - Correspondances échangées entre un avocat et son client .
Le secret professionnel de l'avocat, règle d'ordre public, couvre les correspondances échangées entre un avocat et son client. Toutefois, cette règle ne s'oppose pas nécessairement à ce que le client, qu'il soit prévenu ou partie civile, produise pour assurer sa défense en justice le courrier échangé avec son conseil, pour autant que cette production soit indispensable au respect de ses droits de défense.
Il ne peut cependant en aller ainsi lorsque les correspondances produites contiennent des propositions confidentielles en vue du règlement amiable du litige, dès lors que le client a été clairement averti du caractère confidentiel des négociations et avait mandaté son conseil pour qu'il y participe.

(A., Z. et Av. / V. )


Vu l'ordonnance rendue le 2 mars 2010 par la chambre du conseil du tribunal de première instance de Bruxelles qui renvoie les trois inculpés visés ci-dessus devant le tribunal correctionnel du même siège du chef des préventions reprises au réquisitoire ci-joint du procureur général, sans faire droit à leur demande visant, en substance, à l'écartement de deux courriers déposés par la partie civile et des procès-verbaux exploitant ceux-ci ; ...
L'inculpé ne peut faire appel des ordonnances de renvoi que dans les cas suivants :
  • s'il soulève une exception d'incompétence dans les conditions de l'article 539 du code d'instruction criminelle ;
  • en cas d'irrégularité, d'omission ou de cause de nullité affectant un acte d'instruction ou l'obtention de la preuve ;
  • en cas d'irrégularité, d'omission ou de cause de nullité relative à l'ordonnance de renvoi ;
  • s'il invoque une cause d'irrecevabilité ou d'extinction de l'action publique.
En règle, dans les deuxième et quatrième cas, l'appel n'est recevable que si le moyen a été invoqué par conclusions écrites devant la chambre du conseil.
En conclusions déposées devant la chambre des mises en accusation, les inculpés sollicitent :
  • en substance, l'écartement de deux lettres remises aux enquêteurs par la partie civile ainsi que la purge des procès-verbaux exploitant lesdites pièces. Les inculpés avaient formulé pareille demande en conclusions déposées devant la chambre du conseil ;
  • de « surseoir à statuer pour le surplus ».
Par ailleurs, l'acte d'appel conjoint des inculpés met également en cause l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a « renvoy(é) les inculpés sub 1 (A.), sub 2 (Z.) et sub 3 (Av.) devant le tribunal correctionnel ».
L'analyse du dossier révèle l'existence d'un litige, ayant donné lieu à diverses procédures judiciaires, entre les inculpés et la partie civile concernant, notamment, la succession de feu S.
Entendue par les enquêteurs de la police fédérale le 23 juillet 2002, 1a partie civile versa au dossier pénal différentes pièces relatives à ce litige dont deux courriers que lui adressa son conseil, maître X, avocat au barreau de ..., les 9 et 30 janvier 2002.
Par la première de ces deux lettres maître X portait à la connaissance de sa cliente que, dans le cadre du litige évoqué ci-dessus, maître Y, conseil de la partie adverse lui avait proposé « par courrier confidentiel du 31 décembre 2001 (...) de le rencontrer pour conférer des perspectives d'un règlement amiable global dans le cadre de ce dossier ».
Par cette même lettre, maître X proposait à sa cliente, l'actuelle partie civile, de la rencontrer le 10 janvier 2002 « « afin que nous puissions en conférer ».
Par la seconde lettre mentionnée ci-dessus, maître X faisait rapport à sa cliente de la réunion qu'il avait eue avec maître Y, le 28 janvier 2002, en détaillant la proposition de règlement amiable que ce dernier lui avait formulée « à titre strictement confidentiel ».
De manière générale, le secret professionnel de l'avocat, règle d'ordre public, s'étend à la correspondance du client à l'avocat et à celle de ce dernier à son client.
Toutefois, ni ce principe ni l'article 458 du code pénal ne s'opposent à ce que le client, personne protégée par ces règles, produise pour assurer sa défense en justice le courrier échangé avec son conseil ; dans ce cas, la sauvegarde du secret doit effectivement céder le pas devant le respect dû aux droits de la défense [1].
Contrairement à ce qu'affirment les inculpés, cette dérogation doit bénéficier tant à l'auteur qu'à la victime présumés d'une infraction, les droits de la défense étant constitués de tout droit résultant d'une disposition de droit écrit ou consacré par les principes généraux du droit, pour toute partie de soutenir ou combattre librement une demande devant une juridiction [2].
Cette dérogation n'implique toutefois pas que le client puisse décider, en toutes circonstances et sans contrôle des cours et tribunaux, de révéler la correspondance de son avocat, couverte, en règle générale, par le secret professionnel.
Ladite dérogation n'est pas applicable au cas d'espèce, puisqu'il résulte en effet du dossier pénal que :
  • par sa lettre du 9 janvier 2002, le conseil de la partie civile a fait part à cette dernière de la proposition confidentielle du conseil des inculpés de le rencontrer en vue d'un règlement amiable du litige ;
  • la partie civile mandata son conseil pour rencontrer le conseil des inculpés dans le cadre d'une négociation dont les deux courriers litigieux attestent qu'elle présentait un caractère manifestement confidentiel ;
  • par sa lettre du 28 janvier 2002, le conseil de la partie civile fit part à sa cliente du résultat de la réunion pour laquelle elle l'avait mandaté en connaissance de cause. Cet avocat transmis de la sorte à sa cliente la proposition formulée « à titre strictement confidentiel par le conseil des inculpés ».
En pareil cas la règle d'ordre public du secret professionnel de l'avocat, s'étendant à la correspondance du client à l'avocat et à celle de ce dernier à son client est seule d'application.
L'usage d'une telle preuve compromettrait en outre, dans ces circonstances, le droit des inculpés à un procès équitable.
Il y a donc lieu, en application de l'article 235bis, paragraphe 6, du code d'instruction criminelle :
  • d'écarter du dossier pénal le procès-verbal 15762/02 de la police fédérale (SJA) en ce qu'il fait référence aux deux courriers mentionnés ci-dessus. A cet effet une copie dudit procès-verbal expurgé en sa suite n° 4 du passage débutant par « A cet effet je vous remets... » et s'achevant par « ... d'aboutir à une inspection fiscale » sera seule maintenue au dossier ;
  • d'écarter du dossier pénal les annexes 5 et 6 audit procès-verbal, étant les deux courriers litigieux ;
  • d'écarter du dossier pénal le procès-verbal 229099/05 du 30 décembre 2005 de la police fédérale (SJA) en ce qu'il fait référence aux deux courriers litigieux. A cet effet une copie dudit procès-verbal expurgé en sa suite n° 42 du passage débutant par « En date du 9 janvier 2002 » et se terminant par « dans le cadre de ce dossier » sera seule maintenue au dossier.
En application de l'article 235bis précité, les originaux non expurgés des deux procès-verbaux incriminés et les copies des deux courriers confidentiels seront toutefois déposés dans un endroit séparé du greffe du tribunal de première instance, après l'expiration du délai de cassation, les inculpés conservant le droit de les utiliser pour étayer leur défense [3].
Les droits de défense des inculpés seront, de la sorte, entièrement respectés dans le cadre des poursuites dont ils font actuellement l'objet.
Il n'y a pas lieu, pour le surplus, de surseoir à statuer, comme le sollicitent les inculpés, la purge et les dépôts dont question ci-avant au greffe du tribunal de première instance devant être pratiquement réalisés, selon le prescrit de l'article 235bis du code d'instruction criminelle, dès l'expiration du délai de cassation.
Enfin, l'appel des inculpés dirigé contre l'ordonnance entreprise en ce qu'elle a « renvoy(é) les inculpés sub 1 (A.), sub 2 (Z.) et sub 3 (Av.) devant le tribunal correctionnel » est, en application des principes théoriques rappelés ci-avant, irrecevable.

Par ces motifs, ...
Dit l'appel des inculpés recevable et,
  • écarte du dossier pénal le procès-verbal 15762/02 de la police fédérale (SJA) en ce qu'il fait référence aux deux courriers mentionnés ci-dessus. A cet effet une copie dudit procès-verbal expurgé en sa suite n° 4 du passage débutant par « A cet effet je vous remets... » et s'achevant par « ... d'aboutir à une inspection fiscale » sera seule maintenue au dossier ;
  • écarte du dossier pénal les annexes 5 et 6 audit procès-verbal ;
  • écarte du dossier pénal le procès-verbal 229099/057 du 30 décembre 2005 de la police fédérale (SJA) en ce qu'il fait référence aux deux courriers litigieux. A cet effet une copie dudit procès-verbal expurgé en sa suite n° 42 du passage débutant par « En date du 9 janvier 2002 ... » et se terminant par « ... dans le cadre de ce dossier » sera seule maintenue au dossier ;
Ordonne que les originaux non expurgés des deux procès-verbaux précités et les annexes 5 et 6 du premier d'entre eux seront déposés dans un endroit séparé du greffe du tribunal de première instance, après l'expiration du délai de cassation. ...
Siég. :  MM. De Ruyver, Mandoux et Sprockeels.
Greffier : M. Corbeels.
M.P. : Mme A. Schmitz.
Plaid. : MesP. Vanderveeren, J. Bornet, S. Brauner et A. Chomé.

 


[1] CJCE, 18 mai 1982, aff. 155/79 ; Cass., 12 novembre 1997, J.L.M.B., 1998, p. 5, et note de R. Rasir ; H.-D. Bosly, D. Vandermeersch, M.-A. Beernaert, Droit de la procédure pénale, 5e édition, 2008, p. 707, 756 et 757, et références citées ; R.P.D.B., compl. tome X, n° 174, 288 et 289.
[2] H.-D. Bosly, D. Vandermeersch, M.-A. Beernaert, Droit de la procédure pénale, 5e édition, 2008, p. 35, et références citées.
[3] H.-D. Bosly, D. Vandermeersch, M.-A. Beernaert, Droit de la procédure pénale, 5e édition, 2008, p. 758.


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  • Le secret professionnel de l'avocat, règle d'ordre public, couvre les correspondances échangées entre un avocat et son client. Toutefois, cette règle ne s'oppose pas nécessairement à ce que le client, qu'il soit prévenu ou partie civile, produise pour assurer sa défense en justice le courrier échangé avec son conseil, pour autant que cette production soit indispensable au respect de ses droits de défense. - Il ne peut cependant en aller ainsi lorsque les correspondances produites contiennent des propositions confidentielles en vue du règlement amiable du litige, dès lors que le client a été clairement averti du caractère confidentiel des négociations et avait mandaté son conseil pour qu'il y participe.

Mots-clés

  • Secret professionnel - Avocat - Statut - Droits de la défense - Matières pénales - Correspondances échangées entre un avocat et son client

Date(s)

  • Date de publication : 04/03/2011
  • Date de prononcé : 26/01/2011

Référence

Cour d'appel Bruxelles (mises acc.), 26/01/2011, J.L.M.B., 2011/9, p. 428-431.

Branches du droit

  • Droit judiciaire > Barreau > Droits et devoirs des avocats > Secret professionnel
  • Droit pénal > Droit pénal - Principes généraux > Droit de la défense

Éditeur

Larcier

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